Le soleil, les tournesols. J’avais l’habitude de venir me ressourcer dans cet endroit maintenant. Mon frère m’y attendait. Il avait quelque chose à me dire. Encore une fois, il avait préféré le faire dans un endroit de notre enfance. Soi-disant notre enfance. Car de mon côté, je n’avais aucun souvenir d’avoir vécu à Lumiris. Peut-être qu’il était juste devenu fou. Ou alors, qu’il était atteint d’une maladie. Notre père avait bien contracté quelque chose en vingt ans, pourquoi pas lui ? Enfin, là n’était pas la question. Il était venu me chercher, sur sa bécane ronronnant. On faisait le voyage ensemble. Et Machopeur était forcé de rester dans sa Pokéball. Je lui demandais d’aller plus vite, histoire qu’on discute et que je sois rentrée pour ce soir. J’avais à faire. Une soirée, un concert. Cela allait très vite maintenant. La notoriété pointait à nouveau le bout de son nez. Mais les gens d’ici étaient bien moins des rustres et des sauvages qu’à Kalos. Peut-être parce que tout semblait plus naturel ici. Sauf Artiesta. Et les villes électriques…

On arrivait au milieu des tournesols, et il y déposait une couverture sombre. Il sortait de quoi casser la croûte, avant d’entamer une discussion.

- Alors, toujours pas de petit ami ?

Je répondais négativement. Il semblait s’inquiéter pour ma situation amoureuse. Mais il ne me connaissait pas vraiment. Enfin, c’est ce que j’espérais.

- Et toi alors, t’as pas une autre fille à emmerder ? Jake, tu m’inquiètes. T’es souvent seul, et avec tes recherches étranges, je ne sais plus quoi penser de toi. Je ne veux pas modifier le passé. Et faire appel à Dialga… C’est de la folie. On ne capture pas un dieu, comme on capture un pauvre Chenipan. D’autant plus qu’il est libre de te réduire en miette.

- Ce n’est pas ça que je voulais dire. Je suis sur le point de faire une découverte capitale pour le monde, ma chère. Et si tu n’arrives pas à être heureuse dans cette dimension, peut-être que tu pourrais l’être dans une autre ?

Attends, il avait changé ses projets ? Où cela avait-il toujours un lien avec les sauts temporels ? Peut-être. J’attrapais de quoi me faire une petite tartine avant de croquer dedans. La marmelade aux baies Framby était un régale. J’avais emmené toute ma bande de gaie luron. Y compris la petite nouvelle. Une Zorua, que j’ai retrouvé sur le pas de ma porte. Il n’y avait pas de mot, pas de message. J’ai décidé de l’adopter depuis qu’elle vient à gratter toute les nuits. Une adorable créature. En apparence. Elle était encore jeune, qui sait de quoi elle sera capable plus tard.

Je commençais à ne pas me sentir bien. Je venais de finir de manger, et ma tête se mit à tourner. Tout se troublait. Et mon frère arborait un sourire malsain. Qu’est ce qu’il m’avait fait ? Je me laissais aller et m’allongeait sur la couverture. Il se mit près de moi avant de me souffler quelques mots.

- Tu vas aller voir une autre dimension ma chère. Tu me diras ce que tu en as pensé.

Je ne comprenais rien à ce qu’il m’avait dit. Une autre dimension ? Jake, jusqu’où es-tu allé ? Qu’as-tu fais ? Fumier… Je me sentais partir. Les tournesols s’étaient mis à danser autour de moi. Tout devenait plus sombre. Plus grand. Un Poichigeon venait de se poser devant moi, enfin, j’osais espérer que c’en était un. Il avait une tête vraiment étrange. Et il n’était pas tout petit aussi. A vrai dire, je l’ai même confondu avec un Furaiglon. Mais ça n’avait pas la tête comme ça un Furaiglon. C’était bien plus gros. Bien plus imposant. Et surtout, ça n’avait pas un regard un peu idiot. Alors je me laissais tomber. Mes yeux s’étaient fermés. Et je venais d’être transporté dans un endroit tellement noir, que je n’aurais pas pu dire où j’étais. J’entendais juste des rires malsains, des paroles incompréhensibles. Je ne pensais pas que mon frère aurait été capable de faire une chose pareille. Il venait de me droguer ? Et puis, finalement. La lumière était revenue. J’étais dans une grande bâtisse, avec trois personnes. Un petit garçon, une femme enceinte et un homme. Le visage de cet homme était brouillé. Je ne le reconnaissais pas. En revanche, la femme enceinte était ma mère. J’entendais le petit garçon lui dire quelque chose.

- Elle arrive quand maman ? Je veux la voir !

Et puis, la jeune femme ne lui répondait pas. Dans le fond de la salle, une peinture. Avec trois divinités. Ce n’était pas celles de Kalos. Mais bien celles que mon frère recherchait. Dialga, Palkia et Giratina. Il voulait surtout s’accaparer le pouvoir des deux premières. J’approchais alors du tableau, entendant une voix étrange. Effrayante.

- Les hommes ne devraient pas chercher ce genre de pouvoir. Tu ne sais pas dans quoi tu as mis les pieds.

Une ombre naissante, gigantesque, apparaissait devant moi. Dialga, en personne. Il était vraiment imposant. Mais ce n’était qu’une hallucination. Je le savais. Dialga ne se permettrait pas de prendre du temps pour venir voir une humaine qui n’a rien à lui demander.

Ce que je venais de voir ne pouvait pas être réel. Absolument pas. J’étais complètement entrain de rêver. N’est-ce pas ? Quelqu’un pouvait-il m’affirmer que je rêvais ? Dialga, le passé, je commençais à ne pas être rassurée. Mon frère n’avait pas pu réussir à faire ce fameux retour dans le temps. Il m’avait fait quelque chose, mais je ne savais toujours pas quoi. J’essayais de m’extirper de ce rêve qui semblait être un cauchemar. Je n’arrivais pas à réfléchir, à comprendre, à agir, à faire comme si j’étais éveillée. Parce qu’au fond de moi, je savais que je ne l’étais pas.

- Les hommes ne devraient pas chercher les divinités. Vous n’êtes que de misérables insectes. Dis-le, répète-le, et ne remets plus jamais les pieds ici.

Une lumière qui disparaissait et une forte douleur à la poitrine. Je venais de me prendre un choc électrique et cela m’avait extirpé du pseudo sommeil. La vision trouble, mal à l’estomac et un teint plus pâle que jamais. Mon frère était au dessus de moi, regardant mes yeux s’ouvrir petit à petit. Il arborait toujours fièrement ce sourire. C’était malsain. Je ne savais pas quoi penser de ce qu’il m’avait fait. Il était assis, à côté de moi et m’aidait à me redresser. Il regardait l’horizon, comme s’il attendait que quelque chose apparaisse. Mais il n’y avait rien. Mis à part le petit Pokémon électrique qui m’avait mis une châtaigne.

- Alors ? Ce n’était pas un voyage magnifique ma chère ? Je suis certaine que tu as vu Dialga. N’est-ce pas ?

Comment avait-il deviné ? Avait-il expérimenté sa propre nourriture ? D’ailleurs, je me demandais toujours ce qu’il avait bien pu mettre le dedans. Je ne parlais pas, ayant la bouche trop sèche pour cela. Et puis, je n’avais pas envie de lui adresser la parole. Le petit Elekid ne se sentait pas à sa place ici. Surtout que Klaus n’avait pas vraiment envie de le laisser s’approcher, et commençait même à approcher violemment de mon frère. Je levais le bras pour l’empêcher de faire une connerie qu’on pourrait tous regretter. Et je me tournais vers lui, afin de lui parler, finalement.

- Qu’est ce que c’était ?

Lui demandais-je en regardant la nourriture.

Il regardait le plat qu’il m’avait préparé. Le sien était différent. Pas la même consistance, pas la même couleur. Il y avait bien quelque chose qui clochait. Et alors, il se posait face à moi, comme un père prenant position face à son fils afin d’expliquer des choses importantes. Sur le moment, je ne comprenais pas grand-chose. Et puis, il fit des signes simples avant de s’exprimer correctement.

- En réalité, les tournesols ne sont pas que des plantes apaisantes, et reposantes. Elles me servent aussi à créer une drogue, celle que tu as ingérée aujourd’hui et qui t’as transporté. C’est une des phases qui va me permettre de ramener Dialga dans notre dimension, car dans celle-ci, il apparaît constamment. Ce ne peut-être qu’une coïncidence.

Personnellement, je ne pensais pas que c’était le vrai Dialga. Il ne pouvait pas prendre du temps pour de simples humains. Ce n’était carrément pas possible. Je n’y croyais tout bonnement pas. Alors je laissais mon frère dans son délire. Il s’approchait alors de quelques spores, qui dévoilaient alors un petit Chlorobulle. Il sortait une Pokéball et laissait sortir son Tortank. Il comptait vraiment écraser la pauvre créature sauvage avec ça ? Et quelques instants plus tard, voilà qu’elle gigotait dans une sphère bicolore.

- Voilà qui devrait me servir plus tard.

Disait-il de sa voix sombre. Il revenait vers moi avant de grimper sur sa moto. Il me faisait signe, Machopeur avançait et me poussait doucement. Ma vision n’était pas spécifiquement revenue, alors j’avançais doucement. Délicatement. Faisant attention à où je mettais les pieds. Une fois arrivée, Klaus me portait pour me faire grimper sur la bécane avant de disparaître dans sa Pokéball. Mon frère me ramenait à la maison, et je sens qu’il allait squatter un moment avant de repartir. Peut-être qu’il s’en voulait d’avoir fait ce genre d’acte sur sa propre sœur. Il avait tenté un vieux mélange de drogue à base des tournesols afin de me faire voir des choses. Mais il avait tout faux. Je n’avais pas la même optique que lui, et vivre dans ce monde ne me dérange pas. En tout cas, je n’avais aucunement envie de retourner dans le passé. Ce n’était pas mon but. Mais allait-il simplement le comprendre ?