Le Nautilus à destination de Port-Corail est sur le départ. Ses sirènes résonnent sur l’embarcadère et invitent les passagers à monter à son bord.
Une grande file d’attente se forme. Touristes, businessmen ou voyageurs plus occasionnels, dont les marins qui portent le béret-à-pompon vérifient le passe-bateau.
Le paquebot blanc a quelque chose de majestueux. Ses deux cheminées fument avec la vigueur d’un volcan.
Attendant son tour sur l’embarcadère, Bunji contemple le bâtiment comme s’il s’agissait d’un monstre gigantesque. Il n’est pas très à l’aise. L’idée de se retrouver coincé plusieurs heures sur ce Wailord de métal, en compagnie de tous les touristes qui vont avec, le rend un peu claustrophobe.
Pour ne rien arranger, dans la file d’attente, juste devant lui : il y a une petite famille tirée à quatre épingles. Le père porte un coupé noir et un chapeau melon. La mère une robe à dentelles et froufrous. Et leur petite fille… fait tournoyer son petit cartable rose dans les airs, en poussant de grands cris de joie.
Elle a déjà frappé Bunji plusieurs fois, par mégarde. Et celui-ci ne peut pas s’empêcher de regarder le petit cartable rose – qu’elle a sûrement rempli de briques, vu comme il lui a défoncé la jambe – et d’espérer qu’elle finisse par le lâcher, par mégarde.
Qu’il tombe à la flotte. Et qu’elle cesse de le rouer de coups négligemment.
« Plouf ! »
Comme quoi, il faut faire attention à ce que l’on souhaite.
La petite fille cligne des yeux. Le cartable qu’elle faisait tournoyer au-dessus de sa tête s’est envolé. Il tombe à l’eau, et coule comme une pierre.
Bunji pousse un petit soupir de soulagement.
Une grosse grimace déforme le visage de la fillette. Elle montre du doigt les eaux profondes de la baie. Et explose dans une grande crise de larmes.
Bunji étouffe un râle de frustration.
Ses parents essaient de la réconforter, mais rien à faire.
Et la file avance. Les marins poursuivent leurs contrôles. Le Nautilus trompette une nouvelle fois pour annoncer l’heure du départ.
Et la fillette est inconsolable.
Bunji contemple le passe-bateau qu’il tient entre le pouce et l’index. Il soupire, puis le laisse tomber.
Il fait de même avec son sac-à-dos, et c’est en râlant qu’il enjambe le cordon de sécurité, et plonge dans la baie.
Un fichu cartable rose.
Le voyageur ouvre grand les yeux et s’enfonce dans les profondeurs.