Artiesta. C'est la ville dans laquelle Sirius avait été envoyé par le Professeur Baobab dés son arrivée à Lumiris. Il a donc roulé à pleine balle à travers les routes du sud de la région toute l'après-midi en marquant le moins d'arrêts possibles. Le comble pour un flic, il a dû griller quelques feux en route ; mais qu'importe, il voulait juste se pieuter pour se reposer un peu tant qu'il en avait le temps. D'après les instructions de Beladonis, le coin était calme, mais plus pour longtemps. La Team Mistral, la raison première de son transfert à Lumiris, n'allait pas tarder à occuper ses journées. Sur leurs agissements, il n'en savait que très peu. Tout ce qu'on lui a expliqué, c'est qu'ils étaient chiants au possible et pas très subtils. Un peu de calme avant ce shitstorm, c'était du pain béni pour lui.

Lorsqu'il est arrivé à l'entrée de la ville, il n'a pas eu besoin d'un panneau pour deviner qu'il était à bon port. Les lumières dansaient dans le ciel, des bâtiments aux formes saugrenues étaient dispersés comme si le service de l'urbanisme avait tapé un Monopoly ; il n'y avait qu'un coin pareil pour héberger Sirius.
Au moins, je risque pas de m'ennuyer pendant mon temps libre, a-t-il pensé, à juste titre. Vu l'allure du patelin, qui ressemblait à Méanville en vingt fois plus grand, il n'en aura pas fait le tour de sitôt.

Un coup d'accélérateur plus tard, le voilà arrivé dans un parc - magnifique, il faut le dire - où une poignée de gens s'étaient rassemblés. Jugeant l'endroit opportun pour s'y garer et prendre un break, Sirius s'y est arrêté. Agartha, son Polichombr, s'est immédiatement extirpé du guidon de la moto de son dresseur pour voleter gaiement vers les lumières de la fontaine qui ornait le centre de la place. Pendant ce temps, l'agent déballait son casse-dalle.

C'était sans compter sur l'arrivée d'une bande de types un peu bruyants, attirés par un duo de filles qui prenaient des photos. Tout autour de la fontaine, d'autres personnes faisaient pareil. C'est sûrement un coin typique pour leurs réunions de photographes amateurs, mais... Son regard se porta sur le groupe qui approchait des deux filles, qui grandissait d'ailleurs de plus en plus.






Un sourcil levé, le flic dérangé pendant son gueuleton frugal s'est à son tour approché de la masse en indiquant d'un coup d'oeil à son Pokémon qu'il ferait bien de surveiller leur bécane. Plus il s'approchait, plus il entendait de choses qui lui faisaient littéralement siffler les oreilles. Des "Mate son boule" par ci, des vioques sans doute déjà mariés qui s'extasiaient à grands coups de "Je suis votre plus grand fan !" par là. Ce genre d'ignominies, disséminées dans une grande majorité de vrais fans à n'en pas douter. Mais ce genre de gros lourds, c'était tout ce qu'il fallait pour lui faire tirer la gueule.

Dépassant de la foule d'une bonne tête, Sirius s'intéressa de plus près aux deux héroïnes de la soirée. À quelques reprises, elles échangeaient leurs rôles pour prendre la pose et essayer de nouvelles tenues. Mais ça, il n'en avait rien à fiche, Sirius. La mode ? On peut dire que ça lui parlait pas. Avec son blouson en cuir poussiéreux et sa tête décoiffée par le casque de sa bécane, ça se voyait qu'il n'y touchait pas sa bille.

Pendant un instant, il croisa le regard d'une des deux miss. Dans les vapes pendant quelques secondes, il réalisa qu'elle le fixait avec un cran de retard. Ce à quoi il ne trouva rien de mieux à dire que...




Je vous l'accorde, c'était très fin. Dire ça à une photographe, c'était sans doute la chose la plus débile et intelligente à la fois. D'ailleurs, quelques gars en ont profité pour se marrer de la gueule du génie de l'humour qu'est Sirius. Un regard véner plus tard, ils avaient fini de se poiler. Ceci étant fait, le grand blondinet s'est frayé un chemin à travers la foule pour approcher des deux artistes.




Avec son sandwiche à moitié entamé, Sirius commença à pointer quelques gars dans l'assistance.




Coup de croc dans le sandwiche. Les relous qui avaient été affichés en profitèrent pour s'éclipser honteusement sous le regard de la majorité de gars sains de l'audience.




Qu'allait-elle penser de l'intervention de Sirius pendant sa magnifique soirée, un type qu'elle ne connaissait ni d'Éve ni d'Adam ? Un gars qui venait de plomber l'ambiance, qui plus est à coup de sandwiche jambon beurre. Littéralement.

Le quiproquo s'était très vite transformé en situation embarrassante pour Sirius. Poser pour un concours de photographes amateurs ? Il en avait fait des choses dans sa vie, mais il ne s'était jamais imaginé un jour qu'il jouerait aux modèles occasionnels.




Alors qu'il s'apprêtait à décliner l'invitation de la jeune femme, le jeune homme avait ressenti la corne de son Polichombr lui piquer le dos. Le petit spectre s'était rapproché en douce, et le fixait avec l'air qu'on attribuerait en général à une mère fâchée sur son petit.




Hochement de tête. Le Pokémon était catégorique, et n'allait pas laisser passer cette occasion de voir son ami se ridiculiser - ou s'illustrer - devant tant de monde. La relation du duo étant ce qu'elle était, Sirius émit un soupir d'exaspération avant de s'avancer sous le "feu des projecteurs", au pied de la fontaine.




Après s'être présenté, le grand gaillard s'est introduit dans l'une des cabines libres qu'ils avaient installées sur la place dans le cadre de leur petit événement. Pendant qu'il se changeait, Agartha effectuait des allers et retours réguliers entre la moto de Sirius et la cabine pour lui apporter des habits à lui.

Quelques instants plus tard, il refit surface, changé et un peu mieux coiffé. Ses nouveaux habits, plus propres bien qu'un peu froissés, étaient un peu plus dans le thème de leur shooting ; urbains, simples et naturels. Il s'est ainsi installé juste devant la fontaine, sa veste sur l'épaule. L'air un peu contrarié, il observa la jeune photographe.




La séance pouvait débuter. Volontairement, l'agent avait fait abstraction du petit public autour de lui ; même s'il n'était pas du genre timide, il allait avoir du mal à remplir sa part du contrat s'il se sentait trop observé.

Qui l'aurait cru ? Finalement, c'était pas si dur que ça d'être un modèle. À peine arrivé à Lumiris que Sirius commençait déjà à devenir famous. Du moins, c'était dans sa tête. Au début, il était un peu tendu et gêné de prendre la pose en suivant les instructions d'une parfaite inconnue. Après quelques prises, il était déjà plus rassuré ; sans parler des quelques filles qui s'étaient approchées pour regarder. Simplet qu'il était, il pensait les avoir charmées. Elles étaient probablement venues voir les photos de leur concurrente, toutefois.




La Polichombr ne se fit pas prier pour autant et se mit elle aussi à poser aux côtés de son dresseur-mannequin improvisé. Elle voletait autour de lui, s'arrêtait pour une photo puis recommençait ses petits tours. Ses yeux colorés et psychédéliques s'accordaient avec les lumières de la place et celles projetées tout autour de la fontaine. Avec le ciel nocturne, ça donnait un effet pas si dégueulasse que ça. Passivement, elle aidait Sirius à se concentrer sur l'objectif en aspirant sa tension dans sa petite corne - une capacité fort utile de l'espèce d'Agartha qu'il ne cessera jamais de vanter.



Après une autre série de clichés, Sirius prit une petite pause. Assis sur le rebord de la fontaine avec sa gourde dans une main et son sandwiche entamé dans l'autre, il observait le paysage de la ville extravagante tout autour de lui. Ce coin, ça allait être son nouveau terrain de chasse. Son appart l'attendait dans un coin un peu plus calme, et il était déjà convoqué au commissariat pour prendre contact avec ses collègues occasionnels. Pris dans ses pensées, il fit abstraction de ce qu'il se passait autour de lui, avant de refaire surface quelques instants plus tard.




Après un petit soupir - qui signifiait probablement "j'suis trop vieux pour ces conneries", alors qu'il est dans la fleur de l'âge - l'agent s'est relevé, prêt à reprendre la séance photo.