Entendre la jeune femme accepter l'invitation fit sourire Auguste. C'était une excellente nouvelle. L'après-midi était belle alors s'il pouvait la passer en agréable compagnie, il était preneur. La passer seul ne l'aurait pas déranger car il aurait toujours trouvé quelque chose à faire pour s'occuper – vu les récents événements, il avait fort à faire pour remettre de l'ordre dans sa vie – mais, à choisir, il optait volontiers pour faire un brin de discussion. Si Jenny et lui avaient un caractère très différent, il n'avait pas besoin de la connaître pour le deviner. Néanmoins, cela n'avait jamais empêché qui que ce soit de profiter d'une tasse de thé.

« Super. Il y en a un auquel je m'arrête de temps en temps, à deux pas d'ici. »

Il ouvrir la marche en faisant signe à la coordinatrice de lui emboîter le pas. Inutile de prendre la voiture car, comme il l'avait mentionné, le salon de thé était tout près de là où ils étaient. Ils n'eurent qu'à traverser deux petites rues pour s'y rendre. Il se trouvèrent devant l'entrée en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire.

« On y est. » dit-il en lui ouvrant la porte afin qu'elle puisse entrer.

L'établissement était simple mais accueillant et le charme rustique propre à Kishika y transpirait. Somme toute, c'était le genre d'endroit tranquille qu'affectionnait tout particulièrement le Pulsar et même en mettant l'ambiance de côté, ce lieu valait le détour juste pour le thé qu'il proposait. Auguste prit donc place à une table, laissant Jenny s'asseoir en face de lui. Laporeille, assise sur son épaule durant tous le trajet, prit place sur les genoux de son dresseur où elle se tint tranquille, étonnamment.

« C'est drôle, maintenant que j'y pense : lorsque j'ai rencontré Lise Gray – une autre coordinatrice – je l'ai emmenée ici également. »

Cela remontait à il y a plusieurs mois mais en effet, c'était bien à Kishika qu'il avait croisé Lise pour la première fois. Elle était encore rousse, à cette époque-là, et elle courait après un Blizzi. La raison pour laquelle ce Pokémon était ici était toujours un mystère mais elle avait fini par le capturer et aujourd'hui il était un beau et puissant Blizzaroi capable de méga-évoluer lorsque la situation l'exigeait. Une rencontre un peu hasardeuse qui avait débouché sur une amitié et quelques soirées mouvementées.

Valkyrie était maintenant assise sur les genoux du Champion. Inhabituellement sage, celle-ci demeurait sous l'oeil vigilant de son dreseur qui s'attendait à la voir faire une bêtise d'un instant à l'autre. D'un autre côté, elle savait que lorsqu'il se rendait dans se genre d'endroit, elle avait quelquefois droit à une friandise à condition de rester calme. Après tous les biscuits qu'elle venait d'avaler, elle avait encore la foi de manger quelque chose ?

« Bonjour. » répondit-il au serveur lorsque celui-ci s'approcha d'eux pour prendre leur commande, « Un thé au Jasmin pour moi et un macaron à la framboise, s'il vous plaît. Et pour toi, Jenny ? »

Ainsi elle connaissait Lise Gray de manière personnelle. Qu’elle sache qui elle est n’était guère étonnant étant donné la réputation de la Championne Fée mais il s’avérait que les deux femmes étaient des amies. Elles s’étaient visiblement affrontées lors de leur rencontre – drôle de manière de se saluer – et leur petit duel s’était terminé sur une victoire de Jenny, chose dont elle ne semblait pas peu fière. Vaincre Lise en combat était une prouesse en soi, il l’admettait, car la coordinatrice avait des Pokémons capables de se révéler très embêtants. Elle et lui s’étaient à tour de rôle défiés dans leur arène respective et les deux étaient sortis de là avec une victoire à leur actif. Pour les départager, peut-être qu’un autre duel devrait être organisé, où cette fois chacun pourrait utiliser l’équipe de son choix. Ce n’était cependant pas une priorité dans les projets du Pulsar car pour le moment, il avait d’autres choses bien plus importantes à faire.

Elle passa ensuite commande auprès du serveur lorsque ce dernier vint à leur table. Six cookies, quand même. C’était à se demander comment elle allait faire pour manger tout cela mais il s’abstint de tout commentaire à ce sujet. Tout comme il évita de dire quoi que ce soit au sujet du décolleté qu’elle aurait souhaité plus important. Ce genre de réflexion le fit quand même battre des cils de surprise, le tout suivi d’un sourire qui ne se communiqua pas à ses yeux. Il était personnellement satisfait du décolleté actuel car, au moins, il pouvait regarder son interlocutrice droit dans les yeux quand il parlait. Cela n’aurait peut-être pas été le cas dans d’autres circonstances. N’empêche, il avait été étonné qu’elle fasse ce genre de remarque à voix haute. Était-ce une plaisanterie de sa part ? Bref.

« Je ne dirais pas que j’y passe souvent mais j’aime venir ici. J’ai beau vivre en plein centre-ville de Nemerya, j’imagine que tu peux dire que je suis un campagnard, oui. A force d’y vivre lorsque j’étais plus jeune, j’ai pris goût au calme et à la tranquillité. La ville à ses avantages mais la campagne aura toujours mon cœur. »

S’il venait de Vermilava, à Hoenn, il avait ceci dit habité hors de la ville, assez loin du centre urbain. Puisque ses parents tenaient une pension, il était hors de question de s’installer dans Vermilava. D’une part parce que c’était impossible et de l’autre car il fallait de l’espace, beaucoup d’espace, afin que les Pokémons puissent s’épanouir en toute tranquillité.

« Je suppose que tu ne viens pas souvent ici, toi ? »

Aucun sous-entendu dans cette phrase. Il était flagrant de par son comportement que Jenny était une citadine pure et dure. Ce n’était pas une mauvaise chose, loin de là. Il n’y avait aucun jugement dans les propos du Ranger. S’il préférait la campagne, il respectait les modes de vie différents du siens. Les goûts et les couleurs…

« Et de ton côté, tu viens d’où ? »

Artiesta ? Cela ne l’aurait pas étonné le moins du monde. Elle en avait en avait le profil mais c’était plus une supposition qu’autre chose. Voilà pourquoi il avait posé la question. Puis, ça leur permettrait de faire un peu connaissance. Autour d’un thé et de petits gâteaux, c’était le cadre parfait pour faire un brin de causette. D’ailleurs, en parlant de gâteaux, la façon dont Valkyrie remuait sur ses genoux lui indiqua qu’elle commençait à s’impatienter. Sa tranquillité avait été de courte durée, constata-t-il avec amusement en lui caressant le ventre pour la faire tenir en place.

« Je ne sais pas ce que valent les cookies d’ici mais leurs macarons sont délicieux et je n’ai jamais été déçu du thé servi ici. J’espère que cet établissement de campagne te plaira quand même. » déclara-t-il avec un clin d’œil taquin.

Sans surprise, Jenny lui révéla qu’elle était une citadine pure et dure. Elle ne s’éloignait jamais bien loin des centres urbains et cela n’étonna pas le moins du monde Auguste qui s’était attendu à ce genre de réponse. Il ne pouvait s’empêcher de trouver dommage qu’elle se limite aux seuls plaisirs des grandes villes mais bon, c’est avis ne regardait que lui. La Pléiades lui confia ensuite que ces cookies n’étaient pas pour elle mais bien pour ses Pokémons. Cela le fit sourire car lui aussi entendait laisser une partie de son grand macaron à Valkyrie.

Si la blonde argua ne rien consommer qui soit sucré, elle se ravisa bien vite une fois soumise au regard incrédule de sa Pashmilla. Ce n’était pas beau de mentir et à en juger par la manière donc le Pokémon fixait sa dresseuse, celui-ci devait être conséquent ! Elle corrigea le tir en avouant craquer de temps en temps pour une glace avant de se justifier de toutes les manières possibles.

« Il n’y a pas de souci, ahah. Je n’ai aucune volonté quand il s’agit de sucreries. »

Elle lui expliqua ensuite qu’en raison de ses activités professionnelles, elle n’avait pas le droit de prendre du poids. Grignoter entre les repas lui était donc strictement interdit. Auguste avait un peu de mal à saisir en quoi tout cela était un problème car même s’il n’était pas soumis aux mêmes exigences qu’elle, il parvenait quand même à garder la ligne. Il mangeait bien, cédait quelquefois à ses caprices et se permettait même d’aller de temps à la friterie ou la pizzeria ce qui, semblait-il, était l’antre du diable pour elle. Son mode de vie très actif devait aider à ce qu’il ne prenne pas de poids, surtout qu’il se rendait régulièrement à la salle de sport. Puis, même s’il devait peu faire attention, il avait de base des habitudes saines.

« Ça ne doit pas être facile tous les jours. » concéda-t-il, « Je pense que mon moral en prendrait un coup si je devais tout surveiller et me restreindre. »

« Le gras, c’est la vie » était un célèbre proverbe et il admettait volontiers qu’il prenait toujours autant de plaisir à mordre dans un hamburger dégoulinant de sauce. Tout était dans la modération car, bien entendu, il ne faisait pas cela tous les jours. A côté de cela, il cuisinait presque tous ses repas et il savait donc très précisément ce qu’il mangeait. Cela évitait les plats salés à l’extrême, comme ceux que proposaient les supermarchés.

« Tu n’es pas loin de la vérité pour tout te dire. »

Le sourire aux lèvres, le Pulsar prit une gorgée de sa tasse de thé et retraça les événements l’ayant mené là où il était aujourd’hui. Il n’était pas devenu Champion d’arène sur un coup de tête mais dire qu’il avait tout prévu serait mentir.

« Je n’étais pas du tout porté sur les combats en arrivant à Lumiris. J’avais des Pokémons, oui, mais je ne m’en servais pas pour affronter d’autres gens, ils m’aidaient juste pour mon travail. J’ai rencontré des tas de gens depuis mon arrivée et certains m’ont persuadé que le monde des combats méritait que je me penche dessus. Je ne m’y intéressais pas parce que je n’y connaissais pas grand-chose, en vérité. »

Il se souvenait être arrivé à Lumiris avec Krang, alors un Térhal. C’était son premier Pokémon et il avait laissé les autres chez ses parents, à Hoenn. Cela faisait un bout de temps qu’il n’était plus repassé chez lui. Il lui faudrait songer à y faire un saut, un de ces quatre, au moins pour les fêtes de fin d’année. Cela lui ferait du bien et ses parents seraient contents de le revoir.

« Puis un jour on m’a convaincu de tenter ma chance dans une arène. J’ai défié Roméo et j’ai gagné. Même moi je ne m’y attendais pas mais je peux dire que j’étais content de moi et fier de mon équipe. Alors j’ai continué à entraîner mes Pokémons en me trouvant une affinité pour les Psy que je trouvais plus aisés à entraînés et avec qui le courant passait mieux, j’ai décroché un deuxième badge, puis un troisième et comme il n’y avait pas de Champion Psy à Lumiris… J’ai pris le poste. »

Les Pokémons Feu lui auraient tout autant convenu car, ayant vécu à Vermilava où ceux-ci étaient légion, il avait beaucoup d’expériences avec eux. Leurs forces et faiblesses, les particularités de la plupart des espèces et tant d’autres choses, tout cela n’avait aucun secret pour lui.

« J’ai à présent sept badges en ma possession et je reçois régulièrement des Challengers alors je me dis que pour quelqu’un qui ne combattait jamais il y a de cela quelques mois, je ne m’en sors pas trop mal » conclut-il avant de porter à nouveau la tasse à ses lèvres, « J’ai vu que tu étais douée en matière de combat, toi aussi. J’en déduis que tu es familière avec ce milieu, en plus d’être coordinatrice. Il t’arrive de tenter d’obtenir des badges ? »

Vu sa performance avec Florges, cela aurait été du gâchis qu’elle ne mette pas ses talents à profit lors de combats Pokémon.

L’assurance de Jenny n’était donc qu’une façade ou du moins, elle l’était en ce qui concernait ses talents de dresseuse. Faire preuve d’humilité était indéniablement une bonne chose mais là, elle se dévalorisait sans raison. Pour ce qui était de se montrer humble quant à son physique, quelques efforts seraient encore nécessaires, se dit le Pulsar avec amusement.

« Tes Pokémons font peut-être la majeure partie du travail mais crois-moi quand je te dis que des Pokémons puissants aux mains d’un dresseur faible ne valent pas grand-chose sur le terrain. Tu l’as dit toi-même : tu es une stratège et c’est précisément le rôle que tu as à tenir. Si un combat ne demandait qu’à envoyer ses attaques les plus puissantes, la plupart des Pokémons s’en sortiraient sans l’aide de leur dresseur. »

Un grand homme avait un jour dit « J’aime mieux une armée de moutons commandée par un lion qu’une armée de lions commandée par un âne. » et sur ce point-là, Auguste était entièrement d’accord. Même des Pokémons répudiés pour leur faiblesse, comme Cotovol ou Canarticho, pouvaient devenir redoutable s’ils étaient sous les directives d’un dresseur compétent. A l’inverse, un Léviator aux mains d’un idiot était susceptible de perdre plus souvent.

« Je ne veux plus t’entendre dire que tu ne fais rien. Si c’était réellement le cas, même tes Pokémons ne suivraient pas tes ordres docilement comme ta Florges l’a fait tout à l’heure. »

Elle n’était peut-être pas de la même trempe que certains autres dresseurs rencontrés par le Pulsar – et encore, il la connaissait trop peu pour en certifier – mais cela ne changeait rien au fait qu’elle pouvait être fière de ce qu’elle accomplissait. S’il était nécessaire d’être exceptionnel pour éprouver de la fierté, rares seraient les personnes à être contentes de leur travail. De plus, il était inutile de se comparer aux autres car pour s’améliorer, la seule comparaison valable d’un individu était lui-même. Si Auguste se comparait à d’éminents scientifiques ou à des mannequins faisant la une des magazines, il se trouverait sans doute aussi laid que stupide.

« Et il y a quelques mois, je n’aurais pas participé à ce petit tournoi parce que les combats ne m’intéressaient guère. Du coup, on ne se serait jamais parlé non plus. Tu vois, les gens changent. Regarde la personne que tu es aujourd’hui, c’est plus important que de t’en vouloir pour ce que tu as été par le passé. » dit-il avec un clin d’œil en laissant courir son index sur le bord de sa tasse de thé, « Sinon, pour la Ligue Pokémon… Je ne doute pas qu’elle sera un jour créée. La région est en plein essor et il ne se passe pas une semaine sans que je n’entende quelqu’un proclamer qu’il est le meilleur dresseur de Lumiris, donc je suppose qu’il y aura tôt ou tard quelque chose mis en place afin de rendre ce « rôle » plus officiel. Pour ma part, je compte bien tenter ma chance pour au moins décrocher un poste au Conseil des Quatre, au moins pour ne pas regretter de ne pas avoir tenté l’expérience. »

Il se savait fort, oui, mais il n’avait pas non plus la prétention de clamer haut et fort qu’il serait le prochain maître de la Ligue. Il verrait bien comment les choses se passeraient à ce moment-là. Rien ne pressait et si par malheur il se faisait battre à plate couture par d’autres dresseurs, il n’en ferait pas non plus tout un plat. Cela voudrait juste dire qu’il aurait à redoubler d’effort pour entraîner ses compagnons, voilà tout.

« Mais merci du compliment, ça me va droit au cœur. Mais dis-moi, pour quelqu’un qui prétend ne rien faire, tu as quand même trois badges en ta possession, ce n’est pas rien. Je suis curieux de savoir pour quelle raison tu défies les Champions. Tu envisages toi-même de le devenir ou tu préfères l’idée d’avoir ton propre dôme de Concours ? »

Subir sa vengeance, hein ? Elle n’avait pas l’air très intimidant et somme toute, cette menace amusa Auguste qui était curieux de savoir la manière dont elle se vengerait s’il venait à parler. Enfin, elle n’avait pas à s’inquiéter car aussi bavard soit-il, le Pulsar savait tenir les secrets, d’autres qu’il n’avait aucun bénéfice à tirer en répétant les paroles de la jeune femme. Les doutes qu’elle avait exprimés resteraient entre eux, c’était évident. Il se contenta de hocher la tête de manière bien docile pour signifier qu’elle n’avait pas à s’en faire. Motus et bouche cousue, comme dirait l’autre.

Il avait beau n’avoir pas perdu une miette de ce qu’elle lui dit ensuite, le Champion s’étonna tout de même de la façon dont la conversation avait fait un virage à cent quatre-vingts degré. Alors qu’ils discutaient très sérieusement de leur avenir dans leur domaine respectif, voilà que Jenny avait changé de sujet pour poser des questions plus… personnelles. D’aucuns auraient dit indiscret mais il était rare qu’il considère une question ainsi. Il était quelqu’un de très curieux, après tout, alors de la même façon qu’il aimerait qu’on lui réponde, il ne tournait pas autour du pot quand on lui posait une question. Les hommes entourés d’un voile de mystère avaient apparemment du succès auprès de la gente féminine, autant dire qu’il avait eu à avancer d’autres arguments pour trouver grâce à leurs yeux.

« Si tu aimes les secrets, je crains que tu n’aies pas grand-chose à te mettre sous la dent avec moi. »

Il n’avait rien à cacher et n’avait été le sujet d’aucun scandale. Pas une cible très intéressante pour les potins. Par contre, lui aussi aimait être au courant des petits secrets de ses interlocuteurs et puisque Jenny s’aventurait sur ce terrain-là, il n’allait pas se gêner.

« Mais pour te répondre en tout honnêteté : non, il n’y a pas de femme dans ma vie – ni d’homme, d’ailleurs. »

Si la question lui était posée de temps à autre, il reconnaissait qu’il avait souvent droit à la même réaction depuis qu’il avait ouvert son arène. A chaque fois qu’il mentionnait son célibat, les gens étaient étonnés voire sceptiques – certains doutaient carrément de la véracité de ses propos. Comme s’il allait mentir sur un détail pareil. Il comprenait la raison pour laquelle un homme mal intentionné cacherait la présence d’une conjointe à une femme dont il essaierait de se rapprocher mais ce n’était pas son genre. Puis, il ne faisait que boire un thé en compagnie de Jenny, il n’y avait là rien de condamnable, même pour un homme en couple.

« Et bien sûr que l’amour me tente, je n’ai juste pas encore trouvé où le dénicher. » ajouta-t-il sur un ton plus léger.

Etait-il pressé de trouver sa moitié ? Pas le moins du monde. Se poser et fonder une famille figurait sur sa liste de souhait mais cela ne signifiait pas qu’il allait jeter son dévolu sur la première demoiselle venue. A vrai dire, le Ranger avait une vie tellement remplie et épanouissante que l’amour n’était pas une priorité pour le moment. Le célibat ne lui posait pas de souci en tant que tel mais il reconnaissait qu’aimer quelqu’un et être aimé en retour était une sensation délicieuse. Bah ! Il avait encore le temps avant de commencer à décrépir.

« Je me permets de te retourner la question. Je ne vois pas d’alliance. » dit-il en touchant l’annulaire de la coordinatrice, « J’en déduis donc que tu n’es pas mariée mais cela ne m’indique pas s’il y a ou non un homme dans ta vie. »

Auguste sourit alors qu’il marquait une pause, le temps pour lui de ramener sa tasse vers lui pour contempler un bref instant son reflet dans ce qu’il restait de thé, avant de prendre une longue gorgée. Sur ses genoux, Valkyrie s’impatientait à la vue de ce macaron qu’elle pouvait voir et sentir mais pas toucher – du moins, pas encore. Toujours la sourire aux lèvres, l’homme lui caressa la tête avant de reprendre.

« Sur base de mes premières impressions, je dirais que oui. Tu as des… arguments en ta faveur, je suis certain qu’un tas de gens te courent après et ça m’étonnerait que tu n’aies trouvé personne à ton goût, avec le choix à ta disposition. »

Elle avait une certaine notoriété en plus d’être jeune et très jolie. Auguste n’était pas certain que la personnalité de la blonde convienne à tout le monde mais si les gens regardaient cela en premier, ça se saurait. Une vision très cynique des choses mais il mentirait en disant que le physique n’avait aucune importance. Il contribuait à donner la première impression et n’importe quelle personne sensée savait à quel point il était important qu’elle soit bonne. Il n’était pas superficiel pour autant car si le physique accrochait les premiers regards, c’était bel et bien la personnalité qui le faisait rester ou qui, en tout cas, lui donnait envie d’apprendre à connaître les gens.

Jenny conta son histoire et son interlocuteur ne put s’empêcher de penser qu’elle aurait mieux fait de taire certain détail. Lui, il appréciait son honnêteté mais il n’était pas certain que ce soit le cas de tout le monde. Avouer qu’elle se servait des hommes comme de portemonnaies ambulants pour disparaitre une fois qu’elle les avait détroussés n’était sans doute pas le genre d’histoire la plupart des gens étaient prêts à entendre lors d’une première rencontre. En tout cas, elle était franche, il ne lui enlèverait pas cela.

Auguste sourit lorsqu’elle grommela au sujet de son manque de chance avec les hommes. Tout le monde avait déjà eu le béguin pour une personne ayant une orientation sexuelle différente, ou quelqu’un qui était déjà marié. Sur ce point-là, il compatissait sincèrement avec elle. La pauvre. S’il ne croyait pas réellement que le « karma » existe en tant que tel, le Pulsar pensait quand même qu’elle payait pour son comportement passé. Son prince charmant lui était peut-être passé sous le nez durant les années où elle s’amusait à jouer avec le cœur des hommes.

« Tu t’inquiètes pour rien. » lui glissa-t-il sur un ton conciliant, « On fait tous des erreurs, c’est déjà bien que tu aies reconnu les tiennes. Mieux, tu en as appris quelque chose. »

Elle avait compris qu’agir de la sorte envers tous les hommes ne la mènerait nulle part. S’il eut été préférable qu’elle s’en rendre compte dès le début, elle avait fini par le faire et c’était la seule chose importante. Certains ne réalisaient jamais leurs erreurs et s’y enfonçaient toujours plus.

« A t’écouter, j’ai l’impression d’entendre une quarantenaire ménopausée qui pense avoir raté sa vie. »

Un rire s’échappa de la bouche du Champion. Il ne diminuait en rien les problèmes de la coordinatrice mais à ses yeux, elle se montrait trop pessimiste quant à l’avenir. Les lèvres étirées en un large sourire, il attrapa le grand macaron auquel il n’avait pas encore touché et le brisa en deux. Il garde une moitié pour lui et casse l’autre en morceaux encore plus petits avant de les donner un par un à Valkyrie. Gourmande comme elle était, elle avalerait le macaron tout rond si son dresseur ne la surveillait pas. Elle était du genre à se goinfrer jusqu’à en être malade, après tout.

« Evite juste de te comporter comme tu l’as fait par le passé et je suis certain que tu trouveras un homme bien, hétéro, célibataire, de ton âge. » ajouta-t-il en calquant ses termes sur ceux utilisés par Jenny juste avant, « Mais tu as encore de belles années devant toi, j’ai la sensation que tu prends ça trop à cœur. Respire et détends-toi, tu as encore toute la vie devant toi et rien ne t’empêche de t’amuser au passage. Tu peux faire de belles rencontres sans pour autant qu’il s’agisse de l’homme de ta vie. »

Il était important d’être capable d’apprécier une rencontre pour ce qu’elle était, pas toujours pour ce qu’elle était susceptible de devenir. A trop se focaliser là-dessus, la blonde risquait de donner l’image d’une femme désespérée et autant dire que cela ruinerait ses chances avec de potentiels partenaires. Il serait dommage que cela n’arrive.

« Sans indiscrétion, ça fait combien de temps que tu es célibataire ? »

Puisqu’ils étaient sur le sujet, autant en profiter pour assouvir sa curiosité, non ? Puis, cela ferait un peu la conversation. Auguste était intrigué par la réponse car vu la façon dont s’exprimait la blonde, elle donnait l’impression d’être seule depuis des temps immémoriaux.

« Tu ne vois personne du tout pour le moment ? Il n’y a même pas quelqu’un qui t’intéresse ? »

Depuis le lycée ? Son dernier copain ne datait pas d’hier, visiblement ! La surprise se lut l’espace d’une seconde sur le visage du Pulsar, étonné d’apprendre qu’elle était seule depuis tout ce temps. Il ne jugea pas cela comme étant quelque chose de négatif et loin de lui l’intention de se permettre un commentaire déplacé ou moqueur là-dessus, il était simplement surpris de cette révélation. Il n’y avait rien de honteux à être célibataire depuis longtemps, seuls les esprits immatures y voyaient un sujet de moquerie.

Jenny lui avait bien évidemment retourné la question. C’était de bonne guerre puisqu’il se montrait curieux à son égard – il avait même craint de la mettre mal à l’aise avec toutes ses questions – et c’était normal quand il s’agissait de faire la conversation. Auguste la laissa terminer de parler tout en réfléchissant à ce qu’il allait lui répondre. Il n’avait rien à cacher sur sa vie amoureuse et il ne comptait pas faire de secrets à la jeune femme. Elle avait été honnête avec lui, il en ferait de même.

« Si quelqu’un t’intéresse, fonce. Ce serait dommage de passer à côté. » dit-il avant de recentrer la discussion sur lui et d’enfin donner des réponses à la coordinatrice, « Ça fait un moment aussi que je suis célibataire. Ma dernière ex et moi nous sommes séparés un peu avant mon départ pour Lumiris, l’année passée. Donc ça fait un tout petit peu plus d’un an que je suis célibataire. »

Lui et Nora avaient eu une discussion similaire il y a peu. Le discours du Ranger ne changeait pas. Il n’avait rien caché à sa voisine et n’envisageait pas non plus le faire avec Jenny. Valkyrie était en train de lui lécher les doigts en quête des dernières miettes de macaron alors qu’il reprit la parole.

« Ça ne m’empêche pas de prendre du bon temps mais il n’y a rien eu d’officiel depuis mon arrivée ici, non. »

Une manière détournée de répondre à la question de Jenny à propos de ses conquêtes. Auguste ne se considérait pas comme quelqu’un de particulièrement bon dragueur. Il manquait d’un petit quelque chose pour cela. Trop honnête, il n’était pas capable de se taire et de caresser systématiquement ces dames dans le sens du poil pour être dans leurs bonnes grâces. Ça plaisait à certaines, certes, mais ça en rebutait également.

« Et je n’ai personne en vue pour le moment. » conclut-il.

Il était du genre à vouloir connaître l’autre personne avant de se considérer comme réellement intéressé. Pour s’amuser, la bonne entente suffisait mais lorsqu’il s’agissait de se mettre en couple, Auguste était beaucoup plus exigeant – peut-être même trop, étant donné qu’il était seul depuis un moment. L’homme avait longtemps considéré qu’il était capable de bien s’entendre avec tout le monde mais depuis qu’il était Champion d’arène et Ranger, il avait été amené à rencontrer énormément de monde et il s’était rendu compte qu’il était possible de n’avoir absolument rien en commun avec certaines personnes. Il se souvenait en particulier d’une dresseuse l’ayant approché uniquement à cause de son statut. Il n’avait pas fallu plus de dix minutes pour qu’il se rende compte qu’il n’avait rien à lui dire et que la conversation avec elle allait être difficile… Il avait aujourd’hui plus d’opportunité que jamais mais l’ironie de la situation était qu’il avait à subir la proximité de tout un tas de personnes qui vivaient presque dans un monde différent du sien. Il avait eu peur que ce soit la même chose avec Jenny mais pour l’instant, la conversation allait bon train.

« Voilà qui clôt ce formidable chapitre qu’est ma vie sentimentale. Passionnant, hein ? Les gens s’attendant souvent à ce que j’aie des anecdotes croustillantes à leur servir ou des secrets qui expliqueraient mon célibat. Désolé de te décevoir mais sur ce point-là, je suis tout ce qu’il y a de plus banal. »

Un large sourire étirait ses lèvres quand il eut terminé de parler. Au fond, il était un gars normal. Il avait ses qualités et ses défauts, ce qui l’avait amené à vivre des histoires tantôt joyeuses tantôt triste et mis à part la difficulté qu’il éprouvait à s’engager auprès d’une femme, il n’y avait rien de particulier à dire à son sujet.

Un peu plus de mystère, hein ? Jenny allait être déçue parce qu’il n’y avait pas beaucoup de mystère dans la vie du Pulsar. Il avait eu une vie normale parsemée d’événements normaux et de relations normales. Eh. S’il n’avait pas le poste qu’il tenait aujourd’hui, d’aucuns qualifieraient Auguste de type somme toute banal. Il ne leur donnerait pas tort puisqu’il se considérait lui-même comme quelqu’un de très ordinaire. La réflexion de la blonde l’avait quand même fait sourire.

Sa tasse de thé désormais vide et son macaron dont il ne restait que quelques miettes çà et là, l’homme constata que son interlocutrice avait elle aussi terminé et alors qu’il s’apprêtait à lui demander si elle comptait reprendre quelque chose, elle prit la parole et souligna que son taxi arriverait bientôt. Le temps avait filé comme l’éclair et c’est seulement en jetant un œil vers l’horloge qu’Auguste se rendit compte de l’heure qu’il était. Ils étaient là depuis un moment, il ne serait pas convenable de retenir davantage Jenny. Celle-ci fit d’ailleurs glisser un morceau de papier vers lui. Elle avait griffonné dessus un peu plus tôt et sans qu’il ait de certitudes pour le moment, le Champion avait ses doutes quant à ce qu’elle avait écrit dessus.

« Le plaisir est partagé. A la base, je ne souhaitais pas être mêlé au tournoi de Kishika mais finalement, je suis content d’avoir été impliqué là-dedans. »

Boire un verre et discuter, il adorait cela. Profiter d’un cadre agréable et échanger avec quelqu’un d’autre, qui plus est d’agréable compagnie, c’était toujours un moment dont il se délectait. Pas besoin d’aborder des sujets existentiels pour qu’il apprécie la discussion. C’était le genre d’homme qu’il était, capable d’apprécier les petits plaisirs de la vie et c’est avec un certain soulagement qu’il entendit Jenny dire qu’elle avait passé un bon moment. Elle avait l’air d’être une femme avec certaines exigences et, l’espace d’un instant, il avait craint qu’elle ne s’ennuie ou ne trouve cet endroit trop banal pour elle.

« Je ne doute pas que nous soyons amenés à nous revoir. » ajouta-t-il avant qu’elle ne s’éloigne.

Il lui adressa un signe de main pour lui dire au revoir, puis elle sortir et disparut. Auguste ne lui avait pas demandé son numéro parce qu’il pensait trouver celui de la jolie blonde sur le morceau de papier qu’elle venait de lui donner. Un coup d’œil au dos de celui-ci confirma ses doutes. Ce devait être un truc de coordinatrice, se dit-il en se remémorant le jour où Lise avait fait la même chose, dans ce même établissement. Les similitudes dans le procédé des deux femmes étaient cocasses, il fallait le reconnaître.

Auguste n’allait pas non plus tarder à s’en aller. Il rappela Valkyrie dans sa Pokéball et sortit son portable de sa poche afin d’y enregistrer le numéro de Jenny. Il aurait été dommage d’égarer le bout de papier, n’est-ce pas ? Ceci fait, il lui envoya un message pour lui souhaiter un bon retour. Ainsi, elle aurait également son numéro. Oui, oui, il parait qu’il faut attendre quelques jours avant de texter une femme venant de donner ses coordonnées mais ce genre de manières, le Pulsar les jugeait aussi bêtes qu’inutiles. Pourquoi attendre quand quelque chose pouvait être fait tout de suite ? Il ne comprenait pas. Bref. Cela n’avait guère d’importance. Peu après, il se leva, régla la note et quitta les lieux à son tour.