- Né dans la capitale de Lumiris, les lumières éclairaient la chambre d'hôpital, laissant miroiter la fatigue et le bonheur d'une mère, les cris tonitruants d'un enfant se répercutant contre les murs blanchâtres. Un père présent, venant délicatement prendre le poupon entre ses bras pour le regarder avec amour, félicitant sa femme d'avoir donné naissance à un si beau bébé, celui-ci même serrant ses petits poings.

- Gamin tenant entre ses petites mains un conte de fées parlant de multiples pokémons, se tenant dans l'embrasure de la porte, fixant de ses yeux tristes une énième dispute entre ses parents, sa mère hurlant à pleins poumons, son père tout autant, ne comprenant pas l'écho de leurs paroles. Ce soir non plus, ils ne lui liront pas ce conte, ce soir non plus il ne sera pas bordé une dernière fois. Il monta dans sa chambre, se réfugiant dans la cabane qu'il avait réussi à monter avec son père, heureux de voir qu'elle tenait toujours debout, se blottissant dans les coussins moelleux et ouvrant le livre sur la première page. Il ne comprenait pas encore tous les mots mais posa un petit doigt sur le premier mot en essayant de l'épeler pour le comprendre, entendant la porte de l'entrée claquait violemment tandis qu'une larme coulait sur sa joue. La dernière fois qu'il verrait son père.

- Les années avaient beau passé, sa mère ne se faisait pas une raison et continuait toujours de regarder la porte d'entrée dans le vain espoir de revoir son ex-mari rentrer chez lui. Elle avait beau l'appeler, le numéro n'était plus attribué et elle contenait ses pleurs qu'elle lâchera une fois dans sa chambre, comme chaque soir. Tu n'en avais que faire. Cela faisait longtemps que tu t'étais faits une raison, cela faisait longtemps que tu avais assimilé ce fait, qu'il ne reviendrait guère parmi vous. D'après ta mère, c'était un dresseur très fort qui parcourait la région pour obtenir des badges, de simples bout de ferraille pour prouver sa puissance. Ridicule. Il avait abandonné sa famille pour cette raison ? Et tous les autres enfants qui rêvaient de devenir des dresseurs dans ta classe. Ridicule. C'était complètement ridicule. Tu la remercias pour le repas avant de débarrasser la table, montant une à une les marches te menant à ta chambre. Dénué de photos de famille, de poster ou d'autre chose en rapport de près ou de loin à de l'amusement. Elle était sobre et parcourue de multiples ouvrages tous plus compliqués les uns que les autres. Regardant le centre de celle-ci, revoyant encore cette cabane que tu avais détruite dans un élan de colère envers ce père absent. Que c'était ridicule. Tu pris un ouvrage parmi tant d'autres avant de t'affaler sur ton lit, commençant la lecture.

- Ta mère devenant si envahissante et si surprotectrice que te prit l'envie d'aller te réfugier dans des endroits aérés, dépourvus de trop d'hommes. Heureusement, même la capitale comportait des parcs où tu pouvais aller te reposer, te posant à même le sol, ton dos contre un tronc d'arbre. Bien sûr, elle t'envoyait bien trop de messages que tu pris l'habitude d'éteindre ton téléphone pour ne point entendre le bruit de la réception d'un message toutes les cinq minutes. Les années avaient passé et tu étais un adolescent, atteignant presque la majorité de tes 18 années. Beaucoup de tes confrères, de tes camarades de classe cherchait un pokémon pour commencer leur aventure et partir explorer le monde comme jadis ton père avait fait. Ce n'était pas ce que tu comptais faire, loin de là, tu préférais te réfugier dans ce monde imaginaire qui te permettait de te détendre et de te faire ressentir des émotions diverses et variées. Peut-être était-ce dû à ce calme qui te caractérisait si bien qu'un pokémon osa venir se réfugier près de toi. Tu le dardas de ton regard dédaigneux, ne désirant pas devoir te coltiner une chose comme ça. Elle n'en avait que faire et curieuse, regarda les mots sur les pages blanches de ce livre. Tu refermas ton livre d'un coup sec et parti de ce parc aussi vite que tu le pus, le pokémon ne te suivant pas. Tu ne voulais pas d'un boulet entre tes pattes.

- Malgré le fait que tu sois allé en fac de lettres, tu t'ennuyais ferme, assis entre quatre murs, étouffant presque de toutes ses odeurs de transpiration incessante. Tu n'en pouvais décidément plus. Tu pris donc le courage d'arrêter tout cela et de travailler en tant qu'hôte de caisse, n'abordant point de sourire, te faisant enguirlander par ton supérieur. Tu avais longtemps pris ton indépendance mais tu allais de temps en temps passer un dîner avec ta mère, qu'elle ne s'inquiète pas trop, même si sa manie de t'envoyer beaucoup trop de message continuait. C'est donc sans surprise que tu sortis ton téléphone de ta poche en grommelant quand tu en reçus un, fixant sans intérêt ce qu'elle t'envoyait. Une offre d'un local coincé entre une supérette et un magasin de montres, dans une ruelle peu éclairée, dans cette ville bien trop grande. Tu lui répondis que tu irais voir sans grande conviction. Elle savait que tu souhaitais ouvrir une librairie pour être tranquille dans ton coin et elle remuait ciel et terre pour te trouver ton petit coin de paradis. Tu levas les yeux aux cieux, savourant l'air pesant de la nuit et les rares passants qui continuait à arpenter ses allées. La nuit était bien mieux que cette journée écrasante.

- Le coup de foudre était sans nul doute la tournure de phrases pour confirmer le sourire se répandre sur ton visage. Le local était composé d'un étage, le tout n'ayant pas beaucoup de fenêtres, dans une ambiance de poussière que tu approuvas. Tu savais que très peu de gens lisaient mais tu ne souhaitais nullement voir trop de personnes en ce monde. Alors quand on te demanda quel genre de librairie tu comptais ouvrir, un frêle sourire fleurit sur ton visage avant que tu ne sortes ce simple mot : occulte. Une fois la pancarte "Antre de Zoroark" accroché, tu pus savourer ce petit coin de paradis qui t'attendait, t'asseyant sur ta chaise bancale et grinçante d'un air satisfait. A quoi bon se débattre dans une vie si courte en allant explorer le monde pour juste finir par s'égarer quand on côtoie le paradis chaque jour ? Les hommes sont stupides.

- Même si cela faisait maintenant deux, trois années que tu possédais ta librairie et pour qu'une obscure raison tu aies à payer ce loyer si bas, tu aimais quand même sortir de temps en temps, laissant le soleil commencer à se coucher avant d'arpenter le parc désert. Tu n'avais pas spécialement peur malgré les bruits disgracieux qui pouvaient sortir des buissons environnants. Tu préférais t'assoir, croisant tes jambes avant de t'imprégner de ta lecture. Cela faisait plusieurs années que tu n'étais plus venu dans ce parc et c'est donc avec une surprise évidente peint sur le visage que tu crus reconnaitre le  pokémon. Ce pokémon. Une Bibichut. Elle te fixa, penchant la tête sur le côté, pensant te reconnaitre. Elle était mal en point, sa robe rosée tâchée de bout et de détritus. Tu aurais presque pitié d'elle, mais tu ne voulais pas t'encombrer de ces choses. Encore une fois, tu fermas ton livre d'un coup sec, te levant, prêt à déguerpir d'elle. Lâche qu'on aurait pu penser, tu étais juste désintéressé. C'est quand elle attrapa le pantalon ample que tu avais enfilé à la hâte ce matin, avec ses cheveux, sa perruque, ses choses, que tu reportas ton regard sur elle. Elle tapait du pied, comme si elle voulait quelque chose de précis. Sauf que tu ne parlais pas sa langue et tu ne voulais nullement la comprendre. Tu essayas de la déloger doucement et de plus en plus fortement quand tu compris qu'elle n'allait pas te lâcher. Fichu pokémon. Avec lassitude, tu finis par prendre entre deux doigts le bout de son chapeau, un air de dégout sur ton visage. C'est qu'elle ne sentait pas la rose. Tu repris la route vers ton appartement miteux mais qui te convenait très bien, la fourrant dans la baignoire sans ménagement. Avec beaucoup de grognements et de colère, tu la nettoyas jusqu'à ce qu'elle soit heureuse et t'éclabousse de mousse. Et qu'elle se dépêcha de venir mettre plein d'eau par terre. Madame n'aimait pas spécialement les bains. Tu la mis aussitôt à la porte, désignant du doigt l'extérieur. Claquant la porte sans ménagement. Jusqu'à ce que tu faillisses la percuter le lendemain matin. Elle était restée là. Tu rouspétas, prenant la direction de ta boutique, la chose te suivant. Diantre, allait-elle continuer longtemps ?

- Tu avais passé les 25 ans et Caprice s'était bien habitué à ta présence, à tes grognements et à ta colère flamboyante quand elle faisait tomber un livre. Elle avait fini par dénicher une ball et s'était emprisonnée dedans à ton grand désespoir. D'où l'avait-elle trouvé ? Tu t'étais donc retrouvé avec cette chose capricieuse qui n'en faisait des fois qu'à sa tête. Désireux de changer d'air, tu étais parti quelques jours à Mirawen, ayant entendu dire que la ville était magique. Tu comptais trouver des éléments de décoration pour ta boutique et surtout, le crâne d'un pokémon, ta mission en ce jour. Tu fixais les boutiques d'un oeil morne, n'aimant pas trop cette foule et Caprice tout autant, préférant se cacher dans sa ball quand tu laissas ton regard dériver. Remarquant un dos que tu connaissais bien, tu poussas les gens sur ton passage sans émettre d'excuses, te concentrant sur cet individu. Tu posas une main sur son épaule, espérant te tromper. Mais non. Il se retourna et tu reconnus son visage, ses yeux, les mêmes que tu possédais. L'âge avait fait fleurir des rides et des cheveux blancs et sa tenue laissait penser à croire qu'il était devenu pêcheur et non dresseur. Il fronça les sourcils avant de te regarder un peu plus. Tu le dépassais d'une bonne tête maintenant.

_ Casimir ?

Tu hochas la tête, n'ayant pas lâché son épaule, serrant même celle-ci un peu plus. Que fichait-il là ?

_ Lâchez mon père tout de suite !

Une jeune adolescente possédant les mêmes yeux que toi mais des cheveux d'un blond éclatant avait posé sa main sur ton bras. Tu fixas ton père intensément avant de fixer cette individu. Son père. Ainsi donc, il n'avait pas péri héroïquement comme le pensait sa mère mais il avait refait sa vie, ayant fui lâchement celle d'avant. Tu laissas un sourire de haine fleurir sur ton visage alors qu'il essayait de t'expliquer. Tu lâchas avec tout le mépris que tu pus un simple :

_ Pathétique.

Lui tournant le dos à lui et à cette gamine, à ce lâche, à ce père qui ne t'avait pas vu grandir et qui avait juste préféré recommencer à zéro, comme si la vie n'était qu'un simple jeu. Ignorant ses appels, fuyant cette ville maudite et repartant chez toi.

- Tu n'avais jamais dit la vérité à ta mère, malgré le fait que tu avais atteint les 27 années. Elle se demandait surement quand allais-tu toi-même partir loin d'ici, ce que tu ne ferais pas. Elle se demandait surement ce que faisait son ex-mari. Elle n'avait pas besoin de le savoir. Et tu n'avais pas besoin de lui dire. Quand la clochette retentit, tu ignoras superbement l'individu qui entra. Cependant, Caprice n'étant pas du même avis, elle te tira les cheveux et tu grognas, refermant ton livre si passionnant pour étirer tes jambettes et ton corps, venant te placer devant ce jeune homme. Il était maigre. Et petit. Et il avait une étincelle comme s'il cherchait le grand frisson de la vie. Un sourire méprisant que tu perdis aussitôt quand tu pointas de ton menton les rayonnages. Il ne comprit pas.

_ Pardon ?

Stupide en plus de cela. Tu laissas donc sortir de ta gorge ta voix.

_ Vous cherchez quoi ?

Et ce nigaud n'était rentré que par pure curiosité, surement aussi par ennui de voir le temps défiler. Tu laissas ton visage se fermer avant de revenir vers ton bureau, laissant tes fesses se posaient sur ta chaise, le dédaignant. Quelques minutes plus tard, la porte laissa entendre le son de la clochette. Il partait. Enfin. Tu pus continuer ta lecture, silencieusement, calmement, ignorant le monde agité autour de ton petit être.