Il te semblait que ce moment-là, que cette douleur, que cette brèche dans la réalité, ne possédait pas la moindre fin. Que vous étiez condamnés à y errer, à jouer ce jeu malsain sans jamais la moindre pause.
« D’accord… » faible murmure lorsque Vincent t’assure que ce n’est rien, que ce qu’il a subi est équivalent à un gros trou sur la tête. Tu n’avais pas la force, tu n’avais pas l’énergie, de lui demander de t’assurer encore et encore que ce n’était en effet rien. Non, tu te perdais dans la douleur qui prenait tout ton corps et t’empêchait de réfléchir correctement, même si tu étais doucement en mesure de parler, de prendre le dessus. Ce n’était pas parfait : ce ne le serait jamais. Tu n’étais pas sur-humaine, seulement pathétiquement humaine. Et parfois, ça te désolait. En cet instant même, ça t’horripilait. Tu te souvenais de cette époque, cette terrible époque sombre qu’était ton adolescence, quand on t’avait dit que l’erreur était humaine.
À ce stade, l’erreur, c’est d’être humaine. Tu le pensais encore aujourd’hui.

La voix qui racontait l’histoire se perdait dans les battements de ton cœur alors que tu essayais de refaire mentalement les mots qui avaient été prononcés, reprendre le fil de l’histoire contée, histoire si importante. Sinon, vous ne seriez pas là. Sinon, vous n’en seriez pas là.
Quelque chose de terrible s’était produit à Lumiris. Une guerre entre deux zones, une guérilla, tu ne savais pas exactement : mais quelque chose de terrible avait forgé la nation que tu avais rejointe pour une seconde chance.
Quelle seconde chance ?
T’étais toujours la même putain de personne, la même humaine, la même femme qui se perdait dans son travail pour oublier d’exister, qui ne savait pas comment exister au final. Mais tu essayais, n’était-ce pas là tout ce que tu pouvais faire ? Essayer ? Comme si c’était le temps d’y penser.

Tu avais lancé ta pierre, tu l’avais vu tomber sur la dalle que Vincent avait actionnée.
Tu avais ressenti la peur qui prenait ton être, se mélangeant à la souffrance qui continuait de vibrer dans chaque fibre de ton corps. Et tu t’y étais machinalement rendue, à l’aide de ton Kabutops qui te soutenait.
Fallait écouter. Fallait écouter. Fallait écouter. Ces termes se répétaient en boucle dans ta tête désormais, alors qu’ils avaient été prononcés par cette voix qui ressemblait terriblement à un enregistrement. Mais les termes étaient au passé. Toujours au passé. Les événements n’étaient donc pas racontés sur le fait. Ce devait être un survivant. Mais qui ? Mais qui.

Tu n’étais pas en état de réfléchir.

La brume prenait place autour de vous, elle vous entourait et tu étouffais. La fin n’était plus très loin, il fallait s’accrocher à ce simple fait. La fin n’était plus très loin. Vincent avait pris l’initiative de lancer sa pierre avant toi, de lancer sa pierre parce que tu prenais trop de temps peut-être ou parce qu’il.. pourquoi pas. En fait. Ça ne servait pas à grand-chose de se perdre dans des explications, ça ne servait pas à grand-chose d’essayer de trouver le pourquoi du comment au travers de suppositions.
Ça ne servait pas à grand-chose.

À ton tour de serrer ta pierre dans ta main, à ton tour de la lancer et d’essayer de la distinguer dans la brume qui vous entoure. Et Kabutops qui t’aide à te lever, qui t’aide à avancer, qui t’aide à te rendre à cette dalle où la pierre est atterrie. Tu respires le plus profondément possible en te disant que la fin arrivait. Et que vous seriez bientôt – sans doute – avec les autres. Tu ne savais même pas s’ils avaient tenté de communiquer après que Vincent les ait averti de ce qui s’était produit ici. Tu ne savais pas.
Mais était-ce réellement important ?
« C’est bientôt la fin de la salle.. n’est-ce pas ? »
Murmure qui se perd.

La douleur est si intense.

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• Lys avance de 5 cases
• Kabutops l'aide à avancer

I promise you, you’re all I see […] I’ll never leave, so you can drag me through hell if it meant I can hold your hand, I will follow you

Tu l’aurais suivi. Tu l’aurais suivi dans les bas-fonds de l’enfer, tu aurais accepté qu’elle te détruise. Tu avais remis ton cœur entre ses mains, tu lui avais laissé le choix, le libre arbitre de te laisser en miettes après son passage. C’est ce qu’elle avait décidé de faire, au final : te laisser en miettes. Détruire, anéantie. Laisser ce cœur en lambeaux, après l’avoir maintes fois réparé.
Quand tes yeux s’étaient ouverts sur ce monde, quand tu avais appris un beau matin qu’elle n’était plus là, que son cœur ne battait plus, elle t’avait plongé dans les flammes de l’enfer en t’y abandonnant. Seule.

i need to feel something ‘cause I’m still so far from home (…) so dig to grave ‘cause when you die, I swear I’ll be leaving by your side

Et maintenant ? Maintenant, tu ne pouvais qu’éprouver cette peur panique dès que tu tenais à quelqu’un, dès que tu baissais tes barrières, dès que tu laissais quelqu’un s’infiltrer dans ton esprit. Cette peur que le lit devienne encore plus froid, cette peur qu’un matin, ton monde s’effondre de nouveau. Ne pas s’attacher était toujours plus simple. Ne pas s’attacher et ne pas laisser les autres s’attacher. Mais on t’avait déjà dit autrefois que tu ne pouvais pas contrôler ce que les autres ressentaient.
Parfois, tu te demandais pourquoi ton cœur battait encore. Pourquoi tu étais encore là, pourquoi tes yeux s’ouvraient sur son monde, pourquoi elle et pas toi. Pourquoi elle et pas toi ? Parce que t’avais essayé, de la rejoindre. T’avais essayé de la retrouver. En vain.

Et aujourd’hui, la douleur te rappelait ces moments. La douleur physique te replongeait dans tes anciens démons, dans ton passé, brouillait toute pensée logique qui pouvait parcourir ton esprit. Un pas devant l’autre. Enfin, pouvait-on vraiment parler de pas lorsque tu étais à genoux et que tu t’appuyais sur ton Kabutops pour avancer ? Heureusement que tes pokémons étaient présents pour t’aider. Heureusement que tu pouvais toujours compter sur eux. Heureusement. Que tu les aimais et qu’ils t’aimaient en retour, parce qu’en ce moment, tu ne savais pas trop ce que tu aurais fait sans eux.

Quand tu lances ta pierre après avoir légèrement hoché la tête parce que Vincent te disait de ne pas t’en faire, que ce n’était que superficiel (l’était-ce réellement ? tu pouvais lui accorder le bénéfice du doute), tu entendis la petite radio grésiller et la voix qui en sortit vous apporta alors de mauvaises nouvelles. Frisson qui parcoure ta colonne vertébrale. Tenais-tu vraiment à ta vie ? Et pourquoi avait-il parler de vos vies ? Il ne s’était pas inclus. Il ne s’était pas inclus. Il ne s’était pas inclus. Comment devais-tu t’inclure quand il ne s’incluait pas lui-même ? Pourquoi devais-tu l’écouter quand il ne s’écoutait pas ?
Tu ne le connaissais pas, mais soudainement : il t’importait. Tu ne le connaissais même pas. Mais quelque chose te tordait le cœur. Il ne s’était pas inclus et cette phrase tournait en boucle. Il ne s’était pas inclus et tu devais respirer.

« Il faut que tu sortes d’ici Vincent. » Parce que toi, t’étais blessée. Parce que toi, si quelque chose arrivait, t’allais être un poids rien de plus. Vincent pouvait aider, Vincent était plus important. Vincent devait privilégier son existence et pas la tienne. Fallait qu’il se dépêche, qu’il te laisse derrière. T’allais te débrouiller, ou t’allais crever. Peu importe. La finalité n’était pas si importante. Ce n’était que toi et tu n’étais rien de très important. Ce n’était que toi et fallait que Vincent survive et sorte d’ici le plus rapidement possible. « Passe devant, rejoins les autres, sortez d’ici. » Tu allais les ralentir avec la douleur qui prenait ton corps. Tu ne pouvais pas avancer aussi rapidement que tu l’espérais. Même si là, tu le rejoignais où il se trouvait.

Tu avais grimacé quand une lame avait entaillé ton épaule, et tu avais remercié Kabutops qui en avait repoussé deux autres pour ne pas que tu sois davantage blessée.
Tu approches le bracelet pour répondre à Damien. « J’aimerais aider, mais je suis au courant de rien. Merci de prévenir, Damien, et je t’en prie… sauve ta vie également. » Ta voix était faible, ta voix était tremblante, mais il fallait. Il fallait qu’il sache que tu l’incluais, toi.

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• Lys avance de 5 cases
• Kabutops l'aide à avancer et elle répond à Damien en lui disant qu'elle n'a rien qui peut les aider