La pression. Cayden travaillait toujours bien, sous la pression. La pression du départ, quand on se demande si on oublie quelque chose, et qu’on sait qu’oublier est une forme de condamnation - parce qu’ils vont parfois là où d’autres n’ont jamais foutus les pieds, dans les profondeurs des grottes que les autres n’ont jamais vraiment explorés. Ou ne sont point restés longtemps. C’était la partie qu’il préférait de ce travail - les explorations qui n’en finissaient plus, les possibilités que tout échoue parce qu’il manque un seul instrument. Relire les listes, les refaire une dizaine de fois la veille pour être sûr de ne vraiment rien oublier, apporter son carnet de terrain pour écrire toutes les remarques nécessaires - les fiches hydrofuges pour s’assurer qu’aucune information ne soit oubliée, ne soit négligée. Cayden savait préparer une expédition sur le terrain. Il n’aurait pas obtenu le poste qu’il occupe présentement si ça n’avait pas été le cas, après tout.
Les traits toujours aussi sérieux, toujours aussi figés - comme si son visage n’avait point esquissé de sourires dans les dix dernières années (et c’était très probablement le cas, à vrai dire); il observe les employés qui s’affairent à préparer tout l’équipement alors qu’il coche les cases - et leur vient en aide. Cayden n’était pas l’employeur qui faisait tout faire par les autres, non. Bien au contraire, il s’investissait autant qu’avant - avant qu’il soit le supérieur, qu’il ait d’autres tâches à faire. Il s’investissait autant que dans les années qui avaient précédés; jamais Cayden n’arrêtait d’aider, de fournir de l’énergie, de préparer les expéditions jusqu’à préparer les instruments, les calibrer, s’assurer que tout soit prêt et parfait pour partir. Il jette un regard à Ketty - cette personne qui fut autrefois sa supérieure et qui aujourd’hui occupe le même rang que lui dans un sens. C’était étrange. Étrange de se dire qu’en arrivant ici, elle pouvait le renvoyer. Qu’en arrivant ici, c’était à elle qu’il devait obéir - parce que c’était elle qui dirigeait. Il n’avait jamais eu l’intention de se rebeller ou quoi que ce soit de ce genre, bien entendu; seulement ça lui apparaissait comme presque nostalgique de se rappeler qu’il n’y a pas si longtemps, c’était toujours elle qui dirigeait les opérations dans lesquelles il participait. Mais plus aujourd’hui, non. Plus aujourd’hui.
Il lui fait un petit signe de la main avant de se mettre à enrouler les cordes, montrant à une nouvelle employée comment bien faire les choses. Dans tout le respect et la délicatesse possible, seulement lui montrer la façon de faire parce qu’elle est nouvelle et que c’est normal de ne pas tout connaître. Quand ce fut fait, il attrape son manteau - parce qu’il fait froid là où ils vont. « Tout le monde est prêt ? » Quand il eut la certitude que tout était bien préparé et qu’aucun problème n’allait survenir, il donna le “go”, ce fameux départ qui indiquait de dès à présent, tout pouvait arriver. Ils avaient tous leurs radios réglés au même post, mais suffisait d’une intempérie pour bloquer les communications, même si souvent - on s’entendait bien là-dessus, ils ne s’éloignaient pas trop les uns des autres.
Aujourd’hui, ils partaient à la recherche de traces possibles des pokémons légendaires - à commencer par ceux dont ils avaient eu vent après l’événement à Voltapolis, l’attaque terroriste à la centrale, il avait ressenti ce besoin de comprendre absolument tout ce qui entourait le tragique incident. Enfin, “incident”; on ne pouvait réellement qualifier une attaque terroriste d’incident. Disons uniquement que c’était le terme le plus facile à utiliser. Quand ils furent rendus sur le lieu de recherche, Cayden soupira légèrement. Le froid mordait déjà les joues du chercheur. Il posa le sac contenant la tente et les autres sacs sur le sol en faisant attention à ne point avoir de gestes brusques. Il ne faudrait pas que Vénus tombe de son épaule. Vénus avait toujours sa place sur son épaule pendant les expéditions terrains, quand il est dans son bureau à régler des problèmes administratifs ou quand il est au laboratoire à essayer de comprendre. Comprendre où elle peut être, comprendre qu’est-ce qui a pu se passer, ce soir-là, cette journée-là, il y a aujourd’hui désormais douze ans. Comprendre. Mais il n’arrivait pas à comprendre et ses propres recherches ne le menaient nulle part - il aimerait tant savoir. Il aimerait tant avoir des réponses aux questions qui flottent dans les airs, à ce fantôme qui continue de le hanter aujourd’hui, à l’ombre qu’il observe parfois tout près de son lit, à l’absence dans sa vie.
Vénus bouge légèrement sur son épaule et il hoche la tête. Ce n’est pas le temps de laisser aller dans des pensées, dans des questionnements sans fin. Il est en plein travail et il doit se concentrer. Son regard se pose sur Ketty pas trop loin et il s’approche légèrement. « Suis-je pessimiste ou est-ce certain que la tente sert aujourd’hui et que personne ne rentre chez lui pour dormir ? » Les recherches s’annonçaient aussi longues que désagréables dans le climat qui les entourait.
hold me closer and I’ll try to forget; If I take it too far, I will always regret
Un matin normal semblable à tant d'autres. Un matin normal avec une brise normale pour la saison.
Un matin où tu te lèves avec cette boule au ventre, ce stress latent depuis quelques jours et propre à chacun de tes départs sur plusieurs jours. Propre à chacune de tes absences qui dépassent un retour à 19h, cette heure fatidique du repas du soir, du coucher et des soins de ton père. Oh tu n'es pas seule, tu ne l'as jamais été, ton frère et ta soeur vivant sous le même toit, aptes et disponible pour te prêter main forte. Mais voilà, tu as toujours eu beaucoup de mal à laisser ton père et même si ces derniers temps tu commences à arriver à lâcher du lest, il n'en demeure pas moins ce petit pincement au coeur, ce noeud au ventre à chaque fois que tu dois t'absenter en dehors de tes heures habituelles.
Alors oui, ce matin est normal mais il y a ce petit mais de stress. Tout en buvant ton thé, tu repasses encore et encore la checklist destinée à la maison, redonnant les heures des repas, les quantités de chaque aliment, les petites habitudes, les choses à ne pas oublier. Oh tu sais bien que ce n'était pas foncièrement utile, ton frère et ta soeur savaient, connaissaient tout ça. Mais voilà, c'était plus fort que toi. Tu termines donc ta boisson aux plantes avant de regarder l'heure sur l'horloge. Il était tôt, très tôt mais tu aimais être en avance.
Pour un départ vers le nord et le froid.
Tu regardes ta propre liste, surveille et va aider au besoin. Tu ouvres une caisse avec du matériel du laboratoire, recompte le matériel présent et regarde ta liste annexe comportant l'ensemble du stock du labo. Hors de question d'amputer le laboratoire d'une trop grande quantité de matériel. Tu rattrapes in extremis une employée, un faux pas, qui aurait pu coûter la caisse et ce qu'elle contenait. Tu pourrais réprimander, à la place tu lui offres un simple sourire, très léger et un simple "faites attention", avec un ton aussi calme que doux. Ton regard croise celui de Cayden et tu répond par un sourire discret à son signe.
C'était assez étrange dans un sens, plus jeune que toi, arrivé après toi et déjà à cette place là. Pour autant jamais tu n'as eu la moindre mauvaise pensée, bien au contraire. De mémoire tu as d'ailleurs toujours veillé sur lui, poussé en avant, qu'il monte, qu'il aille où il souhaitait aller. Qu'il puisse voler de ses propres ailes. Tu le regarde aider une nouvelle et ne peux réprimer un sentiment de fierté avant de retourner aider la petite jeune qui avait manqué faire tomber la caisse. Etrange situation.
Puis il fallut partir.
La première chose qui te frappe sur les lieux c'est le froid. Un froid mordant. Tu ajustes ton manteau et baisses le nez sur Hydrogène, devenue feunard maintenant. Cette dernière était visiblement bien ravie du lieu de l'expédition. En même temps, la glace était son élément. Tu as également emmené Arsenic, la seviper blanche mais cette dernière reste au chaud dans sa pokéball. Tu poses à terre la caisse que tu tiens, contenant de quoi manger. Des ustensiles et aliments de bases mais nécessaires pour avancer sans perdre de l'énergie. Tu avais d'ailleurs bien veiller à ce point, jusqu'à avoir une liste précise des repas à faire, avec les quantités de chaque aliment, le taux de glucides, lipides et protéines à repsecter pour chaque repas. Et les rations pour chacun.
En espérant que l'exploration ne dure pas plus que ce qui était prévu.
Tu chasses cette sombre pensée de ta mémoire, aidée par le questionnement de Cayden arrivé à tes côtés. Tu tournes alors la tête vers lui et laisses un sourire très léger se dessiner, une mains se posant doucement sur son épaule.
- Les tentes serviront bien aujourd'hui. Il y a en plus un couvre feu, 19h précisément, pour le repas et tout le monde dans sa tente ensuite. Il y a une liste de pointage afin de s'assurer que personne ne manque à l'appel.
Sans compter l'interdiction de quitter le camp une fois 19h passé. Tu n'étais pas réputée pour être violente mais plutôt bienveillante et à l'écoute pour autant, désobéir avait quelques incidences un peu fâcheuses et tu savais parfaitement bien réprimander quand il le fallait. Les quelques rebelles qui ont voulu tester ton autorité à leur début on connu quelques désagréments glacials. Hydrogène, assise sagement à tes côtés, gardait un oeil sur le camp, te tranquilisant beaucoup.
Tu montres alors alors le sacs contenant la tente.
- Je vais t'aider à la monter, bouger nous réchauffera dans ce froid glacial et Cayden...je suis là.
Une simple phrase. Tu étais là, tu étais là avec ta loyauté et ta propension à ne jamais abandonner aussi bien tes pairs que ton travail. Une simple phrase pour lui montrer qu'il n'était pas seul et comme à ton habitude, tu veillais, sur lui et les autres.
Le froid les entourait, violent, insensible aux quelques plaintes presque inaudibles des travailleurs s’affairant à leurs activités. En demeurant debout, immobile, ses membres se retrouvaient engourdis, ankylosés, d’une froideur qu’on ne chassait qu’en bougeant. Pour autant, il ne bougeait pas - il gardait son regard assuré, son regard inquiet; souhaitant être certain que tout se déroulait sans le moindre encombre. Hors de question de devoir appeler les ambulances, hors de question de devoir rentrer sans un des membres de l’équipe. Cayden ne se pardonnerait pas ce manque de vigilance, même s’il avait conscience qu’on ne pouvait jamais tout contrôler dans cette vie, il allait toujours essayer. Vénus était bien calée contre son cou, loin d’être incommodée par la température qui mordait les joues, les rosissait sans égard aux envies de chaleur. Il avait doucement frotté la tête de la chenille de glace en se disant qu’elle devait bien être heureuse de se retrouver dans ce volcan, dans un élément qu’elle connaissait si bien pour en être composée - dans un climat qui lui allait à merveille, elle qui rechignait aux premières traces d’un vent plus chaud.
Malgré le froid, malgré la surveillance constante, malgré le travail qui se faisait, Cayden ne pouvait s’empêcher de se demander ce que faisait Callum et dans quelles emmerdes il s’était encore foutu. Il espérait que ce frère ne sonne pas à la porte d’un portail duquel seuls les aboiements des Démolosses et le cri de l’Airmure lui répondraient. Parce que Cayden ne l’avertissait jamais quand il partait sur le terrain, ne lui disait jamais quand ça pouvait prendre plusieurs jours. Il n’était pas à sa disposition jour et nuit, dans l’attente de sa présence devant la porte et des quelques mots échangés dans une froideur qui caractérisait aujourd’hui leurs échanges. Qu’il prenne rendez-vous comme on prend rendez-vous à la banque. D’une fortune héritée au fil du temps par les longues de travail, l’argent de poche de son enfance et les augmentations hautement méritées, Cayden avait forgé une maison, un sanctuaire pour sa propre sécurité. D’une fortune basée de prime abord sur quelques économies - ni pauvres ni extraordinaires, il en avait érigé maintenant un montant duquel se servait allégrement son frère. Mais malgré tous les soufflements du nez, les soupirs et les roulements de yeux; Cayden s’accroche aux visites impromptues de celui qui a été autrefois pion centrale de son existence, aux côtés de Célica.
Quelques sombres pensées chassées par le cri de cette chenille de glace qui t’accompagnait depuis quelques temps déjà ainsi que la voix de Ketty répondant à l’affirmation (davantage qu’une question). Il soupire légèrement avant de sourire doucement à Ketty. Tous deux ensembles, la sécurité de l’équipage était assurée et personne ne pouvait en douter, le remettre en cause. Un couvre feu à 19h était la meilleure chose à faire, permettant que les employés se reposent et s’alimentent bien. Surtout dans ce froid, l’alimentation était importante, il ne fallait pas que quelque perde conscience. Et le corps devait être en mesure de se réchauffer. De son regard curieux et doux, Vénus les observait sans bouger de sa position préférée, l’épaule de son dresseur. Il était évident qu’elle aimerait pouvoir venir en aide. Un jour, peut-être. Cayden n’était pas pressé. Qu’elle prenne tout son temps. C’était important. Il ne fallait pas grandir trop vite - il en savait quelque chose. « C’est l’heure parfaite pour un couvre-feu. Tu prévois toujours aussi bien les temps. On repassera deux fois plutôt qu’une sur la liste pour être certain de ne pas avoir sauté un nom. »
Son visage était demeuré impassible, mais Cayden était loin d’être serein à l’idée d’être à l’extérieur pour toute une nuit. Lui qui ne mettait pas les pieds en dehors de sa maison passé 22h, comment pouvait-il être d’accord avec l’idée de dormir dans la nature ? Pour autant, c’était le métier et il en était parfaitement conscience. Alors il fallait ravaler les inquiétudes et donner le sentiment que tout était toujours sous contrôle. Pour ne pas inquiéter et surtout ne pas perturber l’efficacité de l’équipe. Après tout, plus ils étaient efficaces, plus vite ils rentreraient. Il ne faudrait pas que l’expédition s’éternise trop et dépasse les temps prévus à la base. Il hocha doucement la tête à la proposition de Ketty - bouger pour chasser le froid qui les gagnait, sans que ce soit ne dérange Vénus ou Hydrogène, deux pokémons glaces. Ils étaient dans leurs éléments, eux. Et Vénus demeure bien calée dans le cou de Cayden, bien immobile. « C’est toujours plus pratique de la monter avant la tombée de la nuit, oui. » Il attrape le sac de la tente - lourd, mais supportable avant de se tourner vers sa collègue. Il n’avait pas prévu la suite de sa phrase. Un petit sourire s’affiche doucement sur ses lèvres.
« Merci. Je suis là aussi. » Tous deux, ils veillaient sur les autres; ils s’assuraient de leur sécurité, que rien ne puisse leur arriver. Tous deux, ils faisaient en sorte que les opérations se déroulent sans encombres et tous savaient que leur droiture et leur sérieux n’étaient plus à prouver. Ils n’étaient ni violents ni tyranniques, empreints d’une douceur pour Ketty et d’une sincère inquiétude de la part de Cayden. Mais en veillant sur les autres, ils veillaient également, finalement, mutuellement sur l’un et l’autre. Cayden était là également, et ne la laisserait sans aucun doute point seule dans la noirceur d’une nuit que trop menaçante. Il s’était souvent dit que c’étaient les enfants qui avaient peur du noir. Mais, avait-il vraiment peur du noir ? Il pouvait bien s’endormir sans lumière dans sa chambre, entouré des murs et des pokémons, d’un système d’alarme à la fine pointe de la technologie. Ce n’était pas le noir qui l’inquiétait, c’était la nuit, c’était la nature elle-même et les monstres qui peuplaient la terre, prêts à arracher n’importe qui à son foyer dès que l’occasion se présentait. Comme on l’avait fait avec Célica.
Il pose le sac devant lui, l’ouvre et tend les piquets à Ketty. La tente était grande, mais par précaution, il en avait amené deux. Sait-on jamais. Il attrape les arceaux en jetant un regard à Ketty. « Pendant que j’installe les arceaux à la toile, tu peux trouver l’emplacement adéquat ? » Aucun ordre, qu’une simple question. C’était libre à elle de choisir ce qu’elle voulait faire. « Ils sont chanceux, j’aimerais bien ne pas ressentir le froid comme nos pokémons. » Petit glapissement de la part de Vénus qui se sentit soudainement concerné. Il sourit doucement. Comme toujours - sans rire, sans sourire franc, d’un sourire vide, fané. Depuis la disparition de Célica, Cayden n’avait plus souri comme avant; toujours d’un sourire triste, d’un sourire évasif, absent. Depuis cette absence bouffante dans son quotidien, Cayden n’avait plus jamais ri.
hurting someone who will never suspect; Who isn’t even aware that you could be such a threat
Attentive, à l'écoute, discrète dans tes actions, dans tes mots, le visage bien souvent impassible, par moment éclairé par un sourire si faible qu'il pouvait paraître inexistant bien qu'un peu plus chaleureux depuis quelques mois déjà. Seul manquait encore à l'équation ton rire, encore plus rare que tes sourires.
Comme si la joie peinait encore à faire son chemin bien que tu tentes de travailler sur ce point.
Et il y avait des moments où tes lèvres arrivaient à esquisser avec une certaine facilité ce sourire léger, à la fois doux et chaleureux. Un sourire qui restait réservé à de très rares personnes, à de rares occasions, quand tu sentais que c'était nécessaire, comme là.
- Il y a de la place sur les feuilles pour y greffer une seconde colonne de pointage.
Et tu l'avais en parti prévu d'ailleurs poussant même ta réflexion à un pointage au repas puis une fois tout le monde rentré dans les tentes. C'est dans cette pensées que les mots de Cayden se frayent un chemin, esquissant en premier une expression de surprise puis un sourire léger. Tu n'aurais pas vraiment pensé avoir cet échange là, dans ce froid mordant alors que quelques flocons venaient s'inviter sur les lieux. Mais étrangement, ces simples mots étaient rassurant pas que pour toi mais aussi pour l'ensemble de l'expédition. Tu savais qu'avec le jeune homme les choses ne pouvaient que bien se dérouler et si veiller sur l'équipe était une chose, à travers ces paroles c'était aussi veiller l'un sur l'autre.
Et cette pensée suffisait à apaiser.
Mais l'heure n'était plus à la mélancolie et tu te saisis des piquets tendus par Cayden, hochant la tête avant de poser le regard sur Hydrogène puis Vénus.
- J'avoue....qu'elles sont bien chanceuses et je pense qu'elles apprécient aussi beaucoup.
Hydrogène laisse une mélodie sortir comme approuvant tes paroles puis tu pars en quête d'un lieu pour poser la tente. Tu analyses les lieux, la destination d'où souffle le vent. Ton idée étant de trouver un endroit suffisamment protégé du vent pour couper le froid, mais aussi un endroit qui pourrait faire "muraille". Tu jettes ton dévolu contre une paroi rocheuse de la caverne. Tu lèves le nez pour évaluer la distance avec le haut de la parois, tenter d'analyser le risque d'éboulement ou de pokémons sauvages.
Ta feunard se place doucement à tes côtés et génère un léger voile de brume, te rappelant que tu avais aussi ta petite équipe. Tu laisses encore Arsenic dans sa maison ronde mais te voilà plus sereine. Tu plantes donc les piquets dans le sol tout en veillant au positionnement de l'entrée, opposée au vent. Tes iris se posent alors sur le reste du campement pour voir à l'oeuvre le reste de l'équipe, également en train de monter les diverses tentes nécessaires pour ces quelques jours.
Ce village éphémère prenait doucement forme et tu regardes alors l'emplacement de ce qui deviendra une maison pour un petit temps. Puis un pli soucieux se forme à l'idée de laisser Cayden seul la nuit et tu finis par le rejoindre une fois l'emplacement délimité.
- Près de la paroi, on sera à l'abri du vent et un côté de la tente protégé par la roche. Si on s'y met tout les deux on peut organiser un roulement de garde pendant la nuit.
Les lieux n'étant pas réputés pour être les plus calmes, tu as tendance à vouloir prévenir que guérir et tu préfères de loin te charger de cette tâche et laisser les membres de l'équipe se reposer.
Cayden n’avait jamais aimé la nuit. D’aussi loin qu’il se souvienne, il n’avait jamais aimé quand le monde s’enfermait dans la noirceur. Toujours plus tôt lors de l’hiver. C’était le refuge des peurs, des cauchemars, le refuge des monstres. Alors quand Célica avait disparu de la surface de la terre sans laisser de traces, d’indications, c’était devenu le refuge de son fantôme et de l’effroi. Le refuge des disparitions et des catastrophes. Comment pouvait-il se sentir en sécurité quand le noir arrivait ? Il avait toujours pris pour habitude de le voir, quand il n’était pas entre les quatre murs de sa chambre, n’importe où dans sa maison, là où il savait que rien ne pouvait l’atteindre. Là où il savait que le danger était parfaitement écarté.
Il sourit légèrement à Ketty quand elle lui offre ce doux sourire - il ne pouvait s’empêcher de penser qu’elle devrait sourire plus souvent, plus franchement. Parce que ça venait faire étinceler ses yeux, et que c’était magnifique. Le bonheur devait l’illuminer - qu’est-ce qui l’avait volé d’entre ses mains ? Qu’est-ce qui lui avait retiré ce que lui-même ne possédait pas, ne possédait plus ?
Il hoche doucement la tête. « C’est parfait. » Elle était toujours aussi prévoyante, rien n’avait changé depuis leur dernière expédition. Concentré sur ce qu’il faisait pour tout bien installé, Cayden semblait presque oublié le froid qu’appréciait la chenille de glace sur son épaule. Vénus était toujours immobile, le regard qui se promenait autour d’eux, s’attardant parfois sur Hydrogène. Et lui, lui ne pouvait s’empêcher de se dire qu’en étant tous les deux, la sécurité de l’équipe entière était assurée. Ni Ketty ni lui ne laisseraient leur garde baissée, ne laisserait un problème arriver. C’en était presque rassurant de ne pas se savoir seul pour une fois, ce qui le poussait à apprécier les quelques expéditions que les deux pouvaient mener ensemble. Un peu moins de tension sur les épaules, un peu moins de pression, un poids de moins étouffant, pesant sur la cage thoracique.
« Hydrogène semble d’accord avec toi. Vénus aussi apprécie, même si elle reste sur mon épaule. » Vénus avait toujours apprécié le froid, les températures moins hautes - ce qui l’avait même poussé à diminuer le chauffage dans son appartement pour laisser une certaine froideur s’installe, amplifiant presque le côté austère de sa maison. Mais il y vivait seul, il n’y avait personne à qui ça pouvait déranger sinon lui - et ça ne lui dérangeait pas. Quand il a finit sa partie du travail, il s’approche de Ketty qui avait installé les piquets et commença à déployer la toile correctement, l’accrochant aux piquets. Bientôt, cette tente se dressait contre le vent, leur offrant un endroit où se reposer, un endroit où ils pourraient tous se couper du vent. « J’approuve l’endroit. Tu as bien choisi Ketty. » Se reposer sur la jeune femme pour prendre des décisions n’était pas du tout une mauvaise idée - après tout, il ne pouvait s’empêcher de se souvenir qu’il n’y a pas si longtemps, elle était sa supérieure. C’était bien que quelque part, elle avait ses preuves, pour arriver à ce rôle-là. Il pouvait le confirmer.
Il haussa légèrement les épaules en sortant une cigarette. Même en pleine expédition, Cayden ne pouvait cesser cette mauvaise habitude prise rapidement suite à la disparition de Célica. Fallait croire que son absence avait provoqué beaucoup de désagréments dans l’existence de ses frères sans même qu’elle ne puisse en avoir conscience. Est-ce qu’elle avait déjà parcouru cet endroit ? Il se demandait. Il se demandait si ses pieds avaient frôlé la neige froide de cette grotte, il se demandait. Est-ce que seulement son coeur battait encore aujourd’hui ? Que ferait-il si ce n’était pas le cas, que ferait-il si c’était le cas ? Il n’était même pas en mesure de le savoir, de l’affirmer avec la moindre certitude. Il pouvait juste dire qu’il allait chercher. Chercher sans cesse, à s’en épuiser, jusqu’à connaître le dénouement d’une histoire qui s’est déroulé, qui a débuté, douze ans plus tôt. « Je peux assurer la garde toute la nuit, je doute être en mesure de dormir. Tu pourras en profiter pour te reposer, toi. » Il savait, plutôt, que ses yeux ne se fermeront pas et que les ombres de la nuit allaient le pourchasser, que l’angoisse allait faire dérailler son coeur jusqu’aux lueurs du matin - qu’il ne pourrait que tenter d’apaiser le stress et les tremblements en empoisonnant ses poumons d’une fumée nocive.
« Quelle heure est-il ? » Combien de temps avait-il déjà passé ici, à chercher des traces de légendaires, combien de temps depuis qu’ils étaient arrivés, avaient décidé d’installer la tête qui semblait bien assez grande au final ? Combien de temps ? Cayden se le demandait. Il était clair qu’il allait aider Ketty à installer le repas lorsque ce serait le moment.
You don't know how beautiful The melodies are that you quietly sing That you think go unnoticed but i hear them And you know, doubt is your best friend
La nuit étend doucement son manteau sombre, piqueté d'étoiles et cette atmosphère si particulière à ce monde maintenant peint en noir. Tu appréciais beaucoup ce moment, où les ombres se fondent entre elles pour ne faire qu'un, où tu peux lever les yeux pour admirer la voute stellaire et ses lumières si lointaines, reflet d'un passé révolu.
Ces étoiles si chères au coeur de ton père pour être les guides des marins perdus en mer. Ces étoiles qui brillaient dans vos regards lorsque ta mère était encore là, stellaire à elle seule, votre soleil. Ce temps si lointain et si ton aquaphobie te minait beaucoup, regarder les étoiles arrivait à t'apaiser, encore plus depuis qu'Hydrogène avait grandit, offrant par moment sa petite touche personnelle pour rendre l'instant encore plus magique.
Enfin, l'heure n'était pas encore à la contemplation de la voute celeste, aussi te concentres tu sur ta tâche du moment, aquiescant aux paroles de Cayden.
- Les températures sont suffisamment glaciales, autant éviter de tomber malade en plus.
Même si, malade tu irais quand même travailler. Même si malade, tu n'arrêterais rien, comme si au final, seule la mort serait capable de te délivrer de cette routine. Triste pensée qui heureusement ne reste pas longtemps, trop de choses à faire, à chercher pour se permettre le repos du trépas. En revanche tu savais à quel point le sommeil était important aussi hausses tu un sourcil un peu inquiet à la réponse du jeune homme avant de dériver vers le campement.
Le sommeil était important, tu le savais, mais plus que tout, c'était aussi les décisions de chacun qui primaient. Tu pourrais faire une remontrance mais ce n'était pas toi. A la place, acceptant les décisions, tu venais veiller à ta façon, pour aider de ta touche discrète. Il ne t'en faut guère et tu sais déjà que tu iras préparer un café chaud et passer un peu de temps à ses côtés, non pas pour veiller sur les autres, mais sur lui cette fois, avant d'aller dormir par touche. Un regard sur la renarde et tu sais déjà qu'elle prendra ta place et tu lui souris doucement avant de reporter de nouveau ton attention sur le camp tout en sortant ton téléphone pour regarder l'heure.
- L'heure que tu fumes tranquillement avant qu'on aille préparer à manger, ne t'inquiète pas, une heure sera suffisante, le repas de ce soir est déjà près et en portion, il y a juste à réchauffer. Le temps de monter le campement, de s'installer, autant aller au plus simple et plus rapide pour aujourd'hui.
Tu laisses alors l'odeur de la fumée te chatouiller les narines. Étrange comme tu t'y es bien accommodée, jusqu'à apprécier le mélange de l'odeur de la nicotine à celle de Cayden. Un tout que tu aimais beaucoup ce qui te poussait à le rejoindre de temps en temps dehors lorsqu'il sortait fumer et que ta charge de travail te le permettait.
A bien y réfléchir, il y avait beaucoup de choses que tu appréciais chez lui.
Hydrogène finit par vous rejoindre et s'installe tranquillement à côté de toi, ton sac à ses pattes. Tu baisses les yeux dessus et finit par sortir la pokeball de la seviper.
- Arsenic, tu peux aller faire un petit tour d'observation et de reconnaissance s'il te plait ?
Tu laisses la seviper blanche filer et se fondre dans la neige, cette dernière partant donc en reconnaissance des lieux et s'assurer que rien ne rodait autour du camp.
- Comment s'organise t-on pour les recherches dans la grotte ?
Vous n'aviez pas forcément beaucoup d'indices et si avancer à l'aveugle était difficile, il fallait pourtant s'en accomoder. Tu as bien lu les rapports sur l'attaque de la centrale, en long, en large et en travers. Et tu devais bien reconnaître que la sitaution était plus compliquée qu'il n'y paraissait. Pour autant, il fallait bien commencer quelque part non ?
Il aurait fermé les yeux, se serait laissé bercé par le son du vent; Il aurait fermé les yeux, aurait accepté la présence des étoiles comme veilleuse - s’il avait été enfant. Des années auparavant, quand la nuit était son amie, que la noirceur n’était pas le refuge des cauchemars - que la noirceur était seulement intimidante, un peu effrayante. Avant Célica, il pouvait l’affronter. Jamais il n’aurait été serein de dormir à la belle étoile, mais ça n’aurait pas été un combat contre lequel il perdrait assurément.
Aujourd’hui, la noirceur était une ennemie qui provoquait quelques frissons impossibles à oublier et jamais il ne pourrait songer fermer les yeux, laisser le sommeil l’emporter, en dehors de sa maison protégée. En dehors de la sécurité qu’il s’est assuré de posséder, il ne pouvait reposer son esprit et son corps en paix. Hocher doucement la tête quand les paroles de sa collègue le ramènent davantage au moment présent. Même malade, Cayden irait travailler - même malade, Cayden continuerait de pourchasser un fantôme qu’il ne pouvait que frôler du bout de doigts. Sans cesse. Sans pause. I couldn’t stop at the red light
Quand son téléphone vibre, il regarde rapidement le message qui lui a été envoyé et soupire légèrement. C’était son application qui lui annonçait que quelqu’un avait été remarqué sur le terrain - très probablement rapidement chassé par les pokémons. Néanmoins, ce message fut rapidement relayé par un texto de la part d’un garde du corps confirmant que la présence à sa maison n’était nulle autre que Callum. Fermant l’écran de son téléphone sans répondre, il glissa l’appareil dans son sac en se disant que de toute façon, il était au travail, en pleine expédition. Callum pouvait toujours attendre pour l’argent qu’il était inévitablement venu demander, après tout.
Il était préférable de reporter son attention, toute sa concentration, vers Ketty. Préférable et de loin plus agréable. Entre les deux frères (pouvaient-ils seulement encore se nommer ainsi ?) demeurait une ambiance encore plus glaciale que la température qui les entourait. Encore plus glaciale que le vent fouettant le visage du chercheur alors qu’il affichait un léger sourire à Ketty. « Tout à fait d’accord. La santé des employés est entre nos mains. » Alors autant éviter de mettre la tente là où les courants d’air pourraient entraîner des problèmes - compte tenu de la température, c’était toujours la meilleure chose à faire. Ils étaient très souvent sur la même longueur d’onde, et ce n’était pas du tout désagréable. Bien au contraire.
Et c’est un soupir presque soulagé qui s’échappe, se meurt sur ses lèvres alors qu’il lève le regard vers Ketty. Elle avait tout planifié au niveau du repas - et lui, avait tout planifié au niveau des instruments. Leur duo était productif, efficace, et ensemble, ils pouvaient définitivement s’assurer que tout se passe bien - qu’il n’y ait pas de problème. Une pression qui s’effaçait, qui cessait d’exercer une pression sur les épaules de Cayden. « Tu es merveilleuse. » Jamais Cayden ne se perdait dans des explications interminables pas plus qu’il ne donnait des montagnes de compliments à la suite. Les phrases étaient très souvent concises, mais elles n’en demeuraient pas moins sincères. Parfois, peut-être même un peu trop sincères.
Vénus bien calée sur son épaule, immobile, observant l’endroit sans trop se faire remarquer, il continuait de fumer sa cigarette. Avec son équipe habituelle, il ne demandait plus si ça dérangeait, parce qu’il savait que ce n’était pas le cas. Au contraire, quand la tension semblait montée, les gens avaient tendance à lui dire de prendre une pause pour prendre le temps d’en griller une. « Tu as fait quoi pour repas, d’ailleurs ? » Question de curiosité, mais aussi histoire de faire la conversation. C’était toujours plus agréable de discuter et même si Cayden n’était pas maître dans cet art, il trouvait toujours plus facile, toujours plus simple, de tenir une conversation avec sa collègue. Même si, essentiellement, leurs discussions tournaient autour de leur travail, de l’expédition en cours ou de l’étude en cours.
« Je me suis dit qu’on pourrait commencer par recueillir quelques pierres et portions de la grotte pour les étudier en laboratoire. S’il y a eu passage des légendaires, normalement, on devrait être en mesure de trouver des traces de leur énergie. » Son regard se posa sur le campement et sur l’activité qu’il y avait déjà. Ils se lançaient un peu à l’aveugle dans une telle expédition et si ça n’avait pas été la première fois qu’ils procédaient ainsi, sans doute que le scientifique aurait été davantage incertain, un peu plus angoissé quant au déroulement des événements. « Ensuite… je t’avouerais que je cherche encore par où commencer. » Et si Cayden avait aussi cette envie de tout préparer d’avance, d’avoir un script parfaitement ficelé qu’il suffisait de suivre, certaines expéditions étaient plus floues que d’autres. « Et si on trouve une pièce de tissu ou n’importe quel objet… je le prendrais. » Peut-être que cette expédition mêlait les deux côtés de son existence : sa vie professionnelle et sa vie personnelle; entre la recherche des légendaires et celle de sa soeur, ou plutôt de ce qui est arrivé à sa soeur.
You don't know how beautiful The melodies are that you quietly sing That you think go unnoticed but i hear them And you know, doubt is your best friend
Le temps se suspend un instant, lorsque le compliment de Cayden se fraye un chemin jusqu'à tes pensées. Comme pour en apprécier la teneur, la simplicité, comme un don que l'on n'attend pas, que l'on espère pas mais qui offre bien plus de chaleur qu'un feu de cheminée. Et ce moment se fige dans ta mémoire comme une photo prise d'un instant hors du temps.
Juste vous.
Mais tu reprend vite le fil du présent, ne pas s'éparpiller, ne pas s'égarer au risque de perdre son équipe. Tu tournes alors la tête vers Cayden.
- Des portions de pâtes, quelques légumes et du tofu. Glucides, sucre lent, vitamines et minéraux, nécessaires pour affronter cette première nuit sans surcharger l'organisme d'aliments lourds ou trop riches. Chaque portion est placée dans une boîte, on a juste à allumer de l'eau et faire réchauffer au bain marie. Il y a quelques barres de céréales pour ceux qui auront encore un creux. Et bien évidemment de l'eau.
Revenir au sujet du présent à savoir le menu du soir que tu déclines d'une façon peu orthodoxe mais propre à la manière dont tu raisonnes. Tes paroles démontrent un certain soin apporté au moment clé du repas, signe également que tu y passes du temps toi-même, veillant à tout, de la qualité de chaque matière première au suivit d'une recette. Rigueur comme pour ton travail. Et dans le fond, cuisiner ressemblait fortement à la chimie ou à la confection des géloses.
Puis ton attention est vite absorbée par les paroles de ton collègue et ton visage se tend un peu.
- J'ai relu sans relâche les rapports. Ils sont malheureusement maigres en indices et informations. Autre qu'il est un légendaire de glace, il nous sera difficile de pouvoir le localiser précisément. Lokrigan. Autant commencer par un lieu logique pour eux. La grotte givrée est constamment sous la glace, je ne crois pas aux coïncidences et puis, d'après le rapport, ces créatures peuplaient le nord autrefois. Dans un sens, cet endroit est un point de départ.
Tu poses alors avec douceur ta main sur son bras, un sourire avenant sur le visage.
- Cayden, aucune sortie n'est vaine, peut importe ce que l'on trouvera. En attendant, il va être l'heure de préparer le repas. Ou du moins faire chauffer l'eau, le feu sera une bénédiction sous ce froid, à distance raisonnable.
Tes pas te mènent donc vers le centre du campement où se trouve un espace pour le feu. Un pokémon s'affaire déjà à allumer la flamme salvatrice dans cet enfer de glace et tu t'occupes donc de préparer ce qu'il faut pour faire réchauffer les portions. Hydrogène rempli une grande casserole de grêle qui se met vite à fondre une fois sur le feu, ta feunard prenant rapidement de la distance. Tu cherches alors du regard Arsenic et capte par moment ta seviper ondulant entre les différentes tentes et équipements.
Son souffle glacé qui forme une buée dans les airs - que Vénus observe de ses grands yeux curieux. Petite forme de vie dans une vie austère, dans une vie glaciale. À vrai dire, il n’y aurait pu y avoir meilleure présence pour accompagner les journées du scientifique. Après tout, le type glace représentait parfaitement les murs qui s’étaient érigés avec les années autour de sa personne, de son coeur. Cayden s’était isolé dans une tour faite de glace et de silence. Aujourd’hui, sa voix était entendue. Peut-être un peu trop souvent pour seulement énoncer des indications, seulement pour donner des ordres. Parfois même pour renvoyer quelques employés récalcitrants oubliant ce que la sécurité est. On ne rigolait pas avec Cayden; pas au sujet de la sécurité et tous savaient qu’il ne répétait pas trois fois une mesure de sécurité, encore moins un avertissement.
Vénus bougea légèrement sur son bras et Cayden hocha légèrement la tête en la prenant pour la déposer sur le sol, la laissant ainsi profiter de la température et de la neige. Tout en gardant un oeil sur la chenille de glace, Cayden écoutait attentivement ce qu’il y avait dans les plats apportés par Ketty. « Il faudra que tu me dises un jour comment tu fais pour préparer tout ça. » Parce que Cayden se nourrissait exclusivement de ce qu’on pouvait appeler des plats d’homme célibataire : des plats réchauffés au micro-onde - ou encore des livraisons de restaurant. Il ne savait pas cuisiner.
C’était assez ironique, à bien y penser. Il était un scientifique qui était parvenu è monter si rapidement les échelles, persévérant et qui ne lâcherait jamais un but fixé. Pour autant, il ne savait pas comment on faisait des crêpes alors qu’il suffisait de mélanger lait, farine et oeuf. Au moins, quand il commandait du restaurant, c’étaient des plats santés contrairement au fast food qu’affectionnait tant Callum. De l’eau, ce pourrait toujours être bien. Même s’ils ne travaillaient actuellement pas sous un soleil cuisant et une chaleur étouffante, le travail était épuisant et essoufflant, physique. Il nécessitait donc de s’abreuver et d’hydrater un corps qui avait cruellement besoin d’eau pour survivre. « J’ai hâte de manger alors ! Ça sonne vraiment bon tout ça. » Pas trop loin d’eux, Vénus s’amusait à créer davantage de neige et s’en recouvrir jusqu’à presque disparaître sous le blanc. Léger sourire sur les lèvres du dresseur (davantage chercheur que dresseur, à vrai dire) - ne laissant pas la chenille de glace échappant à sa vue. Il ne voulait pas la perdre. Il s’était un peu trop habitué à l’avoir tout près de lui, très souvent sur son épaule.
Et la tension qui revient, qui les accompagne, les entoure alors que Cayden aspire la fumée de sa cigarette en enregistrant toutes les paroles de Ketty. Lui aussi avec relu sans relâche les rapports, avec autant d’attention que les comptes rendus de la police concernant sa soeur. « Ça me semblait aussi être le point logique. Ici, ou n’importe où dans le nord, mais surtout ici avec la neige qui est toujours présente. Avec le Volcan que Mistral a enneigé il y a… un an ? Je ne me souviens plus exactement. Ils devaient avoir une idée particulière en enneigeant ce lieu. » Peut-être qu’il se trompait. Il n’en savait rien. Il osait seulement qu’ils ne fonçaient pas droit dans un mur. Il avait déjà passé des années, tellement d’années, à poursuivre un but sans la moindre idée de où il se dirigeait, poursuivre un fantôme qui s’évaporait dans un vide glacial.
« Elle sera vaine si on ne trouve strictement rien. » Cayden n’était pas le plus optimiste, parfois c’était même le parfait opposé. Pour autant, il hocha la tête en se relevant, jetant un regard à Vénus pour s’assurer qu’elle allait bien et qu’elle ne s’éloignait pas trop. Heureusement, la chenille de glace était toujours en train de s’amuser à faire de la neige. Comme s’il n’Y en avait pas assez. Cayden s’approcha du campement et réunit quelques bûches de bois qu’il avait pensé à apporter dans un des sacs. « Tu sais si on a des pokémons feu avec nous ? Les employés peut-être ? Ou on doit le faire à l’ancienne ? » Ce n’était clairement pas Vénus qui allait pouvoir vous aider à allumer un feu.
Soudainement, un des techniciens s’approcha du scientifique en s’excusant de les déranger, tendant une feuille trouvée lors enfouie sous la neige. D’une main ferme, Cayden la prit en remerciant le scientifique. Mais toute la fermeté de ses gestes s’évanouièrent quand son regard croisa les quelques lettres lisibles sur la feuille amochée par le temps. Elle était même déchirée par endroit. Il secoua la tête en allant rapidement chercher un ziploc et y mit la feuille, mais son coeur battait trop rapidement. Beaucoup trop rapidement. « Vénus aime vraiment la neige. » Et pour une fois, il parlait pour apporter l’attention ailleurs. Il refusait catégoriquement de parler de cette feuille.
Mais c’était son écriture et leurs noms. Cayden & Callum. Les deux seuls mots visibles sur une feuille presque inexistante.
Un sourire léger étire tes lèvres à la demande de Cayden. Cuisiner, c'était la même chose que la chimie en un sens, et un domaine où tu te débrouillais plutôt bien, un de ces moments de calme où tu n'avais que le repas à réfléchir, à préparer, simplement, dans le silence juste coupé par quelques morceaux de musique classique. Alors doucement tu baisses un peu la tête, laissant une légère teinte rosée colorer tes joues, facilement assimilable à la température basse des lieux.
Ce moment, tu ne le partageais pas forcément et pourtant.
- Avec plaisir. Et on va avoir un peu de temps pour le planifier.
Puis tu lèves tes iris vers ton collègue, ravie de le voir si enthousiaste à manger. Hydrogène de son côté s'était déplacée vers Vénus et surveillait la chenille de glace dans son jeu avec la neige. La feunard s'amusait à faire pleuvoir un peu de neige en plus tout en veillant. Le tableau était féérique dans un sens et si vous n'étiez pas là pour le travail, tu aurais pu assimiler cette scène à un moment de repos, presque des vacances.
Choses que tu ne prenais jamais sauf forcée et mise à la porte par ta propre fratrie. Bagage sur le perron et tout réservé pour t'empêcher un retour en arrière. Si tu essayais depuis peu de prendre un peu de repos de temps en temps, ils leur arrivait encore de te réprimander et te mettre encore un peu à la porte, au moins le temps d'une journée.
Et tu finissais à Nemerya dans les galeries ou à Windoria pour prendre un chocolat chez Amaury.
La discussion dérive ensuite sur le rapport d'après l'attaque. Comme bien souvent, ta propre réflexion rejoignait la sienne.
- Mmmmh, je n'en ai aucune idée. Il y a forcément une raison. Ces pokémons étant liés au passé de Lumiris, je ne serais pas étonnée que l'on truve des réponses en fouillant le passé de l'île et les lieux qui peuvent être rattachés à ces pokémons.
Cette affaire risquait d'être bien plus compliquée et longue à démeler, surtout avec l'implication de Mistral, et Hestia. Où allaient-ils ? Tout cela avait le don de t'inquièter pour les tiens et pour cette terre qui t'avais accueillie. Tu rives alors ton regard sur Cayden, laissant le poids de ses paroles te parvenir et reste un instant songeuse.
Tu étais du genre tenace et tu ne craignais pas vraiment de tomber sur un échec, au contraire, cela t'incitais à chercher plus loin, différemment. Tu regardes donc le chercheur ramasser le bois pour le feu et te lèves pour te diriger vers l'un des scientifiques.
Le scientifique obtempère et tu te tournes vers Cayden, le temps de voir une feuille passer dans ses mains, remise par l'un des leur. Tu restes muette sur le coup, une lueur d'inquiétude dans le regard devant le changement d'attitude. Pour autant, fidèle à ta discrétion, tu ne dis rien, ne relève pas et comprend qu'il faut rebondir pour porter l'attention ailleurs.
- Je me demande si on ne pourarit pas dédier une salle remplie de neige au laboratoire.
Tu surveilles en même temps le propriétaire de la goupelin, ce dernier allumant donc le feu à l'aide de sa pokémon. Tu files d'ailleurs ajuster les buches, prenant garde à ne pas te brûler et donne de suite les instructions pour réchauffer les portions. Tu ne perd pas de temps et dans la foulée, centralise l'attention de leur groupe sur le repas et tes ordres. Arsenic revient à tes pieds et tu comprend que tout va bien. Tu retournes donc de suite aux côtés de Cayden, un sourire doux sur le visage.
- Arsenic n'a rien noté de dangereux dans les parages. Le repas va être prêt, vient de te réchauffer et manger. Nous auront après le pointage à faire pour la nuit.
La solitude était brûlante, violente - la solitude était froide, prenant toute sa place. Dans la froideur d’un foyer ne contenant que sa présence et celle d’une chenille de glace - dans la froideur d’un foyer solitaire. Il y avait douze ans que plus rien n’avait jamais été pareil, douze ans que le rire ne s’était pas invité dans sa vie - douze longues années que les fêtes n’avaient plus la même saveur. De trois, ils étaient passés à un. Parce que sans Célica, il n’y avait plus rien. Un jour, tout avait disparu, tout s’était envolé, les cendres avaient recouverts une vie auparavant rythmée par les rires et l’extraverti.
Cayden n’avait plus jamais ouvert de cadeaux. Cayden n’avait jamais plus fêté quoi que ce soit.
La solitude avait recouvert son quotidien et ses parents n’avaient rien pu y faire, dans l’absence de réponses, Cayden avait perdu son âme. Aujourd’hui, il ne savait même plus comment faire. Il en avait oublié comment on respirait, comment on existait - à pourchasser indéfiniment des indices, des fragments d’une potentielle réponse. Et maintenant ? Maintenant que sur ce papier se retrouvait les fragments d’écriture d’une soeur qu’il avait auparavant connu, qu’est-ce qu’il allait bien pouvoir faire ? De marbre, il était resté, parce qu’il ne pouvait pas faire autrement. Parce qu’il ne pouvait s’abandonner à ses sentiments, à l’incertitude, à l’angoisse qui mordait son coeur, étouffait.
Il devait se centrer sur le travail qu’il effectuait et l’équipe qui attendait beaucoup de lui jusqu’à s’épuiser. Il devait se centrer et oublier les émotions jusqu’à les enfermer pour les faire brûler. Parce qu’il avait toujours fonctionné ainsi, Cayden. Agir comme si les sentiments étaient dérangeants pour essayer de survivre dans un monde où son angoisse commençait toujours à le faire vriller dès les premiers instants. Douze longues années depuis que Cayden se sentait enfermé, prisonnier, d’une cage qu’on ne pouvait décrire et d’un coeur aux palpitations bien trop présentes. La fumée de sa cigarette s’envolait dans les airs alors que la poudreuse créée par Vénus se rejoignait à celle d’Hydrogène. « Merci, Ketty. »Parce que Ketty avait accepté de lui apprendre à cuisiner. Et que Cayden ne pouvait que lui en être reconnaissante. Lui qui n’avait jamais appris. Peut-être n’avait-il pas voulu apprendre ? Cayden ne se souvenait même plus si ses parents avaient tenté, après l’absence de sa soeur. Parce que plus rien n’avait compté.
Sans Célica, ce n’était plus une famille - ce n’était que des esprits décomposés essayant de se retrouver. Mais Cayden les avait toujours aidé, il était revenu, il avait vécu Windoria - il avait vécu Voltapolis. Il avait toujours été proche, toujours dans la proximité des attentats de Mistral, au mauvais endroit au mauvais moment. Peut-être que ça expliquait cette fascination qu’il possédait envers ce groupe aux actes terroristes. Seulement, jamais Cayden ne pourrait leur tenir rigueur. Il n’avait pas d’animosité envers les vies volées; ce n’était pas celle de sa soeur.
Il avait eu la preuve qu’elle était vivante… mais il y a combien de temps ? Il allait devoir analyser ce bout de papier - il allait devoir passer des heures dans un laboratoire dans la solitude qui composait son existence depuis … douze ans. Cayden avait passé ses jours de fêtes dans le laboratoire, ses jours de congés également - il n’avait jamais pris de pause, il n’avait jamais fait autrement. Cayden avait fêté noël l’oeil sur le microscope, essayant de trouver les traces de légendaires, de confirmer des légendes, mais aussi… essayant de retrouver les pièces brisées d’une vie qui avait auparavant été joyeuse.
En vain.
Tout s’était encore jusqu’à aujourd’hui soldé par des échecs; et devant les apparences d’une existence réussie et rayonnante - Cayden essuyait les échecs encore et encore. Étrangement, Cayden pouvait comprendre Callum et la misère dans laquelle il se plongeait. Malgré les apparences, le scientifique n’avait jamais rien réussi en dehors d’études et de diplômes. Mais ce n’était pas assez - ce n’était jamais assez. « Le passé est toujours le point de départ. On va pouvoir trouver des renseignements potentiels à la centrale, après ici. C’est là où Hestia tenait leur laboratoire. » Cayden en savait quelque chose, du passé qui recelait les mystères, qui détenait la clé. Mais la clé qu’il pourchassait, il ne l’avait malheureusement toujours pas trouvé. Seulement une toute petite pièce, un tout petit indice. Ce n’était pas suffisant - ce ne l’était jamais.
« On pourrait utiliser mon bureau, il est déjà froid. » Cayden avait pris l’habitude de travailler dans le froid pour prendre soin de la chenille de glace qu’il observait présentement. Il fallait bien qu’il s’assure que Vénus ne soit pas en danger, elle était la seule qui était présent dans son quotidien - peut-être quelque part son amie. La toute première. Vénus était mignonne, à jouer dans la neige, et c’était amusant, distrayant. Il pourrait presque en oublier la situation et les pensées qui tournaient dans sa tête. Il se lève alors quand Ketty lui annonce que le feu est prêt en éteignant sa cigarette dans son cendrier portatif. Il refusait d’ajouter des déchets autour de lui - un tout petit peu écologiste dans l’âme. Mais pas trop, sinon il devrait abandonner les différents repas chauffés aux micro-ondes dans des contenants un peu trop nocif pour l’environnement et à usage unique.
« Elle sera longue, cette nuit… et on est jamais vraiment en sécurité. » La nervosité qui habitait son regard était difficile à effacer - et ce n’était pas nouveau. Quand la nuit tombait, Cayden était toujours plus inquiet sur les sécurités des autres - tous le savaient. Mais ils ne savaient ni l’intensité de l’angoisse qui le rongeait ni les raisons profondes qui expliquait une telle réaction. « Ça t’arrive, de te demander pourquoi tu as choisi ce métier et pourquoi tu continues de le suivre ? »
Spontanée, sans forcément réfléchir plus loin que la simple perspective de passer un temps particulier en compagnie de Cayden, un moment loin de vos obligations professionnelles, un instant où tu n'auras pas à penser à ta famille mais à toi. Chose rare et tu l'as découvert il y a peu, précieuse. Et sans forcément en prendre conscience pour le moment, partager un moment qui t'appartient avec une personne qui t'es chère, comme si tu te décidais enfin à ouvrir un peu la porte de ton domaine intérieur à un autre.
Tu lèves les yeux au ciel et sourit doucement tout en laissant quelques flocons venir refroidir encore plus tes joues. L'heure du repas approchait et avec lui le moment de pouvoir debriefer un peu sur la suite des opérations. Les pensées volages ne pouvaient demeurer trop longtemps dans ton esprit et tu te recentres très vite à la fois sur le repas approchant et la mission.
- Le Nord....c'est vaste. Ils peuvent être n'importe où, ici, vers le volcan, Ferranium, le Mont Yukori. J'ai l'impression de chercher une aiguille dans une botte de foin. Cette histoire me fascine et je me rend compte à quel point nous sommes ignorant de cette terre.
A travers tes paroles il était facile de déceler ton intérêt pour cette quêtes des légendaires, pour cette fouille du passé à la recherche de la vérité. Un intérêt qui s'affranchissait pour le moment de cette histoire entre Hestia et Mistral. Au jour d'aujourd'hui, tu n'y accordais pas forcément d'intérêt mais qui sait sur quelle route tu pourrais finir.
- Cette histoire me fascine....et tu sais....j'ai bien envie de découvrir tout ce que je peux.
Oh oui, tout ce que tu pouvais. L'odeur de nourriture chaude vient chatouiller tes narines et tu vas chercher vos portions, revenant les mains chargées et chauffées par le plat. L'odeur fait d'ailleurs gronder ton estomac et tu tend à Cayden le plat qui lui revient avant de prendre place à ses côtés. Tu reprend ainsi le fil de la discussion tout en dardant ton regard sur Hydrogène et Vénus.
- C'est vrai qu'il y fait froid mais, tu arriverais à rester sous des températures similaires à aujourd'hui sans tomber malade ?
Une forme d'inquiétude se fait entendre dans ta voix alors que tu manges en même temps. Inquiète ? Un peu, bien que l'idée de voir Cayden malade te semble impossible. Il était de loin la seule personne qui comptait vraiment pour toi si l'on enlevait ta famille et cette rencontre toute récente avec un jeune garçon à la peau dorée. Alors oui, tu lui portais une attention un peu particulière.
A ton seul et unique ami.
Tu sens d'ailleurs une forme d'inquiétude vis à vis de la nuit et d'une main tu viens la poser sur la sienne.
- Et je ne te laisserais sûrement pas seul. Je suis là...Cayden....
Un léger sourire se dessine sur tes lèvres puis tu reprend ton repas, laissant la question du jeune homme te parvenir. Et la fourchette se fige dans l'espace alors que les mots se heurtent à tes pensées. Ton regard se voile et le son des bavardages autour du feu se muent en son de sirènes. La blancheur de la neige et la lumière du feu se transforment pour devenir cette lueur bleue des girophares des secours.
Et les silhouettes présentent se fondent pour devenir la forme avachie de ton père devant un corps inerte. Puis le décors change et tu revois ce moment aux chutes, tu ressens de nouveau ce souffle coupé par l'eau alors que la noyade te guette. Et cette lumière providentielle qui te tires des flots. Ces mots qui sont sortis un peu plus tard.
La mer et l'eau.
Alors doucement ta fourchette se pose, doucement tu baisses la tête alors que le chaos de tes pensées se dissipe pour revenir au présent, une brise froide de neige tournant autour de toi comme un appel pour te ramener ici. Alors doucement tu rives tes iris dans celles du scientifique, comme on chercherait un point d'ancrage pour ne pas sombrer.
- Courir après le passé pour un fragment de vérité......peut-être que je fais fausse route......oui...il m'arrive de me le demander, de me perdre. Et toi ?
Ta voix est faible, comme celle d'une personne à peine éveillée, fébrile, comme sortant d'un cauchemars.
Vivre en dehors du travail, se mêler au quotidien d'une autre personne - quelque part accepter de mettre de côté toutes les décisions prises auparavant. Cayden avait clamé, pensé, depuis qu'elle n'était plus là qu'il n'avait plus besoin de personne, seulement de lui-même. Mais aujourd'hui, et dernièrement- depuis qu'il s'était retrouvé très régulièrement à travailler aux côtés de Ketty, il s'était dit que peut-être ; peut-être il pouvait. Peut-être que ce serait doux, dans son quotidien, une amitié. Une amitié avec quelques sorties - une personne dans sa vie autre que Vénus ; sa chenille de glace toujours amusée dans la neige, au loin, s'étant tout de même un peu rapprochée. Elle gardait un oeil sur son dresseur, après tout. Veillant mutuellement l'un sur l'autre. Mais dernièrement, Cayden se disait qu'une présence humaine dans sa vie - ce ne pouvait être négligeable. Excluant Callum. Quand les seuls moments où son frère lui parlait, c'était pour de l'argent, il ne pouvait parler de présence. Seulement de parasite (et pourtant, tout au fond de lui brûlait un amour certain pour ce jumeau).
Le froid les entourait - alors qu'il observait sa chenille de glace. Alors qu'il écoutait Ketty lui parler de son avis sur les légendaires, il fit signe à Vénus de se rapprocher. Il la préférait proche de lui - surtout que le soleil se couchait et que la voir loin de lui contribuait à l'augmentation de son angoisse. Souffler légèrement. Essayer d'ignorer le sang pulsant à ses tempes. Écouter Ketty et oublier que la nuit se déroulerait à l'extérieur - ce qui le dérangeait profondément. Mais c'était ça, le terrain et il comprenait la nécessité. Prendre sur lui était obligatoire, essentiel. Il ne pouvait pas faire autrement. Heureusement qu'on le connaissait comme étant professionnel et que personne ne doutait de sa capacité à garder son sang froid. Cayden avait fait ses preuves à la suite de toutes les expéditions qu'il avait organisé, géré - de son sens aigu de la sécurité des employés et de lui-même. Alors, quand on le couplait avec Ketty, personne ne craignait quoi que ce soit. Ils étaient sous de bons dirigeants.
"Nous sommes des poussières…" Dans cet univers, il n'était que des pions dilués - des pions qui se confondaient dans cet espace. Ils n'avaient rien d'important, rien de différents et pourtant - pourtant, ils essayaient de tout comprendre, de tout savoir. De pourchasser la vérité des légendaires sur Lumiris et les teams - les comprendre et dépoussiérer l'histoire de cette région qu'ils habitaient. Cayden n'abandonnerait pas. De toutes ses qualités, la persévérance brillait, se démarquait. Il n'abandonnait pas. Il ne connaissait pas ce concept, lui. "Mais je veux tout savoir aussi. Alors on va trouver, on va comprendre et découvrir. Les légendaires ne peuvent pas se cacher de nous très longtemps." Il lui avait lancé un regard dans lequel brillait la flamme de sa certitude. Cayden avait confiance. En elle, en lui, en eux. Il avait pleinement confiance.
"Il va falloir qu'on le découvre." Il avait doucement levé son regard sur le ciel les surplombant. Puis haussé les épaules. Il avait la chance d'avoir un système immunitaire fort. Cayden n'était jamais tombé malade plus jeune - jamais. Même pas un rhume. "Je pense que je serais bien. Le froid ne me dérange pas et je ne tombe pas malade en général. " Physiquement. Parce que s'il allait passer un examen psychologique dans un cabinet, ce serait une toute autre histoire.
Sa main sur la sienne et son regard qui se pose sur ce geste si tendre, si doux. Une tendresse dont il avait manqué depuis tellement d'années - cette tendresse qui avait quitté sa vie. Enfermé dans un silence et une froideur, dans sa chambre, sans rien pour briser l'isolement. Maintenant, il y avait Ketty. Il ne pouvait que se sentir reconnaissant envers la femme qui l'accompagnait. "La solitude ne me perturbe pas. J'ai l'habitude." Il l'avait subi, encaissé, recherché depuis douze longues années - depuis que les sirènes avaient hurlé afin d'accueillir leur retour des classes. Depuis qu'il avait perdu Callum en perdant Célica. La solitude, il ne la connaissait que trop bien. " Mais… merci." D'apaiser son angoisse et ses tourmentes, d'apaiser la nuit qui arrive, de lui tenir compagnie. Il ne pouvait que la remercier. D'être une amie.
"Je suis là aussi." avait-il murmuré alors qu'il lui semblait entendre les sirènes, les pleurs de parents désespérés. Il entendait - voyait sa mère serrer la main de son père; voyait le regard perdu de Callum et entendait la porte de sa chambre qui claquait. Leur monde avait volé en éclats. Sa fourchette n'avait même pas pris une bouchée de la nourriture de son assiette alors que son regard se perdait dans le vague. Alors que le passé le hantait - alors que la trace de Célica était revenue. Papier restant dans la poche de son manteau. Que faisait-elle ici ? Plus tard, il apprendrait qu'elle avait entendu parler des légendaires, plus tard il apprendrait qu'elle avait entendu parler qu'il les cherchait - alors elle avait espéré croiser sa route. Plus tard, il apprendrait. Pour l'heure, seules les questions demeuraient alors qu'il prenait une bouchée de son repas en écoutant les paroles de sa collègue.
Il avait cherché - cherché à se perdre. Se perdre dans les espoirs, les doutes, les appréhensions - se perdre à tenter de trouver des réponses indéfiniment. Il s'était paumé en chemin - en se demandant presque si tout avait un sens. "Je te retrouverais chaque fois que tu te perds, Ketty." Et il aurait pu dire qu'il n'hésitait pas. Il aurait pu dire qu'il savait et avait toujours su. Mais ce n'était pas le cas - et sa confiance en Ketty l'avait poussé à un peu d'honnêteté. " Moi… ? Je me suis perdu avant même de travailler ici. J'essaie de retrouver… quelque chose." Célica était la seule et unique raison pour laquelle tu travaillais dans un laboratoire. "C'est très bon, merci."
Le froid devait engourdir tes pensées, ta raison, ton aplomb que tu montres constamment. Il ne pouvait y avoir d'autre raison à ces mots murmurés, ces mots trahissant la tempête constante grondant dans ton coeur. Cette tempête que tu tentes depuis des années à masquer, à cacher aux yeux des autres.
Ce trou noir qui aspire ce que l'on nomme "vie".
Tu as fermé les yeux, laissant le froid venir engourdir et rougir un peu plus tes joues. Laissant ce trou noir aspirer lentement les traces d'un instant apaisé et te replonger dans la tourmente d'un passé sans réponses. D'un passé qui rythmait tes journées, chacune de tes missions, chacune de tes recherches jusque dans ta vie quotidienne, chaque fois que tu poses les yeux sur ton père. Bien que depuis le spectacle des étoiles, ce dernier semblait reprendre une forme de vie.
Tu t'égares un peu et ce sont les paroles de Cayden qui te ramènent au présent, tes iris se posant alors sur ton ami. Muette, tu n'arrives pas à articuler un seul mot, pourtant au fond de ton regard brille cette lueur, à la fois de surprise, d'espérance.
Et un sourire d'une infinie tendresse se dessine sur ton visage lorsque tu prend conscience de cette présence si importante à tes côtés.
- Merci..
Puis c'est à ton tour d'accueillir ses mots. C'est à ton tour d'être là, de lui montrer. Ses paroles semblent si similaires aux tiennes. Deux êtres perdus cherchant l'inconnu. Tu restes quelques secondes silencieuse, laissant tes pensées se poser. Puis tu baisses doucement la tête sur ton propre repas, cette légère chaleur dans tes mains.
- Cayden...Je ne te laisserais pas te perdre. Je te retrouverais, toujours. Et chaque fois que tu auras besoin, je serais là, pour te ramener, pour t'épauler. Peu importe ce qui se dressera sur mon chemin.
Tu n'as strictement aucune idée de la portée de tes paroles, pourtant tu sais à quel point elles sont sincères, à quel point tu crois en chacun des mots employés. Non, tu ne le laisseras pas, jamais.
Puis tu reviens à l'observation du camp, chacun de vos collaborateurs mangeant dans un joyeux bavardage, certains vous regardant, sachant qu'une fois terminé, il serait l'heure de rejoindre les tentes.
Le couvre feu approchait.
- C'est un plat relativement simple à exécuter. Je peux le programmer d'ailleurs, pour ta première recette à apprendre.
Simple, plutôt rapide à faire et surtout, possibilité d'en faire en portion et en quantité pour des moments où l'on ne souhaite pas se mettre aux fourneaux. Mais tout cela tu le gardes pour un prochain jour. Tu finis alors tranquillement ta portion. De nouveaux mouvements indiquant l'entrée de chacun dans leurs tentes.
- Je vais faire un premier tour de pointage. Prend le temps qu'il te faut.
Tu te recentres bien vite sur le présent, Hydrogène levant la tête puis se mettant debout. Ta fidèle alliée. Tu te lèves et pose un dernier regard sur Cayden. Attendrie avant de saisir ton porte document et y placer la feuille listant le personnel présent. Tu t'armes d'un crayon en bois et l'heure de vérifier que tout le monde est là sonne.