Les rues d’Artiesta n’était pas très agité en cette matinée tranquille. Captive d’une certaine routine, Camille déambulait tranquillement dans les rues, en direction de son petit déjeuner. La crêperie au bout de la rue était tout à fait à son goût. Rien de tel qu'une bonne crêpe pour prendre des forces accompagnées de trois boules de glaces, vanille, fraise et chocolat avant une bonne journée de travail. Depuis qu'elle préparait son show de magie à Artiesta, Camille y venait chaque matin pour y passer la même commande et y boire un verre de jus d’orange.

La magicienne louait un petit appartement tout équipé, avec une cuisine à faire baver de nombreux cuisiniers amateurs, et à en enrager encore plus s’ils savaient que la jeune femme ne cuisinait très peu, voir même jamais. Chez elle, c’était Iris qui s’occupait de ce genre de chose, ainsi que de beaucoup de chose. La jeune femme ne se rendait pas compte de la charge qu’elle faisait peser sur sa meilleure amie qui ne se plaignait jamais. Iris ne demandait rien à Camille que des tâches simples et la jeune femme n’avait même pas la présence d’esprit de se proposer pour l’aider.

Sans la contrainte de devoir se faire à manger, Camille ne se donnait pas la peine de se préparer de petits plats, si bien que matin, midi et soir, elle faisait fonctionner l’économie locale et plus exactement de deux restaurants, en ne se nourrissant que là. Elle n'avait pas besoin de plus, car il était rare qu'elle mange le midi.

Prise dans la préparation de son nouveau spectacle, la jeune femme ne voyait jamais la journée passer, enfermée qu’elle était avec ses Pokémons et techniciens, dans une salle sans fenêtre. Elle travaillait sans s’arrêter, ses tours de magies, l’éclairage, ses pas de danse, son matériel, le dressage de ses Pokémons. Les autres pouvaient souffler, mais elle ne cessait de passer d’un élément à un autre. Elle était toujours inquiète des moindres détails, à regarder au-dessus de l’épaule des techniciens, de vérifier derrière eux, faire des aller-retours sur scène pour s’assurer de la qualité de l’éclairage, se filmant pour avoir un retour visuel.

De l’avis général, travailler avec, ou pour, elle était une grande expérience, un délice et un cauchemar. Camille était adorable et insupportable, mignonne, douce et attentionnée, exigeante et intransigeante et incompréhensible. On oubliait vite qu’elle avait un moyen de communication peu usuel, car pour toute parole, la jeune femme utilisait des signes. On oubliait donc vite cet élément devant son caractère tatillon, à régler le moindre détail au centimètre. Un caractère tellement poussé que cela en devenait grotesque, la faisant passer pour une folle. Mais on aimait travailler pour elle, car ses exigences avaient pour effet de créer un monde magique et de rêves dont on était fier. Un univers qui empaumait le cœur, et pousser à dire : j'y étais et je l'ai fait.

Marchant dans la rue, Camille se rendait donc à la crêperie pour prendre son premier repas avant d'aller à la salle de spectacle. Elle avait déjà sa tenue de magicienne, ses cheveux et yeux bicolores et Milo son Evoli à ses côtés. L'extravagance ne passait jamais inaperçue et après quelques jours, le personnel du restaurant savait, en la voyant s'installer ce qu'il fallait lui préparer. Comme dans une comédie romantique, on lui demandait si elle prenait comme d'habitude et elle, répondait toujours d'un signe de tête. Camille était une femme d'habitude, qu'un rien effrayait. Elle avait besoin d'une routine pour se sentir à l'aise et sa routine n'était pas difficile à construire.

La rue était calme comme tous les matins. Camille venait très tôt car on lui avait toujours dit que le monde appartenait à ceux qui se levaient tôt. Elle ne savait pas si c'était vrai, mais elle savait qu'elle avait toujours trop de choses à faire et jamais assez de temps. Depuis toujours, sa grand-mère répétait que Camille était une vraie magicienne, parce qu'elle était à la fois à la forge et au moulin , bien que la petite citadine qu'était et est toujours Camille ne comprenait. C'était une vieille personne qui ne s'intéressait pas vraiment au concours en dehors du fait que c'était joli. Camille avait vite découvert que l'intérêt de sa grand-mère était polie, l'intérêt qu'une mamie porte sur les passions de sa petite-fille sans vraiment comprendre.

Dans la morne ambiance de ce début de jour, le jus d'orange et la crêpe furent accueillis avec enthousiasme par la magicienne. Elle appréciait la simplicité de ce plat, la simplicité en règle générale. C'était rassurant.

Son calme matinal fut vite interrompu par un importun qui vint l'importuner. Dans son uniforme, l'air sérieux, un homme s'avança de la vitre de la crêperie pour regarder à l'intérieur avant que son visage ne s'illumine d'une grande certitude. Manifestement, l'agent de police avait aperçu quelqu'un qu'il connaissait à l'intérieur et entreprit de la rejoindre. Camille, à l'abri dans son monde, ne le vit pas. L'homme marcha à travers la petite salle et Camille sentit le poids d'un regard sur elle. Relevant les yeux, elle vit que le policier la regardait avec un sourire bête. Il resta là à la dévisager sans rien dire, comme s'il attendait quelque chose de Camille, ce qui irrita la femme. Ils restèrent [/b][/color]immobiles[/b][/color] à se dévisager, l'une fronçant les sourcils de méfiance et l'autre avec un sourire idiot et louche.

Elle sentait venir une discussion gênante avec un inconnu, alors que Camille avait d'autres Miaouss à fouetter. Elle n’avait pas envie de discuter avec quelqu’un qui l’avait reconnu. Pas ce matin. Elle savait que c’était le risque quand on se déplacer déjà en tenue de spectacle pour justement, essayer de garder son anonymat au maximum, mais en général, les gens n’osaient pas lu parler. Camille devinait chez l’homme une fascination, ou attraction pour elle. Elle aurait voulu qu’il disparaisse et ne soit jamais entré. Finalement, l’homme se mit de nouveau en mouvement pour venir l’accoster.

La magicienne avala la dernière bouchée de son petit déjeuner, vida son verre de jus d’orange et se leva. Avant que l’homme puisse dire quoi que ce soit, elle leva une main impérieuse et la coupa de son élan. Sans autre signe, et sans un bruit, elle se dirigea vers la sortie, luttant pour ne pas s’enfuit en courant. Elle craignait que l’homme insiste, refusant de se faire planter. Mais finalement, elle put remonter la rue sans autre soucis.

Elle passa devant une patinoire temporaire, sorti à l’occasion de l’hiver et s’y arrêta un bref instant, pour contempler la glace encore vide de monde. Elle se demanda si elle aurait l’occasion d’y passer le soir, pour se détendre. Elle regretta comme tous les matins de ne pas avoir pris ses patins ce qui l’empêchera d’y aller le soir. Hors de question de porter des patins d’un autre maintenant qu’elle avait les siens. C’était bien trop sale pour elle.

Elle reprit sa route, jusqu’à sa répétition. Lorsqu’elle entra dans la salle, ce fut pour entendre des voix s’élever. Sur la scène, deux techniciens se prenaient la tête, Camille comprit qu’il s’agissait d’une histoire de visseries. La magicienne était tellement exigeante sur le matériel que le personnel technique se disputait car les vis n’avaient pas la bonne taille ou la bonne tête, de ce que compris la jeune femme, alors qu’elle avait demandé des éléments précis. Elle aurait pu régler le problème mais elle avait autres chose à faire.

« Des vis à hexagonal, ça se ne trouve pas sous le sabot d’un Bourrinos. On a des têtes plates, ça suffira simplement. Pour ce que ça change. »

Ainsi la discussion s’éternisa loin de Camille qui allait en coulisse voir si elle avait bien reçu tous ses accessoires. Elle ne sut jamais comment ce fut réglé. Mais elle eut des vis à tête hexagonale, là où elle les avait demandées. Dans une large caisse, elle trouve du matériel pour ses nouveaux tours. Chaines, menottes, cadenas et liens divers, pour un tour intense, où Camille, attachait, se jetterait dans une cuve d’eau verrouillée et dont le dénouement serait la disparaitrait de la magicienne et sa réapparition ailleurs, en moins d’une minute.

Il y avait aussi ses nouvelles tenues de scènes et elles étaient nombreuses, diverses et hétéroclites, multicolores et fragile. Tout ça pour des changements rapides de tenues, une fraction de seconde, un instant d’inattention sur scène, un passage derrière un drap, un mouvement de hanche, un rien et la magicienne pouvait se retrouver en robe de soirée sur scène, l’instant d’après, en pantalon puis en jupe, puis de nouveau en robe. Rapide, imperceptible.

Elle retrouva aussi quelques nouveaux accessoires pour ses plus anciens tours. Pas de cartes, même enfant, Camille trouvait que ces tours de passe-passe ne casser pas trois pattes à un Couaneton. C’était mathématique ou de l’esbrouffe. Ces tours marchaient surtout quand on était né de la dernière pluie. Camille leur préférait des tours de disparation, d’escamotage, d’illusion et d’évasion. Elle était très douée dans ces parties. Elle en faisait sur scène, mais aussi dans sa vie cachée, vidant les poches des différentes personnes. Mais ces tours, bien qu’étant sa signature et ses favoris, commençaient à faire vieillot et demandaient une remise à neuf. Elle se fit la remarque qu’au début de sa carrière, il y a à peine cinq ans, ses tours avaient soufflé un certain renouveau du style et lui avait permis une évolution rapide dans le monde du spectacle. Elle espérait encore en tirer quelque chose sous cette forme, mais elle savait qu’elle allait devoir bientôt se renouveler.

« Tout va bien Madame ? » dit une voix derrière elle.

Camille sursauta comme une enfant surprise en train de fouiller là où elle ne devrait pas. La voix était douce, légèrement timide et intimidé. C’était un jeune homme, courbé sous le poids de sa gentillesse, caché un carnet, comme craignant que son existence même puisse gêner. Il n’était pas spécialement beau, avec un visage probablement à l’origine de l’expression que seule une mère pouvait aimer. Il aurait pu être beau s’il n’avait pas eu, parait-il une maladie étant nourrisson. Aujourd’hui, il avait le visage grêlé de petit trou, comme si on s’amusait tous les matins à lui mettre de grosses épingles dans les joues. Mais il était gentil, prévenant et complètement dévoué à Camille, ce que la magicienne reconnaissait mais pas forcément à sa juste valeur. Elle ne voyait pas l’admiration presque religieuse qui brillait dans les yeux du jeune homme lorsqu’elle lui souriait ou lui faisait un simple geste de la main. Il n’avait pas non plus osé lui dire qu’il avait appris la langue des signes pour la comprendre, par timidité mais aussi par peur d’être ridicule, de faire des erreurs et de perdre cette proximité qu’il avait avec son idole.

La jeune femme lui sourit en hochant la tête, il y avait tout ce qu’elle avait commandé et il ne restait plus qu’à tester que tout fonctionner correctement. Il ne faudrait pas que par maladresse, la jeune femme se retrouve vraiment coincée dans sa cage de verre remplit d’eau sans pouvoir en sortir. C’était un impair qui pouvait mener jusqu’à la mort du magicien, transformant un spectacle vivant, en un spectacle mort.

Le dévot s’approcha doucement de Camille pour lui tendre une lettre. Encore dans l’enveloppe, il savait pertinemment ce qu’elle était. L’écriture était manuscrite, soignée mais assez grossière, et on pouvait y voir les efforts mis pour donner pour impression. Il avait du mal à contenir des trembler tant ses muscles étaient tendus sous l’agacement. Une lettre de fan, que Camille lira certainement, s’imaginait-il. Dans ses pensées, il voyait la magicienne installée sur son lit, à lire les lettres qu’elle recevait, et à leur répondre, à eux, qu’elle ne connaissait pas et qui n’avaient rien fait pour elle, sinon écrire une lettre. Ils ne la connaissaient et ces inconnus ne voyaient qu’un lointain fantasme en Camille, une star, peut-être même un trophée. Mais lui, lui la voyait tous les jours, il connaissait ses habitudes, il comblait ses besoins avant qu’elle ne les ait. Il l’admirait pour la personne qu’elle était sur scène, mais aussi derrière, dans les coulisses et il la vénérait pour la personne qu’elle était aussi quand les couleurs tombaient.

Il rêvait, qu’un de ses quatre matins, il ait assez de courage pour aller la voir et lui parler. Selon le rêve, il la retrouvait à la crêperie où elle prenait son petit-déjeuner, tous les matins, ou alors le soir, alors qu’elle se rendait à son restaurant, le serveur lui annonçait que sa table était prête, et que lui, zélote zélé, s’y trouverait déjà pour l’accueillir et lui tenir compagnie. Il se voyait aussi sonner chez elle, pour la trouver seule et triste, heureuse d’avoir quelqu’un et qu’elle se rendrait compte qu’elle l’attendait depuis longtemps. Dans son utopie, il lui venait en aide sur scène, se découvrant des pouvoir magique, devenant son assistant, son complice puis son égal dans un duo magique incroyable.

Ils pourraient alors partir à l’aventure, sur des îles inconnues ou dans des mondes reconnus. Ils se perdraient dans tes atolls déserts, fendant la mer sous le soleil, à deux sur leur yacht. Libre d’aller où les vents les portaient, où le creux des vagues les menaient, sans autre système de navigation que leurs envies. Puis, allongés sur la plage, le bruit de la mer comme bande de son, ils pourront goûter aux fruits du bonheur, jusqu’à en avoir les dents du fond qui baignent. Et dans les branches d’un arbre vénérables, ils tendraient leurs hamacs pour une nuit tendre, coller l’un à l’autre, sans arrière-pensée. Nulle luxure dans ses fantasmes. Juste un rêve romantique de temps passé avec son idole. Un rêve qui ne laisserait à ses zygomatiques aucun repos.

Un rêve qui se trouva arrêter lorsque le jeune admirateur secret fut ramener à la réalité par sa déesse en personne qui lui prenait la lettre des mains. Il la regarda le remercier d’un signe de tête et lui sourire. C’était le sourire qu’elle offrait à tout le monde, sincère, gentil mais générique, mais pour lui, il y voyait la reconnaissance de son travail et de ses qualifications.

Camille rangea la lettre dans une bouche arrière de son pantalon et retourna au déballage de ses colis. Finalement, elle sortit triomphalement un instrument d’une boite, le portant au-dessus de sa tête comme un trophée, avant de voir que son assistant était toujours là, à l’observer. Ce dernier remarqua aussi qu’elle avait remarqué et il ramener son attention sur son carnet de note, comme s’il vérifiait quelque chose. Il s’était encore perdu dans ses rêveries. Il fit demi-tour, sa récréation amoureuse était terminée et il ne vit pas Camille rougir aussi mais pour d’autres raisons que les siennes.

La jeune femme s’était sentie ridicule de porter ainsi aux nus, un simple xylophone. C’était un bel instrument, mais pas d’une facture remarquable. La magicienne ne l’avait pas acheté pour apprendre à en jouer, cela ne l’intéressait pas plus que cela, mais pour un de ses tours. Elle sortit deux autres instruments identiques, mais d’octaves supérieures et inférieures. Elle en jouera d’une certaine façon, mais de manière mathématique et rythmique, par des tours de cirques, de jongleries, qui créeront de la musique par le rebond de balle, lancer en l’air, jusqu’au plafond pour certaines, qui disparaitre dans les airs. C’était encore là, une diversion car Camille avait aussi dans l’idée de faire une machine qui ferait seule une musique simple, à la manière d’un carillon automatique. Ce n’était cependant qu’un projet.

Camille contemplait les trois petits tas d’équipement, lorsqu’un vacarme assourdissant la fit bondir. N’importe qui serait certainement aller voir pour venir en aide aux gens. Mais Camille était peureuse et lâche, et il lui fallut un moment et la certitude que rien de pire ne pouvait arriver.

Elle arriva doucement des coulisses sur scène, pour voir un de ses techniciens au sol, gémissant de douleurs, avec tout le monde autour de lui. Il était tombé du plafond, pendant qu’il installait du matériel. Il ne s’était pas assuré, et avait glissé, le fracas venant de la chute de ses outils et d’une gamelle. L’homme était allongé et se tordait de douleur. Camille s’approcha un peu et vit l’origine de ses gémissements. Sa jambe était cassée et la fracture était ouverte. L’os blanc en sortait et du sang coulait de la plaie.

Camille eut une violente bouffée de chaleur, un vertige, chaud partout, et ne fut plus capable de respirer ; Le monde se mit à flamber de rouge et d’orange. Puis elle bascula en arrière en même temps qu’elle perdit connaissance.

Elle se réveilla au son des jérémiades d’une voix qu’elle reconnut être celle du directeur du théâtre. Ce fut comme remonter un long tunnel vers la conscience. Elle frissonna et essaya d’ouvrir les yeux. Elle ne vit pas son assistant à la peau grêlée faire taire le geignard. Il regarda la magicienne se réveillée, vaseuse et nageant dans l’incompréhension.

« Vous nous avez fait peur, Madame. Vous allez bien ? Vous êtes en sécurité, les médecins ont dit que ce n’était qu’un petit malaise. »

Son regard s’adapta à la lumière et ses sens à son environnement. Elle était dans une chambre d’hôpital. Dehors, sous le ciel gris, le toits de mauvais d’Artiesta, dont certaines dans une obsolescence avancée transportaient l’écho des voitures passant au son des klaxons. Le souvenir lui revint, le blessé, son malaise. Elle se sentit un peu bête d’avoir autant d’attention alors que quelqu’un avait été bien plus gravement blessé qu’elle. Et elle commença à s’en vouloir, car elle était au lit, alors qu’elle avait tant de choses à faire pour son spectacle. Elle venait certainement de perdre tous les temps qu’elle avait sur scène pour répéter et devra alors travailler sur des hypothèses, sans savoir comment la lumière rendra sur elle et ses tours.

Elle se lança retomber dans son coussin et prit une respiration. Elle devait se lever et prit son élan pour le faire. Son zélé dévot voulut l’en empêcher, mais elle insista et se retrouva vite assise au bord du lit. On lui demanda alors ce qu’elle voulait faire, si les médecins la laissaient partir. Cela attira les foudres de l’assistant car c’était une question trop invasive à son goût. Mais Camille ne s’offusque pas. Elle se lève tranquillement et se dirige vers la porte pour voir si elle peut partir. Personne ne la retient. Elle a la tête engourdie, les pied bottés de plomb et comme une enclume sur l’estomac.

Elle ouvrit la porte, craignant de retomber sur quelque chose de terrible. Chacripan échaudé craint l’eau froide. La porte s’ouvre doucement sur le couloir et tout le monde la regarde faire. Elle n’a pas dit un mot et personne ne sait comment lui parler ou si elle va encore faire un caprice. Dans le couloir, il y a du passage, une infirmière pousse un chariot, un large wagon. C’était manifestement le repas, car sur le desssus, il y avait des plateaux visibles. Une assiette de purée avec ce qui semble être de la viande, dans une sauce marron. Un yaourt et un kiwi.

Camille referma la porte et signala par des gestes simples qu’elle voulait partir et immédiatement, la petite assemblée se mit en mouvement. On alla chercher un médecin qui signa la sortie de la magicienne. Accompagné de son assistant, elle traversa les §Urgences sans regarder autour d’elle pour se retrouver dehors.

Elle se senti alors profondément fatiguée, avec l’envie irrépréhensible de rentrer chez elle, à Windoria, pour passer du temps avec Iris, lui raconter cette petite mésaventure. Elle leva le nez au ciel alors que des gouttes de pluie finissaient leur longue chute. Elle voulait retourner se blottir dans son lit et dormir, en sachant qu’Iris veillera sur elle, mais elle ne pouvait pas. Elle devait préparer son spectacle pour le jouer la semaine prochaine et il restait tant de chose à parfaire.

Son assistant se manifesta.

« Madame, quand vous vous êtes évanouie, vous avez laissé tomber ça. »

Il lui tendit un collier que Camille ne reconnut pas. Elle n’en avait jamais eu de comme ça, ni même voler, elle s’en souviendrait. Elle le prit et le passa à son cou. Elle ignorait qu’il s’agissait du cadeau de l’homme en face d’elle qui jubilait intérieurement de joie. Il n’avait pas osé lui offrir officiellement, mais il voyait là l’occasion de faire un cadeau et de la voir arborer quelque chose qu’il avait lui-même. Il se sentait si petit près d’elle, si insignifiant. Alors qu’il la dominait d’une bonne tête et demi, il se sentait nain à côté de cette magicienne silencieuse et mystérieuse.

Camillee poussa un profond soupir. Elle montra un carton. Je vais répéter chez moi. Elle s’engagea alors dans les rues de la ville, vers ses Evolis et une longue séance de danse acrobatique pendant que le jeune homme restait là, sous la pluie, à contempler la trace invisible qu’elle laissait derrière elle.

Aujourd’hui, sur Lumiris Inter, dans Affaire Insensible, un épisode spécial, qui fait écho à un évènement récent, qui a marqué les esprits, tant par sa portée que par son impact sur le monde. C’est la peur de vivre, ou revivre pareille chose qui empêche certaines personnes de dormir la nuit. Attentat prémédité ? Accident intentionnel ? Erreur de jugement ou faille dans les lois ? Il s’agit, vous l’avez compris, de l’affaire dite du Silence.

Artiesta. Entre dôme de coordination, théâtre, scènes musicales, bar chantant, c’est là que tout va se dérouler. Mercredi 12 janvier 2022, dans la rue de l’Opéra plus précisément. Une rue commerçante en apparence tranquille. En apparence seulement. Il est 11h30, tout le monde vaque à ses occupations, tout va bien dans le meilleur des mondes quand soudain, rien ne se passe. Et c’est bien là que repose tout le drame.

Madame Jyrèbienvoir, gérante du PMU de la Gare, n’a rien vu. Mais elle témoigne tout de même.

C’était un mercredi normal vous savez. On aurait pas pu savoir. Y avait mes gars au comptoir, ils ont rien vu venir non plus.

En effet, personne n’a rien vu venir. C’est un mercredi frais d’hiver et des familles font les boutiques, tout comme Camille Gutenberg. Coupable ou victime, seul l’avenir peut nous le dire. Quoi qu’il en soit, la jeune femme s’avance dans la rue.

Illustre inconnue, elle n’est connue de personne, et vit une vie pour le moins étrange, travaillant dans le sud de l’île, mais vivant à Windoria, chez Iris Lindley, une éleveuse aux méthodes mystérieuses. Officiellement, Camille n’a pas d’emploi et passe ses journées entourées de Pokémons craint dans les quartiers de la ville. Ce qu’on ignore, est l’origine de tous ses fonds, qui lui permettent de faire des dépenses aussi inutiles qu’extravagante : violons et autres instruments anciens, tissus en grande quantité et matériel de bricolage divers. En effet, la jeune femme dépasse sans compter et pour cause, elle n’est pas ce qu’elle semble être.

Après une enquête minutieuse, on découvrira que Camille Gutenberg mène une double vie, se servant d’un alias pour vivre impunément. Le jour, personne lascive sans vraie activité, quand le soleil se couche, travailleuse de la nuit. Dans le milieu du divertissement, on l’appelle Néopolitan, ou encore Fraise et Chocolat, des noms qui font sourire de joie homme, femme et enfant.

Alors que fait une jeune femme comme elle dans un quartier aussi populaire de la ville ? La réponse est simple : des courses. Et oui, comme tout à chacun, il lui arrive de descendre en ville pour acheter autre chose que ses fantaisies habituelles. Mais ici, on ne parle pas de n’importe quelle course. En ce jour d’hiver, devant de nombreux témoins qui ignorent tout de la situation, elle va de vitrine en vitrine jusqu’à trouver sa cible.

Sans plus attendre, elle pénètre dans la boutique et sans un mot, se dirige vers l’objet de sa convoitise. Jusqu’à là, tout semble normal et pendant ce temps, dans la boutique d’à côté, Monsieur Rinnavoir a du mal à contenir son inquiétude.

J’étais en plein coup de feu, et j’ai reçu un appel de mon épouse qui était en route pour l’hôpital pour donner naissance à notre enfant. Ça ne se passait pas très bien, mais au final, les jumeaux vont bien… avoua-t-il plus tard, après avoir qualifié ses deux nouveau-nés de magnifiques.

Il ignore encore à ce moment, que chez son voisin, les choses s’apprêtent à basculer quand Camille saisit une paire de bottes noires et se dirige d’un pas vif vers la première vendeuse qu’elle voit. Il ne faut pas oublier à qui nous avons à faire. Une femme, décidée, mais surtout secrète et refermée sur elle-même. Plus tard, les médecins parleront d'une personne névrosée, en proie à d'importants troubles mentaux. Mais pour la vendeuse, impossible de le savoir et elle laisse Camille seule dans la boutique, pendant qu'elle va chercher les bottes à la bonne taille. C'est là que réside tout le drame de cette affaire.

Car pendant son absence, Camille n'a rien d'autre à faire qu'attendre. Et attendre encore. Assise sur un pouf, au milieu de la boutique, elle guette et attend son heure. Jusqu'à ce que l'heure vienne. La vendeuse revient, les nouvelles bottes à la main et sans aucune hésitation, voilà Camille qui se lève, et les essaye. Pas un seul mot a été échangé entre les deux personnes, rien que de bref signe.

Camille essaye une première botte, puis une deuxième, marche court, saute dans le magasin puis les retire. D'un signe de tête de sa part, la vendeuse reprend la marchnadise et disparaît derrière la caisse, vite rejoint par ce qui sera prouvé plus tard, sa complice. En effet, loin d'être le cerveau de l'opération, Camille n'est finalement qu'un outil. Précis et efficace, mais un outil tout de même. La transaction est effectuée et après deux brefs signes d'au revoir, la jeune femme sort, l'objet du crime à la main.

Pour discuter de cette affaire, j'ai avec moi, maître Kesquejefou. Bonjour Maître.

Bonjour.

Je vois que cette affaire vous laisse encore perplexe. Que pouvez-vous nous en dire ?

Je ne comprends pas où vous voulez en venir. Cette jeune femme a juste acheté une paire de botte.

Juste acheté une paire de bottes. Ce sont donc sur ces mots édifiants que nous concluons cette émission.

La semaine prochaine, je recevrai le docteur Manquedebol, pour discuter d'une autre affaire qui a secoué notre société, l'affaire dite de Nouvelle coupe.

Bonne soirée à tous et à toutes.

HRP : le tout narré par Frabrice Drouel, de France Inter.

Aujourd'hui, c'est la journée des visites.


Je n'oublie jamais le jour des visites.



Ce matin, quand j'ai ouvert les yeux, j'ai tout de suite su que c'était le jour des visites.


Je sais que c'est le jour des visites parce que le personnel médical s'active plus tôt.




Mais aussi parce que je le sais.


Je ne reçois pas de visites. Je suis le dernier.


Ou alors, j'ai oublié les autres.





C'est les visites aujourd'hui, il va y avoir du bruit dans les couloirs.


Les autres, ils ont oublié de venir.


Il ne va pas encore faire beau aujourd'hui. Il y a des nuages à la fenêtre.


Le trajet jusqu'à la fenêtre n'est pas facile ce matin.


Ah. Ma vieille chaise.

Le personnel voulait me donner un bon fauteuil pour mieux m'installer.


J'ai refusé.



On est trop bas, dans le fauteuil.


Sur ma chaise, je peux voir le parc.


Dans le fauteuil, on ne voit que les nuages.

J'y serai bien assez tôt.



Moi, je veux voir le parc.



Surtout le jour des visites.

Je ne veux pas rater ma visite.




Il doit faire froid dehors.





Le personnel voulait me mettre un fauteuil à la place de ma chaise.

Je leur ai dit Non merci. Ma chaise est très bien.

Ils ont dit : Vous serez mieux dans le fauteuil.

Mais j'ai dit : Non merci. Ma chaise est très bien.

Alors ils ont arrêté.

Parce que dans le fauteuil, on ne voit pas le parc.

On ne voit que le ciel.



Si je ne vois pas le parc, je ne vois pas les visites.


Aujourd'hui, c'est le jour des visites.

Je le sais parce qu'il y a les cris des enfants dans le couloir.



Aujourd'hui, c'est mon jour de visite.


Le personnel médical apporte mon manteau.

Ils sont gentils.

Ils savent que c'est le jour des visites.

J'espère qu'il reste des caramels dans la boite.

C'est pour eux.

Le jour des visites, ils ont le droit à un caramel.




C'est le grand manteau.

Avec la canne.



Il fait froid dehors.


Mais le parc est mieux que depuis ma fenêtre.


C'est le jour des visites.

Alors je vais me promener seul dans le parc.



Ils voulaient me mettre un fauteuil.

Je leur ai dit. Non merci. Ma chaise est très bien.

Parce qu'on ne voit pas le parc depuis le fauteuil.

Non, non.

Que le ciel.




Il fait froid dans le parc.

Heureusement que j'ai mon grand manteau.





Le banc est là.

C'est un bon banc.




Plus solide que ma chaise.



C'est le jour des visites.



Les autres, ils ont oublié.

Mais pas moi.



Pas de bruit dans le couloir.

Forcément, je ne suis plus sur ma chaise.

Je suis dans le parc.

J'attends ma visite.











Elle est là.

Elle arrive.



Oh mon petit rayon de soleil.

Elle a les joues rougies par le froid aujourd'hui.

Avec tous ses petits Pokémons.

Les autres, je les oublie, mais pas eux.

Il y a le Voltali.

Avec le Pyroli. Oui. Le coquin.


Oh ! Qu'ils me font sourire ces deux là.

Où est leur troisième compère ?

Le voilà. L'Aquali ?

Comme je voudrais être avec eux.

Ils n'ont pas froid à se chamailler comme ça.

Ohoh. Voilà les deux Evolis qui se joignent au jeu.





Et mon rayon de soleil.

Elle est toute belle.

Elle va donner la classe.



Oui, c'est la fin de la récréation.

Ma visite approche.



Comme elle fait.

Un geste et ils tournent tous.  Un autre et ils sautent. Que c'est beau. C'est magique.

Elle a un geste pour chacun. Une caresse, une affection, une attention. Comme elle est gentille. Je pourrais la regarder faire toute la journée, tous les jours. Elle est tellement vivante.

Malgré le froid, je suis bien sur mon banc et bien mieux que sur ma chaise. Ne parlons pas du fauteuil. Je n'accepterai de fauteuil que pour la regarder faire un spectacle. Si seulement cette fille faisait du théâtre, en voilà une bonne raison de sortir de nouveau.

Elle détache ses cheveux noirs, l'exercice est terminé. Toute sa troupe rompt les rangs pour recommencer leurs jeux, sauf deux petits Evolis qui la suivent, elle et son regard vert pétillant. Elle a bien mérité sa récompense. Une glace sans autre chose que trois boules. Toujours les mêmes. Ça je n'oublie pas.

Elle disparaît.

Mais elle va revenir.

Est-ce qu'elle reviendra ?

Oui. Et elle vient s'asseoir sur mon banc.

C'est le meilleur moment du jour des visites.

Elle ne dit pas grand chose. Elle ne dit même jamais rien. Mais elle me sourit et je lui souris. A un mètre l'un de l'autre, nous regardons ses Evolis jouer.

Je ne sais pas son nom. Mais j'ai l'impression d'être de nouveau jeune.

Ah. Si j'avais son âge, je lui parlerai. J'apprendrai à la connaître.

D'ailleurs. Je lui parle.

Aujourd'hui, je lui parle pour la première fois depuis des mois qu'on se connait.

Et elle m'écoute.

Elle me regarde avec un sourire attentif.

Je lui parle de ses Pokémons. Comme ils sont beaux et bien dressés. Je lui parle de mes Pokémons, qui sont loin maintenant. Et de ma famille, de mon amour. Je lui parle de ma retraite et après ça de mon métier.

Elle m'écoute et réagit à chacune de mes histoires, sans un bruit mais avec beaucoup de vie.

Et moi je parle. Je parle pour la première fois depuis un an.

Je suis heureux.

J'arrive à mes débuts, la rencontre qui a changé ma vie avec la personne avec qui j'ai vécu mes plus belles décennies. Je lui raconte qu'avant, à cette saison, on ne sortait pas dans les parcs ici. On restait chez soi, en rêvant d'un peu de soleil. Je lui raconte mon enfance difficile mais heureuse dans le pays des neiges éternelles. Le visage de mes parents me revient. C'était une autre époque, c'était une autre époque. C'était mieux. Peut-être. Mais c'est terminé.

Je parle parce qu'elle m'écoute. Et puis je me tais. Parce qu'il n'y a plus rien à dire.


Je regarde de nouveau ses Pokémons joués.


Il n'y a plus rien dire.



Ils sont si plein de vie.





Elle est si belle et jeune.









C'est le jour des visites aujourd'hui.














C'est un beau jour.














Mais il fait,














un peu froid














.

La journée avait été longue et compliquée. Elle avait pourtant bien commencé. D’abord une crêpe, puis un tour au théâtre afin de se préparer pour la représentation du lendemain soir, la grande première. On finissait de préparer les réglages techniques. C’était presque stupide comme façon de procédé car les installations seraient désinstallées en fin de matinée pour permettre au spectacle du soir, qui n’était pas celui de la magicienne d’avoir lieu. Mais on faisait des marques, on vérifiait les positions, choisissait le matériel, les ampoules et on mettait tout de côté. C’était très important et permettrait de gagner du temps le jour même. Heureusement qu’on faisait ça en avance d’ailleurs, car un impondérable eu lieu, rien d’irréparable, rien de fâcheux et Camille était satisfaite de la mise en scène. Demain, elle fera une répétition finale avec tout en place.

Elle avait pris le temps de manger ce midi-là, juste avant d’aller faire un tour en ville, à la recherche d’une nouvelle paire de bottes. Elle avait flâné dans les rues jusqu’à apercevoir l’objet de sa convoitise. C’était une boutique qu’elle connaissait bien et qu’elle appréciait, si bien qu’elle ne fut pas surprise de trouver ce qu’elle voulait dans le rayonnage. Elle aimait d’autant plus cette boutique que la vendeuse parlait la langue des signes. Il ne lui fallut pas longtemps pour repartir avec son achat et retourner chez elle. Ce n’était pas exactement chez elle, elle louait juste l’immense appartement pour le temps de ses spectacles.

De l’appartement, Camille se rendit dans un parc, où elle allait très souvent, tous les jours presque, après les répétitions pour faire jouer ses Pokémons et leur faire faire des tours simples. Elle les laissait après s’égayer pendant qu’elle prenait un goûter bien mérité, trois boules de glace, vanille, fraise et chocolat. Elle s’asseyait toujours sur le même banc et une personne âgée s’asseyait avec elle. C’était un silence confortable et tous les deux, ils regardaient les Evolis s’amuser. Camille n’avait pas besoin de lire dans les esprits pour sentir que son voisin de banc était heureux, d’être là, avec elle, en silence. Sauf qu’aujourd’hui, la personne avait parlé. Longtemps. De tout. Toute sa vie, en commençant par la fin et en revenant vers le début. Et Camille avait écouté. Elle avait écouté jusqu’au bout, attentive, curieuse, intéressée. L’autre pouvait le sentir certainement et ajoutait des détails, jusqu’à la fin. Le silence retomba et son regard repartit admirer les Pokémons jouaient. Le temps avait filé, et Camille était partie, en laissant cette étrange personne sur le banc. Elle n’aurait pas pu se douter qu’ensemble, ils avaient remonté le fil d’une vie, comme on regarde un générique de fin.

La magicienne était retournée chez elle pour y laisser ses Pokémons, avant d’aller manger. Toujours le même rituel, dans le même restaurant, la même place et le même repas. On la connait bien sur place. On demande par politesse et parce qu’on ne sait jamais, le jeune femme peut changer d’avis, mais la réponse silencieuse est toujours la même.

Assise seule à sa table, près de la vitre, Camille pour voir venir et aller les gens, sans être dérangée ou si peu. Elle était donc très bien placée pour ne rien rater. C’était discret d’abord et personne n’y fait vraiment attention. Occupé à sa propre vie, chacun vaque à ses occupations, à son assiette, à ses amis ou à son verre. On ne prête jamais vraiment attention à ce qui nous entoure.

Mais l’odeur se fit rapidement sentir. Rien de plus normal pour une odeur. Mais elle attaqua les narines et même les gens dans la rue en cherchèrent l’origine. Elle ne fut pas difficile à trouver. L’origine était en train de prendre ses aises, devant tout le monde. De plus en plus de personnes le remarquaient enfin et l’observaient avec effroi pendant qu’il entamait son repas. Et quel repas. On voyait rarement un tel appétit.

Avide comme sortant d’un régime, il engloutissait bruyamment tout ce qui passait à sa portée. Le serveur du restaurant resta à lui-même hébété, ne sachant que faire devant un tel phénomène. On ne pouvait détourner les yeux alors que le bruit emplissait toutes les oreilles. Claquement sec et violement, respiration lourde et grognement. Que faire devant un pareil spectacle ? Crier ? Mais quoi ? Un ordre ? Personne n’avait assez d’autorité pour se faire ainsi obéir. Appeler ? Certaines que quelqu’un avait déjà appelé une personne compétente, mais cela ne rendait pas les gens moins impuissants devant la scène.

Plus il mangeait et plus l’odeur était forte. Horreur et fascination devant ce Gargantua vorace, à l’appétit insatiable. On s’écartait de crainte de se faire happer à son tour. On partait aussi, pour un endroit plus calme, moins envahi. Chaque minute apportait un nouvel écœurement, jusqu’au bruit des os qui se brisent lorsqu’il écartèle la carcasse pour se nourrir du cœur. Il n’y a rien de propre, et pourtant, c’est si beau à regarder.

Dans la précipitation, un véhicule arrive en trombe pour essayer de mettre un terme à tout ça. Doucher l’enthousiasme du glouton et sauver ce qui peut encore l’être.

Une conclusion peu agréable à une journée en décroissance.