Le soleil filtrait à travers les fenêtres de la chambre de l'auberge. Il était levé de puis un moment mais ça ne faisait que depuis quelques secondes que, de ses rayons, il avait décidé de venir taquiner les paupières de Yuri. Se réveillant à demi à cause de la lumière filtrant à travers ses pans de peau clos, il émit un léger grognement en ramenant son bras sur ses yeux pour les protéger. Il était encore pas vraiment réveillé, à cheval entre le sommeil et l'éveil. Gonflant sa cage thoracique pour pousser un lourd soupir, bien décidé à se rendormir, il sentit alors comme un poids étrange sur son torse. Ce n'était pas douloureux mais juste pas pratique pour respirer profondément. Intrigué, sortant peu à peu de la brume du sommeil, il leva son bras et se frotta les yeux mollement. Les ouvrant paresseusement, il se trouva face à une vision à laquelle il ne s'attendait franchement pas.
Lui, habillé d'un simple caleçon et à demi empêtré dans une serviette aux odeurs d'huiles essentielles, étalé sur le dos avec, gisant sur son torse comme une baleine échouée sur un banc de sable, Wallace, encore tout vêtu de la veille, qui lui avait visiblement un peu bavé dessus en dormant la bouche ouverte. En prime, ce dernier le ceinturait de ses bras, un peu comme s'il l'eut prit pour une peluche, de telle façon que le pauvre dresseur ne pouvait absolument pas bouger d'un pouce sans risquer de le réveiller. Voilà qui était... inattendu et assez surprenant en soit. Intrigué par cette vision peu commune, le brun se demanda d'abord ce qu'il s'était passé pour en arriver là. Puis, son cerveau se mettant à son tour en marche, sortant de sa torpeur ensommeillée, il se rappela de la soirée de la veille. Il se rappela de la façon dont il était tombé sur ce type ivre et comment, de fils en aiguille, ils s'étaient finalement retrouvé ici. Cependant, il avait beau chercher, il n'avait aucun souvenir de s'être endormie. Sans doute s'était-il laissé aller lors du massage. En tous cas, il n'avait jamais été aussi détendu et il se sentait incroyablement léger. C'était une sensation aussi nouvelle qu'agréable et il ne regrettait finalement pas de s'être fait violence pour découvrir finalement ce plaisir simple qu'était le massage.
Maintenant complétement réveillé, Yuri se releva légérement, prenant d'infinies précautions pour ne pas réveiller le jeune homme qui l'utilisait comme oreiller. Replaçant derrière sa tête quelques coussins, se surélevant un peu, il se demanda alors quoi faire. Il ne pouvait pas bouger au risque de déranger le fermier et, il fallait bien l'avouer, il ne voulait pas trop de le réveiller. Principalement car il allait sans doute avoir une gueule de bois assez sévère mais surtout, car l'aventurier ne savait pas comment son comportement serait altéré par rapport à ce qu'il avait vu de lui quelques heures plus tôt. Allait-il être sensiblement le même ? Ou se changerait-il en connard coincé ? Ou bien se révèlerait-il être une toute autre personne qu'il ne pouvait imaginer ? Il n'en avait aucune idée. Alors, croisant les bras derrière sa tête, fixant le plafond, il resta ainsi sans bouger, laissant Wallace à ses rêves bucoliques de ferme.
- Mmh... maugréa un Wallace encore endormi. Il fronçait les sourcils, son visage habituellement angélique tordu dans une expression contrariée. Il fallait dire que ce qui était en train de le sortir de sa torpeur n'était nullement la satisfaction d'avoir assez dormi, mais une douleur sourde qui lui martelait le crâne. Refusant de se réveiller, il grogna encore une fois en serrant un peu plus le tiboudet tout chaud sur lequel il s'était endormi. Il avait sûrement passé la nuit dans la grange. S'obstinant à ne pas ouvrir les yeux, il resta un bon moment dans cet état de demi-sommeil et demi-conscience qui précède le réveil (et qui hante les somnambules). Cherchant un peu de réconfort dans ce monde de brutes qui le faisait souffrir, il frotta doucement sa joue contre la peau de son ânon - son inconscient remarqua alors qu'elle était humide, et enregistra le fait qu'il avait encore bien bavé de la nuit. C'était pas très glamour, mais personne n'est tout à fait beau quand il dort - et Wallace était souvent victime de ce petit défaut.
Cependant, il fallait bien accepter de se réveiller un jour... Et une partie de son esprit, toujours présente même dans son sommeil, lui rappelait sans cesse les responsabilités qui pesaient sur ses épaules. Les corvées journalières, le travail incessant, prendre soin de ses vieux parents. Il fallait qu'il se lève, sinon il allait accumuler du retard toute la journée ! Alors, Wallace daigna soulever ses lourdes paupières, s'attendant à retrouver l'ambiance tamisée de la grange, sauf que... Il n'était pas dans la grange. Déjà, parce que ça ne sentait pas la bouse, mais... l'eucalyptus ? Et puis, il n'entendait aucun ronflement de tiboudet. Tout ça pour la simple et bonne raison qu'il ne s'était pas endormi sur l'une de ses bêtes, mais bien sur... un autre homme.
Wallace leva ses yeux embrumés et incertains vers le visage de Yuri. Il le fixa un long moment, jusqu'à ce que les rouages de son cerveau remettent les événements dans l'ordre - et il se souvint subitement de tout. La joyeuse soirée à Voltapolis, l'errance dans les rues nocturnes, la rencontre de Yuri, la séance de massage... S'il avait bu plus que de raison, il ne s'était pas non plus bourré la gueule au point d'un blackout ou d'une sévère gueule de bois. Il ressentait juste un gros mal de tête à l'arrière de son crâne, mais c'était encore supportable.
- Oh noooon... gémit-il tout bas en laissant retomber son visage sur le torse de Yuri. Il était sûr de ne pas s'être endormi sur lui. Mais Wallace se connaissait bien, et il connaissait surtout sa propension à l'affection et au contact physique. Il avait dû se coller au pauvre Yuri pendant la nuit et chercher à le câliner; en témoignaient encore ses bras, toujours accrochés autour de l'homme-oreiller. J'suis désolé... murmura-t-il contre sa peau, un peu honteux. Et pourtant, il ne se dégagea absolument pas. Très honnêtement, ils n'étaient plus à ça près, et Wallace avait besoin de temps avant de laisser partir la seule source d'affection dont il disposait actuellement.
Alors qu'il fixait le plafond pensivement, il entendit le jeune homme grogner tout en le sentant resserrer sa prise sur lui. Un léger frisson parcouru Yuri qui se rendit alors compte d'une chose pourtant évidente : Wallace était sur lui. Sur lui. Et il ne l'avait pas viré. Il n'avait pas éprouvé cette gêne désagréable qu'il éprouvait habituellement au contact des gens. Etait-ce parce qu'ils avaient probablement dormi ainsi ? Ou bien était-ce du au massage qui l'avait tant relaxé et donc, au passage, avait sans doute aussi brisé ce réflexe de rejet ? C'était avec un regard franchement étonné que le dresseur fixait maintenant le dormeur. Il ne savait pas trop quoi en penser. Devait-il être heureux ? Étonné ? Intrigué ? Inquiet ? Il n'en savait rien. Et puis surtout, est-ce que ça voulait dire que ça marcherait aussi avec d'autres personnes ? Décidément, les massages avaient vraiment des vertus à la limite de la magie...
C'était avec un air encore peu assuré que Yuri se retrouva finalement nez à nez avec le jeune homme. Avec tout ça, il n'avait pas fait attention au fait qu'il était en train de se réveiller. Tout comme l'autre endormi, il mit un temps avant de se rendre compte de la situation. Mais, avant qu'il ait pu faire ou dire quoique ce soit, voilà que son petit fermier enfouissait son visage contre lui, sans la moindre once de gène ni de remords. Bon, d'un côté, ça voulait dire que le Wallace bourré ressemblait sensiblement au Wallace normal et que ce dernier se rappelait visiblement de la veille. Un bon point donc. Mais d'un autre côté... Il devait faire quoi lui ?
Bloqué entre ce corps somnolant et ses oreillers, il sentit un sentiment de malaise et de panique mêlés le prendre aux tripes. Ce qui était très con en soit car il n'avait éprouvé aucune gène tant que l'autre était endormie. Alors pourquoi maintenant ? Et puis, que devait-il faire ? Le virer ? Ça serait un peu rude... Le laisser ? Ça pourrait être mal interprété... Ne rien faire semblait encore le meilleur choix. Après tout, il finirait bien par se lever de lui-même ! Quand à lui, il fallait qu'il calme cette sensation désagréable sortit de nulle part... Il n'avait qu'à... imaginer que le jeune homme était en vérité une bouteille géante rose en forme de lapin ! Ça marcherait assurément. Ça devait marcher.
Soupirant, il se rendit alors compte que le joyeux luron s'excusait. Il n'était pas bien sur de comprendre pour quoi il le faisait. Ce fut avec une mine mal assurée, de laquelle il cachait tant bien que mal sa gêne, qu'il lui demanda simplement :
- Pourquoi ?
Mais bordel, que c'était chiant de pas être serein ! Surtout qu'il n'avait aucune raison d'être mal à l'aise !... Non ?
Pourquoi ? Eh bien, pour tout ! Wallace s'était quand même joyeusement incrusté dans le lit d'autrui, faisant fi de la bienséance et des règles sociales. Et s'il avait manqué de respect à Yuri ? S'il l'avait dérangé (ce qui était sans doute très fortement le cas) ? Il avait toutes les raisons du monde de présenter ses excuses ! Yuri n'avait pas l'air particulièrement à l'aise non plus, ce qui conforta Wallace dans son idée. Il fit une petite grimace, son crâne le faisant toujours souffrir, et daigna enfin rouler sur le côté, libérant ainsi le pauvre Yuri de son emprise. C'était déjà un premier pas, car notre gaillard restait trop ensommeillé pour quitter le lit.
- Parce que... tu m'as sûrement pas donné l'autorisation de faire ça, hein ? s'expliqua-t-il en sentant ses joues lui chauffer. Le Wallace sobre et le Wallace éméché n'étaient décidément pas très différents l'un de l'autre - à l'exception près que l'éméché se sentait libre de tout faire et avait tendance à être beaucoup trop tactile, comme en avait témoigné la soirée de la veille. Il leva ses mains pour s'en cacher le visage, honteux. En plus j't'ai bavé dessus. Comme si c'était ça, la pire chose qu'il s'était passée. Devait-il évoquer son triste état de la veille ? L'accident de la salle de bains ? Sa peur idiote face à Pixel ? Le massage ? Il était presque sûr d'avoir forcé Yuri à se plier à ses volontés - ce brave gars n'avait sûrement pas eu le cœur à le décevoir en refusant ses affections ! Wallace s'en sentait coupable; il avait dû trop forcer, comme à chaque fois qu'il se laissait ainsi aller à la boisson.
- Mais... reprit-il timidement, en écartant ses mains pour dévoiler à nouveau son visage. Merci de ne pas m'avoir laissé dehors... fit-il avec son fameux air de chiot battu. En effet, des remerciements étaient de rigueur : Yuri ne l'avait pas seulement sauvé des dangers de la rue, il l'avait également hébergé dans sa propre chambre d'hôtel. Wallace se rendait bien compte qu'il avait été extrêmement chanceux d'être tombé sur lui. Un gangster aux airs de tueurs à gage, mais aux manières de nounours.
Le poids sur le torse du dresseur s'évapora enfin, au sens propre comme au figuré. Comme il l'avait soupçonné, le fermier avait finalement bougé, à son plus grand soulagement. Mais, s'il se sentait indéniablement moins gêné, il avait comme une sorte de sensation de vide étrange qu'il n'aurait su qualifier. Bah ! Ce n'était sans doute rien, autant ne plus y penser ! Mettant de côté ce détail, il fixa son compagnon de chambre l'écoutant s'excuser, rouge comme une pivoine. Il ne s'attendait pas à recevoir des excuses. À ses yeux, il n'avait rien fait de mal, si ce n'était que de se rendre ivre, et encore ! Tout le monde avait le droit à des instants de faiblesse de temps à autre ! Il l'écouta donc sans l'interrompre, se rendant alors compte qu'il n'était pas encore tout à fait serein mais ce n'était rien vu ce qu'il avait enduré quelques instants plus tôt. Haussant finalement les épaules, il répliqua simplement d'un ton se voulant rassurant :
- C'est pas grave. Même sans autorisation, j'ai bien aimé.
Et il était sincère. S'il avait été du dubitatif au début en voyant cet inconnu éméché lui arriver dessus, il avait au final bien aimé dehembuler dans les rues, essayant de le ramener chez lui et, plus tard, il avait également apprécié la bouillotte et le massage qu'il lui avait donné. Certes, il y avait quelques petits moments moins sympas comme ses atterrissages indésirables sur le sol ou l'incident de la salle de bain mais, rétrospectivement, ça prêtait plutôt à sourire maintenant. Non, vraiment, ça n'avait pas été si dramatique que ça de son point de vue.
Haussant un sourcil lorsque Wallace reprit la parole, son visage se teinta alors d' un tout petit rictus, synonyme chez lui d'un sourire franc chez d'autres. Sous le regard de chien battu que le jeune homme lui aurait alors, son corps réagit presque de lui même. Il tendit l'un de ses bras et alla plonger sa main dans sa tignasse châtain, la caressant tranquillement.
- J'allais pas te laisser tout seul, ça n'aurait pas été correct.
Si sa mère lui avait bien inculqué quelque chose d'important à ses yeux, c'était bien d'aider ceux dans le besoin qui étaient demandeurs. De fils en aiguilles, Yuri avait donc développé une affection toute particulière pour les gens dans le besoin. Et, avec ses yeux de chiot, il n'avait résolument rien pu faire contre le besoin viscéral et instinctif qu'il avait eut de vouloir aider Wallace.
J'ai bien aimé. Des mots qui rassurèrent grandement Wallace. Si ça n'avait pas été un calvaire pour Yuri, alors peut-être qu'il n'avait pas à se culpabiliser ? Il sentit un fardeau disparaître de son cœur, et se dit que, finalement, leur situation n'était pas si terrible que ça ! Surtout quand Yuri vint encore une fois lui caresser les cheveux - un geste si tendre qu'il lui en faisait complètement oublier son mal de crâne. Son visage s'apaisa, ne montrant plus aucune trace flagrante de honte ou d'embarras.
- Mais quand même... Tu fais pas ça pour tous les fêtards que tu croises, si ? Il doit y en avoir beaucoup, ici ! fit remarquer Wallace avec un léger rire. Soudain, il se sentait beaucoup mieux, sans vraiment savoir pourquoi. Il aurait même pu se rendormir tant il se sentait à l'aise. Mais il ne devait pas; il devait encore rentrer chez lui, et le plus tôt serait le mieux. Pourtant... il n'en avait pas du tout envie. N'ayant aucune idée de l'heure qu'il était, Wallace leva les yeux vers la fenêtre, essayant de deviner où se situait le soleil.
- Tu ne devrais pas aller prendre ton petit-déjeuner ? Je ne voudrais pas que tu sois en retard. Il rit encore. Ce genre d'auberge proposait souvent un service de petit-déjeuner, mais à des heures bien précises. Si lui n'y avait pas droit, ce n'était pas le cas de Yuri, qui méritait bien un bon repas après toutes les péripéties de la nuit. Mais il avait beau dire ça, Wallace n'avait aucune envie de voir Yuri partir, ou de devoir lui-même quitter ce lit si douillet. Malheureusement... sans doute n'avaient-ils guère le choix. Ce serait bien trop bizarre sinon, non ?
Yuri hocha la tête sous le rire de Wallace, récupérant au passage sa main pour la laisser simplement choir sur son ventre. Il coula vers lui un regard animé d'une flamme amusée avant de lui répondre du tac au tac :
- Qui sait !
Il ne savait pas si c'était la bonhommie du jeune homme qui était contagieuse ou juste le fait qu'il eut bien dormis, mais il avait envie de se faire joueur. S'il n'était pas taquin de nature, il lui arrivait cependant, en quelque rares occasions, d'avoir envie, comme ça, sans crier gare, d'embêter gentiment son monde. Reprenant soudain un air sérieux et un peu froid, il posa un regard lourd sur le garçon aux cheveux châtains.
- Ou alors je suis en vérité un taré qui aime récupéré les gens bourrés pour les manger au p'tit déj' !
Il allia à sa phrase un sourire angoissant, dévoilant ses dents blanches, avant de passer sa langue sur ses lèvres en une expression aussi gourmande que flippante. Mais il ne tint pas longtemps ce masque de détraqué, celui-ci s'effritant au bout de quelques secondes. Si ça ne lui posait aucun problème de jouer les mecs flippants envers des abrutis venant l'emmerder, face à des personnes qu'il appréciait, c'était beaucoup plus difficile en revanche. La raison était simple : il n'avait pas franchement envie de leur faire peur, tout simplement. Sans qu'il n'y pense plus trop, Yuri avait presque naturellement retrouvé un semblant de sérénité, comme si cette situation était normale. Après tout, c'était agréable et sympathique de discuter avec Wallace alors autant en profiter. D'ailleurs, pour en revenir au petit déjeuner...
- J'ai pas franchement faim... Et j'ai la flemme... Et puis, vu la lumière, l'heure doit être passée. T'as faim, toi ?
Piqué par la curiosité, il tendit le bras vers sa table de chevet sur laquelle trainait un réveil. Il jeta un regard à l'écran : 11h15. Trop tard pour un petit déjeuner, trop tôt pour un repas du midi. Reposant l'objet sur la petite table, il se renfonça dans ses oreillers, trop heureux qu'il était de ne rien avoir à faire pour une fois. C'était rare quand ça lui arrivait mais à chaque fois, il faisait en sorte d'en profiter pleinement. Et, si il n'y avait pas d'urgence, il était bien motivé pour rester encore un peu à trainer comme un adolescent feignant refusant d'aller en cours.
- Tu voudras encore un coup de main pour retrouver la gare ?
Une étincelle espiègle brillait au fond des yeux de Yuri. Ainsi, Wallace lui découvrait encore une nouvelle expression - qui disparut malheureusement bien vite, se transformant en ce qui semblait être son expression "par défaut", c'est-à-dire une mine sérieuse et renfrognée. - Ou alors je suis en vérité un taré qui aime récupérer les gens bourrés pour les manger au p'tit déj' ! fit-il, en dévoilant soudain, encore une fois, une toute nouvelle facette. Une petite blague qui n'eut pas tout à fait l'effet escompté. Peut-être Wallace n'était-il pas assez habitué à la terreur et au danger pour reconnaître l'air carnassier de Yuri, ou peut-être... peut-être ce côté prédateur ne le dérangeait-il pas du tout. Peut-être même n'était-il pas tout à fait contre l'idée d'être sa proie... Mais, évidemment, il savait que Yuri ne voulait rien dire de spécial par là. C'était une blague, voilà tout ! Une blague que son esprit bien trop influencé par le torse nu en face de lui (qui sentait encore bon l'eucalyptus et la menthe) avait forcément mal comprise. Alors, il essaya de ne pas réagir - il essaya de toute sa force mentale de garder un visage figé, pour ne rien révéler de son trouble, et de ne pas rougir. De ne pas répondre par une vanne du même acabit, aussi. Au moins, il réussit à garder ses lèvres closes - mais quant à la réussite du reste... Yuri en serait le seul juge. Il tenta également un petit rire gêné, histoire de signifier qu'il avait compris son humour.
- J'ai pas franchement faim... Et j'ai la flemme... Et puis, vu la lumière, l'heure doit être passée. T'as faim, toi ? Heureusement qu'il changeait de sujet ! La flemme. C'était exactement ce qui assaillait Wallace. Quant à la faim... Il ne la ressentait pas vraiment. Peut-être à cause de son léger abus d'alcool de la veille qui risquait encore de lui causer des nausées s'il avalait quoi que ce soit de trop lourd. Quand Yuri se retourna pour attraper son réveil, Wallace se redressa sur un coude pour regarder l'heure par-dessus son épaule. 11h15. Ok, il était tard, surtout pour un fermier. C'était certain, son père allait le tuer - alors, quitte à se faire massacrer dans tous les cas... Autant profiter encore un peu de ce qui lui causerait de futures remontrances ! - Nan, pas vraiment, grimaça-t-il en réponse à Yuri. Et je pense que je vais bien déguster en rentrant à Kishika, de toute façon.
- Tu voudras encore un coup de main pour retrouver la gare ? Il n'en était même pas sûr. Vu son état de la veille, il n'avait aucune idée d'où exactement se situait l'auberge - mais en même temps, en pleine journée, il pourrait sans doute retrouver la gare tout seul ! Et pourtant, il n'avait pas du tout envie de prendre ce risque. Il avait vécu assez d'émotions fortes la nuit dernière pour toute sa semaine ! - Hmm... fit-il en s'étirant paresseusement. Je dis pas non ! Il ne disait surtout pas non à quelques minutes en plus en compagnie de son sauveur de la veille. Il avait déjà envie de rouler contre lui, et de le câliner davantage. En toute innocence, bien sûr; Wallace était juste un grand sensible qui ne vivait que pour l'affection et la tendresse. Mais Yuri risquait de ne pas apprécier et, maintenant qu'il avait cuvé son vin, notre gaillard était déjà beaucoup plus maître de ses actions. Sans pouvoir se cacher derrière l'excuse de l'alcool, hors de question de forcer le contact !
- Pixel se cache quelque part ? s'intéressa-t-il alors au fameux fantominus. A moins qu'il ne sorte que la nuit... ? ajouta-t-il un ton plus bas, plutôt pour lui-même, avec une très légère pointe d'inquiétude dans la voix.
Yuri haussa un sourcil intrigué. Comment ça il allait se faire taper sur les doigts en rentrant chez lui ? Il était pourtant majeur et vacciné alors il ne devait plus craindre le joug de ses parents en toute logique. Poussé par sa curiosité, il ne put se retenir de lui demander :
- Comment ça ? T'avais un couvre-feu ?
Ça lui semblait peu probable tout de même mais bon, on se savait jamais. Après tout, il vivait peut être chez des gens fort strictes, ce n'était pas impossible. Ou alors, plus simplement, il avait un boulot et il venait d'empiéter allégrement sur sa journée de travail. Yuri en ressentait-il le moindre remord à ne pas plus le pousser à rentrer chez lui ? Aucun. Après tout, il était grand et maitre de ses décisions alors, s'il devait rentrer pour bosser, il n'aurait pas du se bourrer la tronche la veille. Lui, il n'y était pour rien là dedans ! Et puis, en vérité, il n'avait pas envie de cracher sur cette matinée douce et tranquille comme il n'en avait plus eut depuis si longtemps qu'il ne se souvenait même plus s'il en avait déjà eut une. Laissant échapper l'esquisse d'un sourire, il fut bien plus content qu'il ne voulait bien se l'avouer lorsque le jeune homme accepta encore son aide. Il l'aimait bien après tout donc il était content qu'il ait accepté. Ceci dit, il était un peu étrange de voir à quelle rapidité il avait développé une certaine affection pour ce parfait inconnu... Il allait même se demander si c'était vraiment raisonnable et surtout, d'où ça sortait. En temps normal, il était loin de créer des liens aussi rapidement... Lui, il mettait ça sur le dos de ses yeux de chien battu et de son besoin d'aide ; ça avait toujours été son point faible. S'étirant en baillant mollement, il fut agréablement surpris de voir que Wallace s'intéressait à Pixel. Visiblement, il avait bien retenu la leçon du " Pixel = Gentil " et c'était un certain soulagement. Il n'avait aucune envie de finir de nouveau les fesses au sol à cause de sa frousse !
- Il doit se cacher sous l'ombre du lit. Il sort rarement en journée, à moins d'y être obligé car il n'aime pas vraiment ça. Je le soupçonne de dormir à vrai dire.
Il ne savait pas réellement ce que faisant son fantominus dans les ombres mais il savait qu'il ne sortait généralement que lorsque le soleil commençait à décliner ou que les journées étaient sombres et voilées, comme avant un orage. Bref, il préférerait l'obscurité et, vue sa nature, ça n'avait rien d'étonnant en soit. Laissant ses pensées vagabonder, il se mit à ressasser quelque chose. Yuri repensait à l'expression qu'avait porté sur son visage le fêtard un peu plus tôt, suite à sa tentative échouée de lui faire un peu peur. Le petit fermier avait tiré une tronche vraiment bizarre et le dresseur n'avait su qu'en penser sur le moment. Lui avait-il fait trop peur ? Ou alors s'en foutait-il ? Impossible à savoir... Et puis soudain, il comprit. Il se rappela de la veille, de sa suspicion quand à l'orientation de ce garçon et alors, superposant le tout à la tête qu'il avait en face de lui, il s'en voulu. Qu'il était con, bon dieu ! Il avait du le mettre mal à l'aise surtout avec un truc pouvant être aussi suggestif qu'un coup de langue. Et puis... Et puis il était à demi à poils aussi ! Zut. Flute. Meeeeerde. Mais quel abrutit ! Et puis lui qui restait comme ça, tranquille, sans bouger, en mode dandy... Ça devait vraiment pas être agréable pour lui, limite gênant ! Mais... Il l'aurait montré si ça l'avait vraiment gêné, non ? Il lui aurait dit sans doute ou au moins, il lui aurait fait comprendre. Quoique, il n'en savait rien au fond. Car si le Wallace sobre ressemblait au Wallace bourré, le premier semblait être quand même plus maitre de ses émotions que le second. Beaucoup trop de choses se bousculait dans son esprit et beaucoup trop d'émotions bouillonnaient sous son visage alors figé. Ne sachant quoi faire, il se laissa de nouveau aller à son instinct, seule et unique chose qu'il savait faire dans ces moments là.
Se levant presque brusquement, avec des gestes qui semblaient robotiques tant ils étaient raides, Yuri fila vers son armoire, prit des vêtements propre et, regardant d'un air fuyant - franchement gêné pour le coup - Wallace, il lui dit simplement :
- D... Désolé...
Et il fuit héroïquement en direction de la salle de bain, refermant la porte derrière lui, s'y adossant avant de se laisser glisser contre le sol. Il espérait vraiment qu'il ne l'avait pas froissé... Attendez... Ce n'était pas ce qu'il venait juste de faire en réagissant ainsi ? Rhaaaa! Bordel !
- Pas vraiment un couvre-feu, mais... j'aide l'affaire familiale, disons, expliqua sagement Wallace. Ou plutôt, il était censé aider, parce que pour le coup, c'était raté ! Certes, il avait toujours droit à sa liberté, car ses parents savaient qu'il n'en abusait jamais et qu'il aimait trop la ferme pour l'abandonner. Ce n'était pas la première fois qu'il découchait sans prévenir, et sans doute ne se faisaient-ils pas trop de souci pour lui - leur fils était assez vieux pour prendre ses propres décisions et se débrouiller seul, mais encore assez jeune pour avoir besoin de s'évader quelques fois et de retrouver ses amis d'enfance, tous partis pour la grande ville. Il dormait d'ailleurs souvent chez eux, même quand il ne buvait pas - faire l'aller-retour depuis Kishika la même journée était assez pesant. Wallace avait d'ailleurs fait toute sa journée de travail la veille, avant de partir pour sa joyeuse soirée; il avait bien droit à un jour de congé ! Son père allait râler, comme toujours, mais c'était plutôt par habitude et pour sauver la face que par réel mécontentement.
- Il doit se cacher sous l'ombre du lit. Il sort rarement en journée, à moins d'y être obligé car il n'aime pas vraiment ça. Je le soupçonne de dormir à vrai dire. Wallace tourna vers Yuri un regard dubitatif. Venait-il vraiment de lui dire qu'à tous les coups, un fantôme se cachait sous le lit ? Certes, notre paysan avait passé le cap de la peur, après tous les événements de la nuit. Il avait bien compris que Pixel n'était pas comme les autres fantominus (parce qu'évidemment, il allait continuer à redouter les autres pokémons spectres), et que la brave boule gazeuse n'avait voulu que son bonheur - mais on ne chassait pas tous ses démons en une fois ! Alors, imaginer un fantôme sous le lit réveillait forcément ses peurs d'enfant. Mais Yuri était avec lui; Wallace n'avait donc aucune raison d'avoir peur.
S'ensuivit alors un petit moment de silence. Un léger flottement pas franchement dérangeant, et dont Wallace - dont le mal de tête était revenu - ne se plaignait pas. Il se sentait bien, là, et il aurait pu encore rester des heures comme ça, à profiter du luxe d'une grasse matinée. A lézarder sous les quelques rayons du soleil qui filtraient à travers la fenêtre, sans penser aux corvées qui l'attendaient chez lui, ou aux pokémons (les siens comme ceux de la fermette) dont il devait s'occuper. Et, trop occupé à profiter de ce moment de félicité, il ne remarqua que bien tardivement le malaise qui commençait à s'emparer de Yuri. Autant dire tout de suite, en fait, qu'il ne le remarqua que quand Yuri bondit hors du lit pour se précipiter sur sa garde-robe. Un regard fuyant dans sa direction, une maigre excuse, et il avait déjà disparu derrière la porte de la salle de bain, des vêtements à la main.
Pas très difficile de comprendre ce qu'il s'était passé. Wallace s'était redressé pour s'asseoir en tailleur sur le matelas mais n'avait pas vraiment eu le temps de réagir au-delà de ça. Il n'arrivait pas à y croire : lui, l'insignifiant petit fermier, avait réussi à faire fuir le puissant tueur à gages bourré de cicatrices de guerre ! Mais il n'y avait pas de quoi s'en vanter, et Wallace ne savait pas vraiment comment prendre la chose. Il comprenait sans mal que Yuri se soit enfin rendu compte de sa nudité partielle et en ait pris honte - surtout que lui était toujours complètement habillé. Mais... ça avait été si bizarre ! Yuri avait fui avec tellement de précipitation que Wallace se demandait s'il pouvait avoir une autre raison.
Mais il ne savait pas, et il n'avait jamais été fort en déduction - alors, il réagit à la Wallace : et il se laissa prendre d'un léger rire, préférant s'amuser de la situation plutôt que de s'en soucier. Un rire un peu gêné, toutefois. Parce qu'au fond, il se doutait bien que c'était lui, le problème. Il avait dû faire quelque chose de mal - et entre le massage et la nuit passée dans les bras l'un de l'autre, il ne fallait pas être un génie pour comprendre d'où venait ce malaise. Et si Yuri avait une petite copine, hein ?
Déterminé à ne plus faire de gaffe de ce genre, Wallace attendit bien sagement que Yuri revienne de la salle de bain. Il se rallongea sur le ventre - en biais du lit, cette fois - pour jeter un coup d’œil sous le sommier. Juste au cas où...
Caché dans sa salle de bain, Yuri était en proie à une agitation grandissante. Il s'en voulait terriblement d'avoir pu mettre, sans même s'en rendre compte, Wallace mal à l'aise. Et sa réaction n'avait fait qu'empirer les choses assurément. Maugréant contre lui même, pestant contre sa personne, il finit par se relever en enfilant en bougonant son pantalon et son t-shirt. Puis, il se figea. Était-ce un rire ? Il lui semblait déceler dans ces notes claires, quelques accents de gêne. Le dresseur s'en voulu aussitot mais, d'un autre côté, il se dit que rester caché comme une autruche dans le sable ne réglerait rien. Autant battre le fer tant qu'il était encore chaud... Avec une prise mal assurée sur la poignée, il ressortit de sa cachette, se présentant face au jeune homme assit sur son lit avec l'air d'un enfant fautif sur le visage. Le regard fuyant, se passant nerveusement la main dans ses cheveux ébouriffés pour essayer de se calmer et de se donner de la contenance, il finit par lâcher le morceau.
- Je suis désolé de t'avoir mis mal à l'aise... Je veux dire, j'ai l'impression que t'es gay du coup, ça a du être pas cool pour toi et tout...
Tout penaud qu'il était, il avait du mal à formuler proprement ses pensées. Au fond, il ne savait d'ailleurs pas vraiment ce qu'il voulait dire mais il était certain d'une chose : il se sentait mal. On aurait clairement dit un enfant rongé par le remord d'avoir mangé une sucrerie. Car, même s'il s'excusait, il ne pouvait nie le fait qu'il avait apprécié la majeure partie de sa soirée ; il se sentait donc gêné ET coupable. Coupable d'avoir profiter sans doute de la gentillesse naturelle de ce garçon un peu naïf. Alors il resta là, les points enfoncés dans les poches de son jeans, se balançant d'un air mal assuré et lent d'un pied sur l'autre, attendant que tombe le couperet de la réaction de Wallace.
Yuri ne mit pas longtemps à ressortir de la salle de bain, entièrement vêtu. Pixel, lui, n'avait donné aucun signe de vie - normal, me direz-vous, étant donné qu'il était sûrement plutôt du genre mort. Wallace arrêta d'inspecter le dessous du lit et se rassit en tailleur sur le matelas, comme un chiot content d'avoir retrouvé son maître après cinq minutes de solitude. Mais Yuri, lui, n'avait pas du tout l'air content de le voir là. Peut-être Wallace aurait-il dû profiter de ce moment pour s'éclipser - mais ça ne lui semblait pas être particulièrement poli.
- Je suis désolé de t'avoir mis mal à l'aise... commença-t-il presque timidement. Il s'était encore passé la main dans les cheveux; comme à chaque fois que quelque chose le gênait, avait remarqué notre paysan. Un tic absolument adorable. Je veux dire, j'ai l'impression que t'es gay du coup, ça a du être pas cool pour toi et tout... Le sourire de Wallace se crispa soudain. Il ne s'était pas du tout attendu à ça. Et il n'avait aucune idée de comment réagir. Il avait bien écouté le ton qu'avait employé Yuri - mais il n'y avait décelé rien de péjoratif ou de moqueur. Si ça avait été le cas, nul doute que Yuri se serait mangé un pain malgré ses airs de gangster. Rien ne pouvait mieux déclencher la colère de notre paisible Wallace que des commentaires déplacés sur son inconditionnel amour. Mais Yuri semblait ne rien avoir contre ça. Alors, encore une fois, il se mit à rire - un rire très bizarre, très gêné, mais un rire quand même. - Aahah~ c'était si flagrant que ça ? Pas le fait qu'il soit prétendument gay, car ce n'était pas tout à fait vrai - et Wallace ne prit pas la peine de s'expliquer, car il n'en ressentait pas le besoin. Il ne se revendiquait d'aucune orientation définie, car il détestait ces étiquettes. Il était ce qu'il était, et il n'avait pas besoin de mot pour ça. Par contre, si Yuri lui avait soupçonné une homosexualité, c'était qu'il avait remarqué qu'il ne laissait pas Wallace indifférent. Et ça, par contre, c'était très gênant.
- T'as pas à t'excuser, relativisa le Kishikien en haussant les épaules. C'est plutôt moi qui devrais, en fait. Parce que du coup... c'est moi qui ai le plus profité de notre soirée ! Et il éclata de rire, se moquant allègrement de lui-même. Il essayait tant bien que mal, par son rire un brin forcé, de détendre l'atmosphère. Ça fonctionnait très souvent, et c'était la seule parade qu'il connaissait - sa mère lui avait toujours dit que s'il était coincé ou triste, il devait se forcer à rire, et que le reste suivrait ! C'était l'un de ses principes les plus chers à son cœur.
Et le pire dans tout ça, c'était qu'il n'avait pas nié. Il n'avait pas détrompé Yuri sur son orientation, et semblait même appuyer le fait qu'il lui faisait de l'effet. A quoi bon, de toute façon ? Nier maintenant ne ferait que l'enfoncer davantage ! Et il n'avait rien à cacher, pas plus qu'il n'avait honte - il était surtout embêté pour Yuri, qui venait malgré lui de s'attirer l'intérêt d'un petit paysan de la cambrousse. Sa copine risquait de ne pas apprécier.
L'illumien trouva que ce moment durait beaucoup trop longtemps. Il avait l'impression d'être torturé de toutes parts, sans avoir de réponse, se sentant absolument ridicule à rester les bras ballants. Puis enfin, Wallace lui répondit. Et il ne nia rien, restant juste sincère. Et il réussit à calmer un peu le grand désarroi de l'ancien voleur. Il ne se sentait visiblement pas gêné ou quoique ce soit par ce qui avait pu arriver au contraire, il disait en avoir... profité ? Attendez, attendez ! S'il en avait profité, ça voulait dire qu'il l'appréciait ? Lui ? Un frisson étrange parcourru l'échine du dresseur en comprenant ce que ça voulait dire. Il avait cessé de fuir le regard du fermier et le fixait droit dans les yeux, un air de surprise et de confusion totale sur ses traits.
Il était impensable pour lui que quique ce soit eut pu avoir envers sa personne une quelconque appréciation. Alors oui, c'était flatteur d'un côté mais de l'autre, il ne savait pas comment réagir face à ça. Alors, quelque chose d'impenssable se passa. Très légèrement, le haut de ses joues blanches se tinta d'un petit rose. C'était pour Yuri l'équivalent de la tomate que pouvait devenir Wallace quand il était gêné. Mais là, c'était une gène étrange qui l'avait prit aux tripes. Une gêne mêlée à une euphorie trodue et bizarre. Était-il en faite... Content ? Content de se rendre compte que même un type comme lui pouvait plaire ? Trop de questions, trop de choses à penser. Tout ça était trop.... Trop trop. Levant son index vers lui, ce fut avec cet air un peu d'ahurit qu'il répéta, hagard :
- Profiter de... moi ?
Et alors, le rire jaune du jeune homme résonna dans la pièce et, par nervosité, Yuri suivit cet éclat de rire terrible. Mais lui, il riait de lui-même et de sa piètre personne. Il ne comprenait pas comment Wallace avait pu apprécier quoique ce soit. Il ne se trouvait ni attirant, ni très confiant pour ce genre de choses alors il était impossible que l'on pouvait apprécier sa compagnie pour autre chose que le "travail". Ou alors, était-il en train de se découvrir tout simplement un côté timide ? Obligé de s'adosser contre le mur pour ne pas tomber sous le rire nerveux, il se laissa glisser au sol et, entre deux rires nerveux, il réussit à articuler.
- T'as des goûts déplorables en la matière !
Ce n'était en vérité pas tant le fermier qu'il taclait alors, mais bien plus lui-même et sa piètre opinion sur la personne.
Wallace ne comprenait pas la surprise de Yuri : n'était-ce pas exactement ce qu'il avait sous-entendu en le soupçonnant d'être homo ? Alors, pourquoi être étonné maintenant ? A moins que... venait-il de se vendre de lui-même ? Un rire tout aussi gêné que le sien s'échappa de la gorge du pauvre Yuri, qui eut même du mal à tenir debout ! Les deux hères avaient décidément belle allure, avec leurs rires jaunes et le malaise qui emplissait la pièce ! Mais heureusement, plus Yuri riait, et plus Wallace sentait le poids de la gêne se faire plus léger sur ses épaules. Il commençait même à sérieusement s'amuser de leur situation - comme quoi, le précepte de sa mère se révélait encore une fois véridique !
- T'as des goûts déplorables en la matière ! fit Yuri entre deux hoquets de rire, à terre. Soulagé de constater que Yuri savait en rire au lieu de s'enfermer dans son malaise, Wallace sentit une montée d'espièglerie le rendre encore plus heureux. Il était d'humeur joueuse, et il ne se gêna plus pour lâcher : - Ah non, alors là, je suis pas d'accord ! Grand sourire plaqué sur le visage, étincelle mutine au fond des yeux, il était catégorique. Mec ! T'as vu tes muscles ? T'as vu comme tu t'es occupé de moi ? T'as vu comme tu m'as recueilli, choyé et réconforté alors que j'avais l'air d'un gamin prêt à se pisser dessus devant ton pokémon ? Et là, il n'évoquait même pas l'alcool ! Non, je suis désolé, mais c'est ta faute ! Tu peux pas me blâmer maintenant. Et il haussa ses bras et ses épaules dans un geste très éloquent : ses émotions, ce n'était pas sa faute, mais celle de Yuri ! Il n'avait plus qu'à assumer. - Et je te signale que ça, c'est que le début de la liste.
C'était ridicule. Cette situation était ridicule. Ce rire était ridicule. Tout était ridicule. Pourtant, plus il riait, plus il avait l'impression de s'alléger, de se délester d'un poids étrange. Eventuellemnt, le rire en vint à s'estomper et il s'essuya quelques larmes qui perlaient aux coins de ses yeux. Il n'eut pas le temps de se remettre de ses émotions que Wallace reprit immédiatement, l'assaillant avec un air taquin sur le visage, se lâchant visiblement. Encore une fois, un léger rose s'installa sur les joues de Yuri qui détourna la tête, fixant le sol, flatté et gêné en même temps par la liste qu'évoquait le jeune homme.
- J'allais pas te laisser tout seul... J'y suis pour rien... Gneu gneu gneu...
Il avait bredouillé ça pas très fort, la fin de sa phrase se perdant dans un gargouillis brouillon de sons sans réelles significations. À le voir comme ça, il était amusant de constater la différence entre son apparance patibulaire et la mine de chiot un peu perdu qu'il abordait. Il ne savait vraiment pas comment réagir alors il resta simplement là, assit sur le sol, se passant la main dans les cheveux pour se donner un peu de contenance et évacuer sa nervosité.
L'embarras de Yuri était tout simplement adorable. Pour une fois, Wallace ne se sentait pas comme le plus impressionné des deux; les rôles s'étaient complètement renversés ! Alors, bien trop content d'en profiter, notre paysan se révélait joueur, espiègle, et pas encore prêt à laisser cette opportunité lui passer sous le nez. Il n'y avait rien de vilain là-dedans : il ne pensait pas à la moquerie, au contraire ! Il voulait juste taquiner Yuri encore un peu. Alors, il s'empara de la bouillotte-lapin abandonnée sur un coin du lit et la leva à hauteur de son visage.
- Awwww, on dirait les mêmes ! Comparait-il le rose pétant de la peluche aux joues très légèrement rosies de son partenaire d'un soir ? C'était absurde, mais c'était aussi beaucoup trop tentant. Cependant, les blagues les plus courtes étaient les meilleures, et Wallace ne voulait pas aller trop loin (surtout qu'il savait très bien que si Yuri se mêlait au jeu, il pouvait retourner la situation contre lui en trente secondes avec tout ce qu'il avait vu du Wallace bourré d'hier soir). Il reposa donc la bouillotte sur le matelas, se redressa et étira ses bras au-dessus de sa tête pour tenter de se réveiller correctement.
- Allez, j'arrête de t'embêter. Il coula un regard malicieux vers Yuri. Même si tout ce que je dis est vrai, ajouta-t-il. Il ne voulait pas que Yuri remette ses compliments sur le compte de l'humour ! Wallace ne faisait que s'amuser de la stricte vérité. Mais il savait que même dans ses taquineries, il devait rester sage - et ce, en dépit de l'expression penaude du présumé gangster qui lui donnait l'envie viscérale d'aller lui faire un câlin. Mais non, il ne pouvait pas ! Par contre, ce qu'il pouvait faire... D'ailleurs, il faut que j'arrête de te regarder. Si tu veux pas que je te fonce dessus pour un câlin. ... c'était le sous-entendre !
Relevant la tête, son regard allait de Wallace à la bouillotte puis de la bouillotte à Wallace. Sa gêne s'estompa alors un peu et un léger sourire amusé vint se peindre sur son visage. Durant une fraction de secondes, il s'imagina déguisé en gros lapin rose au ventre chaud et cette idée l'amusa grandement. Bien qu'il ne le ferait jamais même s'il en avait l'occasion, c'était quelque chose de suffisamment loufoque pour lui faire penser à autre chose qu'à la liste que s'était amusé à dresser le fermier qui semblait décidément en grande forme.
- Pas vraiment, il est définitivement plus rose et doux que moi !
Dépliant ses jambes avant de se relever, Yuri avait le cœur un peu plus léger. Cette digression sur ce machin criard lui avait un peu remit les idées en place. Et puis en plus le taquin jeune homme venait de lui assurer qu'il le laisserait tranquille, ce qui le soulageait doublement. Cependant, la chose ne dura pas, l'irrépressible envie du fêtard de le chercher reprenant le dessus malgré ce qu'il venait de promettre. L'illumien bougonna un peu avant de le regarder d'un air surpris. Il ne savait que penser de ce qu'il venait de considérer comme une avance assez claire. Ou alors, était-ce juste qu'il était naturellement tactile ? Le dresseur avait bien envie de croire à cette version mais avec ce qui s'était dit un peu plus tôt, il n'était plus sur de rien et ne savait plus quoi penser. D'ailleurs, il ne savait pas trop comment réagir pour le coup. Devait-il accepter son câlin ? Le repousser au risque de paraitre rustre et le vexer ? Il n'avait pas envie d'aller contre lui alors, habité par un sentiment peu assuré qu'il ne savait pas qualifié, il haussa les épaules, ayant fait son choix.
- Tu m'as dormi dessus alors je suppose que j'en suis pas à un câlin prêt...
Il regretta cependant presque instantanément ses paroles. Et si son aversion pour le contact revenait ? Bah, au moins, il serait fixé sur l'éventuel "magie" provoqué par le massage...
Force était de constater que Wallace n'était pas aussi rouillé qu'il l'aurait cru. Pourtant, il n'avait jamais été très doué en flirt, et cela faisait bien longtemps qu'il n'avait plus rien tenté ! Alors, quand Yuri osa répondre à sa subtile requête (pas si subtile que ça, en vérité, mais n'oublions pas que notre gaillard avait la subtilité d'un fermier), il fut autant empli de bonheur que d'orgueil.
Est-ce qu'il avait envie de lui foncer dessus pour le tacler au sol et lui faire un câlin ? Oui. Est-ce qu'il le fit ? Non. Wallace était, après tout, d'une douceur inégalée. Et il savait y faire, avec les mastodontes bourrus. Il se leva donc doucement du lit, surveillant avec vigilance le visage de Yuri, qui semblait déjà regretter ses paroles. Mais Wallace ne voulait pas que le malaise s'installe à nouveau; alors, lui, gardait une expression sereine et avenante. Il n'était pas là pour faire peur à son sauveur !
Il le rejoignit donc en quelques pas, puis vint passer ses bras sous ceux de Yuri pour lui faire un gros câlin gentil. Presque amical, voire fraternel - rien de très affriolant là-dedans. Wallace avait trop peur de dépasser les limites s'il osait aller un peu plus loin. - Merci, fit-il à l'oreille du présumé gangster avant de le libérer. Forcément, les joues de notre fermier avaient recommencé à rosir et c'est en déviant le regard, un sourire coupable au coin des lèvres, qu'il continua : Je suppose que ce ne serait pas très correct que je squatte encore ici. Il émit un léger rire. Il faudrait sans doute que je rentre. Il faudrait sans doute et il supposait, parce qu'en fait, il n'avait pas du tout envie de rentrer. Mais toute bonne chose avait une fin, et il allait bien devoir quitter ce doux rêve à un moment ou à un autre...
Docilement, le voleur n'avait pas bougé de là où il se trouvait. Il avait regardé du coin de l’œil le fermier avancer avec une certaine appréhension. Pourtant, il ne s'était pas enfuit pour autant. Après tout, il aimait faire en sorte que, lorsqu'il disait quelque chose, il ne dérogea pas à ses paroles. Question de politesse ou d'honneur, appelez ça comme vous voulez. Et pourtant, quand arriva le moment du contact, il s'apperçu au final que ce n'était pas si terrible que ça. Bien sur, son corps se contracta par réflexe, prouvant qu'il n'avait toujours pas passé le cap, mais ce n'était pas si violent que ça l'avait été la veille. A croire que, petit à petit, il s’habituait à la chose. Et puis, il fallait aussi dire que le câlin en lui-même ressemblait plus à une accolade. Ainsi, le dresseur se détendit petit à petit, sentant ses muscles se décontracter. Au final, le plus perturbant était le fait qu'il se sentit tout petit durant le temps que dura cette embrassade. Certes, Wallace était plus grand que lui mais, même sans ça, il se sentait comme un enfant au creux des bras de sa mère : c'était chaud, agréable, réconfortant quelque part. Si c'était quelque chose d'aussi étrange que nouveau pour lui, il ne se tritura pas trop le cerveau en y réfléchissant, profitant simplement de l'instant, osant poser son menton sur l'épaule du jeune homme. Finalement, ce qui le marqua le plus fut le remerciement de son invité du jour. Un frisson assez puissant le parcouru de la pointe de ses cheveux jusqu'à l'extrémité de ses orteils alors qu'il sentit le souffle proche de son oreille et il se racla la gorge par réflexe, pour se redonner de la contenance. Il hocha la tête simplement en guise de réponse, se disant que ça ne servirait à rien de se répéter encore une fois qu'il n'y avait rien à remercier et que c'était naturel de l'avoir aidé. Il se contenta simplement de lui passer maladroitement la main sur le dos, le frottant doucement, se calquant sur le geste qu'avait pu lui offrir sa mère lors d'un de ses gros chagrins lorsqu'il n'était encore qu'un petit garçon.
S'arrétant aussi doucement qu'elle était arrivée, l'étreinte prit fin et Yuri ne put que noter l'air un peu coupable qu'abordait le jeune homme. Il ne savait pas trop comment l'interpréter aussi fit-il comme s'il n'avait rien vu.
- Je te raccompagne, ça serait con que tu te perdes et que tu rates encore ton train.
Il se dirigea vers sa veste en cuir et, tout en la passant sur ses épaules, il étudia d'un œil avertit le look du garçon. Ses vêtements froissés sentaient encore un peu l'alcool et, en inspecteur de la propreté qu'il était, il ne pouvait décemment pas le laisser sortir ainsi. Se dirigeant vers son armoire, il en sortit un t-shirt et un pantalon avant de revenir vers lui, lui tendant les habits tout en désignant la salle de bain d'un geste de la main.
- Je te raccompagne, ça serait con que tu te perdes et que tu rates encore ton train. Wallace émit un léger rire, tout à fait d'accord avec cette idée. Mais Yuri ne semblait pas prêt à le raccompagner de suite; à la place, il alla chercher des vêtements, qu'il lui tendit. J'te les prête. Va te laver et on y va après. Quoi, il avait peur d'être vu en compagnie d'un gars piteux et pas très net ? Cette fois, le léger rire de Wallace se mua carrément en fou rire - les futures mentions de douche et de salle de bain risquaient de lui faire cet effet-là pendant au moins une bonne semaine ! - Merci ! réussit-il à dire en calmant son rire avant de s'enfuir dans la salle de bain. Mais la première chose qu'il vit en y entrant, ce fut la tringle et son rideau - et voilà qu'il était reparti dans son fou rire !
Il ne sentit toute l'ampleur de sa fatigue qu'une fois sous les jets d'eau chaude de la douche. Il ne s'était pas rendu compte, avant, de l'état dans lequel cette nuit tout habillé précédée de la soirée arrosée l'avait mis. Il se sentit alors extrêmement reconnaissant envers Yuri de ne pas l'avoir laissé repartir dans cet état; sous la douche, il se sentait revivre ! Il se sentait propre, frais, et prêt à faire face au monde extérieur sans avoir honte de lui-même.
Une fois tout propre et rhabillé des vêtements de Yuri, il sortit de la salle de bain, les cheveux humides et un air heureux sur le visage. - Aaaaah merci ! répéta-t-il, sincère. Je m'étais pas rendu compte que j'en avais tellement besoin ! Ses propres vêtements pliés sous son bras, il offrit un large sourire à son sauveur. Ce dernier avait une carrure un peu plus importante que la sienne, ce qui faisait que Wallace flottait un peu dans ses vêtements - un style oversize, disons ! De toute façon, tout lui allait !
L'étonnement de lisait sincèrement sur les traits de Yuri. Il ne comprenait pas bien le fou rire soudain de Wallace et le regardait en clignant des yeux d'un air un peu perdu. Avait-il dit quelque chose de drôle ? Il ne pensait pas. Le fait de lui prêter des vêtements était si hilarant que ça ? Il en doutait un peu. Quoiqu'il en fut, il laissa le garçon rire, un petit sourire amusé naissant sur ses lèvres sous la contagion réelle de ce rire si enfantin. Une fois le fermier sous la douche, l'ancien voleur alla s'affaler dans l'un des fauteuil proche de la table basse. Enfonçant ses mains dans les poches de son blouson, il se rendit alors compte qu'il avait laissé le tiquet de caisse de la veille, celui qu'il avait reçu lorsqu'il était aller acheter de l'eau pour le fêtard au magasin du coin. Il regarda le petit papier avec un air amusé sur le visage avant qu'une idée lui illumine son petit cerveau. Se saisissant d'un stylo, il se mit à griffoner rapidement quelque chose avant de remettre le morceau de papier dans sa poche. Il attendit encore un peu et le jeune homme ne tarda finalement pas à sortir de la salle d'eau. Il était d'ailleurs amusant de noter qu'il flottait un peu dans ses vêtements car, s'il était plus grand que lui, il était aussi plus fin, ce qui jouait assez sur la cohérence de l'ensemble. Se relevant nonchalamment, Yuri s'étira un peu avant de reprendre d'un air légèrement amusé.
- Remercie la règle CDD d'après soirée plutôt ! Chiottes, douche, dodo. Le trio gagnant pour bien récupérer.
Puis, il se dirigea vers la porte, l'entrouvrit et s'effaça pour pouvoir laisser passer le jeune homme avant lui tout en lui tenant la porte.
En plus d'être drôle, adorable, protecteur, gentil et mignon, Yuri se révélait être aussi galant que charmant. Ah, c'était bien trop de qualités ! Un sourire amusé au coin des lèvres, toujours dans l'autodérision, Wallace alla remettre ses chaussures avant de quitter la chambre à l'invitation de Yuri. Une fois dans le couloir de l'auberge, il se retourna une dernière fois, comme en regret. Il lança à la paisible chambrée un dernier sourire; un remerciement secret pour ce lieu qui lui avait offert une petite nuit aux parfums de paradis.
- Je te suis ! La gare, il n'était pas sûr de savoir où c'était, après tout ! Pas plus qu'il ne se souvenait du chemin vers la sortie de l'auberge... Il espérait juste ne pas croiser l'employée de la veille, à qui il avait demandé la bouillotte. Il avait au moins conscience de s'être dévoilé sous un mauvais jour, et il ne voulait pas se ridiculiser davantage.
Refermant la porte derrière le fermier, Yuri descendit d'un pas tranquille en direction de l'accueil. Force était de constater qu'il n'y avait personne de présent pour assurer la permanence ; la personne concernée devait sans doute être aller se prendre une petite pose déjeuner mérité. Après tout, il était pas loin de midi avec tout ça ! Se retrouvant dans la rue, il goûta avec un plaisir certain à l'effervescence de la journée. Bien différente de ce qu'elle lui avait montré de nuit, Voltapolis se révélait aussi exaltée et grouillante, peu importait si c'était le soleil ou la lune qui se faisait maître du ciel. À cette heure-ci, des effluves de nourritures en tout genre venait lui taquiner les narines et la ville avait vu pousser à certains endroits de petits stands roulants d'aliments à consommer facilement tout en marchant. Là, des brochettes, ici des beignets, un peu plus loin des sandwichs. Il y en avait pour tout les goûts. À force d'évoluer dans ce nuage d'ivresse pour les papilles, la faim commença à se faire sentir. Se tournant vers Wallace, lui désignant un stand de brochettes de viandes en tout genre, il lui proposa :
- Ça t'en dit une ? Perso, je vais en prendre, je commence à avoir un creux.
Puis, tout en restant à porté d'écoute et de voix du jeune homme, il se dirigea vers le stand et commanda une brochette d'agneau, lorgnant d'un air gourmand sur celles qui étaient déjà en train de cuire. De toutes façons, dans l'absolue, la gare n'était qu'à une dizaine de minutes encore à pied alors ils avaient bien le temps pour un petit snack !
Heureusement pour Wallace, ils n'eurent pas à croiser d'employés en sortant de l'auberge. Ce fut donc ni vu ni connu qu'il redécouvrit les rues de Voltapolis, de jour ! C'était incroyable comme la ville avait changé - toujours aussi vivante, mais si différente ! Des vendeurs à la sauvette étaient venus installer leurs stands ambulants, de jeunes parents emmenaient leurs enfants pour une balade au parc, des groupes d'étudiants en pleine pause déjeuner riaient ensemble. C'était une toute autre vie. Enchanté par une vision si charmante, Wallace suivait Yuri d'un pas distrait, trop occupé à regarder partout autour de lui. - Ça t'en dit une ? Perso, je vais en prendre, je commence à avoir un creux. - Hein ? Il reporta son attention sur Yuri, qui l'avait emmené devant un stand de brochettes. Oh oui, lui aussi, il commençait à avoir faim ! Il commença à sourire, avant d'apercevoir le petit panneau sur le côté du stand qui indiquait très clairement brochettes d'agneau. - Oh naaaaan... gémit misérablement notre Wallace. Naaaan j'peux pas. Il n'était pas végétarien pour un sou et pourtant, l'idée de manger de l'agneau lui faisait mal au cœur. C'était comme lui demander de manger du cheval, ou du cerf ! Maintenant qu'il s'était autant lié avec des pokémons de ce genre-là, il avait du mal à se faire à cette idée. Il essaya d'expliquer à Yuri : T'aimerais qu'on te dise de manger du... du quoi ? Du spectre ? Du gaz ? Du fantôme ? ... Du cadavre ? Il laissa sa phrase en suspens, fronça les sourcils, puis termina en grommelant : ... non laisse tomber. Il n'était pas du tout de mauvaise humeur - en fait, il était surtout dépité de ne pas trouver de comparaison valable à son problème. Mais il fut vite distrait par toutes les bonnes odeurs qui s'échappaient des divers stands alentours, et il se pencha vers l'oreille de Yuri pour demander, à la manière d'un enfant face à son père : On pourra aller prendre des gaufres après ? A croire qu'il s'était cru à la fête foraine. Et qu'il devait demander la permission à Yuri.
Le brun haussa un sourcil étonné sous le refus du jeune homme ! Haaa ! Il devait sans doute ne pas manger de viande ! C'était vrai qu'il ne pensait pas à ce genre de considération, étant habitué à manger de tout, n'importe quand et surtout, n'importe comment. Dans tous les cas, il n'allait clairement pas forcer le petit fermier à manger quelque chose qui ne lui irait pas. Commandant donc une brochette pour lui, il regardait le nova d'un air étonné, se demandant ce qu'il avait bien voulu dire. Sur son visage se lisait clairement un certain agacement mais Yuri se dit que ce n'était sans doute pas forcément à cause de lui. Tout du moins, l'espérait-il assez fort. Payant pour se brochette tout en prenant celle encore fumante que lui tendait le vendeur, le dresseur sursauta soudain assez violemment sous le souffle proche du fêtard. Il ne s'était pas attendu à ça et il manqua de faire tomber la monnaie qu'on lui rendait alors. Fixant durant une fraction de secondes le jeune homme d'un air emprunt de surprise et d'une pointe de gêne, il se reprit cependant rapidement sous le regard quémandeur du fermier. Remettant ses pièces dans ses poches, il se tourna vers le reste de la rue, observant s'il ne voyait pas un vendeur de gaufres. Il fut chose aisée de localiser le vendeur voulu, une fausse gaufre gonflable volant fièrement devant la devanture de son stand. Désignant le lieu d'un geste du menton, tout en soufflant sur sa viande trop chaude, il proposa au jeune homme :
- On peut aller là si tu veux.
Tout en parlant, il avait lié les mots aux gestes, se dirigeant vers le stand sucré d'où il émanait une douce odeur. Prenant un morceau de viande, l'ancien malfrat se laissa tenter par l'odeur plus qu'alléchante de la pâte en train de dorer. Regardant les offres possibles, il se contenterait d'une gaufre au chocolat ; il avait un faible pour le chocolat aussi n'allait-il pas passer à côté de cette occasion. Terminant soudain sa brochette en un temps record, il se retourna finalement vers la girouette qui lui servait de compagnon de route.