Nous sommes qu’au Printemps et pourtant le soleil est meurtrier. Il me cogne sur le crane malgré mon chapeau d’aventurière. On m’a prévenu que le désert serait rude mais je me crois plus forte que tout donc j’ai minimisé les avertissements. Ceci dit, je ne suis pas totalement conne : j’ai prévu deux bouteilles d’eau et une crème solaire.

Cela fait au moins deux heures que je marche. Ma première gourde est vide et je lutte pour ne pas finir la deuxième. Des litres de sueur coule sous mon couvre-chef et ma respiration se fait de plus en plus bruyante.

« Bordel j’ai chaud … »

Plus j’avance, plus mon champ de vision se trouble. Dès que je lève le regard, mes yeux se font exploser par la lumière. Fortuitement, mes pokémons sont à l’abri, même si j’aurai bien besoin d’Ophélia en ce moment. Je préfère la sortir en cas d'affrontement. En attendant, il faut que je dégote un endroit pour me poser, or il n’y a que cailloux et sables à l’horizon. Cette angoisse d’être perdue dans cette immensité me monte à la tête.

« Non, non on va trouver un endroit … Quelqu’un. On va finir par arriver quelque part. »

À chaque fois que je me mets en danger, je compte implicitement sur quelqu’un pour m’aider. Or, c’est une habitude dont je veux me débarrasser, c’est pourquoi je me suis donnée ce défi. Quelle inconsciente je suis.

La chaleur me fait perdre la raison. J’ai tellement chaud que j’enlève mon haut, l'enroulant à ma taille. Impossible de garder le sous-vêtement, ma veste suffira à couvrir mes épaules. J’applique un peu de crème sur mon buste avant de reprendre la route.

« Chaud … tellement chaud ... »

J’ai la raison qui vacille. Ma perception devient flou et j’ai l’impression de nager dans le ventre de ma mère.

Une silhouette humanoïde apparaît devant moi. Je plisse des yeux pour identifier l’objet. Je fais les gros yeux et je hurle :

« Maman ?! »

Elle pousse un grognement si grave et puissant qu’il en fait résonner mes tripes. Je me paralyse de peur, peinant à articuler ces quelques mots :

« M-maman promis c’est pas moi qui est poussé le garçon dans les escalier, c’était un accid- »

Un souvenir affolant me revient à l’esprit. Il faut dire que mon départ à Lumiris n’a pas été aisé. Alors que j’aurai pu avoir mon diplôme, je me suis chamaillée avec un ami. Je me rappelle, on a monté les marches pour aller à l’épreuve de géographie. Alors qu’il est à quelques mètres de mois, je me suis sauvagement retournée vers lui pour le chatouiller. Malheureusement, c’est mon coude qui s’est prit en pleine face, le faisant tomber des nombreuses marches. Ça n’aurait pas dû se passer comme ça. M’aimer est un véritable poison.

Ce gars -qui a été amoureux de moi- a passé quelques mois à l’hôpital et n’a pas pu passer son diplôme. Quant à moi, j’ai eu quelques problèmes et ma mère a été tenu comme responsable. Je l’ai beaucoup déçu. Étant rancunière, elle ne m’a plus adressé la parole jusqu’à ce que je parte. Et là, je la vois, aussi monstrueuse qu’elle soit, en train de me gueuler dessus. Mon cerveau reptilien me supplie de prendre mes jambes à mon cou.

« Waah, p’tain j’ai rien contre ce dragon, Snubbull et Tiplouf font pas le poids ... »

Alors, je carapate comme j’ai jamais carapaté. Malgré le sable rentrant dans mes chaussures et la difficulté de courir dans un sol mou, je fuis ma mère comme jamais je l’ai fais. Je l’entends derrière moi, prête à me manger toute crue jusqu’à ce que ça cesse et que le calme règne enfin.

Je m’effondre, haletante. Je déglutis rapidement l’eau qui me reste tout en prenant soin de garder quelques gouttes. J’ai l’impression que je vais mourir. Pour oublier cette pensée angoissante, je me mets à prier à moitié à poil dans le sable en espérant qu’un seigneur beau gosse et musclé vienne apaiser mon âme.

J’ai la raison qui vacille. Ma perception devient flou et j’ai l’impression de nager dans le ventre de ma mère.

Qu’il est mignon ! Je me suis attendue à tout sauf ça. Le petit scorpion se dresse l’air fier et assuré. Il me cache à peine du soleil, moi pense faire face à un bodybuilder ... Mais l’habit ne fait pas le moine : le Rapion fonce vers ma mère et pince son gros doigt de pied. Elle hurle et couine jusqu’à s’enfuir comme une victime. Ce n’est pas ma mère que je vois : c’est un putain de dragon que j’aurai pu attraper.

Mon esprit se réanime un peu plus. Je décide de sortir mon Tiplouf lui demandant de m’asperger avec d’Écume. C’est là que j’ai regretté son bas niveau : elle a même pas apprit Pistolet à Eau !

Quand bien même, je remercie le scorpion qui m’a donné un excellent conseil aujourd'hui.

« Tiens, j’peux p’têt’ t’attraper, tu pourrais m’rapporter au marché noir ... »

J’offre un rire inquiètant. Je lance ma pokéball sans plus attendre.

Et c'est dans la boîte. J'attrape la ball pour la mettre dans mon sac. Je cherche Ophélia du regard qui se positionne près de moi. Ressourcée et refaite, je peux affronter les quelques kilomètres qui m'attendent.

« Nous devons être rentré avant la nuit. Ça ne va pas être facile, je vais avoir besoin de toi Ophélia ... »

Je sais pas comment on va s'en sortir avec ces bubulles mais ça va le faire. Ce désert est un sacré défi qui met le corps à rude épreuve. J'en ressortirai beaucoup plus forte et peut-être, avec un nouveau compagnon. Je ne compte pas garder ce petit Rapion, j'espère obtenir un pokémon plus satisfaisant lors de mon échange miracle. Je prie Arceus pour qu'un jour il trouve quelqu'un qui sera apprécié son caractère chevaleresque.

Pour donner du courage à mon périple, je me grille une clope au soleil. Je repars tel un cowboy rentrant au bercail.