Tu ne pouvais pas rester chez toi. C’était impossible, inconcevable même. En éteignant la caméra, tu pris une grande inspiration puis jeta un œil par la fenêtre. Il faisait beau. Allais-tu vraiment donner de ton temps, de ton énergie à monter une vidéo de part ce temps ?
Prenant une grande inspiration, tu reculas ta chaise afin d’étirer tes jambes puis tu levas ton regard au plafond. Il y avait des jours où la motivation n’était pas au beau fixe. Tu adorais ta communauté, tu adorais faire des vidéos, investir de ton précieux temps pour mettre un peu de lumière dans leur quotidien souvent trop occupé, trop précipité… Mais depuis ton arrivée à Lumiris, c’était plus difficile. Tu te sentais incroyablement seul ainsi enfermé dans ton appartement. Tu avais l’impression de n’être personne, de te perdre dans la masse. C’était douloureux. Tu te donnais corps et âme à tenter de prouver ta valeur à l’hôpital, mais ce n’était plus comme avant. L’adaptation était beaucoup plus difficile que tu ne l’avais imaginé. Si tu pensais que ce serait un jeu d’enfant, tu venais de te prendre un mur. Un énorme mur.
Mais ce n’était que passager, n’est-ce pas ? Il suffisait que tu te crées un cercle, que tu te trouves un entourage. Et si tu allais monter ta vidéo dans un café ? Et si tu allais te balader en ville ? Et si tu sautais dans le premier bus vers on ne sait où ? Cette dernière idée t’arracha un sourire. Tu avais toujours voulu tenter l’expérience. Prendre un moyen de transport régional, n’importe lequel, puis choisir ta destination au hasard. À tes yeux, c’était la meilleure manière qui soit de découvrir de nouvelles places, de nouveaux paysages. Alors pourquoi pas ? Qu’avais-tu à perdre ? Tu étais de congé aujourd’hui et ton planning, à l’extérieur de ton bénévolat et de PokéTube, était encore très léger. Pourquoi ne pas en profiter ? Descendant ton regard vers l’appareil photo sur ton bureau, tu tendis une main dans sa direction afin de le saisir. À Johto, c’était ton principal gagne-pain. La vie en tant que « vedette des réseaux sociaux » semblait bien mignonne au premier regard, mais elle suffisait tout juste à arrondir les fins de moi. Tu n’étais pas la dernière vedette de l’heure. Tu n’étais qu’un adolescent mourant qui avait souhaité raconter son histoire. Le million d’abonnés, tu ne le verrais jamais passer. Alors il t’avait fallu autre chose.
La photographie. Et si tu ne voulais pas finir à la rue, tu devais te refaire une réputation. Autant commencer maintenant.
Te levant, tu attrapas tes clés et ton sac puis tu quittas ton appartement au cœur de Voltapolis en faisant attention à bien fermer derrière toi. Tu ne savais pas où tu allais, mais la température de la journée se devait d’être mise en valeur. Il te suffisait de sauter dans le premier tramway (En vérité tu préférais largement le tramway au bus) que tu croiserais et attendre. Attendre qu’il arrive quelque chose, que ton cœur rate un battement, que tu écarquilles les yeux sans même t’en rendre compte.
Et c’est ce qui arriva. Le voyage fût long. Assit sur un siège, accoudé contre la fenêtre, tu admiras le paysage défiler pendant peut-être… une heure ou deux ? Peut-être plus ? Ça n’avait aucune importance. L’ambiance de bord de mer que dégageait ta destination improvisée te força à descendre. Tu ne pris même pas le temps d’y penser, de pousser la réflexion. Et s’il n’avait rien à y faire ? Et si tu finissais par t’ennuyer, voyant que les lieux étaient en réalité assez plats ? Tu trouverais sans doute quelque chose à prendre en photo pour alimenter ton portfolio, mais était-ce suffisant pour décréter que ton expédition était un succès ? En t’avançant vers le chenal, les questions commencèrent à t’assaillir. C’était un endroit local, un port tout ce qu’il y a de plus classique. Il possédait un charme indiscutable, mais…
Mais. Voilà, il y avait toujours un mais.
Déterminé à trouver un sens à ta présence, tu jetas un œil aux bateaux de pêcheurs puis redressas ton appareil photo afin de prendre quelques clichés des hommes déchargeant leur marchandise. Toutefois, tu eus à peine le temps d’en prendre deux ou trois qu’autre chose attira ton attention. Non loin de toi, sur la grève, la présence d’une jeune fille avec des pokémons. Silencieux, tu te retournas dans sa direction en t’avançant légèrement. Des filles avec des pokémons, tu en voyais tous les jours. Ça n’avait jamais été un sujet qui t’avais intéressé, au contraire d’Isaac et de sa différence. Mais cette fois, c’était différent. Il y avait quelque chose, un je-ne-sais-quoi, dans cette scène qui t’envoutait complètement. Tu te trouvais un peu bête, mais à cet instant, à ce moment précis, tu aurais aimé être avec eux. Ça semblait mieux, tellement mieux.
Alors sans même t’en rendre compte, tu glissas ton œil derrière le viseur, relevas l’objectif vers eux puis appuya sur le déclencheur.
Lyanora M. Caelum
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« Mais votre Altesse, acceptez donc de partager. La Princesse ne veut qu’un bout de gâteau. » Je tirais sur la friandise que ma petite Chlorobule refusait de laisser partir. J’insistais, encore et encore. Elle ne bronchait pas. Princesse, courrait partout autour d’elle pour espérer la déconcentrer. Rien. Altesse refusait de laisser Princesse s’approcher de ce gâteau. La petite capricieuse ne le voulait que pour elle. Heureusement, je n’avais pas fait sortir le reste de l’équipe encore. Je savais combien il était difficile de gérer ces deux bourgeons ensemble. L’une trop douce, l’autre trop jalouse depuis que j’avais chanter cette sérénade au milieu de parc. C’en était devenu exaspérant. Il faut dire que je n’étais pas bien autoritaire et qu’Altesse avait toujours été plutôt gâtée et dorlotée à tel point que mon ton rieur lorsque je la sermonnais ne lui faisait même plus peur. Elle avait compris, depuis le temps que je ne lui ferais jamais de mal quoiqu’il arrive. Que je l’aimerais toujours autant sinon plus, quoiqu’elle fasse. Espérant qu’elle partage, je la pris dans mes bras. Elle me cracha des graines dessus. Vraiment ? J’étais insultée. Pourtant, ma réaction physique fut de rire. Elle me sourit aussitôt et s’enfonça l’entièreté du gâteau dans la bouche. C’était vain. J’avais perdu le combat. Elle ne voulait que je la prenne pour l’engloutir devant moi et me défier une nouvelle fois. Je soupirai et me tournai vers la Rozbouton qui se laissa aller à une crise de larmes. Évidemment. Elle voulait cette gâterie et elle en était privée. Comme tout enfant, sa réaction était de pleurer. La petite Chlorobule se blottit dans l’un de mes bras et de l’autre je pris Princesse. « Vraiment désolée Mademoiselle, il semble que notre Altesse ne soit pas d’humeur généreuse aujourd’hui. » dis-je avec un chagrin dans la voix. « Comme toujours… » échappai-je après une légère pause avec une teinte de reproche. Elle savait que j’en avais d’autres. Elle n’était pas idiote et que je ferais terre les pleurs de Princesse en lui donnant une nouvelle pâtisserie. Les sournoiseries de ce Pokémon en venaient souvent à m’étourdir et pourtant, je l’aimais. D’un amour si sincère.
Comme elle l’avait prévu, je plongeai ma main dans mon sac pour en sortir un nouvel emballage de gâteau que je tendis à Princesse qui, aussitôt, sécha ses larmes. La pauvre était si sensible, mais changeait d’humeur si facilement. Sa soudaine joie se fit entendre sur tout le pont. Si elle avait pleuré quelques instants auparavant nul indice ne restait de cette crise de larmes. Elle se débattait maintenant pour courir autour de ce banc que j’avais pris pour chaise. Je l’avais rarement vue autant emplie de vigueur, je lui souris et la laissai descendre, espérant qu’Altesse la rejoindrais. Non. Elle, elle restait là, dans mes bras. Étais-je réellement surprise ? Non. Évidemment que non. Je savais bien que cette Chlorobule avait horreur de marcher. Qu’est-ce qui me faisait croire que soudainement elle voudrait jouer avec la membre de mon équipe qu’elle détestait probablement le plus. Pourquoi ? Pour le simple fait qu’elle était probablement la plus jeune, donc la plus dorlotée. Il faut dire que les autres étaient généralement plus indépendants aussi. Tous, sauf ces deux-là qui, en plus se vouaient une rivalité infinie. Les avais-je trop gâter ? J’aurais tendance à dire que non. Je voyais mes Pokémons comme des enfants plutôt que comme des créatures qui m’étaient étrangères de sang.
Faisant confiance à ma Rozbouton, je me mis à regarder l’horizon. La foule qui s’y trouvait. Ce port attirait tant de gens, même s’il n’avait aucune réelle attraction. Le bord de la mer j’imagine. C’était populaire, c’était beau. Les gens en profitaient pour se prendre en photo ou pour immortaliser des moments romantiques. Moi j’étais venue ici simplement pour profiter d’un petit moment de solitude avec mes Pokémons. Tenter de prendre l’air, tranquillement. J’étais bien ici, avec Alaric et Yul, mais il ne faisait jamais de mal à personne de profiter un peu d’une sortie en tête en tête avec soi-même et quelques turbulents Pokémons que l’on avait adoptés. Un flash lumineux me prit par surprise. Celui-ci rivé droit vers moi avait attiré mon attention. Je me mis à fixer l’appareil qui l’avait émis. Je déposai Altesse sur le banc, derrière moi, me levai et fis de même avec Princesse. Toutes les deux emplies de questionnement ne faisaient plus que me regarder. Soudainement, je n’étais plus la maman au cœur tendre, mais une garde du corps, sans robustesse qui avait peur pour eux. Était-ce quelqu’un qui m’avait reconnue ? Les paparazzis m’avaient-ils réellement suivie jusqu’à Lumiris ? Je n’étais que la fille des Caelum, pas une star. Pourquoi auraient-ils pris du temps à me suivre jusqu’ici. « Vous ! Monsieur le Paparazzi, vous m’avez pris en photo, non ? » Si mon corps tentait d’être menaçant, c’était une toute autre histoire pour ma voix. Tremblante comme si j’avais été en danger. Apeurée comme si c’eut été un pervers qui avait voulu photographier sous ma jupe. À moitié confiante, comme s’il avait eu la carrure d’un haltérophile. Je le fixais avec inquiétude, comme une mère souris affrontait un prédateur pour protéger ses souriceaux.
Je me mis, lentement, à avancer vers le photographe, comme si m’approcher m’avait rendu plus forte d’une quelconque façon. Ce n’était évidemment pas le cas, mais c’était beau de croire en quelque chose, aussi bizarre et précaire soit cette chose. Mes deux Pokémons bourgeons sur les talons, je rétrécissais l’écart entre le garçon et moi. Je sentais la chaleur de mes deux Pokémons tant ils me suivaient nerveusement et de proche. J’imagine que j’étais au maximum de mon niveau d’audace à vouloir affronter une menace de front comme ça. L’importance ou l’existence de la menace n’avait pas de réelle importance. Je me sentais juste fière de faire face à mes peurs. Je tentais de le cacher, certes. Ça aurait tout gâché sinon, mais ma démarche un peu gauche me trahissait. Mon manque d’assurance transparaissait forcément. J’imagine que le climax de mon manque de crédibilité fut quand j’ouvris la bouche à nouveau. « Je peux voir la photo que vous avez prise ? » Pouf. Tout air menaçant était maintenant effacé. Chose du passé. Toute frayeur que j’eus pu créer, décrédibilisée. Je voulais voir la photo. Avec joie. Avec curiosité. Avec entrain. Vraiment Lyanora ? Avais-je feint la menace ? Non, je la ressentais vraiment. J’imagine que ce n’était juste pas en moi de parler de manière menaçante. Une fois de plus, je me décevais, mais je tentais de ne pas le laisser paraître. Altesse et Princesse se collèrent à mes mollets et je me grattai la tête en souriant. Oui. Non. C’était échoué. La tentative de paraître brave et de devenir une menace pour les paparazzis qui avaient osé me suivre était tombé à l’eau. Je croisais pourtant les doigts qu’il ne soit qu’un photographe amateur et non pas l’un de ces pseudo-journalistes du scoop et de la rumeur. Je ne voulais pas que cette réputation se répande chez ces photographes profiteurs. Je ne voulais pas devenir une cible facile, considérée sans défense. Absolument pas.
Ça te venait d’Isaac. Enfin, c’était facile de rejeter l’origine de ton voyeurisme -photographier les gens sans leur accord en était définitivement une forme- mais ça devait sans doute prendre racine en toi avant tout. Sois bon joueur Iza ; tu avais des défauts dont tu ne pouvais toujours pas cacher l’existence derrière de faux préceptes. Tu étais juste comme ça ; facile à subjuguer au point d’en oublier les règles de bienséance et, surtout, de consentement. La base, pourtant, pour tout bon photographe qui se respectait. Normalement, tu te cachais sous le couvert de la distance, des interminables mètres qui séparaient ton sujet et l’objectif… Mais pas cette fois-ci. Cette fois, il n’y avait rien eu de plus qu’un éclat d’inspiration et tu n’avais pas réfléchis plus longuement aux conséquences. Tu t’étais laissé emporter, tu avais cédé à tes pulsions les plus primitives : tu avais pris possession de son image sans t’inquiéter davantage. Une erreur qui pouvait te coûter cher. Qui te coûterait forcément cher. Un jour ou l’autre. Peut-être pas aujourd’hui, mais demain qui sait.
À ce stade de l’aventure, savais-tu que tu t’apparentais davantage au paparazzi qu’au photographe professionnel dont tu étais censé revêtir le grade ?
Non, bien sûr que non. Dans ta tête, les choses étaient toujours trop claires, trop évidentes ; tu n’envisageais pas du tout qu’une mésentente puisse être possible. Tu t’enfermais dans cette pureté qualificative, dans cette vision trop belle du monde. Même si tu ne le disais pas de vive-voix, même si tu ne te l’admettais pas à toi-même, tu croyais vraiment que les gens lisaient derrière tes bonnes intentions et que ton jeu était clair comme de l’eau de roche. Comme si tu étais l’ami de la terre, le grand copain de l’Humanité. Naïveté.
Il faut que ta muse du moment remarque ta présence pour qu’un frisson d’incertitude traverse la colonne de tes croyances. Inquiet, tu baisses légèrement ton appareil photo avant de le serrer inconsciemment contre toi. Allait-elle se venger ? Sur Pokétube, tu avais souvent vu des jeunes femmes revendiquer leur droit à l’image en détruisant carrément l’appareil fautif. Tu ne voulais pas être ce genre de victime, ce genre de malheureux ayant appuyé une fois de trop sur le bouton du déclencheur. Si tu devais un jour te frotter au revers de la médaille, tu préférais que les circonstances soient différentes et qu’elles n’incluent pas la mort de ton meilleur allié contre la pauvreté. Ton plaidoyer était déjà prêt…
Et à en croire le non-verbal de ton vis-à-vis, il risquait d’être très utile.
- … Euh, je… Oui, c’est bien moi, mais je vous corrige tout de suite ; je ne suis pas un paparazzi !
Incroyable plaidoyer. Encore heureux, tu n’avais pas encore eu l’indécence de balancer quelque chose d’aussi creux et cliché que « Ce n’est pas ce que vous croyez ! » comme le ferait un infidèle prit la main dans le sac. Paparazzi était sans doute l’une des pires insultes que l’on pouvait te faire, mais tu n’avais même pas le courage de le relever. Tu voulais simplement t’assurer que tu ne risquais rien, que ton gagne-pain n’était pas en danger. Et c’est un sentiment qui ne cesse de grossir alors que la jeune femme franchit les mètres qui vous séparent. Même s’ils ne semblaient pas particulièrement menaçants, tu n’oublies pas de garder un œil sur les deux pokémons verdâtres qui la talonnent. On ne sait jamais, après tout. Contre eux, tu te sais faible. Tu sais que l’être humain n’a pas la force de se mesurer à des bêtes capables de contrôler les éléments donc si elle doit user de leur force pour te faire goûter à ta propre médecine, tes chances de fuite avoisineront le zéro absolu. Et ça, c’est une menace à prendre en compte quand on veut survivre.
- Je…
Tu ? « Tu » rien du tout. Les mots se bloquent dans le fond de ta gorge, tes arguments disparaissent au contact de cette audace inattendue. C’était plus facile lorsque les gens se contentaient de jouer les ignorants, n’est-ce pas ? Le monde était plus beau lorsqu’ils s’abandonnaient à l’objectif, qu’ils y voyaient un compliment ou, mieux encore, qu’ils ne se doutaient même pas de tes activités. C’était un peu moins honnête, un peu moins méritant de ta part, mais le résultat des clichés était souvent au-delà de tes espérances.
- Hein ?
C’était trop soudain, trop inattendu. La jeune femme, désormais à proximité de ta personne, ne semble plus du tout être la même que celle qui réduisait les pas vous séparant quelques secondes plus tôt. Voir… la photo ? Intrigué, tu éloignes légèrement ton appareil de toi pour fixer l’écran noir quelques secondes, cherchant à comprendre le brusque revirement de situation dont tu es l’objet. Voir la photo… Bien sûr qu’elle pouvait, mais pourquoi ? Ne préférait-elle pas t’arracher l’objet des mains et le détruire afin de te faire comprendre ton manque de politesse ? C’était, certes, radical et déplacé… Mais plus logique que cette soudaine curiosité entremêlée de joie et d’entrain.
- D’accord… Mais ne détruisez pas mon appareil s’il-vous-plait. J’en ai besoin pour vivre…
Supplication vaine ; si elle voulait vraiment accéder à un tel niveau d’immaturité, elle l’aurait déjà fait depuis longtemps. Elle semblait sincère, tu pouvais bien lui accorder un peu de confiance non ? C’était pourtant dans tes habitudes, d’accorder ta confiance à n’importe qui ! Une fois de plus ou de moins, personne ne remarquerait la différence n’est-ce pas ? Tu te donnais beaucoup Iza. Tu ne le voyais peut-être pas, mais tu offrais des fragments de toi-même à tous les inconnus et… Cette fois n’était qu’une parmi tant d’autres. Sous l’impression d’une véritable sincérité, tu étais prêt à éteindre l’alarme dans le coin de ta tête alors que ce n’était pas d’un crayon dont l’on parlait, mais de ton appareil photo. Tu n’avais pas les moyens de t’en offrir un nouveau. Tu n’avais même pas les moyens de t’offrir le désir d’un nouveau.
Et malgré tout, tu t’empresses d’ouvrir la visionneuse qui dévoile aussitôt le contenu de ta carte SD. Naviguant distraitement entre les dates, tu jettes de temps à autres des regards vers la jeune fille afin d’intercepter le moindre changement d’attitude de sa part. Prudent, mais certainement pas assez. Ce n’est finalement qu’en ouvrant la dernière photo prise que tu te permets de le lui tendre. Dans ta poitrine, ton cœur bat plus fort qu’une véritable cacophonie. C’est le bordel.
- Si je puis me permettre, je la trouve très jolie…
Tu complimentes rarement ton propre travail. Comme de raison, c’est davantage du sujet que de la composition dont tu évoques la beauté, mais ça, tu te gardes bien de le préciser. Manquerait plus que cette jeune femme pense que tu souhaites la draguer… Ah, ce serait tout à ton honneur ça. Ta vie n’est qu’une grosse blague, une magnifique mésentente dont tu ne vois plus le bout.
- Je ne suis pas paparazzi… Mais plutôt photographe professionnel. Pardon de vous avoir immortalisé sans votre accord, je craignais de perdre la beauté et la sincérité du moment.
Murmures-tu en détournant légèrement ton regard. C’était rare, si rare que les choses se passent ainsi. Qu’étais-tu censé dire pour ta défense ?
Lyanora M. Caelum
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J’imagine c’est ce que ressentait mes muses lorsque je les dessinais sans les prévenir. Un mélange entre l’inconfort et l’admiration. Inconfortable à cette idée grandissante que l’on était tous vulnérables dès lors que l’on était en public. Admirative à la vue du talent brut qui caractérisait cet interlocuteur. Mes yeux brillaient comme ceux d’un enfant devant une friandise qu’il affectionne particulièrement. Je fixais le petit écran, silencieuse. Je sentais mes deux petits bourgeons gigoter contre ma jambe. Ils étaient curieux. Ils se demandaient ce que je voyais. Ils se demandaient pourquoi je restais figée aussi longtemps. Qu’avais-je donc vu pour m’admirer aussi longtemps ? La sincérité. L’amour. Cette photo capturait un moment tellement précieux que j’avais du mal à imaginer que j’eus réellement été la muse à son origine. « C’est… c’est vous qui l’avez prise ? » Parce qu’oui… évidemment, j’étais suffisamment idiote pour poser cette question alors que je l’avais vu faire. Comme s’il y avait exister un quelconque réseau qui lui aurait permis de recevoir une photo le temps que je marchais vers lui directement sur son appareil. Après, je n’y connaissais pas grand-chose en photographie, juste assez pour reconnaître un beau cliché quand j’en voyais un et en trouver irréaliste un autre quand je n’avais pas ce regard sur ma propre personne. De toute façon, à ce stade-ci, il était certain que ma réputation était jouée. Peu importe l’identité de cet homme, j’avais maintenant l’air d’une idiote malhabile qui posait des questions toutes aussi idiotes. Était-ce vraiment ce que j’étais ? J’imagine que ça dépendait de la personne à qui l’on posait la question. À moi directement ? Oui. Cette espèce de spontanéité candide avait tendance à me pousser à la haine de ma propre personne sans que je puisse la confronter. Elle était juste trop forte. Mon regard s’assombrit. Évidemment. Je m’étais encore trop analysée.
Décidément, j’étais damnée. Dès que je baissai le regard, je sentis l’appareil photo se dérober à ma poigne. Il allait tomber. Non. Il tombait. C’était trop tard. J’avais promis de ne pas le briser. Je poussai un cri d’effroi. Pourquoi ne l’avais-je pas tenu par la ganse ? Pourquoi étais-je toujours étourdie au point où je finissais par commettre des erreurs irréparables. En panique, je le relevai la tête. « Je vous en achèterai un neuf. Promis. » Ça aurait pourtant dû me venir à l’esprit que si je n’entendais pas le tintement de l’impact de l’objet dans l’instant suivant ma bêtise, c’est probablement qu’au final il n’était rien arrivé. Non, c’était trop complexe comme analyse sur un moment aussi vif que celui-ci. En quelques secondes, j’avais l’impression d’avoir trahi la confiance de cet homme et l’entièreté de mon être. Je ne voulais faire de mal à personne, ça ne me ressemblait pas et la crise de panique intérieure qui devait gagner le photographe ne m’aiderait sûrement pas à trouver un moyen d’arranger les choses. Je paniquais moi-même. J’avais l’argent, ce n’était pas le problème. Loin de là.
J’avais porté mes mains à mes yeux. Je ne voyais plus rien. Je n’osais pas retirer ce voile opaque de ma vision. Je refusais de voir ce que j’avais fait. Il le faudrait bien pourtant. Il faudrait bien que j’assume. Attendre ne ferait qu’empirer les choses. Je déglutis bruyamment. Nerveusement. Je respirai un bon coup et retirai mon pseudo-masque. J’ouvris les yeux, fixant d’abord mes pieds. Nul éclat de plastique n’était visible. L’impact n’avait donc pas été trop fort. Pas suffisamment pour que l’appareil vole en mille-et-un morceaux. Je relevai tranquillement le regard pour confronter la vision d’horreur que me procurerait la vue du cadavre de la caméra.
Je ne trouvai ni morceaux de plastique ni de verre. Plutôt une immense ronce soutenant l’appareil en un seul morceau. Altesse. Sans même que je lui aie demandé. Sans même que je lui aie dit d’utiliser Nœud-Herbe, elle l’avait fait. Elle avait évité que je perde la face devant cet homme. Elle me regardait toute fière. Souriante. Sans malice. Si elle n’était pas particulièrement adorable avec les autres membres de mon équipe, elle compensait en me complétant. En voyant venir mes bêtises. J’attrapai l’appareil et enfilai la ganse autour de mon cou comme s’il eut été le mien. Je m’accroupis et caressai la tête de ma compagne de route. Elle ne s’en rendait probablement pas compte, mais elle venait de me sauver la mise. Une fois de plus.
Je donnai quelques caresses à ma Rozbouton et me relevai. « Pour le coup, on va dire merci à notre Altesse. » dis-je en ricanant, comme si j’avais été capable de détendre l’atmosphère. Comme si mon humour avait été la chose qu’il souhaitait entendre à cet instant précis. Ce n’était probablement pas le cas. Il m’en voulait probablement à mort pour l’émoi que je venais de créer. S’il avait été cardiaque, il aurait probablement succombé, mais évidemment, je ne m’en rendais pas compte. Il n’était rien arrivé de mal en bout de ligne. Ce n’était donc pas grave. « Vous faites comment pour capturer des images comme celle-ci ? » dis-je en pointant la caméra à mon cou. C’était le comble. Le bout de ma stupidité. J’agissais vraiment comme si l’accident n’avait jamais existé. Comme si rien n’était arrivé. Comme si ce petit cri de mort que j’avais poussé en promettant de le rembourser n’avait été qu’une infime partie d’un cauchemar duquel je n’avais pas eu conscience. Étais-je hypocrite ? Non. Juste insouciante. J’essayais de détendre l’atmosphère. De passer à autre chose. Ça semblait si simple dans ma tête. Tout dans ma tête semblait simple à vrai dire. Ça avait toujours été le cas. Je vivais l’instant présent dans sa version la plus littérale. Qu’était-il arrivé à peine cinq minutes auparavant ? Je ne sais pas. Altesse était belle par contre. Très belle. Vous ne trouvez pas ? C’est ce que mon cerveau clamait. Heureusement, j’avais tendance à savoir le brimer quand il le fallait. « OH ! J’oubliais ! Je suis Lyanora Micaela Caelum. Enchantée ! » Sauf cette fois. Je n’avais pas pu empêcher cette phrase de sortir. Elle était venue d’elle-même. Super. J’avais pas du tout l’air d’une énergumène abrutie. J’avais crié cette phrase avec tellement de force qu’il était certain que l’on m’avait entendue jusqu’au bout du port. Tous les passants. Tous les marins. Tout le monde. Eh oui ! Lyanora était encore sortie sans Alaric pour la contenir. C’est ce que devait penser tous ces gens. Visiblement, ça m’affectait beaucoup. À tel point que je courus vers le banc où j’étais assise auparavant.
« Vous croyez que si je regarde par là, vous parviendrez à prendre une autre belle photo ? » La réponse était non. Parce que je portais encore son appareil photo autour du cou. Visiblement, le soudain soulagement m’avait donné une poussée d’adrénaline suffisamment forte pour que j’en oublie que je le mitraillais de questions auxquelles il n’avait pas le temps de répondre. Pas grave voyons, c’était urgent de savoir si regarder la mer donnerait une belle photo loin des clichés usuels. C’était C-A-P-I-T-A-L même. Ou lyanorain. Un nouveau néologisme que j’affectionnais qui caractérisait mon impossibilité à tenir en place dès l’instant où j’avais une petite montée de joie. Autrement dit : mon quotidien. Pauvre photographe d’être ainsi tombée sur moi. Il devait regretter sa photo… ou penser que c’était la punition que je lui infligeais ; au lieu de mots exacerbes et vilains, je me montrais enthousiaste et étourdissante. Désolée monsieur le photographe. Je n’y peux rien.
Douce. Elle était douce… Et tu ne comprenais pas pourquoi. À sa place, tu n’imaginais pas l’ampleur du scandale que tu lui aurais fait. (Enfin, pas que t’étais du genre à faire des scandales hein…) C’était déstabilisant, complètement à des lieux de ce à quoi l’Humanité t’avait habitué. Que pouvais-tu répondre à cela ? À sa douceur ? La jeune femme t’avait délicatement pris l’appareil des mains puis elle avait fixé l’écran pendant de longues secondes. Cette photo, tu l’aimais. Tu l’aimais sincèrement. Tu n’avais pas eu le temps de la détailler plus longuement ou d’en ausculter avec minutie le moindre pixel, mais tu en avais admiré la muse en temps réel et c’était largement suffisant pour te donne une idée du résultat. Si tu complimentais rarement ton propre travail, rien ne pouvait te faire douter des modèles qui en étaient la source. Tu leur devais tout. Sans leur authenticité, leur sourire, la simplicité de leur expression, tu n’aurais jamais pu vivre de ta passion. Ils le réalisaient rarement, mais ils étaient ton gagne-pain et ta motivation à te lever le matin…
- O..ui ?
Murmures-tu avec une pointe d’étonnement et d’interrogation dans la voix. Cet appareil était le tien et les doigts qui avaient appuyé sur le déclencheur l’étaient également… Techniquement, cette photo avait donc été prise par toi. Tu te doutais que la surprise avait parlé pour elle et que la jeune femme face à toi n’était pas une idiote, mais sa question t’avait interloqué. C’était bien la première fois que l’on te questionnait à savoir si tu étais l’auteur d’une photo que tu venais tout juste d’immortaliser juste sous le nez du modèle. Elle était amusante.
Enfin qu’importe.
Ce sont, au final, des pensées dont la durée de vie se veut très courte et qui s’éteignent à l’instant où tu admires la chute de ton appareil photo. Tu ne comprends pas ce qui se passe et quelle maladresse est à l’origine de la catastrophe qui se déroule juste tes yeux, mais tu crois pouvoir appeler cela « le Karma ». Ça t’apprendra, Izaiah, à photographier tout et n’importe qui. Sentant ton cœur rater un battement, tu fixes le carnage avec une envie soudaine de t’écrouler en même temps que lui. Les promesses de la belle traversent tes oreilles comme si elles n’avaient jamais existé alors que ton être entier se décompose au regard de la catastrophe dont tu es témoin. Tu n’entends rien : tu ne vois rien. Tout est flou, ta vision est trouble et tu ne cogites plus convenablement. Tu es mort de l’intérieur.
L’attente qui précède la chute est interminable… Ridiculement interminable. Au bout d’un moment, n’entendant pas le bruit distinctif de l’impact se faire, tu finis par regagner un peu de ta motricité et de tes capacités intellectuelles. Tu papillonnes des paupières deux ou trois fois, retenant le soupire qui menace de s’affranchir de ta volonté, puis cherche à comprendre. Les explications ne tardent pas.
- En effet… Merci votre Altesse !
Tu murmures difficilement les remerciements qui reviennent de droit au pokémon qui a sauvé ton appareil de la chute. Trop d’émotions d’un coup, trop d’émotions pour un petit être comme le tien. T’étais un fragile, Izaiah… Mais, d’un autre côté, ta vie entière résidait dans les composantes de cet appareil photo. Il te servait au quotidien ; c’était ton gagne-pain. Qui n’aurait pas paniqué en voyant son avenir éclater à ses pieds ? Tu aurais définitivement pu en perdre ce cœur volé. Tu aurais aimé récupérer l’objet de ta convoitise, mais la jeune femme glissa l’avait récupéré avant toi… T’avais pas protesté. Tant qu’il ne faisait plus coucou au plancher.
- C’est une bonne question… Je pense que c’est un peu de chance et beaucoup « l’œil du photographe ». Tu vois un peu le genre ? La capacité de savoir reconnaître la qualité et le potentiel dans les images que l’on voit…
Tu n’avais, pour ainsi dire, jamais répondu à ce genre de question un peu trop vague et subjective pour être abordée. Tu aurais pu lui répondre qu’il te suffisait de cliquer sur le déclencheur. C’était une réponse valable… Mais un peu plus ennuyante. Peut-être que tu avais été complètement à côté de la plaque, que tu avais dit n’importe quoi. C’était probable. Mais qu’importe au fond ? Tu trouvais ta réponse plus intéressante qu’une réponse purement technique. (Tu essayais beaucoup trop de te justifier, pour le coup d’ailleurs)
- J’espère que ma réponse te convient…
Ce manque d’assurance navrant. Tu accordais toute la confiance possible en ton travail et le fruit de ton labeur, mais tu étais toujours un peu timide lorsqu’il était temps d’en parler. Tu craignais toujours de déplaire, de mal répondre… La photographie ramassait sur ses épaules la majorité de tes incertitudes et de tes faiblesses en tant qu’être humain. Et dire que c’était le gros de ton revenu.
Lorsque la jeune femme se présente enfin, tu ne peux t’empêcher d’esquisser un sourire franc : ça fait du bien de changer de sujet, de ne plus penser à cette fichue question, à ta réponse. Tu as toujours fait de grosses fixettes sur de petits problèmes, Izaiah. En as-tu seulement conscience ?
- Izaiah. Izaiah Lux Silvērsteiń… Mais tu peux m’appeler simplement Iza’. Vraiment. Enchanté Lyanora !
Parce que tu étais conscient d’avoir un nom à dormir debout. Tout le monde te le disait. Le message était bien passé. Il ne te dérangeait pas, évidemment, mais c’était on ne peut plus clair que si tes parents t’avaient vraiment aimé, ils t’auraient trouvé un nom un peu moins chiant à prononcer. (C’est faux, évidemment) Tes parents t’aimaient. Ils n’avaient juste pas pensé à toi sur le long terme, aux conséquences de s’appeler « Silvērsteiń » dans un monde comme le vôtre. Mais bon, était-ce vraiment grave ? Personne n’allait en mourir, de ton patronyme imprononçable. Le monde n’en dépendait pas.
Ce à quoi tu t’attendais le moins, au final, ce fût de la voir courir directement vers le banc sur lequel tu lui avais volé son image quelques minutes auparavant. Sa question, toutefois, te fit pouffer de rire. D’un rire doux, amical, nullement malicieux. Décidant de la rejoindre, tu tends une main dans sa direction. Tu caches mal ton amusement, mais aucun risque pour qu’elle le prenne mal… Si ?
- Ça pourrait rendre très bien… Si tu voulais bien me rendre mon appareil.
Malheureusement pour elle, tu ne pouvais rien faire sans lui. Il était ton allé, ton précieux allié. Néanmoins, sa proposition n’était pas totalement dénuée de sens. Elle avait un joli visage de profil et le cadre était enchanteur… Pourquoi pas ? Reprenant ton appareil, tu marques la distance entre vous de quelques pas avant de te pencher légèrement. Tu regrettes presque que l’après-midi ne soit pas plus avancé ; le couché de soleil, à cet endroit, devait être à couper le souffle… Au pire, il y avait toujours photoshop. C’était très romantique ça « photoshop ».
- Essayons si tu veux !
Ça te rappelait un peu les séances photos qui te faisaient vivre. Sauf que cette fois, c’était volontaire et bénévole : c’était pour le plaisir et rien de plus. Dans le meilleur des mondes, tu trouverais du contenu pour ton Instagram ou ton portfolio… Et sinon, l’expérience aurait eu le mérite d’être agréable. Que demander de plus ?
- Relève un peu le menton et fixe un point fixe devant toi s’il-te-plait, aie l’air détendue ; naturelle. Je sais que ça va te sembler difficile, mais essaie d’oublier la caméra. Tu peux faire ça ?
Tu n’avais jamais été excellent pour guider les gens. Les mots te manquaient plus souvent qu’autrement. Mais au moins, tu essayais.
Lyanora M. Caelum
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« Comme ça ? » Je m’étais exécuté intuitivement. Je ne l’avais pas regardé, le menton plus haut, un point. Un bon point fixe. Qu’était un bon point fixe ? Le soleil. Évidemment, comment j’avais même pu oser m’interroger. C’était évident. Le soleil était toujours un bon indicateur fixe à regarder. Si si ! Enfin, ça l’aurait été, si j’avais eu des verres fumés. Ça l’aurait été si je n’avais pas été un peu étourdie que j’avais pu faire voler en éclat les brûlures de rétine. Je vous ai dit que le soleil était fort ? Il l’était. Je vous ai dit que prendre la pose pour des photos ça peut sembler long quand le soleil prend ton œil pour une peau à bronzer. Non, monsieur le soleil, je n’appliquerai pas de crème solaire sur mon œil, ce n’est clairement pas sain. Il faudra qu’on parle vous et moi, mais de moins proche s’il vous plaît. Non parce que là, la lumière pénètre mon cristallin, je ne vois plus que cette grosse boule de lumière qui tranquillement m’arrache les cônes et les bâtonnets qui me permettent de distinguer les couleurs. Mes yeux commencent à se dessécher en laissant s’écoulant l’eau qui y a élu domicile. Ils tendent vers le rouge, ils s’irritent. Je le sens. Ça brûle. Je ne distingue même plus mes deux Pokémons qui me dévisagent. Ils ont bien compris que même sans une attaque zénith, j’avais eu une horrible idée. Très horrible. Non vraiment, je vous le dis d’expérience : très mauvaise idée, ne regardez pas le soleil. Évidemment, on ne gagne pas contre Phoebus. C’est impossible. On s’écroule et on souffre. Je ne suis pas une déesse, je n’y fais pas exception. L’ardence du soleil a raison de moi et je ferme les yeux.
Non !
On ne ferme pas les yeux pour une photo. Avec douleur je les ouvre. Et je recommence. Comme si j’avais la conviction que je pouvais l’emporter. Comme si d’une quelconque façon il m’était possible de soutenir l’aridité de mes yeux, comme si j’avais envie de souffrir de troubles oculaires. J’avais un bon opticien ? Même pas. J’étais juste un peu stupide… ou trop déterminée. Les photographies valaient-elles vraiment le coup ? Dans ma tête oui, je ne pouvais concevoir d’avoir dérangé monsieur Izaiah sans, au moins, lui fournir d’autres jolis clichés. C’était ma sacro-sainte mission, donnée par… par moi-même en fait. Personne ne m’y avait formé. Au-delà de Princesse, ma Rozbouton, qui avait brièvement chantonné de satisfaction, personne, vraiment personne ne m’avait demandé de devenir l’objet de photos pouvant nuire à ma santé. Et pourtant, me voilà. Telle une héroïne dont ne voulait pas l’aide : j’étais là. J’avais répondu à l’appel. L’appel qui, je vous le rappelle, n’avait pas été lancé.
Je cédai. Le soleil eut raison de moi. Il m’avait vaincu. Soudainement, je me cambrai de douleur sur le banc. J’avais suffisamment encaissé. « Arg ! Mes yeux ! » hurlai-je avec ardeur, avec colère. Quelle était donc cette émotion ? Quelle était donc ce feu qui bouillait en moi ? Le soleil m’avait-il infecté d’un virus duquel j’ignorais l’existence. « Ça fait trop mal, je comprends pas. » Grande innocence, reine de mon esprit. Je savais bien pourquoi. J’avais, une fois de plus, été incapable de réprimer mes impulsions. J’avais, une fois de plus, été cette personne godiche qui ne respecte pas qu’elle a des limites humaines. J’avais été stupide, simplement. Je maintenais une pression contre mes paupières comme si ça avait été utile. Je me voilais les yeux qui, de toute façon, ne voyaient pas grand-chose.
Princesse s’affolait en courant autour de moi. La pauvre n’avait pas de bras et ne pouvait pas vraiment faire mieux. Altesse me dévisageait, le dédain en guise de sourire. Elle était exaspérée. Je la comprenais. Je l’aurais été aussi si ça avait été elle. Quelle fierté pouvait-on avoir à avoir une dresseuse qui se laissait ainsi dominée par des impulsions puériles dans des circonstances incongrues et, vraiment, pas nécessaires ? Aucune. Non, vraiment aucune. J’avais beau avoir un minimum d’égo, je pouvais la comprendre. J’aurais eu honte aussi. « Monsieur Izaiah ? Vous avez de l’eau ? » Je n’en avais pas prévu. Je m’en serais acheté si j’en avais ressenti le besoin. Pour la peine, je m’affublerais moi-même du sobriquet « pire aventurière qui soit. » Je ne préparais rien. J’avais de l’argent. Les risques ? Boarf ! Minimes qu’ils disent, que je dis. J’ai des Pokémons pour m’aider. Si seulement j’avais pris la Madonne aujourd’hui. À défaut d’avoir prévu le coup, j’avais au moins le talent de savoir improviser, de savoir m’adapter, d’être résiliente, je n’avais pas le choix après tout vu comment j’agissais depuis que j’étais sur Lumiris ; comme une enfant. Une enfant imprudente qui avait, au moins, la chance d’avoir un bon entourage, des gens pour l’aider. Encore heureuse. « Juste un peu. Je crois que j’ai trop fixer le point. » et je ris maladroitement. J’avais mal, mais je m’amusais. Je me trouvais niaise. Je trouve ma crédulité amusante. C’était au moins ça, j’avais de l’auto-dérision.
Était-ce que je voulais constamment attirer l’attention ? Non. Il y aurait longtemps que j’aurais commencer à faire des chroniques dans la Gazette régionale sinon. Les mésaventures d’une enfant dont les parents étaient des vedettes et qui manquait d’attention. Bon le titre manquait d’efficacité, de punch, mais ça décrivait bien ce qu’aurait été ma réalité si ce problème, cette façon que j’avais de toujours trouver LA mauvaise idée qui allait m’empêtrer les pieds dans les plats, avait été causé par un manque d’attention, une envie d’être vue. Au lieu de ça, j’étais juste un peu stupide. Ça se valait comme argument, ça aussi.
À ce moment, ma tête me traitait de tous les noms. Je n’arrivais pourtant pas à pleurer. J’avais les yeux desséchés de larmes, ils avaient tout pris pour conserver une certaine hydratation. C’était donc impossible de pleurer de douleur ou de tristesse. C’était incompatible avec le phénomène chimique qui se produisait dans la région oculaire. Avais-je cligné des yeux pour éviter le problème ? Bien sûr que non. J’avais trop peur d’être surprise par une photo et d’y découvrir des paupières refermées. Ç’aurait été l’horreur. Au fond, j’étais peut-être un peu superficielle. Un peu. « Qu’est-ce qu’il y a chère Princesse » Malgré la douleur, je demeurais réceptive. J’aurais pu la pousser du pied, j’aurais pu repousser ma Rozbouton qui voulait me réconforter, qui avait enfin cessé de paniquer. Elle monta sur mes genoux, pleine d’assurance, repoussant mes mains. Repoussant mes bras avec le bout de son bourgeon.
Elle était humide. S’était-elle baignée ? Non. Elle était simplement futée. Elle ouvrit légèrement le bout de sa fleur et la pressant contre le dos de mes mains que je repoussai. Tourniquet. Elle s’était simplement imbibée d’eau avec l’espoir que cela suffise à calmer ma douleur. Quelle adorable et délicate attention. Je souris, malgré moi, malgré la douleur. Je reculai légèrement la tête et commençai à me masser les paupières avec l’eau sécrétée par mon Pokémon. Il y avait quelque chose d’apaisant dans cette lotion improvisée. Qui me faisait du bien et me faisait sentir mieux. « Merci ma chère Princesse, vous me sauvez une nouvelle fois. » Oui, c’était devenu habituel. C’était comme ça. Chacun de mes Pokémons s’était habitué à mes intrépides accès de bravoure. À ces moments stupides où je repoussais les limites de mon corps. Elles avaient toutes l’habitude et cherchaient toutes des solutions avec vivacité. Pour moi. Pour mon confort. Elles étaient prêtes à tout.
« Vraiment désolée pour l’incident monsieur Izaiah… vous, ça va ? » Évidemment que non. Je veux dire oui, il allait bien physiquement, mais je lui avais forcément fait pomper la patate. Il avait eu peur. Il s’était posé des questions. C’était normal. Mais moi, je reprenais la conversation comme si rien n’était arrivé continuant d’apaiser la sensation de brûlure en me frottant les yeux. Comme si c’eut été normal, voire naturel. C'était là tout le paradoxe de mon être - et son charme - je me remettais si vite sur pieds.
Jamais tu n’avais fréquenté des gens au QI discutable. Enfin, des idiots, tu en avais souvent croisé… Mais, déjà, jamais tu ne l’avouerais parce que ce n’était pas gentil et que tu étais quelqu’un de vraiment gentil et, en plus, tu n’avais jamais vraiment rencontré de gens fondamentalement … Stupides ? Ce n’était pas vraiment le mot qu’aurait aimé utiliser, mais c’était le seul qui te venait en tête en cet instant de grande crise à l’horizon. Enfin, peu importait. Concentré sur la demande de la jeune femme, tu ne remarques pas quel point elle s’est mis en tête de fixer. En même temps, comment aurais-tu pu deviner ? Jamais il ne t’aurait effleuré l’esprit de regarder le soleil si quelqu’un en était venu à te demander de regarder un point immobile dans l’univers. Tu aurais centré ton attention sur la cime d’un arbre, sur le bleu du ciel, sur un nuage trop lointain pour que son mouvement puisse être discerné, mais jamais tu n’aurais admiré le soleil sur une si longue période. Tu n’avais jamais vraiment non plus discuté avec quelqu’un d’aussi premier degré. Ce n’était pas un jugement en soi, mais plutôt une constatation. Il était connu de source sûre que l’astre qui rythmait la passation des journées était aussi nocif pour la rétine que le cyanure pouvait l’être pour l’organisme… Alors comment ? Comment pouvait-on en arriver là ? Tu aurais aimé connaître le fil de pensées qui l’avait guidé sur cette piste, à cette solution absurde, mais tu n’aurais sans doute pas compris. Certaines choses passaient mieux sous silence qu’une fois expliquée… Et l’ignorance n’était pas toujours un fardeau après tout. Parfois, c’était un cadeau.
En ce moment, c’en était un.
Rebaissant l’objectif de ton appareil photo, tu décroches un regard d’incompréhension à la jeune femme lorsqu’elle se cambre de douleur sur le banc en poussant quelque gémissement de douleur. À cet instant, nul ne sait si l’incompréhension aurait pu se dépeindre avec plus d’exactitude sur les traits de ton visage. Sans doute pas. Penchant légèrement la tête sur le côté, trop surpris pour réagir immédiatement, tu l’écoute se plaindre de la douleur alors qu’elle couvre ses yeux de sa main. Comme si cela pouvait aider. Comme si c’était la solution…. Autour d’elle, son Pokémon s’affole. Comment ne pas s’affoler ? Toi-même, tu finis par reprendre le dessus sur ta stupéfaction.
- Euh, je… Je crois que oui !
Oui. De l’eau. Tu en avais sans doute dans ton sac. Le retirant de tes épaules, tu te mets à farfouiller l’intérieur de ton sac, repoussant tous les objets qui te tombent sous la main à la recherche de la bouteille d’eau que tu apportais immanquablement lorsque tu sortais plus de quelques minutes de ton appartement. Mais où était-elle ? La nervosité rendait tes gestes imprécis et tremblants, comme si chaque seconde était comptée ou que la moindre imperfection risquait de lui coûter la vie. Ou la vue. Tu ne savais pas encore, à cet instant, ce qui lui était arrivé ni pourquoi ses yeux la faisaient tant souffrir, mais tu ne voulais pas être tenu pour responsable d’un drame oculaire quelconque. Imagine si elle revenait contre toi… Contre le photographe incompétent qui l’avait prise en photo et qui l’avait rendu aveugle. Ce n’était pas bon pour les affaires ça. Les scandales, ce n’était jamais une bonne chose quand tu n’étais pas au sommet. Et, définitivement, tu étais loin du sommet.
Eureka. Après quelques minutes qui te semblaient, jusqu’alors, interminables, tu finis néanmoins par brandir ta bouteille d’eau comme un trophée… Mais il est déjà trop tard. Sur ses genoux, son Pokémon a déjà sauvé la situation. Et toi, tu as été inutile. Comme à ton habitude. Néanmoins, ton soulagement n’est pas feint. Prenant une grande inspiration, tu fermes les yeux quelques secondes pour reprendre le dessus sur le rythme effréné de ton pauvre cœur maltraité. Tout est bien qui finit bien, n’est-ce pas ? C’est tout ce qui compte.
Te relevant, tu repasse ton sac sur tes épaules puis t’approches de Lyanora afin de t’asseoir à côté d’elle. Tu ne lui parles pas de la teinte rouge qu’on prit ses yeux ni de… ni de rien d’autre d’ailleurs. Soucieux de son état, tu te contentes de lui tendre la bouteille d’eau par habitude. Il valait mieux « plus » hydrater que pas assez dans ce genre de situation. Enfin, qu’en savais-tu réellement ? De toutes tes années passées dans un hôpital, c’était dans la section psychiatrique que tu avais vraiment évolué. Les gens qui s’étaient retrouvé à l’urgence parce qu’ils avaient … eu des problèmes aux yeux, tu ne les avais jamais croisés. Peut-être était-il temps de visiter les autres départements, maintenant ? Tu pourrais sans doute apprendre beaucoup à leur contact…
- Tiens, prends-là. Je ne sais pas ce qui est arrivé, mais il est conseillé de se rincer les yeux jusqu’à quinze minutes dans certains cas alors je pense que tu perds rien à recommencer.
Murmures-tu avec amusement avant de prendre une grande inspiration. Trop de sentiments et de panique pour un corps fragile comme le tien. Pouvait-on trépasser au tournant d’une crise de cœur lorsque ce cœur n’était pas le nôtre ? Était-on plus à risque ? Quel malheureux gâchis ce serait…
- Ça va oui… Merci et toi ? Qu’est-ce qui s’est passé …? Tu veux que l’on aille à l’hôpital, au cas où ? Je peux t’y amener, ce n’est pas un souci.
De toute manière, l’hôpital dans son concept le plus grand était devenu ta deuxième maison. Tu t’y sentais à l’aise et ridiculement « chez toi »… Peut-être était-ce dû aux conditions de ta naissance et au fait que tu avais grandi en courant dans les couloirs d’un centre hospitalier. Peut-être. Même s’il n’y avait aucune certitude à ce sujet, la théorie restait sans conteste la plus plausible : tu étais un enfant des civières, des lits mornes et des murs sans vie.
À ton cou, ton appareil photo pend toujours. Curieux, tu le reprends entre tes doigts tendus puis tu actionnes la visionneuse… Avant de sourire légèrement. Au moins, toute cette douleur en aura valu le coup. Attendant que Lyanora ait fini se se rincer les yeux et que la situation se soit un peu calmée, tu finis par retourner l’écran de l’appareil dans sa direction avant de le lui tendre.
- Tu veux voir ?
Peut-être refuserait-elle. On ne pouvait pas vraiment qualifier l’expérience de « positive » après out. Elle était loin de l’être et tu ne pourrais pas vraiment le lui en vouloir si elle attachait à la photo une signification particulièrement néfaste. Après tout, ce n’était pas à tous les jours que l’on passait près de devenir aveugle parce que quelqu’un nous indiquait de fixer un point immobile … Sans préciser que le soleil n’était définitivement pas une option intéressante. Était-ce vraiment ta faute, au final ? Aurais-tu pu prévoir et éviter cet instant ? La culpabilité qui nait à cette idée te serre imperceptiblement la gorge.
- Si ça peut te rassurer, la photo est magnifique… Je n’irai pas jusqu’à dire que ça en valait le coup, mais le résultat est à la hauteur de toutes mes attentes.
Sincérité. Tu n’étais pas du genre à complimenter le fruit de ton travail lorsqu’il ne te plaisait pas… Même pas pour rassurer quelqu’un. Parfois, tu maugréais quelques paroles pensées pour plaire aux gens et ne pas leur faire regretter l’expérience, mais jamais tu ne parlais aussi franchement si tes propres attentes n’étaient pas atteintes. Cette fois, tout allait bien.
Lyanora M. Caelum
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« Non non ça ira. » J’avais été plutôt prompte à répondre. Je n’avais pas envie d’aller à l’hôpital. Je lui avais brusquement arracher sa bouteille d’eau des mains pour me verser le contenu dans le visage et j’avais refusé son aide. Il n’était pas question que j’aille à l’hôpital. Pas aujourd’hui, pas ici, et j’osais espérer jamais ni nulle part. Ça me faisait peur, mais j’osais imaginer qu’il était de ces hommes qui pouvaient se montrer insistant lorsque venait le temps de prendre soin des autres. Mais il était respectueux, pas vrai ? Il respecterait ma volonté, il ne m’y amènerait pas si je ne le voulais pas ? « N’est-ce pas ? » Oups. J’avais cafté ma pensée. Il comprendrait, avec pas mal de perspicacité que quelque chose me taraudait. S’il n’en avait aucune, alors il croirait que je lui demandais si j’allais bien. Dans un cas comme dans l’autre, j’avais l’air d’une débile qui n’arrivait pas à se comprendre seule. Pourquoi avais-je seulement ouvert la bouche ? Ce n’était pas nécessaire. J’aurais pu tout simplement rester muette. Non, ça aussi c’était très compliqué. Trop pour moi. Répondre à ses questions ? Ça aussi c’était trop. J’avais honte, j’étais mal. Si je n’étais pas affectée par le spleen alors je ne devais pas en être bien loin. Je regrettais tellement d’avoir gâché le moment et pourtant, je ne m’excusai pas.
Caressant la tête de ma Rozbouton, j’ouvris les yeux lentement, les frottant de ma main libre. Tout était flou. Évidemment. Je venais de me vider près d’un litre d’eau sur les yeux, je ne verrais pas tout dans l’immédiat. L’irritation était normale, mais ça me rendait nerveux. Je voulais voir maintenant. Je voulais pouvoir scruter l’horizon, je voulais voir ce travail qu’il me montrait. Je voulais voir ce qu’il avait fait de moi, avais-je été suffisamment belle ? Avais-je au moins réussi à bien fixer le point ? Étais-je restée assez immobile pour être un tant soit peu fière de moi ? Je n’osais pas le demander, je ne voulais pas être jugée. Puis sa voix me rassura. Elle était magnifique. Était-ce vrai ? Je ne savais pas. J’hochai la tête et saisit l’appareil pour en regardant l’écran. « C’est moi ? » dis-je curieuse, sur le même ton que je lui avais demandé s’il était le photographe. C’était crédible, voire très… mais en réalité je posais cette question car je ne savais pas. Je ne savais pas ce que j’étais en très de regarder, avait-il changé de photo ? Avais-je accroché un bouton ? Je ne voyais qu’une espèce de lumière blanche à la forme rectangulaire dans un plus gros rectangle, celui-ci noir. Je ne dissimulais aucune forme, aucune couleur sur l’image. Je ne pouvais même pas deviner si c’était moi. Des larmes montèrent à mes yeux. L’une tomba sur l’appareil.
Merde.
J’étais maintenant obligée de feindre d’être émue alors qu’en réalité, j’avais simplement mal. Mal à l’âme et aux yeux. « Elle est vraiment jolie... j’ai réussi à fixer le point. » déclamai-je , un sanglot à la gorge, un sourire feint aux lèvres. Je posai l’appareil à gauche, sur le banc, et je m’enfouis la tête dans le bulbe de ma Rozbouton qui échappa un petit cri de surprise. Qu’espérais-je trouvé ? Plus d’eau ? Non. Du réconfort. Elle ne m’en apporta pas. Elle se ratatina plutôt, serrant son étreinte contre mon visage de telle sorte à ce que je n’aie pas le choix de me retirer. Elle ne voulait pas de mon visage en elle et, d’une certaine façon, je la comprenais. Mon réflexe fut spontané. Je me laissai tomber contre Izaiah, le visage sur sa cuisse. Tous ces efforts mis pour le convaincre que je me sentais bien venaient clairement d’être ruinés. Indisposée, ma Rozbouton roula jusqu’à mon aisselle et s’y blottit. Il n’était plus question que je bouge. Il n’était plus question que j’ose, ne serait-ce que brièvement, la déranger. Pourquoi ? L’instant suivant, elle dormait… comme ça, au milieu d’une journée forte en émotion pour moi.
Une main sur le genou de mon photographe d’un jour et l’autre dans son dos, je serrai mon étreinte, plantant mes ongles dans son épiderme. Je ne voulais pas lui faire mal, j’exprimais simplement ma rage. Cette rage intérieure qui m’assaillait d’avoir été suffisamment idiote pour fixer l’astre solaire et d’ainsi anéantir ma possibilité d’admirer le travail de ce talentueux homme. « Il vous a fallu du temps pour apprendre à voir la beauté chez les gens comme ça monsieur ? » susurrais-je tentant d’éviter le sujet de ma capacité oculaire à l’heure actuelle. J’avais besoin de penser à autre, j’avais besoin de prouver que j’allais bien, même si mon attitude avait changé du tout au tout. « Moi je dessine… » Dessinais ? Devais-je parler au passé ? Je ne savais pas où me positionner. Serais-je un jour capable de dessiner à nouveau ? Ma pause commençait à être marquée, il fallait que je cesse de me questionner autant il fallait que j’enchaîne. Je ne pouvais pas simplement dire que je dessinais sans donner de suite à ma phrase. Outre celle de me vanter, le dire ainsi n’avait vraiment aucune pertinence. « … professionnellement. Je dessine comme boulot des trucs que je vois… un peu comme vous, je capture les images, mais avec un coup de crayon… mais il m’a fallu terriblement de pratique pour y arriver. Je devais dessiner chaque jour pendant des heures pour avoir un truc potable. C’était difficile… j’ai souvent voulu jeter l’éponge… » Oui, je devais en venir au but, je tournais en rond. Je m’éloignais du sujet, je commençais probablement à lui faire mal à force d’enfoncer mes ongles dans sa peau et pourtant je continuais de parler… comme si rien n’était. « Avec la photo… C’est plus simple non ? Je veux dire, comme c’est instantané ? » En plus de gâcher notre séance photo improvisée, j’en étais venu à insulter son art. Mille excuses monsieur Izaiah, viendrait un jour où je m’excuserais. Je l’espérais. Pour le moment, je le faisais télépathiquement, espérant qu’il le capterait d’une manière ou d’une autre. J’aurais voulu expliquer davantage ce que je voulais dire, le démontrer, l’illustrer… puis je réalisai. Je ne pouvais pas. Il saurait que je n’allais pas bien. Il saurait que je tentais de lui mentir. Comment ? Parce que dans mon état actuel, je n’aurais même pas su faire un trait droit ou dessiner un rectangle. Secrètement, j’espérais qu’il ne me demanderait pas de lui montrer mes dessins, je n’aurais pas été capable de lui expliquer ou de lui décrire le moindre de mes croquis.
Je m’en mordais les doigts… non… plus exactement, je lui mordais la cuisse. J’en étais arrivé à cette étape… sans m’en rendre compte, mes dents avaient capturé sa peau et j’épongeais ma rage à travers lui. Je n’en étais pas consciente, sinon je me serais retirée et j’aurais commencé à me fondre en excuses, au lieu de ça, je refermais ma mâchoire de plus en plus… Il devait avoir mal, il devait se sentir tiraillé. Si j’avais été lui, je me serais poussée contre le sol, advienne que pourra. Il aurait eu une bonne raison de le faire… je ne lui en voudrais pas… je crois.
Non. Tu ne comptais pas insister. Tu n’insistais jamais de toute façon… Ton but n’avait jamais été de devenir quelqu’un de lourd et de désagréable, quelqu’un qui agissait selon ses propres convictions sans même accorder une oreille à celles des autres. Trainer de force les gens à l’hôpital, alors qu’eux-mêmes te suppliaient de ne pas le faire, te fendait plus le cœur que ça te donnait l’impression d’être un « héros ». Toi, tu n’avais pas aimé que l’on t’y oblige. Même si c’était dans ton intérêt et que ta santé était plus importante que le son de tes protestations, tu gardais un horrible souvenir de toutes ces fois où l’on t’a dit oui alors que tu hurlais non.
Il n’était pas question de faire vivre cela à quelqu’un d’autre, pas question de te penser au-dessus ou plus en droit de savoir ce qui était bon pour eux. Tu n’étais même pas habileté à le faire… Exception faite de vingt-deux ans passés dans les couloirs des hôpitaux, tu ne connaissais rien de la santé ou de la meilleure manière de prendre soin des gens. Dans cette grande aventure qu’était « la santé », tu avançais à tâtons tout en tentant de te remémorer les conseils que tu avais peut-être reçu à une époque, mais qui étaient désormais bien loin dans le gouffre de ta mémoire.
Alors, non, il n’était pas question de forcer la main à Lyanora ou de lui répéter toutes ces belles paroles que l’on débitait machinalement comme une prière lorsqu’il était temps de convaincre les gens contre leur gré. Tu n’étais pas comme ça. Certainement pas meilleur, mais certainement pas pire… ni totalement égal. Si un jour elle devenait aveugle, tout aurait tout le temps de regretter ton inertie et ton détachement… Mais, d’ici là, tu comptais la respecter. Était-ce trop demandé ?
Acquiesçant en silence, tu lui fais comprendre en douceur que tu n’as pas l’intention de l’emmerder à ce sujet. De toute manière, tu es beaucoup trop occupé à tenter de détourner la conversation et à alléger l’ambiance pour l’enquiquiner inutilement. Appareil photo à la main, tu t’émerveilles du résultat de cette horrible expérience. Parce que, au fond, quoi que l’on en dise : tout le bon ne suffirait pas à effacer l’inquiétude et les larmes. Amusé, tu la laisses prendre l’appareil photo alors que sa question rompt le silence.
- Oui…
Était-ce l’incrédulité ou… Autre chose ? Tu ne le savais pas et tu n’avais pas envie de le lui demander. Tu ne voulais pas la confronter sur l’état de sa vue, sur l’irritation dans ses yeux… En aucun cas tu n’avais envie d’être lourd ou dérangeant. Tu n’étais pas à l’hôpital : les gens pouvaient partir d’ici, ils pouvaient t’abandonner ou préférer la solitude à ta présence. Ce n’était pas à ton avantage d’être chiant. Tu n’avais qu’à te taire, qu’à faire semblant que tout allait bien… Non ? Il n’y a que lorsque les larmes commencent à se trahir d’elles-mêmes au coin de ses yeux que les doutes se dissipent et que tu comprends que quelque chose ne va pas.
Tentant de gober son excuse de l’être ému, tu hausses doucement les épaules. Oui… Elle a bien fixé le point. C’est tout à son honneur, tu supposes. Mais ce point a coûté cher, trop cher pour que l’on puisse vraiment s’en réjouir.
Tu n’essaies même plus de feindre l’ignorance lorsqu’elle éclate en sanglots et que le mensonge se déstructure. Son visage enfoui dans le bulbe de la… plante vivante ne tarde pas à être rejeté par celle-ci et, aussitôt, la jeune femme jette son dévolu sur… Sur toi. Montée de chaleur, rougissement exacerbé, embarras : les mots ne suffisent pas à décrire l’inconfort qui te cloue sur place lorsque son visage rejoint ta f… cuisse. Ta respiration, courte et saccadée, ne tarde pas à trahir tous les autres signes de ton incommodité. Et pourtant, dans une ultime tentative pour être humain tu te risques à déposer une main délicate sur l’épaule de ta nouvelle amie. Vous n’êtes définitivement pas assez proches l’un de l’autre pour justifier ce genre de proximité… Mais qui es-tu pour la rejeter ? Pour rejeter une femme. Tes relations avec celles-ci n’étaient déjà pas… incroyables, tu n’allais pas en plus te mettre à dos la seule habitante de Lumiris qui voulait bien te parler. Déterminé à prendre sur toi, tu scelles tes lèvres ensemble.
Inutile de préciser la grimace de douleur qui prend brièvement place sur ton faciès lorsqu’elle plante ses ongles dans ton épiderme. -Jamais tu n’as été aussi heureux de porter des vêtements-
- C’est une bonne question…
Des années, peut-être… Ou peut-être était-ce naturel chez toi. Naturel de voir la beauté dans un monde que tu n’étais pas censé avoir le temps d’admirer plus longtemps… Mais au fond, la réponse n’est que secondaire, elle ne compte pas vraiment. Ta vis-à-vis dessine et, dans toute sa panique, elle sent le besoin de t’en parler. Alors, tu écoutes. Non pas par automatisme ou crainte de l’interrompre, mais parce que les mots qui franchissent la barrière de ses lèvres t’intéressent réellement. Comme à ton habitude, tu aimes découvrir des gens aux passions diversifiées et aux intérêts différents des tiens… Tu aimes les entendre t’expliquer d’où ils sont partis et comment ils en ont arrivé là. Cette passion dans leur voix n’a pas de pendant dans l’univers.
- Je… C’est plus compliqué que ça je crois. La photographie demande un œil unique sur l’environnement, une capacité à voir les banalités du quotidien sous un angle différent et -…
Douleur vive qui remonte le long de ta cuisse pour venir se perdre à quelque part dans les terminaisons nerveuses qui couvrent le haut de ton corps. Cessant aussitôt de parler, tu fixes la jeune fille avec incompréhension alors que ton regard se fait de plus en plus perturbé. Incapable du moindre mot, tu te surprends à refermer un peu trop ta poigne sur le tissu de son haut, à te crisper un peu trop pour ce que tu es habitué d’être.
- Lya… ?
Puis vient un moment inévitable où la petite douleur devient trop et, aussitôt, tu te relèves brusquement afin que tout cela cesse. Cela fait, tu réalises que se lever aussi rapidement lorsque l’on a quelqu’un sur les jambes est… Une idée un peu bancale et qui manque cruellement de raffinement.
- Pardon !
Coupable jusqu’à l’os, tu te penches dans sa direction afin de lui tendre une main et pour l’aider à se relever. Tu en oublies tout : la douleur, l’embarras, le contact d’une… d’une fille.
- Je… je ne sais pas ce qui m’a pris ! Pardonne-moi, je n’ai pas réfléchi. Est-ce que tu vas bien ? Est-ce que tu es blessée ?
Et si la chute avait été mauvaise voir… dommageable ? Dans ton crâne et dans ton cœur, les hypothèses se superposent les unes aux autres jusqu’à former un épais nuage de confusion. Tout ce que tu sais avec certitude, c’est que cette situation te déplait au plus au point.
Tu as probablement blessé quelqu’un… Une amie peut-être même ! Et tu n’as absolument aucun moyen de te rattraper, d’effacer les conséquences potentielles de ton impulsivité. Tu ne peux qu’assumer. -Sauf que c’est pas trop ta came « assumer ». Tu préfères normalement « prévoir »-
Lyanora M. Caelum
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J’avais été surprise. Aspirée dans cet espèce de gouffre flou qu’était l’étonnement. Ça n’était pas une belle surprise. Mon corps entier avait succombé à une immense panique, une panique indescriptible qui, sur le coup, n’était un épais nuage d’incompréhension. Ma mâchoire lâcha sa prise et je me sentis voler. J’étais projetée à une vitesse que ne je parvenais à qualifier vers un sol duquel je ne pouvais même pas dissimuler les formes. Mes genoux s’écorchèrent contre le sol, mes mains fusionnèrent presque avec la forme de l’asphalte. N’importe qui aurait échappé un cri de douleur, au pire un enfant aurait pleuré. Pas moi. J’avais une meilleure réponse. Une réponse complètement incohérente par rapport aux événements, j’ignorai la succession de questions d’Izaiah. Je n’étais plus là. Je n’avais pas perdu conscience, mais ma tête était ailleurs. Mes yeux, malgré leur infirmité, se promenaient à gauche et à droite. Je cherchais deux formes vertes. Des silhouettes. « Altesse ! Princesse ! Où êtes-vous ? » La Budew, un peu plus tôt, s’était cachée contre moi, elle avait forcément été projetée elle aussi et j’avais peur de l’avoir écrasée. J’avais peur qu’elle soit tombée, que le pire lui soit arrivée. La réponse de ma Petilil fut rapide, elle s’était simplement cachée dans ma sacoche, mais celle de Princesse tardait. Encore et toujours. J’étais cette personne anxieuse à la vue dérobée qui jouait à Marco Polo avec des amis qui, chaque fois qu’elle hurlait Marco plongeait sous l’eau pour ne pas avoir à répondre le fameux Polo, mais cet ami, c’était mon Pokémon qui ne me répondait pas. « Altesse, aidez-moi. Où est Princesse ? » À ce stade, ma couverture était grillée. Izaiah saurait bien que quelque chose clochait, pourtant, je m’évertuais toujours à le lui dissimuler.
Mon cœur battait à en rompre ma cage thoracique, chaque instant qui passait, je sentais une immense douleur m’arracher la poitrine. Une douleur que je ne pouvais traduire autrement que par la peur et l’angoisse. J’étais une mère qui avait perdu son enfant. J’étais cette personne qui avait perdu la chose la plus précieuse qui existait. Et je ne le communiquais pas. Je le manifestais. Je ne pouvais porter mon attention ailleurs. Pourquoi Izaiah s’était-il soudainement levé ? Me voulait-il du mal ? L’avais-je inconforté ? Je n’avais même pas le temps de me poser ces questions, trop absorbée à essayer d’entendre la douce voix de mon bourgeon. Je rampais au sol, humant l’air, espérant capter l’odeur subtil de cette fleur en devenir. Je n’y arrivais pas, évidemment. Je n’étais pas un chien. Je le savais bien. « Mais bordel ! On dit que les personnes aveugles voient le reste de leur sens augmenter, pourquoi ce n’est pas mon cas ! » hurlais-je à plein poumon. J’avais échappé un juron et je l’avais ignoré. Je ne m’en étais pas rendu compte, j’étais trop occupée à me taper les oreilles comme si ça allait m’aider d’une quelconque façon. C’était beau de rêver, non ? On ne pourrait pas me reprocher, sur mon lit de mort, un jour, de ne pas avoir assez rêvé. Ma vie entière était sculptée autour du rêve, de la volonté de voir et de vivre ce qui n’existait pas. J’aurais aimé que ça fonctionne là, maintenant. Non. La vie n’était pas ainsi faite et, intérieurement, je rageais. Je trépignais d’impatience. J’avais peur.
Puis il y eut ce cri. Ce cri à m’en glacer le sang. Un cri rauque, froid, presque sanglant, annonçant le pire des présages dans les comptes de fées. Un cri aigu de la même tonalité de voix que celle de ma chère princesse. J’aurais eu envie de me détendre, de me dire qu’elle était en vie, mais j’en fus incapable. Au lieu de ça, je me levai tel un chien de prairie. La tête bien droite, les oreilles pointant presque vers la source du cri. Elle était là… tout prêt, mais je ne la voyais pas. J’en étais incapable. Monsieur Izaiah la voyait-elle ? Je l’ignorais et le lui demander revenait à admettre que je lui avais menti. Je l’avais fait, il faudrait bien que j’assume. « Votre Altesse ! Vous la voyez ? » Car oui, évidemment, si je ne m’adressais pas à lui, il ne m’entendrait pas et ne comprendrait pas le mensonge que je lui avais sculpté. C’était beau que de résider dans mon imaginaire. C’était rose et plein de belles histoires, des à-croire que je continuais de me partager avec l’infime conviction qu’ils étaient vrais pour éviter de me traumatiser ou de m’avouer à moi-même que le monde n’était pas aussi rose que je l’entendais.
Un nouveau cri déchira le silence à peine existant. Partout autour, je semais la panique. Les enfants, les adultes, les pokémons… tous s’étaient attroupés autour d’Izaiah et moi se demandant ce que la déglinguée avec un béret faisait à ramper contre le sol en beuglant comme s’il y avait mort d’hommes. Pourquoi ne me levais-je pas ? Pourquoi ne me ruais-je pas vers le cri de mon Pokémon ? Ils ignoraient le contexte, mais ils me jugeaient. On aurait eu beau crier de circuler, qu’il n’y avait rien à voir, je m’affublais suffisamment pour offrir un spectacle palpitant nourri de mille-et-un rebondissements, ma plus récente action étant le summum de ma stupidité. M’étais-je levé dans un état particulier ce matin pour être aussi écervelée ? Pour réfléchir si peu aux résultats de mes actions ? J’aurais pu dire oui pour me défendre, mais non… c’était simplement naturel.
Avec toute la misère du monde je me redressai et parti à courir vers la marina, vers les quais où les navires étaient accostés… vers la mer. J’étais aveugle et je courrais vers un cours d’eau terriblement dangereux. Tout au plus, cent mètres me séparaient du bord des quais. C’était assez pour que Princesse aie roulé jusqu’à la mer et qu’elle se soit retrouvée à l’eau. De par sa taille et son âge, elle ne parviendrait pas à nager longtemps. Elle avait besoin d’aide et à titre de dresseuse, c’était mon boulot. Dans ma course, je fis tomber ma jupe puis mon blouson. J’étais en sous-vêtement. Je me fichais des apparences. Je n’avais qu’une idée en tête retrouver ma précieuse Princesse qui m’appelait à l’aide. Je ne voyais rien. Tant pis. J’aurais pu avoir tous les handicaps du monde que je m’en serais foutu. Mon aide était capitale et urgente.
Mon pied se déroba à l’étreinte éternelle du sol. Ça y était. Je volais. Je volais vers la flotte de laquelle les cris de mon Pokémon s’échappaient. Je n’eus pas le temps de battre des ailes pour m’envoler ou de planer bien longtemps. Mon corps s’immergea en son entièreté dans la marre d’eau salée. « Je suis là Princesse, où êtes-vous ? » Si j’avais été le moindrement avenante, j’aurais demandé l’assistance d’un tiers, de quelqu’un qui y voyait quelque chose, mais j’étais téméraire. J’étais prête à tout pour mon équipe… même me noyer moi-même à défaut de pouvoir rejoindre la berge que, rappelons-le, j’étais dans l’incapacité de voir. Je nageai en direction du cri de mon bourgeon et l’effleurai du bout des doigts avant de l’attraper et de la serrer contre ma poitrine.
Mais dans le feu de l’action, dans cet accès de courage, dans ce moment de pure vulnérabilité, dans cette phase où je me laissai succomber à la puissance de mes émotions, j’avais oublié que moi-même je ne serais pas en mesure d’atteindre le quai ou la berge de béton. En détresse, je criai à mon tour « Monsieur Izaiah ! » Le cri était aigu, plein d’espoir, teintée par mes propres peurs et ce frisson qui parcourait le corps. J’étais toujours aux prises avec l’adrénaline. « Vous pouvez m’aider ? » À l’origine, cette fâcheuse situation, c’était lui qui l’avait créée en se relevant subitement, mais je le pardonnais, je pardonnais toujours. D’une manière ou d’une autre j’étais en bien mauvaise position pour lui en vouloir.
Ah. Tu allais en entendre parler longtemps de celle-là… Que ce soit via les grondements de ta conscience qui allaient prendre un malin plaisir à te répéter incessamment que tu venais de jeter ton… amie -?- à tes pieds ou via la voix d’un témoin dont tu ne soupçonnais même pas l’existence, tu savais que cette situation ne resterait pas dans le flou. Que ce soit aujourd’hui ou demain, un jour viendrait où tu paierais cher ton manque de délicatesse. Et tu n’avais pas spécialement hâte d’en être. Tu n’avais pas envie de réaliser que Lyanora venait de se blesser et qu’il était -parfois tu étais extrême- nécessaire de l’amener à l’hôpital… Tu savais que, là-bas, il faudrait expliquer : pas de violence conjugale, pas de règlement de compte, mais une grosse maladresse. Sauf que cette maladresse avait un nom : Izaiah. Et tu te fichais bien de savoir qu’il y avait des circonstances atténuantes. Pour toi, l’impulsivité était aussi condamnable que la cocaïne. Elle ne faisait normalement pas partie de toi et de ton quotidien. Pour être toi, pour se prétendre Izaiah, il était nécessaire d’avoir toujours le contrôle : l’argument de l’humanité -avec tout ce qu’elle incluait à la fois de meilleur et de pire- ne comptait pas.
Alors oui. Si Lyanora venait de se blesser, tu en entendrais parler longtemps. Trop longtemps. Et si tu avais le malheur d’oublier, ta conscience ne manquerait pas de faire le travail à ta place.
Le verdict tombe finalement : Princesse a disparu. Pas de blessure notable, mais la disparition du Budew de ton vis-à-vis. Au final, tu ne peux pas prétendre être rassuré par cette finalité ou quoi que ce soit : elle ne te convient définitivement pas. T’es pas magicien, tu ne fais pas disparaître des pokémons en claquant des doigts et encore moins par plaisir coupable. Même si l’illusionnisme est une passion comme une autre, tu n’y connais strictement rien. Une fois, tu avais tenté d’apprendre un tour de cartes hyper trivial et, devant tes échecs répétés, tu avais conclu qu’il était plus facile de sauver une âme à la dérive que de faire sortir une reine de cœur à tous coups. Depuis, ça n’avait pas changé : Tu n’avais pas appris du jour au lendemain à faire disparaître des bourgeons vivants.
Alors où était-elle ?
Dans la panique du moment, tu ne l’avais pas non plus vu se dérober à vos regards respectifs. Tu savais seulement qu’elle avait été là à un moment puis plus là l’instant d’après. Fin.
Arquant un sourcil, tu fixes en silence Lyanora qui se traîne sur le sol en hurlant à sa Budew de réapparaître aussi rapidement qu’elle avait disparu. Ça ne fonctionnait pas comme ça. Elle devait le savoir, elle aussi, mais il ne suffisait pas de demander le retour de quelque chose pour que cela arrive. La vie n’était pas un conte de fée, une petite incantation de deux minutes et demie ne réglait pas tous les problèmes. Tu aimerais bien, toi aussi, mais non.
- Tu devrais te calm-…
Non, ce n’était pas forcément quelque chose à dire en de telles circonstances, mais que voulais-tu dire de plus ? Balayant le sol du regard, tu prends une grande inspiration en tentant d’ignorer la foule de curieux qui vous fixent comme des bêtes de foire. Tout va bien. Ici et là, les murmures franchissent tes tympans histoire d’augmenter un peu le niveau de stress, mais tu les ignores superbement. Ça, c’est un truc dans lequel t’es plutôt doué : ignorer les choses qui te déplaisent. D’une part, tu estimais que c’était ce qui t’avait permis de survivre si longtemps à l’hôpital… Et d’une autre, aussi nécessaire soit-il, tu savais que le déni coûtait cher. Tes lunettes roses allaient tôt ou tard se retourner contre toi, c’était inévitable. Mais ça pouvait attendre encore un peu. Pour le moment, tu n’avais pas envie d’entendre ce que les gens avaient à dire. Ils t’embêtaient autant que tu les aimais.
Sauf que, sans savoir comment, la situation finit par atteindre l’apogée de l’absurdité. Comme si c’était possible. Comme si tu croyais cela possible. Tu n’as pas le temps de la rattraper, par le temps de lui dire que ce n’est pas une bonne idée que de foncer dans l’eau en étant à moitié aveugle : Lyanora fuse telle une fusée vers la mer dans laquelle elle s’enfonce sans la moindre hésitation. Dans ton corps, ton sang se glace brusquement alors que tu rejoins la rive juste à temps pour la voir serrer Princesse contre elle.
Le soulagement est de courte durée.
Une nouvelle fois, sa voix s’élève jusqu’à tes tympans. Vous pouvez m’aider ? Te retenant de pleurer de désespoir devant cette immaturité et cette spontanéité dangereuse, tu te contentes de soupirer bruyamment avant de retirer brusquement tes chaussures en maugréant. Mais quelle inconscience. Tu n’étais pas du genre à te mettre facilement en colère, mais ce genre de sauvetage improvisé qui se soldait par la nécessité de sauver le sauveteur te mettaient hors de toi. C’était pourtant la base : ne pas se mettre soi-même en danger en voulant aider quelqu’un. Autrement, ça annulait tout.
Retirant ton chandail à reculons, tu le laisses tomber à côté de ton appareil photo et de ton sac que tu rechignes un peu inconsciemment à laisser là, loin de toi et hors d’atteinte. Enfin, peu importe. Tu n’allais pas préférer ton appareil photo à la vie d’un autre être humain, mais ça sentait mauvais tout ça. Malgré tout, tu n’hésites pas à te jeter à l’eau afin de la rejoindre et de voler impunément à son secours.
Nageant vers elle, tu t’arrêtes à proximité et profite de tes quelques centimètres en plus pour garder tes pieds solidement ancrés dans le sable fin qui couvre le fond de la mer.
- Je suis là… Ne fais aucun mouvement brusque d’accord ? Ce n’est que moi.
Murmures-tu simplement en glissant ta main le long de son bras pour mieux le saisir et le glisser autour de ton cou. Serrant la belle contre toi, tu t’avances à tâtons vers l’origine de votre salut. Heureusement, la berge n’est pas très loin et, rapidement, tu retrouves le confort de la terre ferme. En y arrivant, tu ne peux t’empêcher de ressentir un profond soulagement alors que tu aides Lyanora à s’asseoir sur le sol, sa Budew entre les bras. Au final, tout est bien que finit bien… N’est-ce pas ?
Tu aimerais avoir cette certitude bien ancrée en toi, mais le tableau te dicte un message complètement contradictoire : Lyanora est trempée de la tête aux pieds, aveugle et incroyablement téméraire de surcroît. Le mixte des trois, même s’il parait anodin, est catastrophique. Tu ne peux définitivement pas la laisser se promener librement à Port-Corail sans trop te soucier des endroits où elle posera les pieds.
- Tu habites proche d’ici ?
Demandes-tu simplement dans un premier temps. Puis, remettant ton chandail afin de tout cacher de ton torse, tu te penches à sa hauteur avec un sourire rassurant.
- Je peux t’y ramener si tu veux… On pourra jeter un œil à ta vision comme ça et je pense que ce sera plus sécuritaire que de te laisser te promener à tâtons dans la ville haha.
Haha. Si seulement c’était une blague, si seulement elle ne risquait pas vraiment de crever aussi bêtement.
Lyanora M. Caelum
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J’avais senti ses bras m’étreindre, son torse se coller contre mon bras. Pourtant, je ne me sentais pas agressée, je me sentais même plutôt bien. C’était un contact bienveillant, un moment pur, une délicate attention qui me fit monter le rouge aux joues. Il était attentionné… ou soumis. L’un ou l’autre m’arrangeait. Je n’aurais jamais pu regagner la berge seule. Sa voix était tombée dans le creux de mon oreille et c’est comme si tous mes muscles s’étaient relâchés. Serrant ma Budew contre moi, je me laissais aller, ne battant que les jambes pour rester à la surface. Aucun mouvement brusque. Qu’est-ce qui était mieux qu’aucun mouvement brusque ? Aucun mouvement. Je ne bougeai que pour approcher ma tête de ma Budew, pour la rassurer. Au loin, j’entendais Altesse maugréer. Je n’avais visiblement pas agi comme elle souhaitait que j’agisse, en bonne dresseuse. Elle se tenait debout, désespérée. N’attendant que de me réceptionner avec l’espoir infini que j’irais bien. Ce n’était qu’une Petilil, elle ne pouvait pas grand-chose, mais elle m’attendait. Simplement, sagement. C’était son boulot nouvellement hérité, le temps que je récupère ma capacité oculaire. « Merci monsieur Izaiah, je vous dois la vie. Sans vous, je me serais probablement noyée. » Est-ce que j’exagérais ? Probablement un peu. La profondeur de l’eau, après tout, n’était pas énorme. J’aurais pu marcher un peu la tête sous l’eau et regagner la rive facilement, mais non. Dans la panique je n’y pensais pas. J’aurais pu perdre mon béret. Mon béret ! » Je m’étais levée promptement. C’était urgent. Je retournais vers l’eau aussi rapidement qu’il m’en avait sorti. Je trempai les miens, la mer me chatouilla, heureuse que j’y retourne, comme si elle caressait le rêve d’être mon tombeau. Altesse s’était dressée devant moi. Elle ne voulait pas que j’y retourne, évidemment. Elle avait dressé un mur de ronces sur lesquels je me heurtai le nez. Je ne comprenais pas, qu’est-ce qui se passait ? Comment ce mur était apparu devant moi ? C’est le cri de ma Petilil qui me fit comprendre. Son cri de frustration, sa sommation. Elle ne voulait pas que je retourne à l’eau.
Au loin, la tache rouge vint à disparaître. Tout du long, je la regardai me quitter. Altesse gardait un œil sur moi, m’empêchant de replonger pour un simple morceau de tissu. Je la boudai. J’ignorais ce bourdonnement qui résonnait dans mes oreilles, ce bourdonnement s’apparentant étrangement à la fois d’Izaiah. J’imagine que le peu de haine que pouvait contenir mon corps se manifestait à l’instant. J’étais frustrée contre lui. S’il ne s’était pas levé, je ne serais pas tombé, Princesse n’aurait pas roulé jusqu’à la mer, je n’aurais pas plongé pour la secourir et je n’aurais pas perdu mon estimé béret. Je l’aimais, j’y tenais et voilà qu’il me l’avait enlevé.
Les yeux rivés, ce n’est que lorsque je ne pus continuer d’observer cette tache rouge floue que mes yeux s’humectèrent. C’était la fin. Ce béret qui m’avait prêté sa bénédiction, qui m’avait permis de me rendre si loin sur Lumiris, jusqu’à Port-Corail m’avait désertée. Des larmes montèrent jusqu’à mes yeux puis s’écoulèrent en cascade le long de mes joues. Même si j’étais trempée, on les voyait. Les airs d’une comptine se portèrent à mes lèvres, sortant en une douce mélodie. Attendez monsieur Izaiah. Un ami de longue date m’a quittée, je ne vous écoute plus. » balbutiai-je avec tristesse alors qu’une brise de vent caressait ma nuque, me faisant frissonner. De quoi est-ce que je parlais ? Que devait-il comprendre ? Comment savais-je seulement que quelqu’un m’avait quitté, je n’y voyais rien et je n’avais pris aucun appel, mon sac avec mes Pokéballs était toujours sur la berge. Tout devait être bien flou pour lui. Je me tournai vers l’étendue d’eau et je commençai Merci à toi, mon brave pour ces glorieux moments. Merci de m’avoir portée jusqu’ici et d’avoir été le symbole de ma réussite. Sache que ni moi ni votre Majestée ne vous oublierai. Vous étiez son trône et un guide dans la lumière que j’affectionnais. Je vous dis adieu monsieur le béret. Merci pour ces souvenirs merveilleux. Merci de m’avoir permis de rencontrer monsieur Alaric. Par pitié, permettez-moi de pardonner à Monsieur Izaiah. C’est sa faute, mais je veux lui pardonner, il m’a sauvée… même s’il vous a oublié. » Je me tournai, les yeux plein d’eau et je jetai un regard vide vers Izaiah.
Une flamme brûlait en moi et je luttais pour l’éteindre. Je ne voulais pas le faire culpabiliser, il m’avait aidée. Pourtant, la proximité temporelle de l’événement m’empêchait de le pardonner complètement dans l’instant. Ça viendrait. Je n’étais pas très rancunière. Si tant était qu’il souhaiterait rester un ami. Je venais de l’accuser directement après qu’il m’ait grandement aidée. Y avait-il pire poignard dans le dos que ces paroles amères que j’avais chuchoté telle une confidence à la mer ? Y avait-il plus méchant que de les avoir dites devant lui ? Je n’étais pourtant pas une personne mal intentionnée, j’avais juste mal. Je devais expliciter cette douleur. Je me réfugiai contre lui, le serrant des mes bras, espérant des mots de réconfort… du responsable de cette tristesse. Était-ce vraiment correct d’agir ainsi ? Était-ce cohérent ? Étais-je seulement cohérente ? Était-ce une qualité que je possédais ? Oui, je vis pas très loin… par là-bas. » Je mis un terme à mon étreinte et pointai un peu partout dans un rayon de quatre-vingt-dix degrés. J’imagine que c’était précis pour une femme qui y voyait peu. Sans demander mon reste, je me dirigeai vers une ruelle. Princesse attrapa mon sac alors qu’Altesse se cachait en son intérieur… comme d’habitude. Écoutant la complainte de ma Budew, je l’attendis pour prendre le sac et repris la marche.
Mon sauveteur – et meurtrier – au bras, la marche jusqu’à ma résidence fut plutôt brève. Je ne vivais effectivement pas très loin. À peine cinq minutes de marche. Devant la façade d’un blanc immaculée je feins un sourire. Voilà ! c’est ici. Vous voulez entrer ? » C’était pour être polie. J’avais envie de m’enfermer seule, de me reposer. Je l’attrapai, malgré tout, par le bras et le forçai à entrer dans mon domicile. L’imposant hall s’offrit à nous. C’était une résidence pour trois, évidemment qu’il y avait des allures de château, sans oublier que j’avais des goûts de luxe. Monsieur Yul et monsieur Alaric ne sont pas là, vous pouvez rester sans soucis, vous voulez quelque chose à boire ? » Longeant les murs en les effleurant habilement du bout des doigts, je me rendis vers la cuisine. L’avantage d’être chez soi contrairement à l’extérieur, c’était que je connaissais l’endroit par cœur, je savais quels obstacles éviter et où tourner. C’était simple.
J’ignorai toutefois ces nombreux cadres contre les murs. Des portraits, tous plus travaillés les uns que les autres. De moi, d’Altesse, de Princesse, de mes autres Pokémons qu’il n’avait pas vu, d’Alaric, de Yul, de ma famille, des Pokémons de mes colocataires. Chacun était fait main, parfois colorié, parfois pas. Le plus marquant, c’était probablement celui qui supplantaient la table. Un immense dessin d’Alaric et moi entourés par nos Pokémons lors de ce qui ressemblait, étrangement à un mariage. Une fantaisie que j’avais. Un dessin où j’étais une princesse et lui l’homme qui m’enlaçait tout sourire. J’avais fait chacun de ces croquis à temps perdu pour décorer le logis. Ça lui donnait les airs d’un musée luxueux où j’exposais mes œuvres. Un café, un thé, de l’eau ? » hurlais-je de mon comptoir alors qu’Altesse et Princesse se logeaient dans un arbre à chats installé pour elles. Je mis l’eau à bouiller, je sortis quatre tasses et repris Non ! Je fais les trois, laissez tomber. » Il choisirait une fois que ce serait prêt. Si tant était que j’arrêtais de casser des verres. En voulant sortir les tasses, j’en avais laissé tomber deux. Les désavantages d’être partiellement aveugle. J’avais oublié que les verres, c’était transparent et que j’aurais du mal à les discerner. Ne faites pas gaffe ! Je rangerai tout à l’heure, je vais bien. » C’était partiellement vrai, Alaric le ferait sûrement en voyant que je n’étais pas dans mon assiette et je n’allais pas tout à fait bien. J’étais encore prise par le deuil et le stress que m’avaient procuré ma petite plongée.
Ah. D’accord. Sont pas mal les seuls mots que tu peux te permettre de penser devant de telles accusations. Chaussettes en main, tu dévisages en silence la jeune femme qui parle à la mer. Peut-être est-elle une sirène après tout. Mais si c’était le cas, elle n’aurait pas passé près de se noyer dans cinq pieds d’eau. Donc probablement qu’il valait mieux éviter les questions et prendre sur toi la colère engendrée par ton sauvetage. Lyanora était difficile à suivre. Même pour toi. Tu aurais aimé dire que tu comprenais parfaitement le mécanisme complexe de rouages qui grondait entre ses deux oreilles, mais le mensonge serait trop gros pour être pris au sérieux. Elle était un énorme mystère. Elle était sentiments et impulsions. Tout le contraire de toi, de ton pragmatisme et de ta douceur.
Lyanora était compliquée, complètement étrangère à tes habitudes. Toi qui t’adaptais normalement assez bien, tu te retrouvais à nager en pleine mer d’incompréhension à la moindre parole ou geste qu’elle décidait d’initier. Ce n’était pas désagréable, juste… déstabilisant. Peut-être était-ce parce qu’elle était heureuse et que tu avais perdu l’habitude du contact avec le bonheur. C’était triste pensé ainsi, mais ce n’était pas faux pour autant. Toi, ton existence, elle se déroulait dans le département psychiatrique d’un hôpital. Ça en disait déjà beaucoup trop sur le niveau de bien-être et de joie qui passait quotidiennement dans ta vie.
Ainsi donc, le béret avait disparu. Et pour ça, tu étais devenu … tu étais devenu quoi au juste ? Some kind of murderer ? Honnêtement, tu avais abandonné l’idée de suivre toute cette histoire ou d’y comprendre un quelque chose. Comme à ton habitude, il te suffisait de sourire pour chasser tous les nuages inimaginables et espérer que tout s’arrangerait de soi-même. Sauf que tu étais loin de t’imaginer que Lyanora était en colère contre toi parce que tu l’avais jeté par terre (Après qu’elle t’ait mordu, rappelons-le) puis que son Budew est disparu et que, à son sauvetage dans la mer, son béret y soit passé. Un plus un plus un, ça créait trois raisons de te détester. Trois raisons dont tu ne soupçonnais même pas l’existence parce que, mis à part murmurer à la mer et te dévisager en pleurant, elle ne disait pas grand-chose à ce sujet. Tu étais peut-être un peu moins empathique ou un peu plus con que prévu finalement. Si quelqu’un te faisait un coup semblable à l’hôpital et commençait accumuler en silence des raisons de t’en vouloir de respirer, saurais-tu le voir venir ?
Remettant tes chaussures d’un geste las, tu la fixes avec attention alors qu’elle … vient de nouveau se serrer contre toi, épongeant sa tristesse ou sa colère contre ton corps absolument pas mâle et absolument pas viril. Mais bon, c’était mieux que rien. Refermant maladroitement tes bras autour de ses épaules, tu prends une grande inspiration tout en hochant la tête. Au moins, elle ne vivait pas très loin.
Accroché à son bras … ou elle accroché au tien -ce n’est pas précisé dans le RP de Lyanora- tu la talonnes jusqu’à chez elle. À tes yeux, les ruelles se ressemblent toutes, mais c’est peut-être de la mauvaise foi ou un ras-le-bol de ta part. Dans tous les cas, tu t’étonnes que, aveugle comme une taupe, la jeune femme aux cheveux de jais soit capable de se situer aussi aisément. Et si elle te menait en bateau depuis le début ? Non, tu n’avais pas le droit de penser ce genre de choses alors qu’elle t’avait offert trois crises de larmes à l’intérieur de vingt minutes.
Forcé à entrer, tu … ne dis rien. Parce que tout te coupe le souffle et la parole, parce que c’est trop pour l’enfant modeste que tu es. Déglutissant, tu gardes tes mains près de ton corps afin de ne rien frôler du château dans lequel tu viens de pénétrer. Tu n’étais pas habitué à ce genre de chose. Tu étais Izaiah Lux Silvērsteiń et ce n’était pas pour rien si ce nom n’évoquait pas le moindre souvenir aux mémoires attentives : tu n’étais personne. Tes parents étaient des gens respectables, mais définitivement pas riches ou financièrement aisés. Ça t’intimidait, tout ça. Et, à cet instant précis, tu étais loin de te douter que ce n’était pas la dernière fois que tu pénétrais dans ce genre de lieu un peu trop… exubérant pour te plaire.
- Pourquoi pas oui…
Tu ne penses même pas à préciser ce que tu veux ou ne veut pas. Un verre d’eau ferra l’affaire. Mais rien ne sort. Tu es trop occupé à t’étonner de la décoration des lieux. Lyanora semblait pourtant… si simple en apparence. Mais maintenant, tu comprenais mieux pour quoi elle avait craint que tu ne sois un paparazzi. Toi aussi, à sa place, tu te serais questionné à savoir quel genre d’énergumène venait de te retrouver parmi tous les autres.
- C’est très joli, tes… Enfin je veux dire, tu as dû travailler fort pour en arriver-là.
Parce que c’est toujours un peu vexant de se faire dire « Tes parents paient ? ». Mais Lyanora avait ton âge et il était difficile de concevoir que l’on pouvait réussir à ce point en si peu de temps. Enfin, peut-être étais-tu juste un looser au final. Rien de plus. Peut-être qu’elle vallait mieux que toi, peut-être qu’elle avait trouvé sa voie plus facilement aussi. Peut-être que ci, peut-être que ça. Bref, quelle importance au final ?
- Un v… D’accord.
Tu avais compris qu’il valait mieux ne pas s’y opposer ou la contredire. Tu apprenais vite, Izaiah. C’était peut-être bien ta seule qualité présentement… Décidant de ne rien ajouter, tu laisses plutôt ton regard parcourir l’ensemble des tableaux abandonnés aux regards des invités. Certains mettent en scène des pokémons, d’autres des humains. Sur pas mal d’entre eux, tu reconnais Lyanora elle-même au bras d’un homme que tu supposes être … son copain ? Enfin, c’est soit son copain, soit elle harcèle un mec au hasard. La deuxième perspective te dérangeant légèrement, tu décides de te cramponner à la première. Dans tous les cas, le trait de crayon est magnifique et tu ne peux t’empêcher de lâcher un sifflement d’admiration en le découvrant.
- Ils sont de toi ?
Demandes-tu tout simplement. Évidemment qu’ils sont d’elle. Elle te l’avait dit, pendant que vous étiez sur le banc, qu’elle dessinait. Alors pourquoi lui demander de le reconfirmer ?
- Ils sont magnifiques. De quoi tu t’inspires au juste ? Est-ce que tu utilises des photos en référence ou tu te contentes de ta mémoire et d’un peu d’inspiration ? Ils sont tellement… réalistes.
La conversation aurait pu être fort agréable si le bruit des éclats de verres n’y avait pas mis un terme prématuré. Te retournant rapidement vers la jeune fille, tu ne peux t’empêcher de sourire un peu tristement avant de t’avancer vers elle tout en faisant bien attention à ne pas marcher dans les morceaux de vitre à ton tour. Manquerait plus que tu te blesses tient…
- Fais attention, ne bouge surtout pas s'il-te-plait… Tu risquerais de te blesser. Je vais ramasser ce sera moins dangereux pour nous tous. Est-ce qu’il y a un balai quelque part ?
Demandes-tu plus simplement. Elle avait le temps de se prendre trois fois les pieds dans les éclats si tu attendais qu’elle ramasse… et ça, pour toi, c’était inacceptable. Tu n’allais pas la laisser se blesser par pure flemme de ramasser à ton tour.
Lyanora M. Caelum
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« Oui ! Je m’en occupe ! » C’est ce que j’aurais aimé lui dire. C’est ce que j’aurais voulu qu’il entende. Pourtant j’étais restée figée, sur place. Sans mot, sans geste quelconque. Au bord des larmes. J’étais tellement idiote. Tellement idiote d’avoir cru que je pouvais arrivée à quelque chose dans ces conditions. J’aurais dû demander à Izaiah de m’aider ou, dans le pire des cas, à l’un de mes Pokémons de me filer un coup de main. Non. J’étais grande. Je pourrais y arriver seule. Force était de constater que non. Non je n’y arriverais pas seule. Jamais. Pas dans cet état du moins et voilà que j’avais gâché l’entièreté du peu de travail que j’avais pu accomplir. « Oui… » C’est tout. Oui, il y a un balai. Pas, oui, il est par là. Non. Juste un oui. Un oui obscur, complètement confus qui ne voulait pas dire grand-chose. Un oui empli de déception, de mélancolie et de reproches. Des reproches à mon propre endroit. J’étais mon propre cauchemar, la personne responsable de mes propres malheurs. J’avais poussé un soupir puis je m’étais laissée glisser jusqu’au sol, le dos contre le comptoir, le fessier dans le liquide qui s’était renversé. Je cachais mon visage dans mes paumes, embarrassée par cette succession de malheurs. Il devait me prendre pour une idiote. Il devait croire que j’étais une femme complètement étourdie qui jamais ne réfléchissait avant d’agir. Il devait croire tellement de choses. Il devait en avoir tellement marre de cette journée. Il devait tellement regretter cette photo qu’il avait prise à mon insu.
« Est-ce que vous me détestez ? » dis-je en étirant mes joues à l’aide de mes mains, comme si j’essayais d’éveiller les muscles de mon visage. « Est-ce que je vous fais honte ? » ajoutai-je, de nouveau confrontée à cette éternelle peur de déplaire. Je n’avais donné plus d’indice sur la location du balai, j’ignorais le liquide brûlant dans lequel j’étais assise. Tout ce qui m’intéressait, c’étaient ses impressions, sa pensée. J’avais commis, en moins d’une journée, encore plus d’étourderies que ce que j’avais l’habitude de faire. Il lest avait toutes subites. Les unes après les autres. Une part en moi bouillait de rage contre ma propre personne. Était-ce cette colère que j’avais ressentie plus tôt ? Ce mépris que j’avais eu pour lui, cette rogne passagère… M’était-elle réellement adressée ? « Ne vous en faites pas avec le verre… je ramasserai plus tard. » Je ne voulais pas qu’il s’importune davantage avec ma personne. Je soupirai et ramenai enfin mes traits à la normale. Je posai mes mains au sol, pataugeant dans l’eau infusée. Je me relevai difficilement, m’agrippant pour éviter de glisser.
« Monsieur Izaiah… » déclarais-je de façon peu assumée. Dans un soupir bref, faisant foi de mon épuisement. J’avais beaucoup pleuré, c’était normal. « Ça vous ennuierait de rester avec moi encore un peu et de… » je m’arrêtai un instant. Hésitante. Songeuse. « veiller sur moi pendant que je somnole un peu ? » J’étais épuisée. Morte de fatigue. Si bien que je demandais à un étranger de me veiller pendant que je faisais une sieste. C’était ridicule. J’étais ridicule. Pourtant, en l’absence d’Alaric, je le sentais rassurant. J’avais l’impression qu’il m’apaiserait, que sa présence me permettrait d’oublier mes péripéties du jour… trop nombreuse à mon goût. J’avais seulement besoin d’un peu de réconfort et dans toute ma spontanéité, j’avais cru bon d’obtenir ce réconfort auprès d’un étranger. Un bref soupir. Le rouge me monte aux joues.
Évidemment.
C’est une question qui me pousse dans un inconfort, une demande qui implique à la fois risque et intimité. Je n’ai pourtant aucune arrière-pensée. J’ai envie de me poser, de me détendre, loin des risques et ces milles-et-un objets qui essaient de me tuer. « Ça m’éviterait de m’étrangler avec mon édredon… pardonnez le manque de finesse de la question… » Je baissai les yeux, tentant de reconnaître, au sol, les formes du verre brisé. Impossible. Je commençai plutôt à me traîner les pieds au sol, pataugeant dans mon dégât, mais évitant tout ce qui semblait solide. La route serait longue jusqu’à ma chambre.
Pour une rare fois, j’avais une mine déconfite, complètement épuisée par la journée. Pour une fois, je semblais remarquer à quel point j’avais été stupide tout du long de cette journée. Pour une fois : je me remettais en question. Un nouveau soupir et je me tourne vers Izaiah. « Ça vous ennuierait de m’aider à sortir de cette zone sinistrée ? » implorais-je en geignant, complètement conquise par cette envie de sieste, ravagée par la fatigue et le manque d’énergie. Je tentai de jeter un œil rapide dans la cuisine, tentant de m’orienter, tentant de repérer ce tableau qui m’indiquait ma chambre. Tentant de forcer ma vue pour la retrouver, pour cesser de me sentir aussi incapable et stupide. Comme si j’y voyais quoi que ce soit, je me regardai un tableau : « Sinon… il serait impoli de ne pas vous répondre malgré l’incident… tout part de ma mémoire. J’imagine les êtres que j’aime ou des personnages fictifs ou des pokémons ou n’importe dans une scène quelconque selon mon sentiment et je la reproduis. Au-dessus de mon lit, il y a un cadre de mon amoureux et moi dans une montagne russe, s’amusant… je n’en ai pourtant jamais fait de tour, j’ai trop peur, mais l’idée me faisait rêver… je l’ai couchée sur papier… Je fonctionne comme ça pour la plupart des choses dans ma vie… de façon spontanée. » Il l’avait probablement deviné, il m’avait vue à l’œuvre toute la journée, il savait bien que j’étais absorbée par la spontanéité, que dès que je me lançais, plus rien n’existait. S’il ne le savait pas, alors il était lui-même un peu dupe. « Vous pourrez la voir si je réussis à sortir de ce labyrinthe… » dis-je en trempant mes orteils dans le liquide. J’étais déjà mouillée, pour ce que j’en avais à faire de l’être un peu plus.
Je lui souris, comme si j’avais été cette enfant qui cherchait à se faire pardonner auprès de ses parents. La douceur du moment était authentique, comme si lui et moi caressions un calme qui n’avait pas existé depuis que l’on s’était rencontrés. Il n’était pas faux d’ainsi penser ; je n’avais pas été de tout repos. Heureusement, je m’étais apaisée et j’osais espérer qu’il en était autant pour lui, qu’il ne m’en voulait pas de l’avoir ainsi malmené, d’avoir été en colère contre lui… « Vraiment désolée pour votre thé… » d’avoir renversé son thé. « Un verre d’eau vous irait ? Je peux vous dire où sont les verres et où la carafe est… » articulai-je, des regrets dans la voix. « Ensuite j’irai m’étendre avec v… » je m’interrompis. Il valait mieux ne pas le gêner davantage. Il valait mieux ne pas lui dire que je lui demanderais de s’installer à mes côtés, que je voulais que son souffle m’apaise. Il valait mieux que je ne lui fasse pas peur. Pour moi, c’était anodin. Pour les autres, le serait-ce ? « Non rien. Pardonnez-moi. Les verres sont juste-là et l’eau est derrière le beurre au frigo… » chuchotai-je gênée, prise d’une bouffée de chaleur créée par l’embarras.
Non. Tu ne savais pas détester. Il y avait des sentiments qui t’étaient complètement inaccessibles, auxquels tu étais incapable de t’abandonner : la colère, la haine, la méprise… Pour ne citer qu’elles. Ce n’était pas parce que Lyanora était maladroite et un peu volatile que tu allais soudainement te mettre à la négliger et t’estimer mieux qu’elle – Clairement, mieux qu’elle, tu ne l’étais pas. Adressant un sourire rassurant à la jeune femme, tu te penches à sa hauteur en faisant attention à ne pas marcher sur un éclat de verre dérangeant. Doucement, tes doigts se referment autour de ses poignets afin qu’elle cesse de déformer les traits de son visage dans tous les sens. L’inconfort d’une proximité innadéquate avec la brunette s’était rapidement dissipé au fil de la journée et, maintenant, tu la voyais davantage comme un enfant que comme une femme. Il n’y avait plus de sous-entendu ou de malentendu possible.
- Je ne te déteste ni n’ai honte de toi, d’accord ?
Confirmes-tu en relâchant doucement ta poigne sur elle. Tu ne savais pas quoi lui dire de plus : tu ne la détestais pas. Tu ne pouvais pas la détester, c’était comme ça. Lyanora n’était pas mauvaise, elle était… Beaucoup de choses, mais certainement pas méchante. Et si même la méchanceté des hommes ne parvenait pas à noirceur ton cœur, alors comment sa maladresse et ses bêtises le pourraient-elles ?
- Non, j’insiste : je vais m’en charger.
Et tu le ferais. Parce que tu refusais de laisser de la vitre à même le sol, de prendre le risque que quelqu’un marche dedans et se blesse. Si ce Monsieur Yul et Monsieur Alaric mentionnés un peu plus tôt venaient à rentrer sur une impulsion, apprécieraient-ils de découvrir du verre cassé à même le sol de la cuisine ? Toi, tu n’aurais pas aimé. D’autant plus que ce genre de scène était d’ordinaire assez troublante lorsque l’on en ignorait les contours : y avait-il eu un affrontement, un accident ? Pourquoi personne n’avait pris le temps de ramasser ? Était-ce grave ? Non, vraiment : tu ne laisserais pas la scène de crime dans cet état. Manquerait plus que quelqu’un te tombe dessus en te prenant pour un voleur malintentionné – Comme s’il existait beaucoup de voleurs bien intentionnés.
Le cours de son discours, néanmoins, ne manque pas de te surprendre. Veiller sur elle pendant qu’elle somnole ? Te faisait-elle vraiment confiance à ce point ? Qui étais-tu vraiment, au fond, dans le regard de Lyanora ? Vous vous connaissiez à peine… Et même s’il était vrai que tu ne lui ferais rien de condamnable – Rien du tout même – il n’en restait pas moins que la jeune femme ne savait strictement rien de toi. Comment pouvait-elle estimer, à ce point, que tu ne la volerais pas ou … Bref. Ou pire.
- S-Si tu le désires…
Tu n’allais quand même pas dire non. D’une part parce que tu te connaissais et, d’une autre, parce que son argument était tout à fait recevable la concernant : manquerait plus que la crainte qu’elle s’étouffe réellement avec son édredon. Si, au regard du lendemain, tu voyais apparaître la photo de ta charmante amie dans la rubrique nécrologique du jour et qu’ils invitaient à faire des dons aux maladroits chroniques, tu ne te le pardonnerais pas. Alors oui, tu prendrais chaise près de Lyanora et tu surveillerais son sommeil si elle le désirait vraiment. Tu n’aurais qu’à défiler ton fil d’actualité pendant trois heures et, si quelqu’un venait à entrer dans l’appartement, tu … prierais pour que tout se passe bien. Il était comment, ce Monsieur Alaric dont elle était éprise ? Était-ce un homme dangereux, sanguin ? Risquait-il de te sauter dessus s’il revenait chez lui et qu’il te voyait assis non loin de sa dulcinée endormie ? Trop de questions, pas assez de réponses. C’était stressant tout ça ma foi.
Saisissant la main de Lyanora pour l’aider à sortir de la zone sans se blesser, tu l’écoutes te parler de ses tableaux. Amusé, tu esquisses un sourire en coin en l’imaginant dessiner tout ce qu’elle n’a jamais pu expérimenter, mais dont elle rêve secrètement. Tu ne la connais pas vraiment, mais ses mots font écho en toi : il te semble particulièrement réels, véridiques.
- C’est très impressionnant. Ta technique est incroyablement précise et raffinée… Je trouve ça magnifique.
Complimentes-tu simplement en l’aidant à quitter la cuisine. Une fois fait, tu te retournes vers la zone sinistrée en acquiesçant. Un verre d’eau ne te ferrait pas de mal, c’est bien vrai.
- Et le balai ?
Tu ne comptais pas lâcher le morceau ou la laisser s’en sortir sans avoir ramassé le désastre. Tu avais longuement retourné la question dans ta tête et, vraiment, ce n’était pas un risque que tu étais prêt à courir. Tu ne laisserais pas ce Monsieur Alaric te tuer pour une mésentente. Tu valais un peu plus vivant que mort.
Ce cœur ne t’appartenait même pas, tu n’allais quand même pas laisser quelqu’un le priver de quelques battements. À moins qu’il ne soit un trafiquant d’organes ? Et si c’était pour TA sécurité qu’il te fallait craindre plutôt que la sienne ? Lyanora était sympathique, mais pouvais-tu vraiment avoir confiance en elle ? Ok, tu voyais trop loin là. À l’instar de ta nouvelle amie, tu devais fatiguer un peu.
- J’imagine que tu connais le chemin jusqu’à ta chambre… Tu peux y aller, je viendrai t’y rejoindre une fois que je me serai un servie un verre d’eau et que j’aurai terminé de ramasser.
C’était si… décontenançant à prononcer. Dans ta vie, dans ton monde, il n’avait jamais été question de rejoindre une fille dans sa chambre. Probablement que si ladite fille n’avait pas été Lyanora M. Caelum – symbole de candeur et de pureté enfantine – tu aurais catégoriquement refusé d’y mettre le pied. Probablement que tu te serais enfui, juste au cas où. Tu étais beaucoup trop coincé pour ce genre de chose, pour venir à bout de ce type d’épreuve. Tout était encore si nouveau pour toi… Les relations d’amitié entre les hommes et les femmes étaient un grand mystère qui s’étendait difficile à l’extérieur de l’hôpital. Il te faudrait apprendre.
Laissant la jeune femme prendre la direction de son lit, tu prends une grande inspiration en attrapant le balai tant convoité. Seul dans la cuisine, tu rassembles sans grande conviction tous les morceaux de verres éparpillés. Dans ton esprit, les pensées se succèdent les unes aux autres sans prendre la moindre pause. C’était un peu fatiguant. Tout était si spécial, abstrait, décontenançant.
Jetant les preuves de ton crime – Ou du sien, peu importe –, tu finis par attraper un verre en parfait état ainsi que ladite carafe. Deux-trois gorgées, trois-quatre soupires plus tard, tu marches déjà en direction de la chambre de la jeune fille.
Putain, tu fais quoi là Iza ? Prends-tu seulement conscience du merdier dans lequel tu es en train de t’enliser et de la violence avec laquelle tu es en train de te sortir de ta propre zone de confort ? C’est insupportable. Et dans ton ventre naît l’angoisse anxiogène de tout ce qu’on n’a jamais vécu, de tous ces moments que l’on n’a jamais expérimentés. Putain, ce n’est pas comme s’il allait se passer quelque chose en plus dans cette chambre, ça ne fait aucun sens d’être aussi stressé.
- Je peux entrer ?
Autant demander. Juste au cas où.
Lyanora M. Caelum
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J’aurais aimé lui dire non. Pas la peine de ramasser mes étourderies, je me débrouillerai. J’aurais aimé pouvoir insister. Je n’en avais pas la force. Comme si toute ma volonté m’avait quitté, facteur compréhensible après les émotions du jour. J’étais abattue, dépassée, à la limite de l’épuisement émotionnel que je frôlais pourtant si souvent. Assise là, maudissant mon incapacité, maudissant mon imprudence, je ne pouvais plus rien dire pour retenir celui qui veillait sur moi. Je lui avais imposé tellement de choses dans cette journée et voilà qu’il se sentait contraint de ramasser les dégâts que je ne manquais pas de faire. Je m’exécrais. Avec tellement de haine que même les pires ennemis du monde n’auraient pu rivaliser avec moi. Continuant de patauger dans cette flaque de liquide que j’avais créé, je sentais ma gorge se nouer. Acquiesçant d’un simple sine de tête cette invitation à aller m’étendre tout de suite. D’une main malhabile, je m’appuyai sur le comptoir pour m’aider à me relever. Lentement, mes capacités oculaires revenaient, mais elles étaient toujours bien inférieures qu’à l’habitude. Un soupire de désespoir s’échappa de ma bouche, et d’un pas hésitant je me dégageai de la zone sinistrée, regrettant cette tasse que j’avais fait voler en éclats. Regrettant ma maladresse jusqu’à sa moindre expression. Certains disaient que ça me rendait attachante. À mon sens, ça me rendait stupide, voire handicapante pour quiconque. Comment tolérait-on ma présence ? J’avais eu envie de le lui demander, de réclamer son opinion. J’avais même tourné la tête vers lui. J’avais ouvert la bouche. J’avais hésité. J’avais respiré. Je l’avais refermée. Sans jamais dire un mot. Comme si j’avais été muette.
Je levai bien haut la jambe et la posai sur la surface de mon comptoir. Y grimpant. Poussant légèrement la forme des objets que j’y avais préalablement disposés. Éclair de génie dans la pénombre de ma stupidité, j’avais au moins eu la décence de ne pas marcher au sol sans voir les éclats de verre au sol. Arrivée à la limite du meuble, je m’assieds. « Merci pour le compliment… c’est gentil que vous ayez encore un peu d’estime pour moi… mais vous n’êtes pas obligé. » Je marquai un silence à travers la cruauté de mes paroles à mon endroit. Un silence lourd, triste, mis en valeur par le sanglot qui avait étranglé ma voix. Un silence dévastateur teinté par ma détresse. Heureusement, il était doux. Heureusement, il avait un cœur. Heureusement, il pouvait faire preuve d’empathie. C’est du moins la perception que j’avais de lui. Un cœur tendre et apaisant qui aimait la proximité de l’humain. C’était la conclusion d’une journée éprouvante. « Le balai est dans le placard juste-là… » Je pointai ne porte près de l’endroit où il avait été assis plus tôt, un placard entièrement recouvert de l’esquisse d’un dessin à l’effigie de Pokémon mythique qui avait longtemps fait partie de l’imaginaire de ma région natale, le trio des oiseaux légendaires.
Je me donnai un léger élan avant d’atterrir au sol et je commençai à marcher en longeant les murs, suivant ces dessins que je tentais de décrypter comme s’ils avaient été des hiéroglyphes et que j’avais été une archéologue. Je les avais pourtant dessinés. Je savais ce qu’ils représentaient. Je forçais ma vue. J’insistais pour voir plus qu’un grand flou de couleurs mélangées les unes avec les autres. J’insistais pour reconnaître la moindre des formes, évidemment je n’y arrivais pas. Le repos s’imposait de lui-même pour ça. Mais l’espoir n’avait jamais tué personne. Un rictus de désespoir sur le coin des lèvres, je marchai sans conviction jusqu’à ma chambre et je m’affalai aussitôt dans le lit qu’Alaric s’était tué à faire avant de quitter pour la journée, le défaisant. Même pour respecter son travail je n’étais pas très douée.
Sans me changer, je me glissai sous les couvertures. Sans tirer les rideaux, je posai ma tête contre l’oreiller. Je fixai ce miroir qui agissait comme une porte de garde-robe. Je fixai mon reflet. Maugréant pour moi-même des mots aussi obscurs que cruels. Je m’en voulais. Altesse et Princesse avait probablement rejoint mes autres Pokémons dans la pièce qui leur servait de salle de jeux et moi, lentement, je me laissais tomber sous le poids du désespoir, me surprenant à tenter de comprendre les perceptions d’Izaiah me concernant. Seul en cuisine, il aurait très bien pu s’enfuir et ne jamais se remontrer. Seul en cuisine, ç’aurait très pu être la dernière fois je le « voyais. » Il aurait pu me voler, il aurait pu simplement partir… pourtant, une partie de moi avait confiance. Confiance en lui à tel point que je le laissais se balader librement chez moi sans qu’aucune mesure de surveillance ne soit mise en place. Étais-je folle ? Était-ce ce que l’on appelait la folie.
Puis sa voix se fit entendre.
J’avais eu raison. J’avais eu raison de lui faire confiance, de croire qu’il ne me quitterait pas dans cet été. « Ouvert… » C’est tout ce qui s’échappa de ma bouche. Oui, c’est ouvert. C’était ce que j’avais l’intention de dire, mais je m’étais retrouvée incapable de le dire au complet. Les premiers mots avaient été absorbés par ma propre bouche. Comme si elle avait été un coffre-fort qui ne révélait qu’une partie de ses secrets. Je soupirai, trahissant une grande frustration. Même pour parler, j’étais devenue nulle. Tout de moi était maintenant d’une cruelle et piteuse nullité.
Je tournai la tête vers Izaiah pour le regarder entrer dans la pièce et je tapotai la place dans mon lit à mes côtés. Pas la chaise voisine. La place dans le lit. Une place qui n’avait plus de couverture car je me l’étais appropriée tout entière, puis mon regard se porta à nouveau devant moi, puis vers la place privilégiée que mon béret occupait normalement sur ma commode, sur cette tête de mannequin maintenant vide. Je reniflai un coup et étreignis la couverture. « Vous trouvez que je suis une incapable, monsieur Izaiah ? » articulai-je pour briser le silence, attendant qu’il prenne place. La phrase était un coup de poing féroce pour quiconque. Personne n’aimait voir un autre humain dans un état presque catatonique. Pas même son pire ennemi. J’en étais pourtant là. Épuisée. Fatiguée de toutes ces bourdes que je commettais constamment. J’avais beau me promettre de changer, le changement jamais ne venait. Un nouveau reniflement et je me tourne pour faire face à cette place que j’avais pointée à Izaiah. « Vous pensez quoi de moi ? » dis-je sur un ton dramatique, chargé, profond. J’avais atteint cette étape où je demandais que l’on me pointe la moindre de mes lacunes, où je voulais qu’on me dise mes quatre vérités sans m’épargner. Ma candeur ne me sauverait pas cette fois. Ma naïveté et mes beaux yeux ne seraient pas des obstacles à ma recherche de de vérité. J’attendais de lui une sincérité que je n’avais pas l’habitude d’espérer. J’attendais de lui une transparence que je n’imposais même pas à mon amoureux. « Soyez franc. »
Je voulais être considérée comme une adulte.
Je le voulais vraiment, mais le sommeil me gagna et, bientôt, je n'entendis plus mot. Ni sa réponse ni l'éventuel retour de mon fiancé qui me trouverait alitée, épuisée, enlacée par un autre homme.