Debout face aux grandes portes du laboratoire Pokémon de Nemerya, solidement campée sur mes deux jambes, je regarde une fois de plus l'objet que je tiens entre mes mains. Ce n'est pas vraiment un objet, d'ailleurs. C'est un fossile. Un fossile que j'ai obtenu tout récemment, à Noël. Même si depuis son obtention plusieurs jours se sont écoulés, je n'arrive toujours pas à croire que moi, Zephyra, je possède un fossile Pokémon, alors que c'est si rare. Si l'on m'avait dit, quand j'étais plus jeune, qu'un jour je me retrouverais avec un fossile Plaque en ma possession, jamais je n'y aurai cru. D'autant plus que les Pokémon fossiles, c'était la spécialité de Kieran du temps où il vivait encore à la maison, et non pas la mienne. Je n'avais jamais compris son intérêt pour ces Pokémon d'un autre temps, qui aujourd'hui n'existaient que parce que des chercheurs avaient réussi à trouver ce qu'il fallait pour les ramener à la vie.

Mais aujourd'hui, je crois que je peux comprendre pourquoi ça le passionnait autant.

Mes mains tremblent, et je sens le contact froid et lisse du fossile contre la peau nue de mes paumes. Rares sont les personnes détentrices d'un Pokémon issu d'un fossile, enfin, à l'origine. C'est peut-être sans doute moins rare depuis ces dernières années. Des dresseurs spécialistes font des explorations dans le but d'en obtenir et de ramener ces Pokémon anciens à la vie. Kieran en faisait partie, puisqu'il souhaitait devenir archéologue. Pour autant, je n'ai jamais pu l'observer avec un quelconque Pokémon de ce type, ni même avec un fossile en sa possession. Alors qu'il en parlait à longueur de journée, avec cette étincelle unique dans son regard que je n'ai pu observer que chez des personnes véritablement passionnées par ce qu'elles font. Je me demande si moi aussi, quand je danse, j'ai cette étincelle. Le champion coordinateur Even l'a vue en moi, en tout cas. Et je dois dire que depuis notre rencontre inattendue, je songe à reprendre la danse. Pas jusqu'à m'en faire une carrière, je ne pense pas. Du moins, pas encore.

C'est d'une démarche décidée que j'entre enfin dans le Laboratoire. Je n'allais pas rester parquée devant durant des heures, ça aurait été beaucoup trop étrange, sinon. Si l'on m'avait dit, quand j'étais plus jeune, qu'un jour je me retrouverais avec un fossile Plaque en ma possession, jamais je n'y aurai cru. Oui, je me répète, je le sais. En revanche, si l'on m'avait dit que j'amènerai ce fossile dans un laboratoire pour le ranimer et faire revivre le Pokémon dont il ne subsiste que le vestige, j'en serai tombée par terre en étant certaine que cela n'arriverait jamais. Et pourtant je suis là, à quelques mètres de l'accueil, mon fossile Plaque bien serré entre mes doigts fins. Un fossile Plaque. Qui, une fois que l'éveil se sera fait, en espérant que tout se passe bien, donnera un Carapagos. Quand j'ai obtenu le fossile, je n'en savais rien. J'ai fait pas mal de recherche depuis pour avoir un maximum d'informations sur ce Pokémon. Parce que si Kieran me parlait souvent d'Arkéapti, de Kranidos ou encore de Dinoclier, Pokémon que je dois connaître aussi bien qu'Ayshee vu qu'il m'assénait les informations qu'il connaissait d'eux en boucle, jamais il ne m'a parlé de Carapagos. Peut-être qu'il ne connaissait pas ce Pokémon préhistorique, mais ça m'étonnerait. L'option la plus probable est qu'il l'intéressait moins que d'autres fossiles avec lesquels il me rabâchait les oreilles au quotidien.

Et pourtant, de tous, Carapagos est mon préféré. J'aime aussi beaucoup Amagara ou encore Ptyranidur, et même ces étranges Pokémon fossiles de Galar qui donnent l'impression d'avoir été assemblés n'importe comment. Même si Carapagos reste en tête de liste. C'est d'ailleurs une nouveauté, chez moi, de songer à d'autres Pokémon que ceux de type Spectre. Il faut dire que même si ce type est le premier dans mon coeur, je ne peux pas me limiter qu'à lui. Il y a plusieurs Pokémon que je trouve formidables et qui n'arborent pas ce type, à commencer par Ayshee. Mais bon, comme le type Ténèbres est mon favori après le Spectre... Bref, trêve de bavardages inutiles. Je suis là pour réveiller mon fossile. J'aurai tout le temps de songer à comment je compte agrandir ma famille en me trouvant de nouveaux compagnons plus tard.

Je m'adresse alors enfin à la dame de l'accueil en expliquant la raison de ma venue ici :

– Bonjour ! Je suis venue pour réveiller un Pokémon fossile.

Chose assez évidente puisque je tiens ledit fossile dans mes mains. La dame me conduit dans une salle spacieuse située au bout d'un corridor, un peu plus loin, où plusieurs scientifiques et archéologues s'affairent ensemble sur des tâches complexes dont je ne préfère même pas essayer d'en saisir le sens au risque d'y laisser ma cervelle. L'un d'eux s'approchent alors de moi, et en remontant ses grandes lunettes, il me demande de lui confier le fossile que je garde contre moi. Fossile que je lui tends avec plaisir et appréhension. J'ai à la fois hâte que ce Pokémon s'éveille, mais j'ai aussi peur que les choses se déroulent mal ou qu'ils décident finalement de le garder avec eux.

– Prenez en soin, s'il vous plaît.

C'est une évidence pour des chercheurs comme eux, mais je me suis sentie obligée d'ajouter cette phrase. Je sais pertinemment que leur objectif n'est pas de briser le fossile. Mais je veux vraiment que tout se passe pour le mieux. Je me dirige ensuite vers la chaise que lui et ses collègues m'indiquent, une chaise à l'écart pour ne pas déranger mais qui me permet tout de même de suivre le processus de réveil. Les battements de mon coeur s'accélèrent lorsque les scientifiques commencent leur tâche. J'aurai pu avoir Ayshee à côté de moi, actuellement, ou même Nâga. Fragment aurait été trop craintif pour accepter de rester dans un endroit qui lui est inconnu aussi longtemps. Mais non, j'ai choisi de vivre cette expérience seule. D'avoir un premier contact seul à seul avec ce nouveau Pokémon. En attendant, pour patienter, j'essaie d'imaginer si Kieran a déjà assisté à une opération de ce genre, lui. Peut-être. Sans doute même.

Enfin, au bout d'une poignée d'heures qui m'ont semblé être une éternité, les paupières lourdes trahissant ma fatigue et le dos endoloris ne pas avoir bougé de cette chaise pendant aussi longtemps, le scientifique à qui j'ai confié le fossile me rappelle. Je me lève d'un bloc, manquant de tomber à la renverse parce que mes muscles n'étaient pas prêts à bouger aussi rapidement et de cette façon. Je me dirige vers lui en tremblant de nervosité, alors que je devine un grand sourire derrière son masque et qu'il me dit :

– L'éveil a été un succès, tout s'est bien passé. Venez, que je vous présente votre magnifique Carapagos mâle.

Et c'est avec un coeur explosant de bonheur que je le suivis pour faire la rencontre de cet être nouvellement éveillé.