Un petit pot de crème glacée à la main, Takeo traînassait sur un banc, contemplant la mer, une expression indéchiffrable sur les lèvres. Ses yeux, dissimulés derrière d’épais verres noirs et opaques, étaient perdus dans le vide. Il porta la cuillère à sa bouche, et savoura le goût froid et fruité de sa glace, sentant le sucre lui monter au cerveau. Il avait besoin de faire tourner ses méninges, de nombreuses choses le préoccupaient. Son arrivée à Lumiris remontait à environ une semaine, et beaucoup de chose était entrée en jeu depuis. Il avait fait quelques rencontres réellement importantes, notamment par le biais de son indicateur. Il n’était cependant pas sûr de la marche à suivre à présent. Cette Mademoiselle Snyder… Il ne l’avait pas imaginé avant de la rencontrer, mais elle était peut-être plus intéressante et plus dangereuse qu’elle ne le laissait supposer. Les mondes obscures de la science étaient remplis de personnes capable de tout et n’importe quoi pour atteindre leur but. Takeo en faisait parti. Ses objectifs étaient bien précis, il ne supporterait pas de se faire doubler. Un sourire se dessina subtilement sur ses lèvres, alors qu’il avalait une nouvelle cuillère de crème glacée. Pourquoi dire non à un petit défi ? Il avait voulu prendre son temps en découvrant cette région, mais finalement, il allait peut-être devoir accélérer la cadence.

Le chercheur se redressa, jeta son pot entamé dans une poubelle, et passa une main distraite dans ses cheveux, tout en contemplant les alentours. Sa chemise entre ouverte et ses lunettes de soleil lui donnait l’allure d’un banal touriste, ce qui lui convenait parfaitement. Il avait laissé sa cravate dans son sac, estimant qu’il était temps de laisser son look de chic type d’Unionpolis au placard. La vie universitaire était bien loin derrière lui à présent. Les litres de café, les conférences, les échanges de documents confidentiels entre deux classes… Une belle époque, mais bien peu excitante par rapport à ce qui l’avait attendu, par la suite. Les filles de la fac étaient pas mal, voilà bien une chose qui lui manquait. Le jeune homme haussa les épaules, et s’éloigna de son banc. Plus loin, un ferry venant d’une destination inconnue accostait. Il y allait encore avoir de l’agitation, et Takeo aimait bien cela. La foule, l’agitation, les mouvements de masse, c’était exactement ce dont il avait besoin pour réfléchir un peu sereinement.

Il arriva rapidement sur le port, et admira les allers et venus des nouveaux arrivants. Touristes, hommes et femmes d’affaires, familles… Pourquoi venaient-ils tous s’agglutiner à Lumiris ? Pourquoi cette région attirait-elle tant l’attention ? Takeo avait espéré y trouver un havre de paix pour travailler tranquillement, mais il craignait toujours qu’à l’angle d’une rue, au détour d’un magasin, les ombres de son passés ne l’aient suivis. De quoi avait-il peur ? Toute trace de son appartenance à la Team Galaxie avait été effacée, il s’en était lui-même occupé. La police ne l’avait pas interrogé, tous le monde l’avait oublié, Hélio était probablement mort. Quoique, les supers vilains avaient une fâcheuse tendance à s’en sortir, dans les séries télé. Ce barjot était-il toujours en vie, errant quelque part ? Une petite voix en lui soufflait que oui, qu’un génie comme lui n’avait pas pu disparaître comme ça. Pourtant Hélio avait eu tord. Il avait voulu remodeler le monde à son image, en faire un endroit parfait pour lui. Pourquoi tant d’effort, alors qu’il suffisait de remodeler les humains pour les rendre parfait ?

Un nouveau sourire rêveur se dessina tranquillement sur les lèvres du scientifique. Bras croisés, il se tenait sur les quais, comme s’il attendait quelqu’un sortant de ce navire. Autour de lui, aucune trace d’un ancien sbire de l’organisation criminelle, aucune trace d’Hélio, ou de ses lieutenants. Juste cette foule, joyeuse et enthousiaste, qui s’apprêtait à découvrir cette magnifique région pleine de mystère. Takeo s’apprêtait à faire demi-tour, lorsqu’il croisa le regard d’une ravissante demoiselle, qui semblait lui foncer droit dessus. Il s’immobilisa, surpris, mais sans dissimuler son intérêt. Tiens, la journée allait s’avérer plus intéressante que prévu…

- Excusez-moi... ? ... Bonjour ~ Je m'appelle Alma, et je viens tout juste d'arriver dans la région. Pardonnez-moi de vous déranger pour ça, mais j'aimerais savoir si vous pourriez m'indiquer l'office la plus proche où je pourrai m'informer à propos de la région et des environs... ? Ou si vous préférez jouer ce rôle vous-même, qui sait ?

Le chercheur baissa les yeux, remarquant la présence d’un petit Stalgamin, au pied de la demoiselle. Cette dernière, vêtu d’une robe qui mettait parfaitement en avant ses formes charnues, possédait un regard d’une clarté surprenante. Plutôt content de cette rencontre fortuite, Takeo tendit la main pour se présenter dans les formes, un sourire chaleureux aux lèvres.

- Enchanté Alma, je m’appelle Takeo. Je ne suis pas guide touristique, mais je me ferai un plaisir de vous présenter Lumiris du mieux que je le pourrai. Mais pour commencer… Bienvenue !

Il ria doucement, et remonta ses lunettes de soleil pour les disposer sur son crâne. D’un signe du bras, il incita la jeune femme à le suivre, l’éloignant un peu de la foule que le bateau avait créé. Le scientifique n’avait pas spécialement envie de se faire bousculer. Tandis qu’ils prenaient des distances, le garçon poursuivit tranquillement, se mettant sans difficulté dans son rôle de guide, aimable et accueillant :

- Voici Port-Corail, ville portuaire éminente où il fait bon vivre. Je vous conseille les glaces de Chez Gino, elles sont delizioso !

Il s’arrêta, venant d’arriver à la bordure de la ville. Plus loin s’étendait la plage, dont le sable fin incitait à venir s’y étendre paresseusement. Il déploya son bras vers les embruns et déclara d’un ton faussement important.

- Et pour vous prélasser, Madame, la plage.

Il lui offrit un clin d’oeil espiègle, et se tourna vers la mer. Takeo n’était pas du genre poète ou rêveur, les eaux profondes l’intéressaient pour bien d’autres raisons. Il se garda cependant de les dévoiler. Il fallait garder une part de mystère, après tout. N’est-ce pas ?