Si Kyo était venue au lac des Cygnes, c’était officiellement pour venir s’y ressourcer et y piger de l’inspiration pour sa prochaine série d’Ukiyo-e, qu’elle voulait inspirée du lac lui-même. L’inspiration, on la trouve où on peut, mais il fallait avouer que la capitale n’était pas toujours le meilleur endroit où se ressourcer quand il était question de peindre et dépeindre la nature. Ainsi Kyo avait-elle obtenu à force de beaux yeux et de douces paroles à convaincre sa mère de prendre congé d’elle et des responsabilités de leur studio pour s’offrir un week-end d’escapade avec Kabuki, son petit Zorua, et tout son matériel d’aquarelle. Ça, c’était la raison officielle, et bien qu’elle comptait s’y tenir (après tout elle aurait eu l’air bien menteuse de revenir à la maison bredouille), il y avait un autre raisonnement derrière son passage au lac, aussi magnifique fut-il lors de la fonte des glaces.

Officieusement, Kyo était allé vers le lac dans l’intention ferme d’y trouver un ami pokémon pour tenir compagnie à son cher Kabuki. Après dix ans de vie en duo, Kyo trouvait qu’il était fin temps d’agrandir la petite famille. Elle avait entendu dire sur le net que quelques Goupilou avaient été aperçut près du lac, et c’est dans l’espoir avoué d’en croiser un avec lequel ils pourraient se familiariser qu’elle s’était dirigé, spécifiquement, à cet endroit. Après tout, un Goupilou et un Zorua, physiquement c’était plutôt proche, et elle espérait que ça pourrait aider la bonne entente, bien que c’était peu crédible de le voir de cette manière, vraiment.

C’est donc armé de son gros sac de matériel à dessin et de son fidèle Zorua qu’elle était partie de la petite auberge qu’elle avait investie à Mirawen pour se diriger vers la zone du lac, le cœur plein d’espoir mais avec le pragmatisme de se dire que si ça n’arrivait pas, c’était pas plus grave; elle aurait tout le loisir d’occuper son temps avec l’aquarelle. Ce jour-là, elle s’était vêtue d’un komon aux couleurs bleu ciel qui était parcouru de points de shibori qui formaient des motifs géométriques de seigaiha en blanc. Le tout était rehaussé d’un obi pourpre, et d’un obidome représentant un Axoloto en train de dormir roulé en boule.

La petite marche vers le lac des signes se fit sans encombre, et Kabuki en profitait pour s’étirer, tenant le pas à sa maitresse. Il aurait pu courir un peu, mais préférait qu’elle se pose quelque part avec son matériel pour ce faire. Le paysage était bucolique à souhait, et déjà les doigts de Kyo frémissaient d’impatience, comme pris d’une vie propre, alors qu’elle s’imaginait déjà peindre des paysages. Elle arrêta son dévolu sur une petite pente de la vallée qui descendait vers le lac, dépliant la couverture de pique-nique qu’elle s’était apporté pour l’occasion, un côté étant doux et l’autre était imperméable. Une fois étendue, elle enleva ses chaussures pour ne pas salir le côté doux de la flanelle, puis entrepris de déposer autour d’elle tout son matériel pour la peinture et le dessin.

Avant de commencer quoi que ce soit, elle gratta gentiment le dessus du museau de son Zorua, lui sortant son jour préféré qu’il attrapa avec hâte avant de partir en courant : c’était le signe qu’il avait la permission de jouer comme il le souhaitait, et il comptait bien en profiter grassement. Se roulant dans la neige, mordant à pleine dents dans la pauvre peluche qui produisit un couinement de détresse qui était si caractéristique des jouets pour pokémon, Kabuki laissa sortir son fou jusqu’à en perdre l’haleine. Cela faisait sourire sa maitresse, qui le regarda un moment avant de soupirer d’aise, posant son cahier à croquis sur ses jambes, s’y penchant au-dessus pour commencer à produire un croquis de la petite toile qu’elle comptait bien faire ensuite.

Si l’artiste avait confiance en ses capacités, à tout le moins ne se trouvait-elle pas si douée qu’elle pouvait se laisser peindre sans faire un croquis au préalable, bien que toutefois elle se laissait le loisir d’expérimenter avec son pinceau, et laissait les formes tombers là où elle le souhaitaient. Ainsi ses croquis et les produits finaux n’étaient-il pas toujours très ressemblant, mais c’était en tout cas son processus à elle. Voilà; elle esquissa le lac tout en bas de son papier à dessin, et se concentra à faire des montagnes derrières. Certes, elle était dans le creux d’une vallée, mais c’était bien différent des pics enneigés qu’elle s’imaginait pour le moment. Après tout, l’inspiration vient comme elle veut, montagne ou pas montagne.

Ah; juste comme elle finissait son premier croquis, voila qu’une apparition subite capta toute son attention. Un mimantis sauvage, il semblait, émergeait de l’eau en faisant frémir ses petites feuilles d’un vert tendre pour en faire tomber les gouttes. Kyo ne savait pas que les Mimantis aimaient la baignade, ou si c’était seulement ce spécimen-là, ne fait, mais peu lui important; c’était une vision tellement douce et charmante qu’elle se dépêcha de tourner la page de son calepin de croquis, dessinant furieusement sur la deuxième en tentant de capturer l’essence même du pokémon et de ce moment ludique. Elle avait délaissé son crayon mine pour aller directement sur les crayons de couleur, tous aiguisés par ses soins lorsqu’elle s’était installée, et avait couché la couleur du moment directement sur le papier, ne une apparition floue, mais vivante.

C’était, après tout, un pokémon aux douces couleurs, si ce n’était de ce vert plus foncé sur sa tête et sous les feuilles qui lui servaient de bras. Si Kyo avait vu des Mimantis auparavant, en tout cas elle ne les avait jamais analysés de la sorte; c’était donc son premier modèle de dessin, quoique ce petit Pokémon ne semblait même pas avoir remarqué sa présence. C’était aussi bien; elle préférait le capturer sous toutes ses coutures, voir ses expressions sans qu’elles soient modifiées par sa présence. Se roulant toujours dans l’herbe haute avec son jouet qui faisait squik squik, Kabuki lâchait son fou sans remarquer, lui non plus, le pokémon qui venir d’émerger de l’eau qui devait être si froide. Est-ce que mimantis ressentait le froid? Était-ce l’équivalent de prendre une douche froide? C’était là vraiment une bien curieuse pratique…

Peu importe; elle releva son croquis pour en analyser les couleurs et la composition, plutôt satisfaite de la distribution et de la vibe qui en ressortait. Elle laissa le pokémon à ses petites occupations, remplissant diligemment les tâches de blanc de sa feuille de croquis. Cette action, cette activité le relaxait au possible, lui rappelait les souvenirs d’enfance à Johto. Ce n’était pas une petite chose, pour elle, de produire une œuvre d’art; et si son croquis n’en était pas une, en tout cas elle comptait bien lui rendre justice. Elle mit de côté son croquis pour sortir un papier à aquarelle qu’elle posa contre une planche de bois qu’elle posa sur ses cuisses, attrapant un pinceau bien fin pour commencer immortaliser cette vision idyllique.

Elle passa bien une heure à travailler sur son œuvre, penchée sur le papier comme un vieil homme sur sa marchette. Kabuki avait cessé de jouer, lui; il était revenu près de sa maitresse pour se coller à elle et dormir, roulé en boule et le museau caché sous sa queue. Lorsqu’elle posa enfin son travail devant elle, il était presque complet; elle attendait qu’il soit plus sec avec d’user d’un fin pinceau pour créer un subtil contour plus foncé autour de son petit personnage, et puis de sortir son blanc d’acrylique, une technique peu conventionnelle mais si satisfaisante pour ajouter des éclats de lumière dans son œuvre. Ayant posée son œuvre devant elle, elle remarqua enfin le temps qui était passé; d’un mouvement qui se voulait fluide et gracieux, elle se releva de son seiza; malheureusement ses jambes s’étaient assoupies, et elle se trouva momentanément déboussolée, ses jambes manquant céder sous elle. Puis le flot de sang leur revint, et elle grimaça alors que la sensation si désagréable de fourmillement se répandait dans le bas de son corps.

S’étirant quelque peu, allant jusqu’à se mettre sur la pointe des pieds, elle observa leurs alentours; il n’y avait vraiment pas âme humaine ici, et elle se dit bien innocemment qu’elle pouvait se permettre d’abandonner quelque peu son matériel pour aller prendre une petite marche avec son Kabuki. Remettant ses chaussures, elle lui dit avec entrain; « Allons, Kabuki, ne traine pas. Nous marcherons un peu, à moins que tu veuilles rester pour surveiller le matériel… »

Avec son Zorua, elle ne savait pas toujours quelles étaient sa motivation; ne voulait-il vraiment pas surveiller le matériel et continuer sa sieste, ou était-ce plutôt que dans sa timidité il ne voulait pas être séparé de sa maitresse? En tout les cas il se leva pour la talonner. Ils n’allèrent pas bien loin; la matériel resta en vue, mais elle s’approcha de l’eau, au même point où le Mimantis s’était immergé quelques temps plus tôt.

Ce n’est que lorsque Kabuki se retourna et se mit à grogner, puis à courir en faisant des yap yap sonores que Kyo saisit vraiment ce qui était en train d’arriver. Elle se retourna, surprise, pour voir un Chlorobulle sauvage, petit chipeur, en train de lui voler son matériel! Ah; ça lui apprendra de laisser ses choses sans surveillance -elle avait regardé les alentours pour toute trace d’humains, mais n’avait pas pensé une seconde qu’un pokémon puisse vouloir lui voler son matériel de peinture! Dans quel but? Elle ne le saurait probablement jamais… en tout cas elle posa ses mains contre le bas du tissus de son kimono pour le relever, tentant de suivre son petit Kabuki qui étant parti aux-devants, en poursuite de la racaille pilleuse. En vrai, sa seule manière de suivre la poursuite était de suivre les yip yip de son fidèle Zorua, qui n’acceptait manifestement pas la défaite!

Kyo avait du mal à les suivre, non seulement parce qu’elle ne les voyait plus, mais également parce qu’il était plutôt impossible de courir en kimono, sans parler de ses Geta qui s’enfonçait dans le sol mouillé du printemps. Elle arriva une minute plus tard, pas essoufflée mais en tout cas déjà prêtre à tout abandonner, pour se trouver à un petit bosquet épais qui donnait dans une formation d’arbres. Devant la formation de buissons tissés serrés, Kyo n’eut d’autre choix que de délaisser la poursuite, quitte à autrement mettre le reste de son matériel à mal. Elle revint donc sur ses pas et décida de faire confiance à son Kabuki adoré, et s’installa à nouveau en seiza sur sa couverture de protection contre l’humidité du sol. Soupirant, elle passa la pointe de ses doigts contre le papier buvard qu,elle avait utilisé pour son œuvre précédente, et fût ravie de découvrir que ce dernier n’avait pas été abimé par le petit pokémon.

Son regard d’émeraude se tourna vers le petit boisé où Kabuki et le chenapan s’étaient enfoncés; elle n’entendait plus les jappements de son pokémon, ce qui voulait soit dire qu’il avait trouvé ce qu’il cherchait, ou alors qu’il était rendu bien, bien loin… elle se sentait terriblement malde ne pas le suivre, évidemment, et espérait simplement qu’il saurait, comme toujours, retrouver son chemin vers elle. Elle ne savait vraiment pas comment elle pourrait vivre sans son kabuki d’amour -et n’aurait pas à le découvrir, puisque le fier petit pokémon était maintenant de retour, sa queue allant dans tous les sens avec entrain alors qu’il ramenait délicatement entre ses dents la petite palette à aquerelle que Kyo aimait utiliser. Il la déposa doucement sur la couverture, puis releva la tête, se posant droit et fier en attendant qu’on le félicite.

Ce que Kyo fit, évidemment, sans se faire prier; elle le remercia, lui flatta le dessus du crâne et puis le corps tout entier, le Zorua pivotant pour dévoiler son ventre qu’elle flatta également en lui envoyant des papouilles. Ah; malgré les années, kabuki restait un petit bebou, et Kyo l’aimait comme ça. Elle savait qu’un jour il évoluerait certainement, mais elle n’était pas pressée qu’il la dépasse! Les Zoroark font en moyenne un mètre soixante, et il se trouvait que Kyo, elle, faisait un mètre cinquante-cinq… l’horreur! Son bébé d’amour ne pouvait pas la dépasser! Ah; et tant pis pour le pinceau qu’on lui avait manifestement chipé, ça, elle en avait d’autre… sa palette de peinture lui était plus précieuse, et ça son Zorua devait le savoir puisque c’était ce qu’il lui avait rapporté!

Lorsque la séance de papouillage fût terminée, Kabuki posa très délicatement ses dents contre le tissu de la manche de Kyo, la tirant vers lui pour attirer son attention; puis il la lâcha et, avec entrain, fit quelques bonds vers le petit boisé qu’elle avait évité auparavant; elle le regarda avec surprise, ne comprenant pas tout de suite son petit manège, qu’il répéta une deuxième fois avant de comprendre qu’il voulait qu’elle le suive. Elle entreprit donc de ranger tout son matériel, cette fois, et de replier sa couverture vers l’extérieur pour que l’humidité ne vienne pas abimer le reste de ses choses. Tout ainsi rangé, elle entreprit de suivre son cher ami, qui lui fit faire le tour du boisé jusqu’à une petite ouverture qu’elle pouvait pratiquer dans les buissons. Elle se retrouva dans ce qui devait être la tanière d’un petit pokémon, peut-être le Chlorobulle de plus tôt, même, et elle trouva l’endroit tout simplement… charmant? Féérique?

C’était difficile à décrire; de l’autre côté de la barrière de buissons se trouvait un large et très plat rocher, qui surplombait légèrement la pente descendante vers le lac des cygnes; de là, entre l’ombre créée par les arbres aux bourgeons naissants, elle avait un coquet promontoire pour observer le lac et les alentours dans une semblance de quiétude qui lui permettrait de peindre sans se faire repérer par les pokémons sauvages, qui elle l’espérait reprendraient leur train-train quotidien comme si elle n’était pas là. Il y avait quelque chose de positivement enchanteur dans l’ambiance de cette petite cachette, du bruit du vent contre les minces branches. Kabuki lâcha un « Buki~ » satisfait en se roulant à nouveau près de sa maitresse, observant d’un œil qui pointait au-dessus de sa queue touffue leurs alentours tel le chien de garde qu’il n’était pas. Les pinceaux et palettes retrouvèrent leur place sa droite, et elle se mis à faire un croquis non pas ressemblant à sa petite cachette, mais en capturant l’essence.

Kyo, aspiré par sa contemplation du lac et de ses reflets miroitants, manqua l’arrivée de l’affectueuse créature. C’est plutôt Kabuki qui se redressa d’un coup, les oreilles levées et alertes, faisait remuer le bout de son museau alors qu’il identifiait l’intrus qui venait les déranger. Il se redressa d’un coup, ne serait-ce que pour annoncer sa présence au pokémon renard; comme celui-ci n’était pas agressif, il se rassit en le regardant d’un œil attentif alors qu’il venait se poser enfin tout devant la jeune femme, cailloux dans la gueule et une mine très fière sur son visage. Elle eut un petit hoquet de surprise quand il passa dans son champ de vision, mais c’est tout naturellement qu’elle posa sa main sur le sommet de son crâne pour la gratouiller, passant son autre sous sa gueule pour qu’il y dépose le caillou qu’il avait ramassé.

Ah! Quelle surprise, il laissa tomber la pierre, une pierre toute simple, dans sa main, non sans y avoir déposé auparavant une bonne dose de bave. Sous l’œil scrutateur de son petit Kabuki, elle félicite le petit roublard dont les oreilles se dressent en même temps que sa queue passe de droite à gauche en successions rapides qui indiquaient son réel bonheur. Ah, comme il était amical; Kyo ne pu résister à l’envie de la cajoler un peu plus, passant ses mains sous sa gueule pour venir grattouiller sa mâchoire et puis, doucement pour ne pas le brusquer, elle laissa glisser ses mains vers ses flancs.

« Bon garçon » lui dit-elle d’un ton qui n’était pas glorieux et qui frôlait plutôt la mamie gâteau. « Ou est ton maitre? » ajouta-t-elle finalement; c’est que pour Kyo, les pokémon sauvages étaient, et bien, peu sociables, de par la nature des choses -mais comme les êtres humains, les pokémons avaient toutes sortes de personnalités, parfois plus amicales que d’autres, ou même curieuses! Le Goupilou pencha sa tête rousse sur le côté, l’air de considérer ce qu’elle disait, mais sans trop comprendre pourquoi elle le disait. Délicatement, elle se redressa sur sa position assise, observant la pierre qu’elle avait posée sur ses cuisses. C’était un beau galet rond sans prétentions.

« C’est un bon cadeau, merci » dit-elle en lui souriait chaleureusement, « Je pourrais utiliser de l’acrylique pour en faire une pierre à mandala » continue-t-elle comme si elle avait simplement une conversation avec un ami; son ton était doucereux et égal, pas un mot plus fort que l’autre. « Enfin, une très petite pierre à mandala » se corrigea-t-elle en observant la pierre qui tenait dans le creux de sa main. « Si tu ne sais pas où se trouve ton dresseur » dit-elle finalement, « Peut-être pouvons-nous l’attendre ici! » un rire léger la secoue alors qu’elle gratouiller l’arrière de l’oreille du Goupilou -puis celle de son Zorua, avant que ce dernier ne devienne plus jaloux que de raison. « Puis-je faire ton portrait? »

Kyo attrapa de manière experte et répété son crayon graphite et son carnet de croquis, profitant de la position assise du Goupilou pour le dessiner, tâchant de ne pas perdre trop de temps avant qu’il ne décide de bouger, voir de retourner vers son maitre qui n’existait pas! Une minute passa, et puis une autre, avant qu’elle ne présente son croquis au curieux petit pokémon.

Ah, le coquin; voilà que le Goupilou sautillait sur place, manifestement heureux de voir son beau portrait, couleur pas couleur. Voilà qu’il parti à la course, au-delà des buissons qui entouraient Kyo. Et cette dernière, amusée, mais surtout surprise, le laissa partir sans faire de chichi. Après tout c’était probablement le pokémon de quelqu’un d’autre, non? Peut-être qu’avec son ouïe plus fine que la sienne, il avait entendu son maitre l’appeler. Elle posa le portrait devant elle, sur ses cuisses, et se pencha sur le côté pour soulever son Kabuki d’amour et le papouiller.

« Et toi, Kabuki, en voudrais-tu un, un portrait? »; mais à peine eut-elle finie de parler que le Goupilou s’était réintroduit dans leur antre, une balle dans la bouche. Et cette balle, elle la reconnue tout de suite : c’était celle avec laquelle Kabuki jouait une heure plus tôt! Ah; elle avait dû l’oublier en ramassant les affaires plus tôt, ou alors son Zorua l’avait laissé trainer, comme il avait la malencontreuse habitude de faire; un dans l’autre, voilà que son Kabuki s’était mis à tourner autour du Goupilou en faisant des yap yap bruyant, absolument surexcité à l’idée de jouer avec un autre pokémon.

Et puis en y pensant bien, c’était absolument pour ça que Kyo avait insistée pour venir chercher un pokémon au lac des Cygnes; Kabuki avait grand besoin d’un compagnon de vie, quelqu’un avec qui jouer et converser qui ne serait pas elle. Même si l’idée que son Zorua se lie d’amitié avec quelqu’un d’autre qu’elle pouvait être difficile au début, elle avait fini par se faire à l’idée; sa vie à elle, après tout, avait changé pour le meilleur quand elle avait commencé à partager sa mère avec son beau-père, et puis avec les jumeaux… et elle ne pouvait imaginer autre chose qu’un changement positif pour elle et Kabuki. Parce que si leur relation allait changer, certes, elle savait que leur amour l’un pour l’autre n’en serait que plus grand.

Et que dire; Kabuki avait bien besoin du petit exercice! Tendant la main, comme elle l’avait fait plus tôt pour la roche, elle laissa au Goupilou le soin de lui donner la balle, puis, alors que les deux renards prenaient positions, le corps arqué et prêt à courir, et les yeux solidement plantés sur la balle, quelques secondes passèrent avant qu’elle ne le fasse passer derrière son corps pour se donner un élan et qu’elle la lance vers le lac; la balle fit un arc, évite de justesse les quelques branches d’arbres dénudés et puis se mis à rouler sur le sol en pente; les deux nouveaux amis se mirent à détaler, sortant avec difficulté des branchages des buissons avant de se faire la course en bas de la colline.

Kyo, elle, souriait; ah, quel beau moment. Elle sorti son téléphone pour l’immortaliser dans un petit vidéo tremblant; elle pourrait le regarder plus tard, le montrer à sa mère, même, et en attendant elle le mit sur les réseaux sociaux avec la phrase « Kabuki s’est fait un ami! #LacDesCygnes #Inspiration #PetitesVacances ». À peine eut-elle envoyé le vidéo que les yip yip excités des deux pokémons lui sonnèrent aux oreilles comme de la musique; Voilà que Kabuki était en train de se rouler au sol, la balle entre ses pattes, alors que le Goupilou, lui, tentait de la lui subtiliser! Ils se battèrent amicalement quelques instants de plus, avant que le Goupilou ne réussisse à obtenir la balle et ne se mettre à courir à nouveau vers Kyo, qui l’applaudit en riant alors qu’il la lui montrait, tout fier. Elle attendit que Kabuki se soit lui aussi faufilé sur leur rocher, puis elle répéta le manège, lançant la balle de toutes ses forces.

Elle avait quelque peut délaisser son art pour se concentrer sur son téléphone, excellent outil de distraction s’il en était un. Il y avait maman qui prenait des nouvelles d’elle, qui voulait savoir si elle était bien arrivée. En bonne fille elle lui répondit, lui expliquant tout de sa petite aventure au lac; de l’ami qu’elle s’imaginait que Kabuki se faisait, mais aussi de leur petite cachette coquette, des pokémons rencontrés et des éclats de la nature capturés. Elle lui promit de lui montrer toutes ses œuvres au retour à Nemerya, mais aussi de lui fait un petit appel vidéo ce soir, une fois rentrée à l’auberge où elle comptait passer la nuit pour la fin de semaine. Et finalement, comme pour la rassurer quant à ses aventures, elle lui prit une photo d’elle-même, un selfie quoi, pour lui montrer qu’elle était bien là où elle disait être. Elle avait beau avoir vingt ans, elle savait que sa mère s’inquiétait pour elle, et qu’elle serait toujours son bébé, au fond, même si à la maison elle en avait deux autres! Mais Kyo le savait, le lien qui l’unissait à sa mère était bien différent de celui qui l’unissait à ses autres enfants. Après pendant trop longtemps ça n’avait été qu’eux deux, et elles avaient à la limite grandies ensemble.

Une fois la photo envoyé, elle répondit avec entrain à ceux qui avaient déjà posé des petits commentaires sous la vidéo de Kabuki et du Goupilou; beaucoup de «ils sont trop choux» et de «hannnn» et puis quoi encore! Lorsqu’elle releva la tête elle n’arrivait pas à apercevoir Kabuki, ni son ami le Goupilou, à vrai dire, et tout de suite son cœur rata un battement. Elle se redressa en laissant choir son téléphone contre le rocher sur lequel elle était installé, et puis sonda la petite colline depuis son promontoire. Son cœur faillit lâcher, juré, quand elle entendit les branchages derrière elle craquer; et faisant volte-face, elle tomba nez à nez avec son petit Kabuki, qui allait très bien… à cela près qu’il était complètement trempé!

Ça s’était passé un peu comme ça; Kyo avait lancé la balle avec un peu trop de force, et elle avait dévalée la colline vite, trop vite pour que les deux renards puissent la rattraper. Elle s’en était aller flotter dans l’eau du lac; et Kabuki, en bon Zorua domestiqué, s’était arrêté à la limite de l’eau; mais le Goupilou, lui, étant sauvage, il n’en avait rien à faire d’être tout mouillé! Quand son partenaire de chasse (de bale) s’était jeté dans l’eau, Kabuki avait été assaillit par un Fear Of Missing Out des plus aigües; et après quelques secondes d’hésitation, s’était lancé dans l’eau à la suite du Goupilou! Ensemble, ils avaient cherchés la balle; ils s’étaient débattus ensemble pour se la voler l’un à l’autre alors qu’ils étaient dans le peu profond de l’eau, et à l’humidité s’était mélangé une bonne couche de vase de printemps. Ah! L’horreur; Kyo observait son Kabuki, tremblotant de froid et de honte, sans savoir que dire…

Et puis le Goupilou arriva à ses pieds, tout aussi mouillé et vaseux; mais lui ne se préoccupait pas des mesures d’usage, et se fait aller pour faire expulser l’eau qui imbibait sa fourrure; autant dire qu’il propulsa tout sur le beau kimono de Kyo! Une autre se serait peut-être fâchée, mais ce n’était pas dans sa nature à elle; elle éclata plutôt d’un doux rire, venant tapoter la tête du Goupilou avant de s’accroupir et de dire à son Zorua : « Allez, ne te fait pas prier. Tu vas attraper froid si tu reste tout mouillé » et alors que le petit Zorua se remuait avec un entrain renouvelé, elle protégea son visage avec sa manche de kimono. Y’avait pas à dire; il faudrait qu’elle le nettoie avec finesse dès le retour, mais il ne servait à rien de s’inquiéter de l’état de la soie pendant qu’il n’y avait rien qu’elle pouvait faire pour l’aider.

« Ah! » s’exclama-t-elle en réalisant que le Goupilou avait le nez dans ses affaires, remuant avec excitation; c’était tout juste s’il ne passa pas sa tête au complet dans son sac à la recherche de ce qu’il pouvait sentir : le goûter que Kyo avait préparé! Certes, ce n’était qu’un goûter pour deux, de base, mais en personne préparée Kyo en avait trop fait : alors toujours en riant, elle souleva le Goupilou pour le sortir du sac, posant sa main devant son visage pour lui intimer d’attendre; et quand il lui sembla qu’il s’était assied et qu’il allait attendre, elle se mis à fouiller elle-même dans le sac pour en sortir des petits sandwich qu’elle posa devant eux; chacun un, et puis un autre pour elle, qui commençait aussi à avoir faim.

Et pour un temps, tout ce petit monde fût calme.

Les deux pokémons mangeaient avec appétit, leur estomac probablement ouvert après avoir fait la course -et la nage- pendant quelques temps. Elle les observait de ses prunelles couleur printemps, s’assurant qu’ils n’étaient pas en train de prendre froid, analysant chaque mouvement pour y percevoir un tremblement; mais à son grand bonheur elle ne vit rien de la sorte, et il semblait que les deux chenapans avaient évités le plus gros des problèmes. Après stout l’eau et l’air étaient encore pas mal froids à ce temps-ci de l’année, quoique le gros de l’hiver était passé et que la neige avait fini de fondre, laissant le sol mouillé et engorgé d’eau en général. Mais sur la couverture de Kyo, on avait pas froid, on était pas humide.

Une fois le gouter fini, les deux pokémons reprirent leur chasse, cette fois-ci sans l’aide de Kyo qui retourna à ses croquis. Ils s’échangeaient la balle comme on joue à la tag, se la volant l’un l’autre en ricanant comme de petits fous. Le bruit de leurs jeux se voyait porté par le vent pour venir chatouiller ses oreilles, lui arrachant à tous les coups de petits sourires. Elle ne savait pas combien de temps ces jeux dureraient; ne savait pas quand le maitre du Goupilou viendrait le récupérer, mais elle se promis de lui toucher deux mots, d’échanger contact avec ellui pour organiser d’autres sessions de camaraderie entre leurs pokémon.

Elle, elle profitait du soleil pour continuer à faire des esquisses pleines de lumières, d’ondes bleutées qui se perdaient dans l’horizon, de montagnes plus grandes que nature aux pics enneigés et cristallins. Elle tentait de le peindre comme s’il n’y avait pas de plus bel endroit sur cette terre, et ça, ce n’était pas difficile pour elle qui avait grandit entre la mer et une chaine de montagne. La grande tour qui siégeait au nord de sa ville natale avait longtemps été sous la protection de sa famille, et l’on disait qu’il y résidait un pokémon légendaire que leur dance pouvait appeler pour un élu. Kyo avait grandi avec ces légendes, et dans son innocence presque enfantine, elle y croyait dur comme fer. Après tout elle s’était appliquée à apprendre les danses de cet étrange rituel dès son plus jeune âge, et le coût irrécupérable du temps qu’elle y avait mis l’encourageait à continuer à y croire.

Et puis, à dire vrai, ça ne faisait de mal à personne qu’elle y croit.

Accablé par une longue journée passée à jouer et à peindre (oh non! L’horreur!) Kyo se releva en soupirant, se sentant légèrement courbaturée; elle se promis de mettre un peu de temps de côté à l’auberge pour faire quelques étirements et puis un bon bain chaud. Elle ramassa son matériel consciencieusement, un doux sourire planté sur ses lèvres même si personne n’était là pour le voir. Ainsi les crayons retournèrent dans leurs étuis, les pinceaux furent rincés puis roulée dans un linge aux tâches qui témoignaient très bien de son âge. Puis elle inséra le papier maintenant sec, le carnet de croquis, son téléphone et le reste de leur goûté.

Moue boudeuse sur le visage, Kyo se préparait à quitter leur compagnon de la journée, triste de ne pas avoir finalement croisé le dresseur du Goupilou; quelle malchance, en plus, elle qui voulait absolument en capturer un! Ah, mais c’était normal; si les Goupilou étaient nombreux dans la région, les habitants devaient en trouver et en capturer souvent. Peut-être que le Goupilou habitait simplement dans une des maisons de villégiature des environs, et son maitre l’avait laissé jouer sans surveillance? Elle, évidemment, elle trouvait ça un peu dérangeant, puisqu’elle considérant son pokémon comme un enfant, même si au fond ils étaient des bêtes pensantes avec des émotions complexes qui pouvaient se débrouiller seuls!

Elle appela donc doucement Kabuki, laissant sa voix se faire porter par le vent. Alors qu’il venait la voir, penaud et sans volonté, elle lui dit; « Voyons, mon Kabuki d’amour. Nous reviendrons demain, tu auras tout le temps de venir jouer avec ton petit compagnon. Nous, nous avons rendez-vous avec la baignoire, tu ne sens pas très bon après ta visite dans la vase, laisse-moi te dire… »

Gros sac à main en main, elle se penche laborieusement pour gratter la tête de son pokémon; et le Goupilou, lui? Il était derrière eux, l’air déchiré par leur départ, mais sans aucune volonté de les suivre hors de son domaine. Alors Kyo lui fit un doux signe d’au revoir, lui promis un goûter pour le lendemain, et parti à l’auberge avec seulement son Zorua comme accompagnateur. La capture de Goupilou, ça allait attendre au lendemain…