Le bruit des rames à la surface des flots avait quelque chose de reposant. D’hypnotisant, aussi. A l’écoute du doux clapotis, Astelle se renfonça légèrement contre le dossier. Si elle se laissait aller… encore juste un tout petit peu… elle allait s’endormir.

Non, elle ne devait pas !

— Ma… Manon ? Je voudrais essayer de ramer, moi aussi, dit-elle doucement en tendant les mains vers les avirons.
Il n’y avait pas de raison que son amie fasse tout le travail ! Elle-aussi méritait de se reposer, de profiter de la brise et du paysage, et de petit à petit… se mettre doucement à somnoler et…

Astelle secoua la tête pour se réveiller.
Son amie acquiesçant à sa demande, la jeune fille dut rapidement se rendre à l'évidence : ramer était plus difficile que prévu. Le mouvement de ses épaules n’était pas très fluide, et étonnamment, elle se surprenait à rentrer le ventre à chaque tour de pagaie. Dire que Manon s'en était occupée pendant presque vingt minutes… et presque sans râler ! C’était assez impressionnant.

— …tu es drôlement costaude, Manon, dit-elle à son amie avec une lueur admirative dans le regard. …ou alors, c’est peut-être juste la différence dans ce qu’on a mangé ce midi… moi, j’ai pris une salade, tandis que toi, ce double-berryburger avec portion extra de frites de patate douce… C’est un petit peu injuste, quand on y pense. Je devrais vérifier de quoi a l’air la ligne de flottaison de notre bateau… tu crois qu’il peeeeeenche dangereusement de ton côté ?

Tout en parlant, un sourire terriblement malicieux grandissait sur les lèvres d’Astelle.
C’était un petit peu facile de taquiner Manon sur ce sujet, maiiiiis…
…c’était parfois difficile de résister. Et puis, ça lui permettait de penser à autre chose, tandis qu’elle ramait.

Bien déterminée à ne pas abandonner, même si c’était éprouvant, la petite postière ôta sa veste et sa casquette. Sa chemisette blanche serait bientôt imbibée de transpiration, et elle commençait à avoir drôlement chaud, mais…

Elle avait envie de le faire.

Après avoir déjeuné au bistrot, puis payé leurs tickets d'entrée, les deux amies s’étaient dirigées vers le lac central du Parc Safari, et y avaient empruntées un bateau. L’idée était de simplement flâner. De profiter du décor et de l’ambiance, et de se reposer.
Elles avaient emmené deux cannes à pêche, de quoi bouquiner, ainsi que le cher petit œuf de Manon (qui était également le neveu d’Astelle), qu’on avait affublé d’une petite bouée pour qu’il ne tombe pas à l’eau, et d’un chapeau de paille pour qu’il ne prenne pas de coup de soleil.

Ainsi habillé, Astelle lui trouvait fière allure !
— Et qu’en pense mon petit amour de neveu (ou de petite-nièce) ? Est-ce que Maman Manon a grossi ?

De son côté, pas très intéressé par la conversation : Mini-senpai faisait la sieste à l'avant du bateau.

Un dragon rose en guise de figure de proue ! Le monde entier devait la leur envier !

~ Demande d’apparition de pokémon ~

RIen de telle qu’une cigarette toxique après un repas bien gras et sucré. Malgré ma tête dans le pâté, une fois midi passé je suis en pleine forme. Astelle a eu la merveilleuse idée d’une rivée en bâteau sur le lac du Parc Safari ce qui me botte immédiatement ! J’ai un très vague souvenir datant de mon enfance où j’ai ramé avec mon père sur une petite barque pour traverser une rivière. Notre excursion me rappelle ce fragment de mémoire épisodique me donnant tout bonnement envie de partager ce moment avec quelqu’un que j’apprécie. C’est également le meilleur pour moment pour passer du temps avec mon poupon ! Il gigote de plus en plus jour après jour et ce depuis que je suis très attentionnée envers lui.

Une fois la location de bateau démarrée, je me propose immédiatement pour ramer. Je rêve depuis toujours de le faire mais étant trop petite et ayant peu d’occasion de voir la mer ou un étang, je peux enfin saisir cette occasion aujourd’hui. Nous poussons comme des grandes la pirogue avant de s’embarquer sur cette étendue d’eau aussi calme et paisible soit elle.

Un calme religieux s’abat sur le lac. Seuls le son des rames et des animaux marins se mouvant dans l’eau sont perceptibles : je n’aurai jamais pensé que cet endroit soit aussi relaxant malgré l’activité urbaine de Sunrya. Consumant ma clope du bout des lèvres, une vague de frisson détend l’intégralité de mes muscles. Même Astelle semble affectée par cette promenade reposante, au point qu’elle pique du nez. Continuant à ramer sans broncher, je me rends compte à quel point ce n’est pas facile : c’est rigolo de diriger le bateau mais assez physique. Alors que je décide de faire une pause pour m’occuper du bébé, la brunette se propose de prendre les commandes. Je lui cède ma place pour qu’elle ait accès aux pagaies, curieuse d’observer ses efforts.

« … tu es drôlement costaude, Manon.
- Héhé, t’as vu c’est pas facile hein ?
- … ou alors, c’est peut-être juste la différence dans ce qu’on a mangé ce midi … c’est un petit peu injuste, quand on y pense.
- J'pense que ça aide mais j’t’avoue la digestion va commencer à être difficile là. Allez, courage Astelle, j’sais qu’tu peux l’faire !
- Je devrais vérifier de quoi a l’air la ligne de flottaison de notre bateau… tu crois qu’il peeeeeenche dangereusement de ton côté ? »

Oh la vilaine. Je connais ce regard malicieux, elle veut jouer avec moi ! Marchant en plein dedans sa combine, je lui explique mon point de vue d’un sourire espiègle.

« C'est mon cul qui fait ça. Faut pas lui en vouloir, c’est le point principal du centre gravitationnel de la Terre. T’as d’la chance qu’on coule pas déjà, tout dépend de ma volonté alors … gare à toi petite chipie ! »

Je ricane avant de croiser les jambes et contempler la galère d’Astelle. La pauvre ado a dû mal à pousser sur les avirons au point que tout son petit corps se met à transpirer. Lorgnant d’un œil indiscret son décolleté blanc, je regrette presque que le bouton de sa chemise ne se détache pas comme celle de ma prof de français au lycée.

Je tire une dernière fois sur mon mégot avant de l’enterrer dans mon cendrier de poche. Je brandis de ma musette une crème solaire super puissante pour tartiner la coque du bébé avec beaucoup d’attention.

« Tu crois que les œufs sont sensibles aux UV ? J’veux pas qu’il chope un coup de soleil ... »

Au moins, il n’aura pas une insolation puisque son adorable chapeau de paille le protège. À force de le mirer, je me pose milles et une question sur ce petit être à en devenir. Seulement, mon amie me libère de mes pensées pour me charrier une fois de plus.

« Et qu’en pense mon petit amour de neveu (ou de petite-nièce) ? Est-ce que Maman Manon a grossi ? »

Elle m’a eut, elle a réussi à me faire rougir. Caressant automatiquement mon bidon plein de kebab, je rétorque au premier degré à sa remarque.

« P-pas du tout ! J’ai un métabolisme en béton et même si mes cuisses peuvent grossir, mon ventre JAMAIS. »

Sauf le jour où j’aurai véritablement un embryon implanté dans l’utérus mais cet instant est loin de se réaliser. Je me décrispe en soupirant avant de me coucher sur l’assise. J’azimute à l’envers le Mini-draco se dressant avec fierté et puissance à l’avant de l’embarcation, comme si c’est lui qui dirige les recherches ! Ne supportant pas de juste me la couler douce, je me relève avant de m’adresser à la postière.

« Tu veux pas qu’j’reprenne la rame ? Ou que je pèche ? Ou que j’observe les pokémons ? Que j’prenne des notes ? Que j’m’occupe du p’tit ?»

Faut dire que je n’ai absolument pas l’habitude de ne rien branler de mes journées – sauf le soir où je peux glander des heures sur mon tel – et dans un environnement comme celui-ci, obligé il va nous arriver des choses ! Je reste alors aux aguets, dans l’espoir qu’un évènement inattendu se produise.

Le point principal du centre gravitationnel de la Terre entra en action ; l'avant du bateau piqua légèrement du nez, puis tangua pour de brèves secondes.

Poussant un petit cri de stupeur, Astelle releva rapidement les yeux vers le petit œuf ! Heureusement, il était sagement à l'abri dans les bras de sa maman. La jeune fille poussa un soupir discret, autant de soulagement que de fatigue. En vérité, elle n'avait vraiment pas à s'en faire : Manon était en train de pouponner son bébé, et c'était un spectacle absolument adorable !

— Tu crois que les œufs sont sensibles aux UV ? s'interrogea la maman-en-herbe. J’veux pas qu’il chope un coup de soleil...
Cette question amena sur les lèvres d’Astelle un sourire tout plein de tendresse.
— Tu peux lui mettre de la crème, dit-elle avec un petit air énamouré, observant Manon commencer à badigeonner la coquille de « son petit neveu » avec des yeux doux. En vérité, ce n'était probablement pas très utile mais… cette vision lui faisait tellement chaud au cœur ! On lui pardonnerait cette petite rétention d'information, pas vrai ?  

« Ma vision de la justice ?
Pousser Manon à faire des trucs mignons ! »

Son cœur ayant savouré ce petit moment de douceur jusqu’à satiété, la jeune fille redoubla d’efforts ! Remotivée, et essuyant sa sueur de son coude, comme elle le pouvait, elle continua toutefois à improviser de petites piques. Presque distraitement, en restant très concentrée sur sa respiration.

D’ailleurs…
— P-pas du tout ! J’ai un métabolisme en béton et même si mes cuisses peuvent grossir, mon ventre JAMAIS.

Oups, cette remarque-ci avait fait mouche ! Manon était toute rouge. Avec un sourire qui était à la fois espiègle et penaud, la jeune fille se délecta de sa confusion. (Oui, bon… elle aimait bien la taquiner ! …mais parfois, quand elle y parvenait trop bien, elle se sentait un petit peu coupable aussi.)
Ce drôle de cocktail émotionnel – qui pétillait dans sa poitrine – fit également rosir la petite postière.

Finalement, des passagers : Astelle, Manon, Mini-senpai et « le neveu »… il n’y avait que l’œuf à ne pas virer au rose. Mais en même temps, il était sacrément tartiné de crème solaire, lui.

— Pardon, Manon, lança Astelle avec un petit sourire d’excuse… auquel on aurait eu tort de faire trop vite confiance. Tu vas trouver ça bizarre, mais… tu aurais une sacrée popularité chez moi ! A Kishika, la mode est figée depuis plus de cinquante ans, on aime les femmes en pleine forme, qui ont bon appétit, et des hanches bien larges pour donner des poupons tout plein de santé ! Tu aurais un succès du tonnerre auprès de mon papi. C’est le maître du Poum-poum Tchaa-tchaa.

…d’ailleurs, maman dit que je passe beaucoup trop de temps avec lui et qu’il a déteint sur moi. Elle est vraiment catastrophée.

La conversation se poursuivit, jusqu’au moment où Astelle ne fut plus capable de tenir le rythme, ou même de plaisanter. Ce qui était pourtant une seconde-nature, chez elle !
Elle soufflait fort. Et gênée par la transpiration, se frottait machinalement les yeux ou dans le cou d’un geste maladroit, lorsque la position des avirons le lui permettait. Sa chemisette devenait transparente, mais c’était bien le cadet de ses soucis. Les sourcils froncés avec détermination, Astelle observait une zone, au centre du lac : qu’elle avait appointée comme destination. Elle irait jusque-là, et ensuite seulement, elle s’effondrerait pour mourir. C’était un poil dramatique de sa part, oui.

— Tu veux pas qu’j’reprenne la rame ? Ou que je pêche ? Ou qu'j’observe les pokémons ? Que j’prenne des notes ? Que j’m’occupe du p’tit ? Qu'j'essuie ta transpi' qui t'coule du front et pas que ?
Pourtant, en dépit de sa fatigue, la tirade de son amie parut la ranimer d'un seul coup !
— Ah non, hein ! Tu m’attends pour sortir les cannes à pêche ! On va faire un Concours de Pêche, alors tu n’essaies pas de prendre de l’avance ! Mais voui, puisque ton point central de la gravitation terrestre (cf : ton popotin) est responsable de mes efforts, je consens gracieusement à te laisser racheter ta faute, et à éponger délicatement ma transpiration, acquiesça Astelle, s’essuyant de l’avant-bras la sueur qui lui roulait encore une fois dans le cou.
En vérité, la transpiration devait sacrément la gêner pour qu’elle accepte ainsi cette proposition, qui dans un autre cas de figure, n’aurait été qu’une innocente plaisanterie. La jeune fille aurait volontiers pioché un paquet de mouchoirs dans sa besace, mais si elle lâchait les avirons maintenant… elle craignait de ne plus avoir le courage de reprendre ses efforts après l’interruption.

— Pfiouf… Allez, ça ne sera plus très long ! Je nous amène à destination très bientôt.
Il arrive, cet essuyage ? Bouge ton centre gravitationnel un petit peu plus vite ! Mais n’en profite pas pour me chatouiller, hein ? Je risquerais de nous faire chavirer !

Dure à la tâche, et très concentrée, la jeune fille persista bravement dans son entreprise.
Dire que le but de cette petite virée en bateau était de se reposer…
Entre Astelle qui sautait désormais sur la moindre occasion de taquiner ses limites, et Manon qui ne tenait pas en place : ce n’était pas gagné !

~ Demande de relance d’apparition ~

Une petite moue s’affiche sur mon visage. Avachie dans le bateau, j’étends mes jambes en tirant sur ma cigarette. La petite Astelle ne semble décidément pas résolue à me filer les reines même si, quelques mots plus tard, elle me propose une mission que je ne peux refuser.

« … Je consens gracieusement à te laisser racheter ta faute, et à éponger délicatement ma transpiration. »

Je fais les gros yeux malgré moi. Tentant vainement de me montrer insensible à sa demande, je me relève avec nonchalance avant de fouiller dans la besace jaune de mon amie.

« S-s’tu veux. » je marmonne la clope au bec.

Tenant le paquet de mouchoir entre les mains, mes pupilles font des allers-retours entre les kleenex et le décolleté dégoulinant d’Astelle.

« Il arrive, cet essuyage ? Bouge ton centre gravitationnel un petit peu plus vite ! Mais n’en profite pas pour me chatouiller, hein ? Je risquerais de nous faire chavirer ! »

Je tapote mon mégot, laissant tomber la cendre sur l’eau. Expirant un bon coup tout l’air de mes poumons, je pose mes fesses à côtés de la brunette avant de tapoter gentiment sa nuque avec le morceau de tissu. Après avoir essuyé le cou et les bras, je saisis délicatement ses joues pour tourner sa tête vers moi afin d’éponger son front.

« Bon, j’pense que j’ai fais l’tour, j’pense que t’es suffisamment grande pour t’détremper toute seule sous tes nénés. »

Vu que l’adolescente s’est permise quelques remarques sur mon saint fessier, je saisis l’opportunité de la taquiner avec un regard malin.

« … Mais bon, je doute que t’en ai vraiment besoin. »

Malgré tout, je passe un coup sur ses clavicules. Un rire nerveux s’empare de moi, ne pouvant m’empêcher d’ajouter :

« Aah j’te jure. J’sais pas comment t’es avec les garçons mais si tu leur demande la même chose qu’à moi, y’a moyen pour qu’t’ai des larbins à ton service gratos. »

Je reprends ma place en rallumant mon cul de clope. À force de contempler Astelle ramer avec autant de détermination, je me rends compte à quel point je la trouve adorable : c’est comme-ci ce petit bout de femme remet du peps dans ma vie.

« GRATOS »

Un piaillement alerte mon esprit.

« C’tait quoi ça ?

- QUOA ÇA »

J’examine chaque éléments du décor sans parvenir à trouver la source. Soudain, je sens une masse se poser sur mon crâne.

« AH PUTAIN JE SENS UN TRUC LÀ

- UN TRUC LÀ »

Je commence à m’agiter dans tous les sens jusqu’à ce que des plumes bleutés entrent dans mon champ de vision.

« Wesh Astelle, j’ai pas un gros truc sur la tête là ?

- TÊTE LÀ »

Je le sais, je le sens, ce foutu piaf crèche sur ma tête. Ses griffes bien plantés dans ma tignasse, il est impossible de le faire déguerpir.

« Mais vas y ferme ta g*♪le làà, arrête de répéter c’que j’dis !

- C’QUE J’DIIIIS

- RAAAH

- RAAAAH »

Ma rage est en train de bouillonner à l’intérieur de moi, or il est inutile de s’agacer. C’est alors que je profite de l’occasion pour lui faire dire des bêtises.

« Trou du c○l.

- TROU DU C○L »

Je pouffe de rire comme une gamine. Amusée par la situation, je convie ma copine à y participer.

« ‘Azy Astelle, faut qu’on dise un maximum de connerie jusqu’à c’qu’il en ai marre de répéter et qu’il s’casse. Et puis tu verras, ça passera plus vite si t’es pas constamment focus sur tes avirons. Put*n !
- PUT*N
- Je ...
- JE
- … suis …
- SUIS
- … uuun …
- UUUUNNN »

Je zieute d’un œil complice ma compagne, espérant qu’elle trouvera le mot parfait à faire répéter à ce satané volatile.

Modération:

Son dos lui faisait mal à chaque mouvement. Est-ce qu’elle ne se positionnait pas comme il faut ? Ses bras, eux, ne continuaient à bouger que par inertie. La jeune fille résista à la tentation de s’avachir sur ses avirons.
Elle avait repris les rames depuis une vingtaine de minutes environ, mais n’avait peut-être parcouru que la moitié du trajet que Manon leur avait fait faire jusqu’ici. Son amie était plus grande. Le mouvement de ses épaules était beaucoup plus naturel et régulier.
Les cils perlés de transpiration, Astelle cligna des yeux. Fixant le point central du lac qu’elle avait choisi comme destination, la jeune fille restait soigneusement concentrée sur sa respiration.

…à ton rythme. Tu y es presque. Tu vas y arriver, se répétait-elle avec détermination.

Évitant prudemment le mouvement saccadé des avirons, son amie vint se faire une petite place à ses côtés.
Une sensation pleine de fraîcheur lui embrassa la nuque. Le frôlement du tissu se poursuivit le long de ses bras, puis autour de son cou, dans un mouvement plein de douceur. Le corps d’Astelle se mit à réagir, d’une manière similaire à celui d’un petit Voltoutou, qui vient se tendre naturellement en direction des caresses.
Se faire chouchouter en plein effort lui faisait drôlement du bien. La jeune fille émit un discret ronronnement de plaisir.

Avec Manon à ses côtés, tirer sur les avirons lui paraissait un petit peu moins difficile.
Les yeux clos, laissant son amie lui éponger le front, Astelle s’apprêtait à la remercier d’avoir accepté sa requête bizarre, (qui faisait simplement suite à la proposition bizarre de son aînée) mais les mots se coincèrent dans sa gorge.

— Bon, j’pense que j’ai fais l’tour, j’pense que t’es suffisamment grande pour t’détremper toute seule sous tes nénés.

Sous les…
Astelle se statufia.
Elle rouvrit un regard vide sur Manon, signe manifeste que son cerveau avait décidé de prendre congé de la conversation.

— … Mais bon, je doute que t’en ai vraiment besoin.

…pas besoin !?
La statue se lézarda ; elle avait enfin compris.
Astelle émit un gargouillis étranglé. A peu de choses près, elle envoyait paître les rames pour couvrir sa (non-existante) poitrine.

— Je sais bien… que j’ai un torse plat et viril de petit garçooooon ! s’exclama-t-elle en redoublant d’efforts sur les avirons.
Comme si la frustration lui redonnait un coup de fouet, le petit bateau de plaisance repartit avec une vigueur renouvelée. Dans ce sursaut d’énergie, Astelle insuffla toute la colère qu’elle ressentait vis-à-vis des producteurs de Lait Meumeuh et les bonnes soupes de légumes, des produits dont elle s’empiffrait depuis l’âge de dix ans, et qui n’avaient jamais eu les effets souhaités sur son organisme.
(Par contre, elle avait maintenant des os cuirassés au calcium, c’était du vrai béton armé.)

Le temps qu’Astelle digère cet affront, le petit bateau de promenade fusa au-dessus du lac à la manière d’un véritable hors-bord.

Bon, vu qu’elle faisait (trop souvent) des remarques à Manon au sujet de son popotin, elle n’avait pas le droit de faire la Sainte Nitouche. Toute rouge pendant de nombreuses minutes, et l’air vaguement boudeuse, Astelle se força à accepter gracieusement cette plaisanterie. Après quelques instants à lutter contre ses émotions, elle retrouva presque une expression normale (quoique son sourire tenait plutôt du rictus, et qu’elle marmonnait d’un air sombre quelque chose qui ressemblait un petit peu à « planche-à-pain… »).
Ayant attendu qu’Astelle retrouve un peu de sérénité, son amie reprit sa place après lui avoir mis un dernier petit coup d’éponge bienfaisant sur les épaules, non sans lui faire une curieuse remarque.

— Aah j’te jure. J’sais pas comment t’es avec les garçons mais si tu leur demande la même chose qu’à moi, y’a moyen pour qu’t’ai des larbins à ton service gratos.
— Il n’y a qu’à toi que je veux bien demander de l’aide, répondit Astelle le plus sérieusement du monde.

C’était évident, non ?
Manon était la seule personne à qui elle faisait assez confiance pour ça.
Pour ne pas commencer à la materner ou à la surprotéger après l’avoir aidée. Pour ne pas l’étouffer d’un trop plein de « bienveillance ».
La seule personne face à laquelle elle n’avait pas peur d’être jugée faible et ridicule parce qu’elle demandait un coup de main.
Les gens étaient tellement prompts à la trouver dérisoire et dépendante… et Astelle ne voulait plus leur donner le moindre prétexte à la discréditer. Tous ces preux chevaliers qui ne voyaient en elle qu’une petite damoiselle en détresse… pouvaient bien aller s’assoir sur leur lance !

Coupant court à une éventuelle discussion sur les garçons, et sur ce que son amie entendait par là, une bien jolie poképerruche vint élire domicile sur la tête à Manon. C’était donc ça, qu’on appelait un crâne de piaf ?
Les yeux brillants, Astelle suivit l’échange entre le volatile et son perchoir, bientôt incapable de se retenir d’éclater de rire face à leurs pitreries

— Je ...
— JE
— … suis …
— SUIS
— … uuun …
— UUUUNNN

C'était à son tour d'intervenir.
Un pokéoiseau aux couleurs de l'arc-en-ciel, au sommet d'une grande tour. Elle se souvenait avoir lu des histoires à ce sujet. Astelle improvisa :

— Ho-oh-rétréci-AU-LAVAAAGE !
— Perché sur la fameuse TOUUUR DUBELL*.
— Comme dans la légende de JOHTOOO !

*La Tour Carillon (ou Bell Tower) sert de perchoir au pokémon légendaire Ho-oh, à Johto.
(En comparaison, la Tour Dubell paraît un peu fraudée…)

On racontait qu'en le rencontrant au sommet de la tour, l'oiseau légendaire pouvait vous accorder un souhait.
La petite postière décida de tenter sa chance !

— Ô Ho-oh-rétréci-au-lavage de la Tour Dubell, je fais appel à votre clémence miséricordieuse ! Depuis toujours, on se moque de ma silhouette de petit garçon. Par pitié, accordez-moi un peu de votre divin Poum-Poum Tchaa-Tchaa ! pria Astelle avec ferveur, en lâchant les avirons.
— Poum-Poum Tchaa-Tchaa ! répéta la poképerruche avec entrain.

Silence. La jeune fille se palpa discrètement la chemise, avant de se rasseoir en poussant un soupir théâtral.

Un observateur éclairé aura remarqué qu'Astelle ne ramait plus : leur petit bateau de plaisance trônait fièrement au centre du grand lac. Son amie avait eu raison. A partir du moment où elle avait pu se distraire, les choses avaient été bien plus faciles.
Laissant Manon se débrouiller avec la poképerruche pour quelques instants, Astelle s’empara délicatement du petit œuf de son amie, et l’installa sur son giron pour le câliner.
— Tatastelle a ramé dur pour te mener à destination, mon cher neveu ou petite-nièce, roucoula-t-elle à son intention. Par contre, mes bras ont maintenant la texture momolle d’un bloc de gelée pêcha. Au retour, on fera du stop !

La jeune fille couva l’œuf d’un regard tendre. Si les eaux n’étaient pas trop dangereuses, peut-être qu’on le laisserait faire Trempette tout à l’heure (c’était aussi pour ça qu’on l’avait équipé d’une bouée). En plus, Mini-senpai était bien plus à l’aise dans l’eau que sur la terre ferme, aussi, il pourrait le surveiller pour éviter qu’un pokémon sauvage ne les prenne par surprise.

Une voix familière lui fit soudainement relever la tête.
— Poum-Poum Tchaa-Tchaa !
Le Pijako se rapprochait, et il observait Astelle avec beaucoup de curiosité. On aurait dit qu’il s’efforçait d’imiter son timbre de voix, avec toujours plus de précision. La jeune fille en très fut flattée.
— Oui, c’est ça, dit-elle en désignant son amie. Elle, c’est Manon. Mon pokémon Poum-Poum Tchaa-Tchaa.

Faisant attention à l’œuf, elle se pencha légèrement en avant pour murmurer la suite au Pijako.

— …mon héroïne, ma partenaire et ma complice… babilla la poképerruche d’une voix suave.
La petite postière continua à chuchoter, un sourire taquin aux lèvres.
— …pour qui je ferais touuuuuuuut, continua-t-il dans une imitation presque parfaite de la voix d’Astelle.
Cette fois-ci, elle tourna vers Manon un regard pétillant de malice.
— …et que je vais SALEMENT DEFONCER au concours de pêche !
Derrière la poképerruche, l’œuf tenu sous le bras : Astelle se releva d’un bond en brandissant les cannes à pêche !

***

~ Tentative de Capture du Gringolem + Charme Chroma ~
(Super, ça va me faire un Gringolem avec chaque personnage. Je vais essayer d'en capturer cinq, puis je les combinerais ensemble en Mégazordgolem ! \o/)

C'est d’un naturel incroyable qu’Astelle fait répéter au Pijako une ode au pokémon légendaire Ho-Oh.  Un rire s’échappe de ma bouche aussi doux et chaleureux que le soleil sur notre peau.  Le génie du jeu de mot créé par Astelle fait éloge à mon nom de famille, comparée à la fameuse tour légendaire. Je tape des mains quelques secondes en m’esclaffant :

« Bravo Astelle, t’es trop forte ! »

Au lieu de simplement reprendre, l’oiseau complète ses phrases comme si il connaît déjà la comptine.

« Par pitié, accordez-moi un peu de votre divin Poum-Poum Tchaa-Tchaa ! »

J’éclate de rire à en faire trembler l’œuf.

« Bon, maint’nant j’vais t’attraper ♪ »

Sans pression, j’essaie de choper le volatile qui crèche depuis tout à l’heure sur mon crâne. Le salopiaud est dur à gauler ! Il s’envole avant de revenir poser son gros cul et j’ai beau agir vite, il arrive toujours à s’en tirer. Ce satané piaf va me prendre littéralement la tête pendant les minutes qui suivent tandis qu’Astelle se charge de son neveu.

Décidant enfin à me délaisser – et me décoiffant totalement au passage –, le Pijako s’approche de la brunette pour voir ce qu’il s’y passe.  Râlant en peignant en vain mes épis de cheveux,  le perroquet exclame tout haut ce que lui murmure Astelle.

« … Et que je vais SALEMENT DÉFONCER au concours de pêche ! »

Je me redresse sur le bateau sans perdre l’équilibre.

« Ouais c’est c’qu’tu vas voir, j’vais t’mettre la misère ma vieille ! »

Mon adversaire me tend une canne pêche me signalant que la chasse est ouverte. Un sourire joueur trahit mon engouement.

« Chouette ! T’as les appâts ? »

Évidemment que le matos est là, tout est prévu ! À vrai dire, c’est la première fois que je vais pêcher de la poiscaille puisque mon père a toujours réservé cette activité à mes frères. Je n’ose toujours pas l’avouer à la brunette, préférant prétexter être experte en la matière.

« Tu veux que j’te montre comment on met l’truc sur le truc ?, lui dis-je d’un ton goguenard et infantilisant en pointant du doigt l’appât puis l’hameçon, ça va aller, tu sais comment envoyer le fil dans l’eau  au moins ? »

Je glousse comme une petite peste. Crochetant tant bien que mal le leurre au bout de l’hameçon, je me positionne confortablement en me mettant à califourchon sur le banc. Le regard déterminé, je me tourne vers Astelle.

« Prête ? »

Mon attention est totalement focalisée sur cette activité que je rêve de réaliser. Moi aussi je peux attraper des pokémons avec une canne à pêche !

Modération:

— Tu t’inquiètes pour moi, Manon ?
Comme c’est mignon…

Dans une série de trois gestes experts, Astelle fixa une Filet Ball au mécanisme à clapet de sa Méga-Canne, fit pivoter l’hameçon afin d’y accrocher le leurre (qui ressemblait à une cuiller en argent, jetant des reflets par milliers sous le soleil), puis après un petit coup à son moulinet, elle fit tournoyer la ligne au-dessus de sa tête.
Avec un sourire en coin, la petite paysanne se retourna vers Manon, et posa son pokématos sur le banc, pour que toutes les deux puissent le consulter.

—  Trois prises chacune. Celle de nous deux qui accumule le plus de points remporte la compétition.
Bonne chance, Manon. Tu vas en avoir besoin.

Avec un mouvement souple du poignet, la ligne d’Astelle fila à la surface du lac : comme s'élance une Goélise affamée, en quête de proies. Son hameçon plongea dans l'eau avec un bruit doux.
La compétition pouvait commencer.

Le Pijako, l’air curieux, vint délicatement se percher sur le chapeau de paille qui coiffait l’œuf de Manon, afin d’observer le duel.
— Tu vas en avoir besoin ! répéta-t-il en imitant la voix suave – et un petit peu prétentieuse – d’Astelle.

***

Compétition de pêche.

• A peu près tous les pokémons Eau peuvent être pêchés !
  
• Chaque prise rapporte entre 1 et 10 points ! (On peut consulter ce que vaut chaque prise sur le pokématos d'Astelle.)
  
• Une fois que chaque pêcheuse a capturé 3 poképoissons, ou que quinze minutes se sont écoulées, la compétition s’achève !
  
• La perdante va sûrement écoper d'un gage !
  

~ Tentative de Capture du Gringolem + Charme Chroma ~

J'écoute attentivement les règles de la compétition. Trop facile, les poissons je les chopes en cinq minutes ! Astelle a beau faire la prétentieuse, je vais la laminer.

Je jette avec ardeur mon filet. Les yeux rivés dessus, je bouillonne intérieurement en étant convaincue d'attraper une poiscaille dans les secondes qui suit. Étonnamment, les secondes se sont transformées en minutes. Mes guibolles gigotent ne tenant plus en place. Je râle avant de zieuter ma rivale.

« Dis moi Astelle ... Maint'nant on fait quoi ?  »

Une petite moue s'affiche sur mon visage lorsque je mire mon flotteur. Le chrono tourne et ma canne n'a saisit aucune proie. Voulant balader mon filet, le crochet se bloque d'un coup sec. Mon objet de chasse ne tremble pas mais il est clair que j'ai dégoté quelque chose ! Usant toute ma force contenue durant ce laps de temps interminable, je brandis ma canne à pêche pour sortir ma victime des profondeurs aquatiques.

« J'en ai un, j'en ai un ! Mais c'est ... »

Levant le regard pour admirer le fruit de mes efforts, mon manque d'attention me fait faire un faux mouvement : le filet étant à ma hauteur, j'aperçois l'amas noirâtre menaçant de me tomber sur la gueule.

SPOUIK. Trop tard pour décaler.

À la lumière, on comprend immédiatement que ce sont des algues. Mes espoirs étant réduits à néant, je pousse une gueulante.

« AZY' LÀÀÀÀ POURQUOI J'TOMBE SUR DES ALGUES »

Même un Magicarpe aurait fait l'affaire, maintenant je me tape la honte et il reste dix minutes. Retirant promptement les plantes aquatiques de ma chevelure, je râle comme un Chaffreux poisseux.

Modération:

— Dis-moi Astelle ... Maint'nant on fait quoi ?  
Aucune réponse. Quelle concentration : le regard d’Astelle restait rivé sur le lac. Son poignet, par saccades infimes, emmenait son flotteur dans un ballet aquatique à la surface des flots. Juste de quoi titiller l’intérêt des poképoissons.

Et puis… une touche !
Se relevant d’un bond pour appuyer son pied sur le bord du bateau, Astelle activa son moulinet en cadence, tout en accompagnant de sa ligne les mouvements du poisson !

Se jetant presque en arrière, dans un geyser d’eau scintillant, Astelle fit jaillir des flots un splendide Millobellus ! Le mécanisme à clapet de sa Méga-Canne s’activa, et la pokéball frappa le pokémon dans les airs ! Une grande vague éclaboussa le bateau. Tombée à la renverse, Astelle leva fièrement sa Filet Ball vers le ciel.

— Milobellus, 9 points ! annonça, après identification du pokédex, la voix mécanique du pokématos !
Avachie sur le banc, la jeune fille se tourna vers Manon avec un sourire triomphant.

— « On fait quoi, maintenant ? » minauda la petite paysanne en répétant les paroles de son amie. Eh bien… si tu gardes les algues, je peux te préparer une petite soupe au konbu tout à l’heure. Ça te fera passer l’amertume de la défaite.
…c’était tout ce que Lucca était parvenue à lui apprendre à préparer pour le moment. Question cuisine, Astelle revenait de très loin.

Dégoulinante dans ses vêtements trempés, la petite postière se redressa pour passer une main dans les cheveux de Manon. Sans se départir de son sourire de petite crâneuse, elle l’aida à y récupérer les derniers brins d’algue.
— Au fait… on avait pas dit qu’il y aurait un gage à la clef ? Mmmh… je sais déjà ce que je vais te demander. Il nous faudra juste… *marmonne-marmonne* …sur ta tête… …une lame… à la baie Gowav… *marmonne-marmonne*

Ta tête, une lame et une baie Gowav.
Doux Arceus… est ce que ce n’était pas tous les ingrédients nécessaires à ce numéro de jonglage fabuleux où l’on posait un fruit sur la tête d’une jeune femme, avant d’y lancer un couteau ?

Avec le sourire confiant du pêcheur qui sait avoir fait une belle prise, Astelle leva les yeux vers son amie.

Et devinez qui c’était, le gros poisson ?

Résultats actuels : 9 – 0.
Manon avait intérêt à se ressaisir ! Son intégrité physique était peut-être en jeu !

***

~ Tentative de Capture du Gringolem ~

Alors que je patauge comme une noob avec une satanée canne à pêche en bois, Astelle chope comme une pro un gigantesque Millobellus. Mes yeux sortant de leur orbite et ma bouche touchant la barque, je ne cache pas mon admiration et ma jalousie pour cette prise incroyable. Clairement, Astelle a gagné la partie.

Cette dernière, consciente de sa supériorité, profite de l'occasion pour me balancer des piques. En m'enlevant l'algue coincé dans les tifs, la chipie projette déjà ma défaite en me menaçant d'un gage abominable. Je grogne comme un Granbull en fusillant mon amie du regard.

« Eh fais pas trop ta maline toi sinon tu vas vite le regretter ... »

Elle n'est pas la seule à avoir choisie son défi : ayant une idée bien précise en tête, je compte par tous les moyens la faire perdre afin qu'elle réalise mon challenge de l'impossible. Le sourire espiègle aux lèvres, je me focalise sur ma ligne de pêche.

Cependant, ce n'est pas pour autant que je vais me laisser abattre : ma fierté me pousse à aller jusqu'au bout et à rester digne – c'est sûrement Ophélia qui déteint sur moi. Je relance mon filet à la flotte en y dispersant discrètement quelques miettes de mon sandwich. Astelle bien trop concentrée sur sa performance, n'y a vu que du feu.

Les yeux rivées sur mon arme de guerre, je me murmure quelques incantations inaudibles pour tenter par tous les moyens d'attraper un beau poisson. Deux minutes plus tard, ma canne se raidit et commence gigoter : c'est maintenant où jamais ! Je me lève avec audace sur l'assise du bateau en ramenant ma touche avec ardeur. Il faut dire que ce n'est pas facile avec une canne à pêche rudimentaire ! Le moulinet est à chier et j'ai l'impression que le scion va péter à tout moment.

Enfin, quelque chose qui ne ressemble pas à une algue jaillit à la surface : croisant le soleil telle une éclipse solaire, il est impossible de reconnaître le poisson jusqu'à ce qu'il s'écrase dans l'embarcation. Sur le moment, j'apprécie les gouttelettes fraîches projetées sur mon visage grâce à ma proie. Je suis convaincue d'avoir capturé la meilleure bestiole du lac.

« Ch-chou, ... CHOUPET ?!! »

Non, ce n'est pas pas n'importe quel Anchwatt qu'on a là : c'est EL CHOUPET. Le salopiaud m'a grillé en train de répandre des bouts de mon casse-croûte, il ne s'est donc pas gêné pour plonger dans l'eau son élément favori ! Le voyant mâchouiller la bouée comme un bambin, mon cœur fond à m'en faire oublier la compét'. Quand Astelle réagit à ma prise, je me délivre de ce moment d'absence avant d'interroger ma rivale avec embarras :

« Du coup ... Est-ce que ça compte ? »

Il ne reste plus que six minutes. Ça sera ma dernière chance.

Modération:

Astelle resta un moment médusée.

Son regard passa de Manon à l’Anchwatt, fit un petit détour vers l’emballage de sandwich tombé par terre, et revint finalement se poser sur le visage penaud de son amie. Le lac lui-même retenait son souffle. On n’y entendait pas un bruit.

— Anchwatt, 3 points ! annonça alors le pokédex, brisant le silence.
C’en était trop. Se tenant les côtes, la jeune fille éclata d’un rire clair, qui parut se réverbérer en échos joyeux à la surface scintillante du lac.
— …mais qu’est-ce que tu fiches, Manon ? demanda-t-elle d’une voix hachée, en cherchant à reprendre son souffle.

*

Remise de son hilarité, les yeux de la petite postière pétillaient de tendresse.
— Coquinou de petit suceur de coude, roucoula-t-elle en taquinant les flancs de Choupet, du bout du doigt.
Avec un petit soupir doux, Astelle vint se placer tout près de Manon, et lui ôta délicatement sa canne à pêche des mains. Elle inspecta l’équipement de location d’un œil critique.
— J’aurais dû me douter qu’il y avait Anchwatt-sous-roche… mais tu paraissais tellement confiante à clamer que « des Léviators, t’en choppais treize à la douzaine », que je me suis laissée berner… termina-t-elle à voix basse. Tu aurais pu me dire que c’était la première fois que tu venais pêcher, Manon… je t’aurais aidé à choisir ton matériel.

La jeune fille plaça d’autorité sa Méga-Canne entre les mains de son amie.
Sans attendre, levant un petit index pédagogue, elle commença à lui prodiguer des conseils.

— Tu ne jettes pas ta ligne assez loin. Pense bien que les pokémons ont dû s’éloigner de la barque avec tout le bruit qu’on a fait en venant. Ensuite, utilise bien le moulinet pour remonter la prochaine prise, ne force pas sur ton dos comme ça, tu me fais peur.
Au sujet des leurres et des pokéballs, maintenant…

D’une voix patiente, Astelle lui expliqua les différences entre les leurres et les appâts qu’elle avait amenées. S’aidant de la base de données de son pokématos pour illustrer le type de poképoisson qu’on pouvait attraper en modifiant son équipement.

Leurres brillants (cuiller d’argent, colifichets colorés) :

Nourriture (mie de pain, baies) :

Mouche (artificielle, mouvante) :

— Essaie, maintenant, lui dit la petite postière avec un sourire encourageant. Tu vas y arriver, Manon. Y’a pas de raison.
Tandis qu’elle tenait la vieille canne de son amie dans son dos, sans faire mine de relancer sa ligne pour le moment, une ferveur discrète brillait dans le regard d’Astelle. Elle voulait voir Manon réussir.
Tout au fond d’elle… elle préférerait toujours voir Manon réussir. Même si cela impliquait sa défaite.

***

~ Tentative de Capture du Gringolem ~

À l'annonce de mes points obtenus, je tape un scandale.

« QUOI ?! TROIS POINTS ?! »

Je saisis mon pokémon en pressant ses petites joues pour montrer à quel point sa bouche en cul de poule est adorable. Je m'adresse sans pression au pokédex le considérant tel un être vivant :

« Mais Chouchou vaut mieux qu'ça ! C'est le poisson le plus mignon de la Terre, il vaut au moins 12 points sans tricher ! »

Au même moment, ma meilleure amie se bidonne à s'en faire mal aux côtes. Je la fixe d'une moue déconcertée pendant que Choupet profite de mon inadvertance pour me ventouser la joue et aspirer son énergie vitale.

« Bah quoi ?, je questionne Astelle avec candeur, Je suis totalement objective, Anchwatt c'est le plus beau et le plus rare des pokémons poissons. »

Mon amie taquine un instant mon pokémon électrique avant de se rapprocher de moi.

« J’aurais dû me douter qu’il y avait Anchwatt-sous-roche …
- Ça tu l'as dis !
- ... mais tu paraissais tellement confiante à clamer que « des Léviators, t’en choppais treize à la douzaine », que je me suis laissée berner … »

Je passe ma main derrière la tête, embarrassée. Le regard fuyant, je n'ose pas révéler mes incompétences dans cette activité.

« Tu aurais pu me dire que c’était la première fois que tu venais pêcher, Manon … je t’aurais aidé à choisir ton matériel. »

Il est difficile d'admettre qu'elle a raison : étant plus douée que moi dans le domaine, Astelle aurait pu m'apprendre un tas de choses sur la pêche pouvant me faire gagner du temps lors de l'épreuve. Ne pouvant m'en prendre qu'à moi-même, je décide de corriger le tir en demandant conseils à mon amie.

La brunette échange sa canne avec la mienne. En observant sa Méga-Canne, je constate immédiatement que le matos n'est absolument pas le même : son flotteur est personnalisé, la moulinette solide et le fil tient la route. Les yeux pleins d'étoiles, j'écoute attentivement les recommandations de l'experte. J’acquiesce chacun de ces dires en anticipant ma prochaine tentative.

La postière m'expose alors les différents appâts et attrape-couillons-spécial-poissons. J'acquis une connaissance essentielle à la capture de pokémons sous-marins : ces divers instruments permettent de choper des bestioles spécifiques! Par exemple, la bouffe attire les Mustébouées, les Crocrodils, les bébés Anchwatts affamés et même les Léviators ! En ayant bien prit compte des remarques du senpai de la pêche, je réfléchis calmement à mon choix de leurre. Une fois résolue, je me tourne vers la brunette pour m'ôter d'un doute.

« Attends, tu m'prêtes ta Méga-Canne c'est ça ? Genre, j'peux m'en servir ? »

Évidemment que oui ! Pas la peine d'attendre sa réponse pour me bouger le popotin. Coinçant quelques baies prines dans la Filet Ball, je jette à perpète ma ligne à la flotte.

Il reste quatre minutes. Est-ce que ça va le faire ?
Je redresse mon dos pour ne pas me flinguer les lombaires. Les mirettes rivées sur le flotteur, je suis à l'affût du moindre mouvement. Mon pied tape frénétiquement sur le bois, un moyen inconscient d'évacuer mon impatience. Le compteur dans la tête, je commence à m'abattre en songeant qu'il est trop tard pour grappiller quelques points.

Soudain, alors que le chrono s'approche du zéro, ma ligne se tend jusqu'à devenir ingérable. La proie tente de s'enfuir avec l'appât dans la gueule or ma détermination est bien plus grande que la sienne. Agrippant férocement ma canne d'une main, je tourne comme une folle le moulinet en m'accrochant autant que possible au banc –  je vous jure il veut me faire tomber à l'eau celui-là ! À force de persévérance, je dégote un magnifique ...

« MUSTÉBOUÉE ! »

Merci les modos !: