« Fais comme d’habitude, maman. Vous êtes mieux placés que moi pour le savoir. »

Auguste leva les yeux au ciel tandis qu’il faisait les mille pas en tournant en rond, près de l’entrée empruntée pour pénétrer dans le Parc Safari. Ce genre d’appel n’était pas nécessaire puisque, au fond, les parents d’Epernelle savaient très bien comment régler le problème mais le brun suspectait que tout cela ne soit qu’un prétexte pour elle appeler son fils. Ce n’était malheureusement pas le bon moment pour ça.

« Je vais devoir te laisser, je suis occupé, là. Oui, je te rappelle dès que j’ai du temps pour en parler. Oui. Oui, c’est ça. Promis. Séréna ? Elle va bien, elle est juste à côté. D’accord, je lui dirais. Allez, passe le bonjour à papa de ma part. Bisous, à la prochaine ! »

Et il raccrocha presque aussitôt. S’il ne se montrait pas aussi vif, sa mère ne manquerait pas l’occasion de lui tenir la jambe et d’embrayer sur un autre sujet de conversation. C’était une vraie pipelette et un interlocuteur non-averti risquait de se retrouver embarqué pour plusieurs heures de conversation. Y aller franchement et lui dire au revoir puis couper l’appel était la meilleure façon de procéder. Même en voulant être bref, le champion se rendit compte qu’il venait de passer quinze minutes au téléphone.

« Tu as le bonjour de maman. » glissa-t-il à la jeune femme à ses côtés. « Désolé, une fois qu’elle commence, on ne l’arrête plus… Bref. On y va ? »

L’homme réajusta le sac à dos qu’il avait sur les épaules et ouvrit la marche, invitant Séréna à le suivre. Aujourd’hui était une belle journée qu’il entendait dédier à son couple – du moins, c’était le projet avant qu’il ne se fasse interrompre par un appel en provenance de Vermilava. Par ce temps, une balade au Parc Safari de Sunyra semblait tout indiquée, surtout que des Pokémons sympathiques avaient été aperçus dans le coin, récemment. Fut une époque où Auguste s’y rendait très régulièrement en compagnie d’Ekaterina, cette sortie était devenue en quelque sorte un rituel pour les deux champions, une façon pour eux de prendre une pause le temps d’une après-midi. C’était cependant la première fois qu’il y revenait depuis son retour à Lumiris car maintenant qu’Ekaterina avait quitté la région, il n’avait plus vraiment de raison d’y revenir et s’y rendre juste dans l’espoir de capturer un Pokémon ne le motivait pas assez. Accompagné de Séréna, c’était une autre histoire.

« Tu te souviens des chemins que tu as pris, les autres fois où tu es venue ? »

Histoire de ne pas prendre le même. Le parc était grand et il existait une multitude de chemins et sentiers, s’y balader était donc une expérience à chaque fois renouvelée. Auguste le connaissait comme sa poche ou presque car en plus de ses nombreuses visites, il y était intervenu plusieurs fois dans le cadre de ses anciennes fonctions de Ranger. La plupart des routes n’avaient plus aucun secret pour lui bien qu’en vérité, il adorait s’aventurer en dehors des pistes balisées. C’était un poil plus dangereux mais il y avait tellement à voir dans ces zones reculées et par conséquent moins fréquentées. La journée semblait toutefois placée sous le signe de la tranquillité et ce genre d’escapade n’était pas au programme.

Décidément, trois visites en moins de six mois au parc safari, c'était un record pour elle.
A vrai dire, Séréna n'aurait sans doute pas fait le déplacement si Auguste ne l'avait pas proposé. Mais l'idée de passer une journée avec lui était assez alléchante pour accepter la balade. Cela dit, connaissant son compagnon, la jeune femme avait pour une fois troqué ses escarpins contre des chaussures plus adaptées à la marche.

Lesdites chaussures s'avérèrent aussi bien plus confortables lorsque Séréna se retrouva à attendre quinze minutes que le brun termine son appel. Pendant ce temps elle était restée debout près de lui, à faire le tour de ses mails et autres choses fort peu intéressantes. Non pas que notre pléiade lui en voulait, elle commençait à connaitre la tendance de sa (future) belle-mère à tenir la jambe de son fils unique via le téléphone. Au fond elle trouvait même cela mignon, voire attachant - après tout sa propre génitrice prenait rarement de ses nouvelles.

Une fois Auguste libéré de son interminable appel, la tête rose avait elle-même remisé son smartphone dans une poche de son sac en adressant un sourire à son amant. « Ne t'en fais pas, je commence à connaître le cas. » Le ton était plus taquin que critique. « Tu lui transmettras mes salutations en retour. »
Séréna n'avait pas encore rencontré la fière tenancière de la pension de Vermilava, mais puisqu'elles avaient déjà discuté par messages interposés ou même au téléphone, elle pensait que l'entente ne devrait pas être trop difficile. En tout cas il y avait de fortes chances qu'elles jouent les commères la moitié du temps et passent l'autre à s'extasier sur des photos de mini-Auguste, rien que pour embêter ce dernier.

Le jeune couple se mit ensuite en route, leurs épaules se frôlant régulièrement, et Séréna réfléchit à la question du pulsar. « Je ne suis jamais allée plus loin que le lac, je crois. Et encore, je n'étais pas sur les rives. » Haussement d'épaules signifiant rien de surprenant. « Tu te doutes que je suis plus familière du parc du saule. » Bien plus calme, et plus proche de son adresse.
Ses iris s'illuminèrent alors d'un intérêt nourri par la curiosité. « Quel coin sympathique et peu connu vas-tu me faire découvrir ? Je parie que tu connais ce parc mieux que certains employés. »

L’homme pencha la tête sur le côté, faisant mine de réfléchir. Il n’avait pas d’endroit spécifique en tête puisqu’il était parti du principe qu’ils se promèneraient dans le parc, sans trop faire attention à où ils allaient. Cependant, vu la question de Séréna, elle n’envisageait pas de flâner et préférait découvrir de nouveaux coins.

« Je n’y suis pas venu depuis longtemps mais j’y ai passé assez de temps pour connaître le coin. » avoua-t-il.

À n’en pas douter, certains employés du parc ne s’y retrouvaient pas aussi facilement que lui. Si le temps l’avait amené à douter sur le chemin à prendre pour atteindre tel ou tel coin, il était certain que cela lui reviendrait à mesure qu’ils avanceraient. Des endroits reculés à découvrir, ce n’était pas cela qui manquait au parc safari et par chance, Séréna semblait s’être équipée pour l’occasion. Elle avait laissé ses escarpins au placard pour enfiler quelque chose de plus approprié. Tant mieux. Ses petits petons auraient souffert…

« Mais si tu es prête à marcher hors des sentiers balisés, je pense bien avoir deux ou trois trucs à te montrer. »

Le garçon ne pressa pas le pas pour autant. Ils avaient toute la journée devant eux, inutile de se dépêcher. Mieux valait profiter d’une météo clémente et d’une agréable compagnie. Ils remontèrent le chemin de terre battue durant une vingtaine de minutes où ils croisèrent pas mal de visiteurs et quelques Pokémons sauvages avant de bifurquer pour s’enfoncer parmi les arbres. À partir d’ici ils ne devraient en principe plus croiser personne. La grande majorité des visiteurs du parc se contentait de se balader sur les tracés prévus à cet effet et bien rares étaient ceux qui s’aventuraient plus loin. Dommage pour eux. Ils ne savaient pas ce qu’ils rataient.

Le terrain était tout de suite devenu plus difficile. Entre les innombrables branches qui jonchaient le sol, les orties menaçant les mollets à découvert et les pierres glissantes recouvertes de mousse, un moment d’inattention et c’était la chute assurée. Habitué à cela, Auguste franchissait ces obstacles avec aisance tout en veillant à ne pas prendre trop d’avance sur sa belle. Peu après, d’étranges bruits se firent entendre, droit devant eux. Cela ressemblait à des rugissements et si le Pulsar avait une vague idée de ce que c’était, il souhaitait néanmoins en avoir le cœur net. Un regard vers Séréna, un mouvement de tête pour l’inviter à le suivre, et tout était convenu. Auguste se dépêcha en veillant à faire le moins de bruit possible jusqu’à atteindre un buisson derrière lequel il s’accroupit.

« Regarde. Là, en bas. » souffla-t-il à mi-voix.

En contrebas, à une trentaine de mètres d’eux, se trouvaient deux gros Ursarings occupés à batailler à grand coups de pattes. Cherchant à s’intimider avec des rugissements menaçants, ils se poussaient, se frappaient et se mordaient, visiblement jusqu’à ce que l’un des deux ne décide d’abandonner la lutte. Ces deux énormes Pokémons devaient frôler les deux mètres, ce qui rendait le spectacle encore plus impressionnant.

« Ça a l’air très violent vu ainsi mais ils sont juste en train de jouer. Tu vois, ils ne mordent pas vraiment. On ne s’approchera pas plus près : ils n’aiment pas trop être dérangés dans leurs jeux. »

Il était possible que les Ursarings ait plus peur d’eux que l’inverse mais c’était un risque qu’Auguste ne souhaitait pas courir. Autant les laisser s’amuser entre eux et ne pas les déranger.

Se balader en pleine nature ? Là où la terre colle aux semelles, où règnent les petites bêtes, où le brushing vit sous la menace perpétuelle d'une branche d'arbre trop basse ? De façon générale, très peu pour Séréna.
Mais de temps en temps elle devait admettre que ce n'était pas désagréable, surtout lorsqu'on souhaitait se ressourcer ou qu'elle pouvait passer du temps avec son petit ami.

Ce dernier semblait bien déterminé à prouver ses talents de guide - tiens ce serait un second métier à envisager. La jeune femme le suivit tout d'abord sur des sentiers balisés, qui n'avaient rien de particulier même s'ils étaient très agréables. C'était le parcours de monsieur et madame tout le monde, or elle se doutait qu'Auguste aurait mieux à lui proposer - ils n'étaient pas n'importe qui, pas vrai ?
Qu'à cela ne tienne, elle avait choisi ses chaussures dans l'idée qu'ils ne se contenteraient pas de papoter sur un banc.

Et effectivement, le jeune couple finit par sortir des zones les plus fréquentées pour s'aventurer dans les racines et les feuillages. Auguste avançait avec un leste impressionnant, ses membres visiblement entraînés par de longues années de baroudage. Séréna avait beau avoir une condition physique exemplaire grâce à ses entraînements sportifs et l'attention portée à son alimentation par les cuisiniers de la maison, elle n'était pas aussi à l'aise que son compagnon en randonnée. Cela dit, la fierté interdisait à notre pléiade de se laisser distancer.

Un peu plus loins, des sortes de grognements sourds se firent entendre entre les troncs. Séréna adressa un regard interrogateur Auguste, curieuse de savoir quel était la source de ces bruits. Mais plutôt que de lui répondre simplement, il choisit de la guider directement à la source : deux ursaring qui… Se bagarraient ? Derrière le buisson qui leur servait d'observatoire, la jeune femme fronça les sourcils. Non, les coups n'avaient pas l'air vrais ; c'était sans doute une manière comme une autre de copiner, elle avait entendu dire que les pokémons sauvages pouvaient avoir ce genre de comportement. Son brun le lui confirma d'ailleurs.

Désormais éclairée, Séréna hocha la tête. « Évidemment, de toute façon je ne comptais pas descendre les saluer. Je ne voudrais pas risquer un coup de patte en réponse. »
A ce moment elle sentit un léger choc contre sa jambe repliée. La demoiselle baissa la tête pour découvrir un adorable teddiursa qui l'observait avec de grands yeux. Un léger couinement échappa à la belle, qui n'avait jamais vu cette adorable créature avant. Elle tendit par réflexe la main vers lui, mais s'arrêta au dernier moment pour demander à Auguste « Tu crois que je peux le caresser ? C'est peut-être le petit d'un des ursaring d'en bas. » son ton était hésitant. Elle ne voudrait pas commettre d'impair, Séréna était une quiche en vie de la nature mais avait un minimum de respect pour ne pas souhaiter risquer de froisser un papa.

Malgré les expressions qui se succédaient sur le visage de la jeune femme, Auguste avait du mal à savoir ce qu’elle pensait de ce spectacle. Intriguée, assurément, mais il devinait qu’elle n’était pas tentée à l’idée de s’approcher davantage. Laisser cette trentaine de mètres entre les Ursarings et elle lui semblait être une bonne idée. Assez proche pour assister à la scène se déroulant sous ses yeux mais suffisamment loin pour prendre la poudre d’escampette si la situation l’exigeait. Peu nombreux étaient ceux prêts à se tenir à proximité d’un Ursarings, surtout quand on voyait les dimensions et la force de la bête.

« Je préfèrerais aussi que tu ne prennes pas un coup de patte, si tu veux mon avis. » lui confia-t-il avec un sourire en coin.

Cela avait peu de chances d’arriver. Premièrement parce qu’ils se tenaient à bonne distance mais aussi et surtout qu’au moindre signe de danger, le brun interviendrait. S’il courait le risque de s’approchait aussi près des créatures sauvages, c’était qu’il se savait équipé pour se sortir d’un mauvais pas. Il ne conseillerait à personne d’aller admirer deux Ursarings d’un peu plus près mais lui, il savait qu’il ne craignait pas grand-chose. Pour autant, la prudence n’avait jamais fait de mal à personne.

Les deux bestiaux avaient cessé de se frapper et luttaient désormais au corps-à-corps. L’un des deux, le plus large, dominait l’autre sans difficulté. Auguste plissa les yeux afin de mieux voir, détournant momentanément son attention de sa belle qui, sans qu’il ne s’en aperçoive, avait trouvé de la compagnie. Ce n’est que quand elle lui posa sa question, lui demandant si elle pouvait caresse le nouvel arrivant, qu’Auguste tourna à nouveau la tête vers elle. Ses yeux se posèrent sur un Teddiursa, à première vue très jeune.

« Non. » souffla-t-il sur un ton autoritaire. « Mauvaise idée. »

Il avait manqué de sursauter en découvrant le Pokémon. Ressemblant à une adorable peluche, il était difficile de croire qu’il était destiné à devenir comme les deux balourds en contrebas. Et s’il n’était pas aussi puissant que ses parents, la force d’un Teddiursa avait de quoi surprendre. L’ancien ranger savait cependant que Séréna n’accepterait pas un refus sans explication. Elle l’écouterait sans doute, mais pas de bon cœur.

« Montre-lui ta main, paume ouverte, sans la tendre vers lui. Il a l’air curieux mais je ne sais pas comment il va réagir si tu le touches. S’il se sent agressé, les deux d’en bas vont rappliquer aussitôt. »

Il ne fallait pas aller vers lui mais plutôt le laisser venir. La jeune femme titillait sa curiosité, assez pour qu’il s’approche autant. S’il le faisait davantage, se frottait contre elle ou lui reniflait les mains, tant mieux, mais dans le cas contraire, il était inutile de forcer. Auguste surveillait tout cela d’un œil attentif. Il la laissait faire mais se tenait prêt à intervenir si cela était nécessaire.

• Capture du Spoink •

Séréna charmeuse de Teddiursa, chapitre 2.

Le non catégorique d'Auguste la fit gonfler une joue. Elle n’allait pas non plus appuyer sur un gros bouton rouge étiqueté “arme nucléaire” dessus non plus, pas la peine de la stopper aussi brusquement oh. Cependant elle décida d’attendre les explications - qui allaient forcément venir - avant de prendre réellement la mouche (j’aurais bien mis un pokémon équivalent, mais je crois que ça n’existe pas encore)(faut dire que c’est pas très sexy, une mouche).

Encore une fois, l’ancien ranger démontra sa connaissance de la nature en lui expliquant comment procéder si elle souhaitait copiner avec le nounours vivant. Notre pléiade l’écouta en hochant la tête, bien consciente que ces conseils n’étaient certainement pas donnés au hasard et qu’il valait mieux se reposer sur l’expérience de son compagnon dans ce genre de situation.

Une fois ces sages paroles assimilées, Séréna se tourna une nouvelle fois vers le Teddiursa et lui montra sa paume, sans allonger le bras. « Comme ça ? » demanda-t-elle tout de même à son professeur (improvisé) de science et vie de la nature. Elle était certaine de suivre les directives, mais autant s’en assurer.
En tout cas, le pokémon sauvage sembla d’autant plus intriguée par la jeune femme. Il s’approcha doucement, une patte devant la truffe, tête inclinée en fixant cette main ouverte.

Malheureusement, ce touchant moment de rencontre entre la citadine et la boule de poils prit fin lorsqu’un bosquet non loin s’agita. Sans doute un peu craintif, le Teddiursa fila tel le vent avant que Séréna n’ait le temps de réagir.
Curieuse de savoir ce qui avait provoqué la fuite de son futur meilleur ami (et un peu frustrée aussi de ne pas avoir pu ne serait-ce que l’effleurer), la demoiselle jeta un coup d’oeil en direction du buisson-source.

En sortirent deux petits spoinks, qui… Rebondissaient tels les cochonnets montés sur ressort qu’ils étaient (awesome, wow). Séréna faillit bouder pour de bon, ils n’étaient pas aussi mignons que son ancien futur doudou. Par contre, tiens… « Il me semble que tu n’as pas encore de groret ? Le champion psy en toi n’aurait pas envie de capturer l’un de ces deux spoik, par hasard ? »

Elle demandait ça par hasard, toujours. (pas du tout parce que sa joueuse sait que le joueur en face veut capturer tous les pokémons psys du monde)

Dire à Séréna ce qu’elle pouvait ou ne pouvait pas faire était toujours une opération délicate. Elle n’était pas le genre de femme habituée à ce qu’on lui dicte son comportement, même quand cela était fait avec les meilleures intentions du monde. À ce titre, Auguste était un homme privilégié… par moment – il n’était pas assez fou pour croire qu’il ait une quelconque autorité sur elle.

« Comme ça. » acquiesça-t-il alors qu’elle appliquait ses conseils.

Teddiursa s’était en effet approché et était à deux doigts de toucher la jeune femme, intrigué par cette créature qui ne dégageait aucune hostilité, avant qu’un bruissement derrière lui n’ait raison du peu de courage qu’il avait réussi à rassembler jusqu’ici. Qu’il s’agisse d’une autre créature ou tout simplement du vent n’intéressa pas le moins du monde Teddiursa, il préféra prendre ses jambes à son cou et fuir en direction des adultes, toujours occupé en contrebas.

« Et le voilà parti. »

C’était aussi cela, la beauté de la nature. Des rencontres succinctes, éphémères. Un contact, des regards qui se croisent. Le tout en l’espace d’une poignée de secondes. Séréna allait probablement être déçue de la manière dont ça s’était terminé. De son côté, Auguste gardait un œil sur le petit ourson et plus particulièrement, sur la réaction des Ursarings. Comment allaient-ils l’accueillit, lui qui avait vraisemblablement fuit quelque chose ? Ils allaient soit le rassurer, soit monter jusqu’ici pour s’assurer qu’il n’y ait rien de dangereux. Cette dernière hypothèse signifiait que le jeune couple devrait s’éloigner pour ne pas s’attirer l’ire de ces créatures sauvages.

L’événement à l’origine du départ de Teddiursa se précisa puisque deux Spoinks sortirent d’un buisson. Pas menaçants pour un sou, il était amusant de les voir arriver après avoir fait paniquer l’autre Pokémon. Leur présence n’avait pas échappée à Séréna, dont les yeux étaient déjà rivés sur eux.

« C’est vrai que ça pourrait être sympa, un Groret. Plus le temps passe et plus je me dis qu’ajouter quelques Pokémons à mon équipe permettrait de mieux adapter le défi à mes challengers. »

Son équipe d’origine, à savoir Métalosse, Staross, Gallame, Sepiatroce, Gardevoir et Goupelin, avait désormais beaucoup d’expérience en matière de combat et elle n’était plus aussi équilibrée qu’à ses débuts. Là où ces six Pokémons suffisaient auparavant pour donner un challenger adapté à tous les niveaux, chacun d’eux était désormais bien trop fort pour la majorité des dresseurs. Auguste avait par conséquent commencé à étoffer son équipe avec de nouveaux combattants. Un Spoink ou un Groret trouverait sans problème sa place dans une équipe de jeunes talents.

« Par contre, il va falloir qu’on bouge d’ici. »

Comme il l’avait craint, les Ursarings dont il n’avait pas détourné le regard se dirigeaient vers eux. Tranquillement. Sans se presser. Il n’y avait donc aucune urgence mais rester ici était hors de question. Quand bien même ils n’étaient pas à l’origine de la frayeur de Teddiursa, Auguste n’avait pas envie de se retrouver face aux adultes. Il prit Séréna par la main et l’emmena avec lui dans la direction opposée. Inutile de paniquer. Se déplacer d’une centaine de mètres suffirait.

• Capture du Spoink •

Pour les avoir déjà rencontrés, Séréna pouvait attester que plusieurs des pokémons d'Auguste possédaient une puissance certaine. Notamment parmi ses types psy, sa spécialité. S'il continuait à entraîner ou simplement faire combattre son équipe actuelle, bientôt seuls les challengers possédant déjà quelques badges à leur actif oseraient venir l'affronter.

Ce n'était pas son objectif, en tant que champion, de devenir un adversaire accessible uniquement à une petite élite. D'ailleurs s'il était de ces individus hautains, ces dresseurs qui se trouvent trop bien pour les autres, la jeune femme ne se serait jamais éprise de lui ainsi. Des hommes imbus d'eux-mêmes qui ne partagent leurs compétences qu'avec quelques élus de leur classes, elle en avait fréquenté bien assez pour en être écœurée.

Bref, le moment n'était pas au débat sur le snobisme ou non du brun. Lorsqu'il suggéra de se déplacer, Séréna jeta naturellement un coup d'oeil vers les deux ursaring. Le petit teddiursa les guidait visiblement vers le bosquet qui servait de point d'observation au couple. Que fit notre tête rose, alors ? 1. Elle s'est précipitée vers eux pour les german suplex en mode octogone sans règle / 2. Elle s'est badigeonnée de miel en espérant que ça les calmerait (débilité/20) / 3. Elle a simplement suivi Auguste qui la tenait par la main. (Les dés en ont décidé, ce sera la réponse 3. Si si, va voir le chan lancer de dés, à 9h57)

Sans se faire prier, la demoiselle hocha donc la tête et suivit son guide un peu plus loin. Elle remarqua quelques mètres plus loin que les deux spoinks suivaient le mouvement, et qu'ils se jetaient parfois l'un contre l'autre pour se cogner le bidon (ou ce qui s'y apparentait).
Curieuse, Séréna demanda « Tu savais que les spoink faisaient parfois cela ? On dirait des sumos. »

Tandis qu'elle parlait, les deux pokémons s'entrechoquèrent une nouvelle fois mais un peu plus fort que les précédentes. L'un des deux perdit l'équilibre et faillit atterrir sur le dos, il n'échappa à ce sort que grâce à ses capacités psychiques qui lui permirent de contrôler sa chute et retomber sur son ressort.

« Des sumos ? C’est… la première fois qu’on me dit ça. » admit-il avec un air amusé. « Bon, ils sont un peu plus petits que les vrais mais une fois évolués, le lien est facile à faire. »

Dans les deux cas, c’étaient des gros porcs qui jouaient à se pousser. Ahem. Bref. Intrigués par le couple d’humains, les deux Spoinks prirent la décision de les suivre un moment alors qu’ils s’éloignaient de leur poste d’observation. Ce n’était pas plus mal, puisque Teddiursa menait deux Ursarings jusque-là. Qui sait comment ils réagiraient en découvrant deux Spoinks vraisemblablement à l’origine de la frayeur de leur petit ? Un coup de patte était si vite arrivé et vu la taille des Pokémons Psy, mieux valait pour eux échapper à ce sort.

« Je ne pense pas qu’ils nous suivent jusqu’ici. »

Il en était certain, à vrai dire. Très calme, Auguste avait abordé la situation avec une parfaite maîtrise. S’écarter du chemin de Pokémons sauvages était une chose à laquelle il était habitué. Utiliser un de ses Pokémons en cas de problème était facile et la situation aurait été réglée en deux temps trois mouvements mais dans la mesure du possible, le pulsar préférait ne pas interférer dans la vie de la faune locale.

« On fait une pause ? »

Une question qui n’attendit pas de réponse puisque, à peine ces mots prononcés, le champion s’était assis à même le sol, adossé à un arbre. Il n’était pas fatigué mais reconnaissait que se poser un moment serait bienvenu. Juste le temps de souffler un peu et de se désaltérer. Il sortir d’ailleurs une bouteille isotherme de son sac et la tendit à Séréna, l’air de lui demander si elle en voulait. C’était juste de l’eau mais par une belle après-midi d’été, il n’y avait rien de mieux pour se rafraîchir.

« Si on continue dans cette direction » commença-t-il en pointant du doigt un endroit dans le dos de Séréna. « Le bois va devenir de plus en plus dense. Ça va tirer sur les jambes pour avancer alors profitons de faire une pause maintenant. »

Là-dessus, il tendit les jambes et entreprit de se masser distraitement les mollets, comme s’il les préparait à une âpre randonnée. Bon, ce n’était pas si terrible qu’il le laissait supposer mais ce qu’ils avaient fait jusque maintenant était une balade de santé comparé à ce qui les attendait plus loin. Pour voir les endroits dépourvus de visiteurs, il n’y avait pas secret : il suffisait de s’orienter vers les lieux difficiles d’accès. Quand la plupart venaient ici se promener, ils n’envisageaient pas d’aller parcourir les bois au risque de se croquer les chevilles.

« Apparemment, quelqu’un avait élu domicile là-bas. Je ne sais pas pourquoi mais il s’était dit que vivre au Parc Safari était une bonne idée. Je ne peux pas lui reprocher d’aimer le cadre, cela dit. Quand la sécurité lui a mis la main dessus, il a avoué vivre là depuis près d’un an. Il subsistait en buvant l’eau de la rivière et en se nourrissant de ce qui poussait sur les arbres. Tu imagines ça ? »

• Capture du Spoink •

Des gros porcs qui jouaient à se pousser ? Ooouh, vous me semblez salé cher collègue narrateur ! je suis sûre que nos lecteurs apprécient autant que moi, continuez.

Ahem, nous disions. Le couple s’éloigna donc, et comme prévu par Auguste cela suffit pour échapper à l’attention des ursaring. Cependant ils furent suivis par les deux spoink, qui bondissaient gaiement à quelques mètres tout en les observant. Séréna se demanda si c’était par simple curiosité, ou s’ils s’étaient sentis offensés qu’elle les compare à des lutteurs nippons en obésité morbide.

Au bout d’un moment, le pulsar avait fini par s’arrêter près d’un arbre en suggérant une pause - si “suggérer” était valable alors qu’il avait d’office abandonné son sac au sol pour s’asseoir dos contre l’écorce. Au début Séréna le regarda simplement se poser, avant de décider à son tour dans un haussement d’épaules mental que ce n’était pas une mauvaise idée - et puis de toute façon elle n’avait pas vraiment le choix, à priori.

Saisissant la bouteille tendue par le brun, notre pléiade se tourna dans la direction qu’il lui indiqua tout en se désaltérant. Elle lui indiqua ensuite d’un hochement de tête son assentiment, avant de détailler l’herbe d’un air peu emballé. L’idée de s’asseoir directement sur ce réservoir à petites bestioles et urinoir public ne l’enchantait pas des masses.

Avant qu’elle n’ait le temps de demander à Auguste si par miracle il n’aurait pas amené une nappe, celui-ci lança une anecdote cocasse sur les lieux. Surprise par l'information, Séréna répondit « Vraiment ? Quelle drôle d’idée. Et sa famille était au courant, ou ils ont placardé des affiches avec sa photo pendant un an ? » avant de froncer les sourcils légèrement. « D’ailleurs, comment tu es au courant ? Tu écris un recueil d’anecdotes et d’informations sur le Parc ? »
Elle le taquinait gentiment, évidemment.

Le brun haussa les épaules.

« Je n’ai pas tout ces détails-là. Comme beaucoup, j’ai appris la nouvelle lorsque la sécurité du parc lui a mis la main dessus et l’a délogé. Je trouve ça quand même incroyable d’arriver à se planquer ici pendant un an sans jamais se faire prendre. Enfin, je veux dire, il y a des promeneurs chaque jour, des employés du parc font des rondes et à certains endroits, il y a même des caméras ! Rester invisible aux yeux du monde pendant si longtemps tient de l’exploit. »

Il n’y avait pas d’admiration dans sa voix, surtout de l’incompréhension. Que des gens aient tout perdu au point de ne même plus avoir un toit au-dessus de la tête, les forçant de fait à survivre comme ils pouvaient, il y en avait, mais quitte à s’exiler dans la nature, l’homme ne comprenait pas pourquoi le Parc Safari de Sunyra et pas un autre endroit. Si l’objectif était de vivre sa vie en toute quiétude, loin de la civilisation, tout en subsistant de ce qui poussait sur les arbres alentours, Auguste pouvait citer de tête une vingtaine de lieux à Lumiris. Les zones boisées étaient suffisamment étendues et toutes n’étaient pas peuples par des Pokémons hostiles. S’installer au Parc Safari, c’était l’assurance de se faire prendre tôt ou tard. Peut-être était-ce le but ? Il était vrai que certains aimaient attirer l’attention sur eux.

« J’ai appris la nouvelle via les journaux. »

Ça n’avait pas fait la une mais il était normal que l’information soit relayée auprès du public. C’était le genre d’articles qui n’allait froisser personne et susciter l’intérêt de quiconque lirait le titre. Le genre de nouvelle qui faisait sourire. Entre deux pages qui parlaient de récession économique, ça passait comme une lettre à la poste.

« Rigole tant que tu veux, mais je pourrais en écrire un. Tu n’imagines pas le nombre d’heures que j’ai passé ici. À l’époque où j’étais ranger, il y a des périodes où je venais ici toutes les semaines. Tu te doutes bien qu’un lieu pareil, c’était un terrain fertile aux problèmes nécessitant l’intervention des rangers. » répondit-il avec le sourire avant de retrouver une expression plus neutre. « Ce n’était pas la partie la plus palpitante du travail et en cas de problème entre un visiteur et un Pokémon, c’était plus souvent causé par le promeneur que l’inverse. »

Toutes les missions ne consistaient pas à sauver le monde mais à leur façon, elles étaient toutes importantes. Auguste n’avait jamais rechigné à traverser Lumiris pour une mission que beaucoup auraient jugée de trop faible importance pour y accorder de l’attention. Ce n’étaient pas celles qu’il faisait en priorité car il savait que ses compétences le rendaient plus utiles ailleurs, sur des missions dangereuses, mais quand personne ne se dévouait, il était là.

« Allez, on va se remettre en route. »

Il prit à son tour une grande gorgée d’eau et remit la bouteille dans son sac à dos avant de se relever. Il en rajusta les sangles et se remit en marche après avoir interrogé Séréna du regard pour s’assurer qu’elle aussi était prête à y aller.

« Malheureusement, un recueil d’anecdote n’intéresserait pas grand monde mais qui sait, peut-être qu’un jour je rédigerai mon autobiographie. Je suis curieux de savoir combien de page je parviendrais à remplir. »

Parler de soi était un exercice compliqué. Que dire ? Ne pas dire ? Garder l’attention du lecteur était primordial et ce qui était important aux yeux de l’écrivain ne l’était pas nécessairement pour celui qui tenait le livre. Eh. C’était un beau projet pour lui, dans une vingtaine d’années.

• Capture du Spoink •

Pour être honnête, Séréna se fichait bien de savoir ce qui avait poussé cet homme à trouver refuge dans la végétation du safari. S’était-il perdu pendant une visite, espérait-il vraiment disparaître, espérait-il cette histoire assez insolite pour que les médias en fassent leurs choux gras ? Si elle devait miser la belle parierait tout sur cette dernière option, de son point de vue c’était l’explication la plus logique.

Dans son monde, ceux qui n’étaient pas au centre de l’attention cherchaient juste à se faire une place au soleil par ce genre d’action burlesque. On lui avait appris plus jeune à dénigrer ces individus sans classe, mais c’est un jugement qu’elle avait appris à modérer avec le temps.
Cela dit, Séréna restait une juge sévère dans bien des domaines.

Bref, nos deux protagonistes se remirent en route tout en discutant de la prochaine (et énième) reconversion d’Auguste. Le jeune homme envisageait de mettre ses talents d’écrivain à l’épreuve en rédigeant son autobiographie, une idée qui tira un sourire en coin à sa jeune compagne. « De ce que j’en sais, si tu la commençais aujourd’hui elle serait déjà bien remplie. Mais l’idée me rend curieuse aussi, et si tu tentes vraiment cette rédaction j’espère bien pouvoir lire les brouillons. »

Sur ces mots elle attrapa la main du brun, un éclat mâtin dans ses billes d’ambres. « Et j’ose espérer que tu n’oublieras pas de mentionner une certaine lady. » Sur un ton plus quelconque, Séréna demanda « Et quelle autre anecdote pourrais-tu me raconter sur ce parc ? »
Ce genre de récit faisait toujours passer un moment agréable.

« Peut-être… » répondit-il sans grande conviction lorsqu’elle lui confia qu’il avait déjà beaucoup à écrire.

Il n’était pas du même avis et cela se lisait sur son visage. L’homme s’accorda un instant de réflexion pour mettre de l’ordre dans ses idées et pouvoir exprimer le plus clairement possible la raison pour laquelle sa position était plus modérée à ce sujet. Puis, il en avait aussi besoin pour trouver lui-même une réponse à son hésitation.

« Je sais que j’ai déjà fait plein de choses, je ne vais pas dire le contraire, cependant je suis certain que ce sera dérisoire quand je comparerai cela à ce que j’aurais accompli dans dix ans. »

Non pas qu’il ait d’idées précises en tête mais Auguste entendait bien continuer sa vie de plaisirs et d’aventures, remplies de découvertes en tout genre. S’il avait déjà vécu son lot de péripéties avant la trentaine, il lui restait encore tant à voir. Du monde, il n’en connaissait encore rien. Il était aisé pour lui d’imaginer à quel point il aurait de passionnantes histoires à raconter lorsqu’il aurait soixante ans.

« Je ne sais pas. Tu n’as pas cette impression-là, toi ? Imagine que je te demande d’écrire ton autobiographie dès maintenant, tu ne te dirais pas qu’il serait préférable d’attendre quelques années parce que tu commences à peine ta vie ? » l’interrogea-t-il, curieux d’avoir le ressenti de sa petite amie sur le sujet. « Pardon. Je ne devrais pas répondre si sérieusement quand tu dis ça pour plaisanter. Dans tous les cas, j’essaierai de t’accorder quelques lignes. Difficile de faire plus, tu as toi-même dit que j’avais une vie bien remplie… »

Un sourire flottait sur ses lèvres lorsqu’il termina sa phrase. Il imprima une douce pression sur la main de la jeune femme avant de l’emmener à sa suite pour reprendre la marche. Ils ne pourraient pas rester ainsi indéfiniment mais pour le moment, rester main dans la main lui suffisait. Une question lui traversa l’esprit, celle de savoir si dans dix ans, Séréna serait toujours présente dans sa vie. Il écarta malgré tout cela d’un revers de main, sans vraiment se pencher sur le sujet. Se prendre la tête avec cela n’était pas ce dont il avait envie. Après tout, ils n’étaient ensemble que depuis quelques semaines, envisager l’avenir ensemble était futile pour le moment. Il fallait laisser le temps au temps.

« Hey ! Je ne veux pas être le seul à déballer toutes mes anecdotes croustillantes. Elles se méritent ! »

Puis, ils s’ennuieraient s’il lui révélait tout d’un bloc. Un homme devait garder ses mystères, uhuh. Non pas qu’il tenter de garder cela secret mais Auguste trouvait que révéler cela au compte-goutte était infiniment plus intéressant.

« C’est à ton tour de me raconter un fun fact. Pas nécessairement sur le Parc Safari, je ne suis pas difficile. »

• Capture du Spoink •

« Je ne sais pas. Tu n’as pas cette impression-là, toi ? Imagine que je te demande d’écrire ton autobiographie dès maintenant, tu ne te dirais pas qu’il serait préférable d’attendre quelques années parce que tu commences à peine ta vie ? »

A vrai dire, Séréna avait saisi l'idée dès que le brun avait commencé sa réponse. Elle avait hoché doucement la tête en signe de compréhension, lippes arquées par la pensée que son homme n'avait pas fini de l'étonner. Que serait-il devenu dans dix ans ? Impossible à dire lorsqu'il ne se limitait d'aucune manière. Son avenir était un vaste canevas vierge qu'il broderait au fil de ses envies.

La promenade serait restée calme, si Auguste n'avait pas ensuite osé réduire l'importance de la jeune femme. Celle-ci roula des yeux avant de répondre « Cela ne dépend que de moi. Si je le souhaitais, mon nom apparaîtrait toutes les deux pages. » oh c'était plus de la plaisanterie qu'autre chose. Pour le moment tout se passait bien, mais elle n'était pas encore certaine de l'importance qu'elle souhaiterait avoir dans les chapitres suivants de cette autobiographie.

Cela dit, la douce pression que le pulsar exerça sur sa main ne manqua pas de chasser toute autre taquinerie des pensées de Séréna. Elle posa brièvement la tête sur son bras solide, en murmurant presque « Mais je comprends que tu trouves inutile de commencer ton récit aujourd'hui. » elle comprenait les ambitions - plus d'aventure que de gloire -, les inconnus, les incertitudes cernées d'idées vagues.
Tout ce qu'elle connaîtrait peut-être, si elle osait enfin sortir du sentier tracé sous ses pieds.

Ceci dit, plutôt que de plier à sa requête, Auguste préféra retourner la demande de notre pléiade contre elle : ce serait donc son tour de livrer une anecdote sympathique. Séréna prit une mine songeuse le temps qu'un souvenir intéressant ne lui revienne. « Mmmh… Allez, je vais te raconter cet instant fatidique où j'ai découvert que je n'avais pas tous les talents. » haussement d'épaules nonchalant, le sourire assorti. « Je sais, étonnant n'est-ce pas ? »

Avant de commencer son récit, la demoiselle s'éclaircit doucement la gorge. « Je devais avoir… Douze ans ? C'était la première fois que je mangeais oriental, nous étions dans un restaurant typique qui fournissait des baguettes pour le repas. Mes parents avaient proposé de demander des couverts pour moi, par fierté j'ai refusé. Mais j'avais vraiment du mal à manier les baguettes, et à force j'ai fini par asperger de sauce ma superbe robe… Ma toute première robe Chanel, pour laquelle j'avais harcelé ma mère durant des jours. Tu n'imagines sans doute pas tellement c'est futile, mais je me suis sentie terriblement humiliée et triste. »

Un léger rire lui échappa. En y repensant, cette histoire lui paraissait tellement dérisoire… Dire qu'à l'époque elle était même allée s'enfermer dans les toilettes du restaurant pour que personne ne puisse voir sa tâche, et cela avait duré jusqu'à ce que son père envoie quelqu'un lui chercher une autre tenue.
Le ton léger, Séréna conclut par « Mais du coup, j'ai ensuite passé une semaine à ne manger qu'avec des baguettes. Tout est possible avec un peu d'acharnement, maintenant je passerais pour une native dans ce même restaurant. Et cela conclut mon anecdote, à toi ! Tu peux aussi élargir les thèmes au-delà du parc, bien sûr. »

« Juste pour une histoire de baguette… ? »

Ces mots avaient été prononcés avec une pointe d’amusement. Il suffisait de regarder le visage du garçon pour comprendre que cette anecdote lui plaisait. De son point de vue, c’était assez drôle d’imaginer la scène, et encore plus la frustration qui s’ensuivit. Ce n’étaient que des baguettes, était-ce vraiment justifié de s’emporter à ce point pour si peu ? D’aucuns répondraient non mais pour Séréna, il était évident qu’il s’agissait là d’une humiliation sans précédent. Le Pulsar n’avait jamais vu qui que ce soit se servir correctement de baguettes la première fois, celles-ci nécessitant un peu de pratique avant de pouvoir être maniées avec autant d’aisance que des couverts plus conventionnels. Cela n’avait aucune espèce d’importance pour elle. Elle n’y était pas arrivée et c’était une raison suffisante pour être frustrée.

« Ça ne m’étonne même pas que tu te sois forcée à manger avec jusqu’à y arriver. »

C’était elle tout craché, ça. S’il pouvait être néfaste de son montré aussi acharnée pour des choses aussi triviales, le brun reconnaissait que c’était une mentalité idéale pour avancer dans la vie. Sans cesse se dépasser, effacer ses faiblesses dès la première trace, c’était un mode de pensée aussi épuisant qu’exaltant. Auguste en était capable mais il n’était pas au même niveau qu’elle.

« Hmm… Puisqu’on est sur le thème des échecs cuisants, je pense rester là-dessus. »

Il avait connu son lot de défaites dans la vie. Bien plus que la plupart des gens ne l’imaginaient. Il n’était pas le genre d’homme à cacher tout ça sous le tapis pour prétendre que de tels événements ne s’étaient jamais produits car pour lui, un échec était aussi un moyen d’avancer. C’était là une leçon qu’il suivait et répétait à qui voulait bien l’entendre. Pour chaque succès qu’il avait rencontré, il avait connu au moins cinq fois plus de revers. Cela faisait partie du jeu. L’important était de s’accrocher.

« On ne dirait pas car je respecte scrupuleusement le code de la route mais j’ai raté l’examen pour le permis de conduire trois fois. La première fois parce que j’ai grillé une priorité et manqué de causer un accident, la deuxième parce que je ne connaissais pas très bien cette partie de la ville et je me suis fait surprendre par un rond-point qui n’en était pas un, et la troisième parce que j’ai raté mon créneau. La quatrième a été la bonne mais bon… trois échecs, je n’étais pas très fier à l’époque, ahah. »

Il en riait mais ça n’avait pas beaucoup amusé ses parents, à l’époque. Mécontents de voir leur fils échouer encore et encore tout en jetant une somme d’argent considérable pour les heures de conduite supplémentaires et le droit de passer l’examen, ils avaient presque abandonné l’idée de voir un jour leur fils au volant d’un véhicule.

« Enfin, je suppose que tout aurait été beaucoup plus facile si j’avais un chauffeur pour me conduire partout. » ajouta-t-il en haussant les épaules.

Pouvoir rentrer de soirée avec trois grammes dans le sang sans avoir à se soucier de prendre le volant. Auguste-à-dix-huit-ans aurait été un homme heureux.

• Apparition •