Capricieuse, more like caprichieuse, ta Ponyta de Galar avait décidé qu'aujourd'hui, vous alliez au parc safari. Comment l'avais-tu su ?
Elle ne cessait de te ramener des brochures de l'endroit. Elle avait vu une publicité sur internet et, elle avait envie d'y mettre les pattes. Et qu'en était-il de toi, Abbie ?
Tu avais envie d'y aller, mais c'était loin. Tu vivais à Mirawen, ce n'était pas la porte à côté. Se rendre au parc safari nécessitait soit de partir très tôt, soit de partir la veille et de dormir dans une auberge. Tu avais choisi la seconde option, parce que tu n'avais pas vraiment la tête à te lever à cinq heure du matin, pas en ce moment.
Tu manquais de sommeil et tu avais besoin d'un peu de repos.
Mais tu voulais aussi faire plaisir à tes Pokémons, alors... tu allais combler le caprice de ton bébé Pokémon. Elle avait éclos de son oeuf tout récemment, et déjà, elle savait mettre son sabot à terre - elle n'avait pas peur du monde. C'était une princesse. Une reine, même. C'était miss Amaryllis, sa seigneurie, sa majesté.

Malgré tes tentatives pour te reposer davantage, Amaryllis t'avait réveillé à sept heure du matin. Tu avais gagné un bon deux heures de sommeil, mais ça me te suffisait pas. Ça ne valait clairement pas l'organisation orchestrée. Tu t'étais levée d'un mauvais pied, et tout semblais vouloir te démotiver à te rendre à destination. Ta chevelure ne voulait pas coopérer ce matin, tu t'étais résignée à te coiffer de deux tresses Kalosiennes, et ça t'avait pris au moins une demie heure. Tu n'arrivais pas à te décider sur les vêtements que tu allais porter ; tu voulais être présentable, tu voulais être jolie, mais le vent frais pointait le bout de son nez et tu ne pouvais te permettre de t'habiller en jupe. Mais avec un legging, ça passerait, non ?
Au final, tu avais opté pour une jupe en velour et des collants assez chauds pour te sentir à l'aise de sortir, un col roulé blanc et un manteau léger rouge à boutons. Tu avais un outfit d'automne parfait !

« T'as de la chance d'être mignonne, toi. Tiens, je t'offre ce chapeau rouge assorti à ma veste. Si tu refuses, on annule la sortie. Alors ? »

Avait-elle réellement le choix ?
Non. Ainsi, ta Ponyta et toi étiez prêtes à vous rendre au parc. Tu avais également trimballé Calluna et Ixia. Ta Guérilande elle dormait, comme à son habitude. Elle dormait environs 12 heures par jour. Parfois, tu te demandais s'il s'agissait vraiment d'un Pokémon floral, et non pas d'un félin. Ta Verpom quant à elle, c'était sa première sortie ! Tu l'avais capturé tout récemment dans la centrale électrique, lors d'un défi que t'avait lancé Oyaris. C'était... une sortie étrange. Très étrange. Mais tu étais ravie d'avoir trouvé Ixia pendant ton expédition. Elle était adorable ! Même si elle avait beaucoup d'énergie à revendre et qu'elle manquait de maturité. Il fallait qu'elle sorte un peu, la pauvre, elle ne connaissait que le bâtiment abandonné. Tu allais y remédirer.

Les pieds dans le parc, tu sentais cet air revigorant et cette flore locale qui semblait t'ouvrir ses bras. L'endroit était magnifique, et décoré à souhait pour Halloween. Tu ne regrettais pas ton voyage, même si tu avais forcé pour te lever. La journée s'annonçait pas trop mal, finalement...
Mais à peine deux ou trois minutes après ton arrivée dans le parc, tu t'étais fait heurter par un Sucroquin qui passait par là. Tu étais confuse... Les organisateurs du parc t'avaient assurés que les Pokémons étaient déguisés, afin de rendre hommage à la fête du trente-et-un octobre. Mais ce Pokémon ne portait aucun costume. Appartenait-il à quelqu'un ?

« Et bien mon petit bonhomme, tu t'es perdu ? Tu veux que je t'aide à retrouver ton dresseur ? Regarde, je te présente Ixia, elle est belle, hein ? Vous avez un point en commun, vous êtes tous les deux comestibles. »
C'était... une façon comme une autre d'essayer de le rassurer.
« Rassure-toi, je ne vais pas te manger ! De toute façon, j'ai déjà déjeuné ce matin. Enfin, j'ai juste mangé un mini croissant, mais quand même... » Tu n'améliorais clairement pas ton cas. Ceci dit, le Sucroquin semblait davantage intéressé par Ixia que par ton discours. Tant mieux, sans doute ?
Tu avais pris la décision de chercher n'importe quelle tête passante. Et lorsque tu avais entendu cette inconnue crier un nom dans le vent qui tournait, tu t'étais faufilée vers elle.

« C'est ça que tu cherches ? » Avais-tu dit en pointant le Pokémon qui te suivait encore. Tu avais immédiatement observé la chevelure rosée de la dresseuse. Tu ne pouvais t'empêcher de sentir ton coeur s'emballer. Cette personne... elle avait clairement bon goût. Tu étais ravie de voir que cette couleur était respectée par d'autres. Le rose méritait d'avoir un culte à lui seul. « Je te le rends pour dix millions de pokédollars ! »

Évidemment, c'était une blague.
Mais était-ce réellement une blague à faire, là ? L'avenir nous le dira.

Paniquée, la demoiselle en rose ne semblait pas écouter ce que tu avais à dire. Vexée, tu avais simplement soupiré. Enfin... c'était parfaitement normal qu'elle ne te calcule pas vu la situation ; sa Sucroquin était en train de s'enfuir avec Ixia.
C'était donc compréhensible.
...
Un instant...

« Hey ! Lâche tout de suite Ixia !!! Elle n'est pas comestible ! » De la fumée imaginaire sortait de tes narines alors que tu t'avançais vers le duo de Pokémons. Ta pomme ne semblait pas s'inquiéter de son sort, au contraire, elle prenait cela comme un jeu et... elle riait ? Du moins, c'est ainsi que tu interprétais les petits gémissements que tu entendais. Malgré tout, tu n'appréciais pas que ton Pokémon se fasse trimballer dans tous les sens par qui que ce soit. « Ceci est inacceptable. »

Tu avais arraché Ixia des griffes de la petite boule rose absolument adorable. Pouvais-tu réellement lui en vouloir ? C'était difficile, vu sa frimousse qui ferait craquer n'importe qui. Malgré tout, tu t'efforçais de conserver un regard sévère. Il fallait que tu sois crédible.

Pendant ce temps, Amaryllis était revenue vers avec un téléphone dans sa bouche. C'était le téléphone de qui ? Ce n'était pas le tiens, puisqu'il était dans ta poche. Tu ne comprenais pas. Puis, la Ponyta chromatique avait posé l'appareil téléphonique près d'un buisson, de sorte à ce qu'il soit vertical... et elle... faisait des poses ? Elle prenait des photos ? Non... en t'approchant, tu voyais qu'il y avait un live en cours. Tu n'avais pu t'empêcher de lâcher un rire nerveux et incontrôlable.

« Euh... excuse-moi, il est à toi ce téléphone ? Je pense que mon Pokémon est en train de te voler la vedette... »

Ça n'avait aucun sens. Et pourtant, ça ne t'étonnais pas de la part d'Amaryllis. Elle voulait à tout prix être le centre de l'attention ; elle aimait qu'on la regarde, qu'on la complimente et qu'on la chouchoute. Elle voulait que tout le monde sache à quel point elle était mignonne, merveilleuse, [insérer une liste d'adjectifs ici...] et au final, elle ne faisait rien de mal. Elle n'avait pas détruit le téléphone de l'inconnue, alors tu n'avais pas de raison de la réprimander. Tu t'étais même permise de saluer l'audience, avant de sortir du cadre pour t'occuper de ta Verpom. Tu voulais t'assurer qu'elle n'avait rien.

« Alors... mes dix millions de pokédollars ? »

Tu n'avais pas oublié ta rançon. Enfin, surtout... tu n'avais pas oublié que tes paroles avaient été ghostées. Ta blague était peut-être nulle et peu originale, mais tu méritais qu'on y réagisse. Certes... le Sucroquin n'était plus en ta possession, mais... Ce n'était qu'un détail.

Rassurée que ta Verpom aille bien, tu l'avais laissée quitter tes bras et, plutôt que de rejoindre son nouvel ami sucré, elle avait rejoint Amaryllis afin de faire des acrobaties dans le live. Décidément, tes Pokémons avaient décidés de s'improviser influenceurs aujourd'hui...

Ta blague te paraissait hilarante jusqu'à ce que tu comprennes que la belle inconnue te prenait au sérieux. Elle avait même vidé ses poches, te prouvant qu'elle n'avait pas d'argent sur elle. Tu avais la boule au ventre... Tu pensais qu'il était évident que tes dires n'étaient que des sottises.
« Ce n'était pas sérieux, tu sais ? Je ne compte pas te prendre tes pokédollars. Je ne suis pas comme ça ! C'était juste une... tentative de blague. Oublions ça. »

Tu avais tout de même la culpabilité qui te donnait un léger goût d'amertume sur le bout de ta langue. Parfois, avec ton mauvais caractère, tes blagues pouvaient passer inaperçues. Tu ne le réalisais pas vraiment, mais tu avais de la difficulté à gérer tout ce qui était humoristique ; dans ta tête et dans la réalité, ce n'était pas toujours la même chose. Tu t'étais approché du téléphone de ton interlocutrice afin de corriger ta bêtise. Tu étais dans un bon jour, aujourd'hui. Les planètes étaient plutôt bien alignées.

« Hey la commu ! Tout va bien, on essayait de vous divertir un peu. C'est que c'est plutôt mort dans le parc safari, en ce moment... »

Non, ce n'était pas vrai.
Il y avait d'ailleurs un duo de Polichombr déguisés qui était venu à votre rencontre. Cela aurait été sans doute plus intéressant à filmer... Enfin, tu n'en savais rien. Tu n'étais pas une habituée des lives, à vrai dire. Mais en regardant les commentaires défilant, quelques uns avaient attirés ton attention.

« Hey, c'est pas la fille de Elliot Bellamy ? »
« OMG c'est Abbie ! Elle fait de l'art floral ! »

Tu avais mis quelques secondes à réaliser que des gens te reconnaissaient. Tu n'avais pas une énorme communauté sur les réseaux sociaux, en réalité, la majorité de ta visibilité te venait de ton père, puisque tu étais son modèle. L'art floral était encore méconnu et percer n'était pas quelque chose de très simple. Et pourtant... toi et l'autre demoiselle aux cheveux roses aviez des abonnés en commun. Tes joues s'étaient teintées de roses et tu n'avais pas su comment réagir. Tu avais préféré te retirer de l'écran, laissant les Pokémons faire leurs acrobaties.

Et tu avais rapidement rejoint la jeune femme qui faisait face aux deux chiffons volants.

« Comment tu t'appelles ? » Avais-tu demandé, presque dans un murmure, la tête baissée. Tu avais ensuite relevé le regard, tout doucement. « Moi c'est... Abigaëlle. Désolée pour tout à l'heure. »

Tu ne savais plus où te mettre.
En réalité, tu avais envie de disparaître, là, tout de suite. Il y avait trop de choses qui s'entremêlaient dans ton esprit ; tu étais perturbée. Tu espérais que cet étrange sentiment allait déguerpir au plus vite.

Sa voix tremblait. Ses yeux criaient. Il y avait quelque chose chez cette jeune femme – des secrets, des démons, sans doute. Tout du moins, quelque chose chez elle te donnait envie de faire preuve de douceur. « Pardon. » Tu ne t'excusais jamais, parce que ton orgueil ne te le permettait pas. Même lorsque tu étais en tort, tu trouvais des excuses. Tu ne comprenais pas pourquoi cette rose n'avait pas compris ton sarcasme, ton second degré – ton premier réflexe serait de penser qu'elle se moquait de toi, mais elle semblait sincère. « Je ne le ferai plus alors. » Tu parvenais à sourire. Ce n'était pas un sourire sincère mais c'était un sourire.
Il essayait de paraître rayonnant.
Mais il était confus. Il était troublé. Ton but n'a jamais été de blesser volontairement les gens, pas vrai ? Tu le fais sans cesse, inconsciemment, mais ce n'était pas voulu, pas vrai ? L'était-ce, parfois ?
Aujourd'hui, ça ne l'était pas.
Marguerite était de ces personnes que tu voulais protéger, même lorsqu'il n'y avait pas le moindre danger.

Calluna le sentait, elle aussi. Elle s'était réveillée et de ces frères pétales, elle s'était posé dans le cou de ton interlocutrice. C'était sa façon à elle de protéger les autres. Guérilande – elle guérit, elle revigore.

« Elle veut être ton amie. » Ce m'était pas exactement ça, mais c'était sans doute plus facile à comprendre. Calluna croyait qu'elle avait des capacités salvatrices, elle se prenait pour un ange gardien, parfois. Mais la plupart du temps, posée sur vos épaules, elle fera un somme.

« Ils t'appelaient ? Comment ça, ils sont morts ? »

Pour le coup, ce n'était même pas du sarcasme. Tu posais juste des questions débiles, parfois. Souvent.
Et tu ne réfléchissais pas avant de parler. Tout le temps.

« Ou alors, toi aussi... tu... » Avais-tu murmurer, sans finir ta phrase.

L'abandon. La sensation de ne pas suffire. Ce sentiment poignant et désagréable qui te prend à la poitrine et qui te fait souffrir. Ils sont partis.
Ils sont tous partis.
Ils sont partis au moment où tu avais besoin d'eux.
Pourquoi ? Pourquoi...

Et les larmes s'étaient mises à monter.
Menace déferlante. Et la honte.

Ne pleure pas.