Le suivre jusqu'au bout du monde;
Le suivre dans le plus profond des océans;
Jamais l'abandonner - toujours tenir sa main;
J'irais dans le plus ardent feu des enfers ;
Si seulement c'était nécessaire; pour ne jamais le délaisser
une nouvelle fois - pardonne-moi

Il faisait froid. À Lumiris et dans ton coeur, il faisait froid. L'hiver s'installait et le froid s'invitait dans les foyers - dans cette étage que tu côtoyais. Ou plutôt que tu fuyais. Tu ne t'étais jamais aussi peu sentie à ta place que depuis que tu étais revenue à Lumiris. Il faisait froid et ton coeur s'épuisait à combattre tes démons dans la solitude qui t'entourait ; il faisait froid et ton souffle se perdait sur tes lèvres asséchées par des jours un peu trop long.
Qui aurait pu croire qu'il y avait plus de vingt-quatre heures dans une journée ? Ce n'était pas le cas, mais c'était ainsi que tu le ressentais. De longues journées qui s'éternisent, de longues journées qui n'en finissent plus - des journées que tu voudrais pouvoir effacer d'un revers de la main, les précipiter dans un abysse d'oubli.

Et en même temps;
En même temps;
L'oubli te terrifie et te fige, te sidère. Tu ne veux pas être oubliée, tu ne veux pas que ton nom s'efface de la surface de la terre sans jamais avoir atteint un seul esprit - tu veux avoir marqué un coeur. Mais tu te dis souvent que ce but est impossible à atteindre. Et que quelque part, tu te dois de te satisfaire de ce que tu possèdes déjà. Viser la lune, les étoiles, c'est un risque à tomber dans un trou noir - quand on s'acharne à obtenir ce qu'on ne possède pas.
Et toi, toi, tu t'acharnes toujours. Tu ne sais faire que ça : t'acharner. Jamais abandonner pour obtenir ce qui ne brille pas entre tes mains jusqu'au risque de tout perdre ce que tu possèdes, ce que tu chéris. Tu l'as déjà fait, en quittant Lumiris sur un coup de tête, en partant pendant plusieurs mois, en abandonnant tout ce que tu avais un jour construit en ce lieu.

L'eau coulait doucement sur ton corps affiné; l'eau dénouait légèrement les muscles si noués de ton dos alors qu'à chaque mouvement, les os se dessinaient sous la peau. L'eau coulait doucement, envahissant la salle de bain d'une brume épaisse - parce que tu prenais toujours tes douches très chaudes, presque brûlantes.
Agréable eau qui coulait sur ta peau alors que la musique envahissait l'espace. Ici, tu oubliais le temps. Ici, tu oubliais les secondes qui s'écoulaient terriblement, lentement. Ici, c'était le meilleur endroit que tu pouvais avoir depuis que tu étais revenue à Lumiris.

Quand doucement, l'eau perdait de sa chaleur; tu savais que c'était le temps pour toi de sortir de la douche, te sécher et t'habiller. Après quoi, tu attrapes ton téléphone et ton visage est étiré par un sourire aussi doux qu'il pouvait l'être. Sourire triste, sourire fade - mais véritable sourire doux qu'Izaiah t'apportait toujours.
Dernièrement, vous aviez décidé d'un nouveau projet commun et peut-être que le vide et la solitude de l'étage que tu occupais allaient alors être chassés, peut-être que les nuages noirs, si sombres au-dessus de toi, allaient s'apaiser. Peut-être que la nuit allait doucement être plus chaude, moins glaciale, moins épuisante, moins éreintante. Parce qu'avec Izaiah, tu pouvais tout traverser, pas vrai ? N'était-ce pas là l'essence même de votre relation ?



Rapidement, tu attaches tes cheveux dans un chignon négligé pour éviter que tes cheveux ne dégoûtent partout et tu attrapes ton manteau pour descendre et ouvrir la porte à Izaiah. Le voir était doux; le voir était apaisant. Le voir était réconfortant. Ton sourire sur tes lèvres alors que tu le regardes et que tu te demandes bien ce qu'il peut te vouloir pour débarquer à l'improviste comme ça. Mais bien entendu, jamais Izaiah n'allait se heurter à une porte fermée.
Maple décide de se faufiler entre tes jambes et se frayer un chemin pour dire bonjour à ce visiteur, ce qui te fait légèrement rire. « Franchement, hypothermie ? En 5 minutes, vraiment Iza' ? Tu sais que ce n'est scientifiquement même pas possible avec les températures actuelles ? » Répliquer au premier degré sur quelque chose qui ne l'était sans doute pas, c'était un don que tu possédais. Et qui amusait sans aucun doute Izaiah.

Et ton sourire encore plus doux, encore plus taquin, quand tu écoutes Izaiah qui explique la raison de sa présence. Tu lui fais signe d'attendre deux secondes et tu montes rapidement prendre un sac, faire signe à Pixel de te suivre et tu descends les marches rapidement; manquant de tomber. Vertiges qui reviennent. « Bon. On arrête dans un café parce que j'ai pas eu le temps de prendre le mien et pendant qu'on marche, pourquoi tu m'expliquerais pas ce qu'elle aime, cette soeur ? » Tu fermes la porte et la verrouille (trois fois) avant de te tourner vers Izaiah et, d'un geste de la main, lui faire signe d'ouvrir la marche.

La légèreté de votre échange venait doucement réchauffer ce coeur si glacé - et tu souriais à cette personne qui te faisait face. Loin de Lumiris, tu ne t’étais pas demandée à quel point sa présence avait manqué à ta vie; maintenant que l’option de partager un appartement avec lui s’imposait, tu ne pouvais qu’être confrontée à cette réalité. Tu avais besoin d’Izaiah dans ton quotidien et tu ne savais pas comment tu avais fait pour ne pas le réaliser plus tôt. Vraiment. Izaiah était tellement important, beaucoup important pour que tu acceptes désormais de le laisser partir, de le laisser filer. Non, tu ne saurais pas le supporter. Il venait apaiser les tourment; il venait calmer les cauchemars, et il essuyait les larmes muettes, silencieuses - sans jamais le savoir. Il apaisait les blessures, les cicatrices, les coupures béantes encore saignantes - invisibles pourtant pour le monde entier. Tu ne pouvais donc pas encaisser l’idée de ne plus pouvoir le tenir dans tes bras, le serrer tout contre toi et lui promettre le monde entier. Lui promettre tout ce que tu pouvais lui promettre.
Parce que tu ferais tout pour Izaiah.
Sourire sur tes lèvres quand il réplique à ta phrase et léger haussement des épaules. C’était une réplique qui, étrangement, ne t’étonnait absolument pas de la part de ton ami. Elle te faisait même rire tellement elle était prévisible et qu’elle t’amusait - parce que clairement, malgré ce qu’il apportait comme précisions, ça ne changeait pas les faits et ça ne changeait pas l’exactitude de ce que tu lui avais précédemment dit.
« Non Iza’, n’essaies pas. Même après une douche, une dizaine de minutes dehors n’aurait pas suffit à te faire entrer en hypothermie. » La douceur du sourire sur tes lèvres indiquaient que tu ne le prenais pas au sérieux et que tu faisais simplement répondre à son petit jeu.

Et son sourire - son sourire qui illuminait tes journées, son sourire qui pouvait te faire oublier temporairement toute la douleur qui résonnait dans ta tête, dans ton coeur. Son sourire qui pouvait effacer les larmes des nuits si terriblement courtes, les tremblements des cauchemars. Son sourire qui avait toujours autant compté pour toi - tu donnerais ton âme au diable pour lui permettre de continuer de sourire; pour voir ce sourire véritable accroché en permanence sur les lèvres d’Izaiah.
Quand tu l’avais rencontré pour la toute première fois, tu avais juré de toujours être là pour lui, de toujours lui répondre calmement, lui apprendre ce qu’il avait besoin de savoir. Mais tu ne savais pas à quel point il allait venir s’inscrire dans ta vie; tu ne savais pas l’importance qu’il allait prendre. C’était aujourd’hui tellement plus qu’une personne de passage dans ta vie, aujourd’hui tellement plus que ce que tu avais pu imaginer - un frère à protéger, un frère à faire sourire, un frère pour qui tu donnerais tout seulement pour apaiser les tourments de son âme, pour l’empêcher de trop sombrer dans les océans les plus sombres, pour chasser la nuit.

« Euh.. » fut la seule réponse que tu puisses fournir à Izaiah quand il te demandait ce que sa soeur venait faire là-dedans, toi qui étais pourtant persuadée d’avoir compris que le cadeau était pour sa soeur. Tu ne connaissais pas sa soeur, mais tu te disais que tu pourrais bien t’entendre avec elle. Tu aimais bien les spectres, toi aussi. Même si tu savais que ce n’était pas véritablement le cas de ton ami qui te faisait face maintenant. Tu te souvenais encore de sa présence dans ton revenu avec tous les amis spectres qui l’accompagnaient.
« Mais non ! C’est moi qui paye ! » Tu n’aimais pas que l’on paye pour toi et ça n’allait certainement pas changer. T’allais pas le laisser payer, pas sans au moins tenter de le faire changer d’avis au préalable. Que ce soit clair. Tu espérais qu’Izaiah avait conscience que tu n’allais pas le laisser payer aussi facilement - mais s’il te connaissait un tant soit peu, il en avait conscience. Tu ne doutais pas du tout d’Izaiah et du fait qu’il te connaissait.

Il ne faisait pas trop froid, aujourd’hui et pendant que vous marchiez, tu essayais de réfléchir à des idées de cadeaux, même si tu ne connaissais pas la personne à qui Izaiah voulait faire un cadeau.
Mais tu n’eus pas le loisir d’y réfléchir davantage puisque vous arriviez au Staribucks et ton ami demande la confirmation de la commande que tu prenais habituellement. Sourire. Sourire qui demeure parce que chaque petit détail qui s’accumule te rappeler pourquoi Izaiah est important. « Exactement ! Tu as bonne mémoire. » Parfois, tu ajoutais des doses d’espresso. Mais c’était souvent quand tu avais très mal dormi ou que tu devais absolument finir quelque chose, te donner un peu de motivation.

Lyanora. Ce prénom s’effaça dans les airs alors que tu te souvenais de la rencontre avec cette Miss Lumiris. « Je connais sa soeur, actuellement. Lyanora. Je l’ai rencontré des mois avant Miss Lumiris. » À Héréis, quand ton esprit s’enfonçait dans le manque, dans la mélancolie, quand l’absence d’Éloise à tes côtés t’épuisait plus que tu ne pouvais le dire, que tu ne pouvais l’admettre.
Cette soirée-là, quand les confessions étaient mortes sur tes lèvres incertaines et que la jeune femme avait fait en sorte de chasser les nuages quelques instants, quand vos rires avaient résonné dans l’espace. Tu t’étais jurée de ne jamais oublier cette personne, sa présence.

« Elle cherchait sa soeur, à l’époque. J’espère qu’elle l’a trouvé. Tu sais ce que Valencia fait dans la vie ? » Tu te demandais ce que toi t’aimerais recevoir, mais au final, dans la vie, tu préférais davantage donner que recevoir. « C’est un peu difficile trouver un cadeau sans les centres d’intérêt de la personne. »

Izaiah avait ce don, cette douceur, cette capacité -
Pour tout éclipser, pour tout effacer - de sa présence, sans jamais rien faire, sans jamais rien dire, à ses côtés, tout semblait plus supportable. La vague d’émotions, la culpabilité meurtrière, tout semblait plus simple à mettre sous clé, et le masque semblait beaucoup moins lourd à porter. Le sourire plus léger, le sourire plus sincère, le rire un peu moins faux - tes gestes un peu plus naturels, beaucoup plus “toi”, beaucoup moins automatiques. Tu redevenais un peu maître de tes songes, un peu maître de ta personne - tu reprenais pas sur la réalité.
Izaiah était cette bouffée d’oxygène que tu avais si longtemps supplié qu’on te donne, qu’on t’avait fait languir, à portée de main sans jamais te la donner et puis. Et puis, il avait mis les pieds dans ton refuge et vos vies avaient entré en collision. Soudainement, t’avais eu le sentiment que tu avais le droit de respirer - et tes poumons avaient repris vie.

Mais quand Izaiah n’était pas là;
Les démons reprenaient leur droit acquis sur ta personne.

Alors accroche-toi à la présence de ton ami en ces lieux, accroche-toi au fait qu’il soit présent, qu’il t’ait entraîné sans trop te demander ton avis dans toute cette aventure - accroche-toi sans jamais penser à autre chose, mais en étais-tu seulement capable ?
Et quand tu le voyais; quand tu l’entendais, quand la vague apaisante prenait part de ton être, tu te disais que tu aurais pu l’aimer. En d’autres termes, en d’autres lieux, dans une autre vie - si tu n’avais pas été amoureuse d’un fantôme qui allait éternellement se contenter d’hanter tes nuits et souvenirs à la place de réchauffer ton lit. Dans un autre univers, dans un monde parallèle, peut-être que tu serais tombée amoureuse d’Izaiah. S’il n’y avait pas eu Charlie - s’il n’y avait pas eu les désillusions, les attentes, les coups de fils et la boîte de messagerie pleine. S’il n’y avait pas eu d’autres amours qui ont prit toute la place - peut-être qu’il aurait pu être celui qui te prend dans ses bras, qui te murmure que tout ira bien - que plus jamais tu ne serais seule.
Que jamais le lit ne serait vide et froide quand tu ouvrirais les yeux le matin, peut-être qu’il aurait brisé la solitude qui t’entoure, qui t’étreint. Il aurait été à tes côtés à sa place; et vous auriez été heureux. C’était un bon scénario. Entre d’autres lieux, en d’autres vies - mais pas dans votre vie.
Dans une autre vie, Izaiah aurait été quelqu’un dont tu serais tombée amoureuse - dans toute la douceur qui te caractérise, sans artifices, sans que tu attendes rien en retour, tu l’aurais sans doute aimée de toutes tes forces en attendant de savoir si c’était son cas. Tu aurais eu peur - peur de lui dire, peur d’affronter la négation dans ses yeux. Peur de ne pas mériter son attention. Mais tu l’aurais aimé. Si El’ n’avait pas été dans ton esprit, fantôme te gardant éloignée de toutes les relations possibles et si… s’il n’y avait pas eu Caël - seul véritable concurrent au fantôme partageant tes nuits.

Mais sans être ton amour - sans être ton âme soeur - sans être cette personne ; Izaiah était la douceur de ton quotidien et l’ami que tu protégerais au péril de ta vie, jusqu’au dernier battement de ton coeur, jusqu’à la dernière respiration de tes poumons. Celui que tu avais quelque part abandonné, mais que tu avais retrouvé - dans la même douceur légère qui vous entoure; dans la même douceur amère qui vous accompagne depuis toujours.
Effacer les nuages de ton regard, ne jamais le laisser les réaliser, ne jamais le laisser comprendre que tes nuits étaient blanches, que tes idées avaient une couleur bien plus proche du noir de la nuit, que de celle du soleil - ne jamais le laisser comprendre l’épave que tu étais. Parce que tu refusais de le laisser voir à quel point tu avais besoin de lui; pour qu’il te montre à quel point il avait besoin de toi.
« Ce n’est pas grave, je t’assure. Je suis contente de faire ça avec toi, moi. Je veux trouver le cadeau que tu offriras à Valencia. » Et que son Noël soit un peu plus doux, un peu plus apaisant, un peu plus lumineux - que celui que tu allais passer dans l’austérité de ton étage, isolée. Pour qu’il puisse profiter de la douceur et de la magie du temps des fêtes, écarter Voltapolis - tu voulais pouvoir te conforter en te disant que lui, il souriait.

« D’accord, d’accord. »
Et tu avais capitulé. Sans trop te battre, tu savais que ça n’en valait pas la peine. Pas avec Izaiah qui te l’achèterait que tu le veuilles ou non. Alors tu avais souri et tu avais accepté qu’il t’achète ce café en te demandant ce qu’il pourrait bien acheter à cette fille, qu’est-ce qui pourrait la faire sourire, et rendre cette journée magique.
« Oui… Il est vraiment petit. » Et tu aurais pu lui dire qu’il méritait cette couronne, qu’il aurait fait une magnifique Miss Lumiris, tu aurais pu te perdre dans des discours encourageants en disant qu’il pourrait participer à la prochaine, mais pourquoi pas pour Mister Lumiris ? Tu aurais pu lui dire que les objectifs n’attendaient que son retour - que sa présence sur scène était fascinante, enivrante - qu’elle accaparait tous les regards.
Tu aurais pu lui dire. Et tu l’aurais pensé. Seulement, quelque chose, tout au profond de toi, dans cet instinct qui brûle dans le fond de ton être, tu avais ressenti cette terrible impression que ce sujet devait s’éteindre aussi naturellement qu’il était venu - que lui parler des caméras seraient davantage néfastes. Et que tu ne risquerais pour rien au monde votre instant, votre éternité emplie de douceur, votre moment à vous deux - pour un sujet sensible.

« C’est vraiment une bonne idée de cadeau ! » Oui, c’était magnifique. C’était sincère et ça venait du coeur, toujours mieux que ce qui coûtait une fortune en magasin. Puis tu te pinces légèrement les lèvres alor que tu réfléchis doucement. « Oui.. Y’a toujours des cadeaux passe-partout, comme des bijoux, des chandelles, des cartes-cadeaux. Des chocolats aussi, des cartes avec de l’argent. Mais pourquoi pas aller vers quelque chose de quand même personnel ? Sans forcément la connaître beaucoup… elle aime sûrement ses pokémons, non ? Je connais une dessinatrice, si tu peux me fournir une photo des pokémons, je peux lui demander une peinture à encadrer ! »

Tu le laisses aller chercher la boisson et quand il revient, tu ne peux t’empêcher de lever les yeux au ciel en souriant. Votre relation garderait toujours les mêmes touches légères, apaisantes et réconfortantes - malgré Voltapolis. Tu avais l’impression de te faire redonner une partie de toi en retrouvant Izaiah et tu ne pouvais nier le bien que ça t’apportait. « Merci beaucoup. » Automatiquement, tu prends une gorgée de ce liquide qui ravit tes papilles gustatives avant de regarder l’endroit qui vous entoure. Mirawen était apaisante - loin de l’effervescence de l’ancien Voltapolis ou de la capitale, Nemerya. Tu lui fais soudainement signe de te suivre alors que tu te rappelles de ce qui traîne dans ton sac, te dirigeant vers une table extérieure du Staribucks. « Quand je me suis réveillée à l’hôpital, j’ai lu ta carte. Et j’ai vu ce qui venait avec. » Tu poses ton café sur la table ainsi que ton sac pour plonger la main dedans et attraper la pokéball. « Ifrit a grandi aux côtés d’Ignis pendant tout ce temps, mais il est grand temps qu’il te revienne. Et je n’accepterais pas de refus, Izaiah. » Tu tends la main, avec la Pokéball, le laissant la prendre.

I run away when things are good
And never really understood

Quand il est là, quand il est à tes côtés;
Tu es un peu plus toi, un peu moins toi.
Un peu moins tes démons, un peu plus ta propre personne ; tu oubliais un peu plus facilement la douleur qui résonnait dans ton coeur et le vide qui t’engouffrait, te déroutait, te perturbait.
Quand il est là, tu peux un peu plus t’abandonner, un peu plus respirer, un peu moins te cacher; davantage briller.
T’as jamais été un véritable soleil, t’es pas cette présence lumineuse qui écarte la pluie; mais t’es la douceur qui apaise les blessures béantes, la main qu’on serre quand la panique afflue - et Izaiah est ta main.
Il n’effaçait pas les cauchemars, il n’enlevait pas la souffrance; il ne faisait pas disparaître les larmes. Mais il rendait le tout un petit peu plus supportable. Et tu ne lui demanderais jamais rien de plus.

Et de sa présence, il laissait quelques lueurs revenir; un petit arc-en-ciel, une éclaircie, une douceur que tu ne pouvais refuser.
Devant lui, à ses côtés, tu pouvais oublier. Tu pouvais oublier la faiblesse de ton corps entier, les démons nageant dans ton regard - leurs mains autour de ta gorge, t’étouffant; éloignant la nourriture de ta bouche, de tes mains; effaçant le monde t’entourant.
Devant lui, à ses côtés, parfois tu te disais que tu pouvais croire en la vie. Sans en être certaine, tu te disais que ça pouvait en valoir la peine.

Parfois, les larmes venaient; prenaient. L’épuisement s’affichait, s’imposait. Parfois, tu te demandais pourquoi tu étais revenue, qu’est-ce qui t’avait motivé à reprendre le chemin de Lumiris. Et si tu avais fait une terrible erreur en t’asseyant dans cet avion ?
Et si tu avais fait une terrible erreur en existant ?
Et si ? Ta vie se rythmait de “et si” indéfiniment, et si tu avais été là, au bon moment, ce soir où ta vie avait changé ? Et si tu avais pris la route pour te rendre à son appartement ? Et si tu étais venue la tenir dans tes bras ?
Serait-elle aujourd’hui présente, tenant ta main, si tu lui avais dit que tu l’aimais - plus que tout, qu’elle était ton univers, l’unique étoile brillante de ton ciel ?
La culpabilité rongeait ton esprit.
Cette certitude brûlante, cuisante, que tu aurais pu changer le destin de ton unique présence dans une pièce où elle n’était pas demandée terrassait ton esprit et hantait tes rêves. Elle était déterminée à hanter des rêves où on ne l’attendait plus.
Elle le faisait à merveille.

Et quand sa main vient rejoindre la tienne, c’est son regard que tu n’oses affronter - et les paroles qui auraient dû mettre un baume à ton coeur font douloureusement écho dans ton être.
Et quand le vide te rattrape, sa main t’empêche de t’effronder. « Je ne sais plus… » Certains te l’avaient déjà dit, tu avais déjà entendu ces mots prononcés à ton égard. Mais l’ont-ils seulement un jour véritablement pensés ? Suffisamment pour rester dans ta vie ?
Eloise te le disait souvent, entre deux crises de colère où elle t’assurait que tu étais la pire amie qu’il est possible de connaître, elle te répétait que tu étais incroyable.

De quelques clignements de paupière, tu viens chasser les larmes qui ont cherché à s’inviter dans votre petit moment à deux; de quelques clignements de paupière, tu viens chasser tes doutes et incertitudes pour les mettre de côté. Quand les lumières allaient s’éteindre à l’étage inférieur, quand il ne restera plus que le bruit de l’eau de la douche et la musique résonnant dans la salle de bain, tu allais laisser la souffrance suinter de tous les pores de ta peau.
En attendant; c’était un petit rire qui s’échappait; un rire qui résonnait alors que tu secouais la tête. « Mais non voyons ! Je n’aurais jamais proposé sa soeur pour faire son cadeau. En fait, je pensais à une de mes colocataires, elle dessine et elle dessine très bien. » Ellende était une merveilleuse personne avec tous pleins de talents. Il y a longtemps, si longtemps, tu avais même pensé l’aimer. Amoureusement. Mais ce n’était qu’une amie au final - et c’était toujours suffisant.

Ensemble, vous aviez bravées la mort et vous voilà aujourd’hui.
Ensemble, vous aviez décidé de ne plus exister; ensemble vous aviez décidé de demeurer sur terre.
Tu ne pouvais oublier ce que tu avais traversé avec Ellende - tu ne pouvais oublier tout ce que tu avais sacrifié pour elle, tout ce qu’elle avait sacrifié pour toi.

Et tu secoues la tête. Sur tous les plans, il aurait pu gagner; tu l’aurais laissé prendre l’avantage, gagner du terrain.
Sur tous les plans, sauf Ifrit.
« Non. » Et si ta voix était douce, elle était ferme alors que ton regard se plantait dans celui d’Izaiah. Tu avais toujours eu de la difficulté à soutenir le regard des autres - et pourtant, tu te faisais violence pour ne pas détourner les yeux en cet instant présent.
Le moment était bien trop important pour que tu n’acceptes de le fuir d’aucune façon. « Izaiah, Ifrit a toujours attendu ton retour. Il a été d’un réconfort pour moi à l’hôpital parce qu’il avait perdu la même chose que j’avais perdu : un ami. » Et comme ça, au détour d’une conversation, quelques fragments d’un quotidien compliqué - d’un moment à l’hôpital, un aveu de ce que tu avais affronté alors qu’il n’était plus à Lumiris. « Ifrit a apprécié la compagnie d’Ignis et ensemble, tous deux ont grandi. Mais il n’a pas cessé de regarder mon écran d’ordinateur quand - » Quand tu lui écrivais des emails que tu n’avais jamais envoyé. « Je regardais tes photos. Il reconnaissait ton travail. » Et tu n’avais pas assumé ce qu’il n’avait pas à savoir. Tu prends une grande respiration alors que tu gardes la main tendue. « Ifrit n’a pas besoin d’Ignis. Il a besoin de la personne qui accepté de prendre soin de lui en sortant de mon refuge, des mois auparavant. Il a besoin de la personne qui l’a pris sous son aile en le trouvant dans ces bois, apeuré, transi de froid. Il a besoin de toi et de nulle autre que ta personne. » Tu haussas très légèrement les épaules, réfléchissant à quels autres arguments tu pourrais bien lui donner. « Et justement, je sais. Je sais parce que c’est mon boulot de comprendre ce dont les pokémons ont besoin. Tu me fais confiance, non ? »

Ifrit avait besoin d’Izaiah comme tu avais besoin de lui.
Et tu avais mal de te dire qu’à tout moment, il pouvait s’en aller - que rien ne t’assurait de préserver son amitié. Qu’à tout moment, tu pourrais tout briser. De quelques gestes, quelques mots, tout envoyer valser.
Qui pourrait vraiment tenir à toi pour rester pour toute une vie ?

can I call you mine ?
would you, one day, be mine ? lift my spirit up there and put some stars on our eyes;
so we can breathe away the day and the night - never stop to run; never stop to
be ourselves
i don't even know what i'm doing tonight but i know what i want;
you

Ici, devant Izaiah;
Tu prenais conscience - tu prenais conscience de ce que tu avais perdu, sans rien gagner en retour; en quittant Lumiris ;
De sa main dans la tienne, ou frôlant ta joue - de ton regard qui avait si souvent soutenu le sien; de sa voix qui t'avait ramené dans le monde des vivants. Vous aviez été deux âmes perdues, errantes, qui s'étaient rencontrées, et avaient fait un bout de chemin ensemble - puis tes pieds s'étaient décollés de la terre de Lumiris pour frôler d'autres sols, d'autres textures; pour fuir des démons que tu n'aurais jamais pu semer.
Tu aurais dû te laisser glisser dans ses bras, dans son étreinte - douloureusement t'abandonner; faire confiance en sa présence pour éclipser tout ce qui te terrassait. Mais tu n'avais pas su; et Caël portait désormais les traces de tes erreurs.
(et j'aurais pris ta main dans la mienne - je l'aurais traîné jusqu'au bout du monde, si j'avais eu la plus grande certitude que jamais elle ne s'échapperait
te serrer dans mes bras pour ne jamais te laisser partir) ;

Devant Izaiah, tout ce que tu avais perdu revenait, s'imposait - tu pourrais presque en contempler les cendres en rejoignant les mains et les observant; lèvres fermées et souvenirs troubles;
et de toute ta bonne volonté; tu ne connaissais pas le pardon de soi; le pardon des erreurs commises par sa propre personne;
quand tes erreurs étaient multipliées - encore et toujours répétées et que tu prenais tout contre toi, serrais dans tes bras le poison de tes propres démons - quand tu fermais les yeux pour t'enfoncer dans les cauchemars qui revenaient à chaque fois
non, tu ne connaissais pas le pardon de soi -

Tu pardonnais les autres. Tu prenais dans tes bras ceux qui te blessaient, te lacéraient, tu excusais, pire, tu justifiais les erreurs commises à ton encontre - les larmes versées à cause des autres, mais tu ne savais pas te traiter comme tu traitais les personnes qui t'entouraient. Pour toujours, tu te dresserais comme martyr - comme seule personne à blâmer et détester ; comme unique fautive de tout ce qui ne fonctionne pas dans ce monde.

Devant toi, Izaiah se dressait comme l'ange de tes songes - la lumière au bout du chemin, comme une raison de croire que dans tes cendres, un petit phénix pouvait se trouver, naissant - oisillon tentant de trouver une façon de bien exister. Devant toi, Izaiah se dressait comme ce phare en pleine tempête alors que tu avais si longtemps erré sans trouver de but - trop longtemps erré en te demandant : pourquoi être partie ?
Mais surtout, surtout : pourquoi être revenue ?

Leur absence te brisait, te détruisait - et pourtant, pourtant; leur imposer ta personne te semblait idiotement égoïste (te retirer l'était aussi) - pour toujours, choisir pour les autres. Pour toujours ne pas leur donner le choix sous prétexte de les épargner. Quand il s'était excusé, ton regard qui se voile - quand il s'était excusé, le même sourire que le sien qui se dessine sur tes lèvres à toi. Vous partagiez les mêmes démons à quelques différences prêts et vos comportements prenaient racines dans les mêmes traumatismes - les mêmes ressentiments;
la douceur doucereuse, dans l'amertume, dans l'espoir lessivé et la nostalgie, dans la mélancolie et la tristesse enragée - dans tous les sentiments se mêlant et se mélangeant, dans tout ce que vous aviez été, ce que vous étiez devenus.

« Tu n'as aucune raison de t'excuser. »
(Je ne t'aurais jamais demandé d'être là)
« Tu es là maintenant. »
(Mais peut-être devrais-tu partir ?)

Tu ne voulais pas le briser comme tu te brisais toi - tu ne voulais pas le briser comme tu les détruisais tous;
Son sourire était bien plus lorsqu'illuminé et tu voulais chasser les ombres dans son regard alors que ton oeil à toi était toujours sombre - encore plus désormais. Tu voulais le prendre dans tes bras, le bercer, lui promettre que tout allait bien aller; mais tu craignais de faire bien plus de mal que de bien de par ton unique présence.
S'il le fallait, Lys, tu t'excuserais même de respirer - et devant Izaiah, c'était ce besoin terrible de le faire qui laissait un goût salé sur le bout de ta langue.

Tu étais de ceux qui restaient et pourtant; tu étais partie - tu étais de ceux qui restaient, mais tu avais abandonné quelques vies ici pendant quatre long mois. Alors tu ne pouvais même plus concevoir que l'on puisse véritablement tenir à toi - encore moins maintenant; tu étais instable, tu étais anéantie; de toi ne restaient que des morceaux quelconques que l'on ne pouvait reconstituer.

« Je n'aurais jamais pu faire autrement que de prendre soin de lui et je pense qu'en me le confiant, tu le savais très bien. » Ce n'était pas un reproche, rien de plus qu'une pure constatation alors que tu le regardais. Il était étrange - mais pas désagréable - de vous retrouver ainsi; comme si jamais tout ce temps n'avait existé; comme si vous n'aviez jamais rien perdu.
Alors que vous
tout perdu.

Tu avais pris une gorgée de ton café en respirant l'air frais qui vous entourait. Ifrit avait retrouvé son dresseur - la seule personne avec laquelle il aurait éternellement dû se retrouver et Ignis demeurait sagement dans sa pokéball. Tu avais doucement souri.
La situation était clairement irréelle. « Allons-y, alors, Izaiah. J'ai mon journée de libre, j'ai tout le temps nécessaire pour qu'on prétende avoir des millions de dollar. » Léger rire qui s'échappe de tes lèvres alors que tu le regardes. Ça vous permettrait de passer un peu de temps ensemble; de vous retrouver légèrement -
avant que tu ne déménages chez lui. Vous aviez alors pris le chemin du centre-ville.

Tu ne savais pas ce que cette journée allait donner, mais pour une fois, tu n'avais pas envie d'anticiper - seulement de profiter de la présence d'Izaiah à tes côtés.
Parce que demain, peut-être qu'il ne serait plus là (qui voudrait de toi éternellement?)