♫ We will run and scream You will dance with me We'll fulfill our dreams and we'll be free | Kyo, aujourd’hui, elle ressentait un mal-être qui lui sembler pulser dans ses veines, suer à travers ses portes. Ce malaise lui donnait l’impression que tout le monde savait. Elle faisait quelque chose de mal, de contre-nature; quel était donc le supplice qu’on lui réserverait? Mais elle n’aurait pu l’expliquer facilement -c’était comme ça, c’est tout. Comprenez; elle et lui avaient un système. C’était tout ordonné, des vêtements aux hobbies, de la tonalité de leurs paroles au vocabulaire en passant par le langage corporel. Certes, ils n’étaient pas deux personnes différentes, et ils avaient leurs points en commun, comme leur passion pour l’art et, au fond, leur petite naïveté due à des années d’école à la maison qui ne lui permirent pas d’évoluer, socialement, auprès de ses pairs. Une chose à laquelle elle avait remédié quelques mois plus tôt, à la rentrée des classes à l’université de Nemerya. Certes, Kyo n’était pas étudiante, mais ça ne l’a pas empêché de se faufiler dans les soirées étudiantes ici et là, puisque l’accès au campus n’est pas régulé. Elle s’était imprégnée de l’énergie de ses comparses, des discussions et de leurs préoccupations, aussi. Et puis elle l’avait rencontrée; véritable soleil ambulant s’il en était un (extérieurement, ne tout cas. Si Kyo pouvait être observatrice, elle avait du mal à percevoir, parfois, les reliefs factifs du masque que les gens se mettent. Et pourtant, elle devrait savoir -elle en a l’habitude). Kyo ne savait rien de son passé tragique, seulement les sourire et l’énergie qu’elle projette, et ça, ça fascine Kyo. Alors de soirée en soirée, leur rencontre est devenue habitude. Puis il y a eu les numéros échangés; les petites conversations emballées. Toutes deux avaient des secrets qu’elles gardaient à l’autre, même si l’on peut croire qu’une et l’autre n’en appréciait pas moins la deuxième. C’était comme ça; Kyo ne parlais pas de son genre, Mara ne parlait pas de son traumatisme, de sa blessure. On peut se demander; comment former une réelle amitié avec autant de non-dits? Et pourtant c’était peut-être mieux comme ça; elles n’avançaient pas avec le crainte du jugement de l’autre, après tout, et cette petite libération devait faire toute la différence. Ce malaise d’être, donc -quel en était la source? Et bien voilà; Mara la connaissait comme une femme, et à vrai dire à ses côtés Kyo se sentait femme. C’était peut-être là l’artifice de l’habitude, et à vrai dire cette distinction allait bien arriver un jour. Quand on vit sa vie comme deux personnes différentes, un jour il y aura sans aucun doute des croisements entre les deux fréquentations. Qu’arriverait-il si quelqu’un voyait Kyo sous ses deux formes? (Ah; dit comme ça, on croirait parler d’un pokémon, pas vrai? La jeune femme aurait voulu, parfois, être un Métamorphe, c’est vrai, ou alors un Morpheo.) Recommençons du début. Kyo voulait faire quelque chose avec Mara. Quelque chose d’excitant, de nouveau (pour Mara plus que pour elle); tout simplement, Mara mettait de la vie dans sa vie, et Kyo voulait faire quelque chose pour elle, rien que pour elle. Pour lui témoigner vraiment ce qu’elle ressentait, ce que leur amitié représentait. Et comprenez; Kyo, quand elle veut s’exprimer, elle passe par son art. Elle voulait peindre quelque chose pour Mara, quelque chose d’aussi grandiose qu’elle, si elle le pouvait en tout cas. Quelque chose qui peut-être pourrait la toucher. Kyo ne savait pas si elle en avait la capacité, mais elle voulait essayer! Alors elle avait pour l’occasion acheté, sous le couvert de sa masculinité, des canettes de peinture pour grapher quelque chose. Elle ne savait pas quoi, encore. Mais toutes ses canettes étaient des nuances de blanc, de noir, de gris (surtout de gris, logiquement). Même de la peinture métallique, pour l’effet de finition. Elle avait tout mis ça dans son sac à bandoulière -quelle terrible idée, un sa avec une fermeture éclair aurait été mieux-. Voilà; son malaise, c’était qu’elle voulait emmener Mara dans une aventure typiquement masculine (dans sa perception de la chose), mais qu’elle se devait être femme auprès d’elle. Kyo n’avait pas l’habitude de remettre en question al séparation du genre et comprenez, cette séparation est toute imaginée, autant pour Kyo que pour les autres. Il y a autant de manières d’être son genre que d’êtres humains, et c’est parfait comme ça. Aujourd’hui, Kyo avait changé un peu ses vêtements pour quelque chose de plus confortable et manœuvrable (surtout). Elle portait un Komon, un type de kimono aux manches plus courtes qu’un Furisode et dans les motifs se répètent sur toute la hauteur du kimono -autant dire que c’est une version moins fancy et plus usuel d’un kimono. Celui-ci était tout de même d’un vert émeraude qui s’harmonisait très bien avec les yeux de la jeune femme -pas que Mara puisse en constater, évidemment, mais Kyo aimait s’accorder cette coquetterie-, et parsemé de délicats motifs de shibori qui se répétaient telle la pluie qui tombait. Son obi était d’une couleur crème délicate, qui venait se poser avec douceur contre la couleur éclatante de son kimono. Les accessoires, eux, étaient d’un orange brûlé qui venait harmoniser le tout ensemble. Le gros du changement n’était pas là; non, c’était qu’elle portait un hakama couleur pin, qui lui permettait une plus grande aisance de mouvement, et que ses habituels geta avaient été troquées pour de mignonnes petites bottes noire qui s’arrêtaient tout juste au-dessus de sa cheville. Elle avait également apporté avec elle un long bout de tissus qui lui permettrait plus tard, lors de son méfait, d’attacher solidement ses manches pour les retrousser afin qu’elles ne l’embêtent pas lorsqu’elle serait en train de peindre. Sortant de l’autobus qui l’avait mené vers le centre-ville de Nemerya, Kyo regarda des deux côtés de la rue avant de sortir son téléphone pour envoyer un petit texto à Mara, pour lui indiquer qu’elle s’était bien rendue au point de rendez-vous. Un petit son non loin d’elle lui indiqua qu’elle était déjà arrivée -tout de suite, Kyo se mis à chercher Mara à la lumière des lampadaires, la trouvant dans l’abris-bus au coin de la rue. Un large sourire se dessina sur ses lèvres, et des ailes lui poussèrent alors qu’elle se dirigea vers sa nouvelle amie, s’arrêtant devant elle pour faire un pivote gracieux de 360 degrés. « Qu’est-ce que tu en penses? Pas mal hein la tenue? » Elle rit. Son rire est franc, doux; cette Kyo là n’ose pas rire assez fort pour réveiller les voisins, elle. Elle fait la belle, elle fait la comique, elle fait l’extravagante, même; mais tout ça est empringné d’une douceur qui peut paraitre déconcertante, d’une retenue toute calculée. Elle replace une mèche de ses cheveux du bout des doigts, avant d’ajouter; « Tu n’as pas attendue trop longtemps, j’espère? Le transport jusqu’ici était bien? » Mille et une question sur ses lèvres, et pourtant celle que son corps disait, c’était; Et mon câlin, j’y ai droit? Et oui, Kyo, malgré ses maniérismes de retenue, restait une personne affectueuse et très tactile. Mais malgré son envie de se pendre au cou de Mara, elle n’en faisait rien; attendait qu’elle fasse les premiers pas, parce que de toute manière elle ne l’aurait pas fait sans son consentement. Elle n’osait demander, par pure peur qu’on le lui refuse, ce qui serait perçu comme un rejet de sa personne toute entière. C’était pas rationnel, mais c’était comme ça. Elle préférait laisser tout en suspens, s’accrocher aux lèvres de Mara et voir ce qu’elle en pensait. |