Cela faisait un moment que l'envie de retourner aux ruines d'Akeos me faisait de l’œil, mine de rien. Depuis la première et dernière expédition de la dernière fois en fait. Et vu comment elle s'était achevée, je voulais très clairement y retourner quand j'aurais un peu de temps... Et comme le disent les proverbes, l'occasion fait le larron, et je lui ai sauté dessus. Les équipes archéologiques ont toujours besoin de coup de mains de dresseurs pour garder un œil sur la faune de pokémons locale et assurer la sécurité des hommes et du matériel. Aussi, quand Matt m'a parlé d'une annonce posté sur le réseau Dusk quand je l'ai croisé en salle des profs la dernière fois...

Le trajet en bus puis mini-van depuis Voltapolis est toujours aussi long, mais au moins je sais à quoi m'en tenir cette fois. Et comme la dernière fois, j'ai de la lecture avec le pavé de consignes et recommandations qui vont avec la mission... Enfin bon, c'est pour la bonne cause, et j'en connais déjà une grande partie grâce à mon expérience précédente.

...

Quelques heures plus tard, peu après l'aube...
Le soleil se lève déjà, il ne faut pas tarder. Le van vient de s'arrêter au campement de base, abritée derrière la grande dune qui surplombe l'entrée Est. Un mince filet de vent balaye le sable, et la chaleur est déjà importante. Vivement qu'on descende...
Un grand gaillard nous escorte jusqu'à une première tente où on nous rabâche les consignes de sécurité, les procédures et les derniers papiers à signer, puis le groupe de volontaires est dispersé aux quatre vents en fonction des affectations de chacun. En ce qui me concerne, on m'envoie vers une seconde tente pour m'équiper et m'expliquer les détails.

- "Est-ce que vous avez des questions ou tout est clair ?" me demande l'archéologue aux cheveux blancs et à la mine sévère devant moi.

- "C'est limpide comme de l'eau de Corayon, Professeure. Je suis là pour m'assurer que les pokémons sauvages se tiennent à l'écart de la seconde salle funéraire, et que rien de fâcheux n'est arrivé sur le chemin suite à la tempête de sable d'il y a deux jours."

"Parfait. Comme je vous le disais, votre binôme ne devrait pas tarder, alors finissez de vous équiper au plus vite et de briefer vos pokémons."

Quelques minutes plus tard, me voilà fin prêt au bas des premières marches à moitié effacées. L'escalier de pierre ocre n'est pas entièrement dégagé et s'enfonce à moitié dans le sable, ne laissant entrevoir qu'une entrée de taille modeste dans le grand bâtiment enfoui dans le désert. A mes côtés, Zyl (Alakazam) s'impatiente, alors que Céris (Arbok) savoure la chaleur du soleil et la caresse du vent. Solides bottes, mousquetons à la ceinture, corde et vivres dans le sac, nous sommes prêts à nous enfoncer dans les profondeurs de la cité antique. Ne reste plus qu'à attendre...

Si il y a bien une chose qui ne m'avait pas manqué, c'était le trajet. Quoi de plus terrible pour un archéologue de savoir son équipe déjà sur place sans savoir ce qu'ils y font ! L'aube était naissante. Je n'en pouvais plus, vraiment... La fenêtre de mon van était grande ouverte, le vent rentrait par grandes bouffées, découvrant mes oreilles que plus encore, jusqu'à... Jusqu'à ce que des rafales de plus en plus puissantes commencent à balayer le sable contre notre pare brise, infernales grésillements, limitant ainsi notre champs de vision. Nous étions arrivés. Le chauffeur m'appela alors d'un ton amical, le sourire imprimé sur son visage, me faisant signe de descendre, parmi ce fouillis de poussière et de particules de sable. J'étais ravie. Ni deux, ni trois, je sautai hors de mon véhicule de fortune, me dirigeant alors d'un pas rapide, la main droite contre mon visage asséché par les températures aux limites du caniculaire, vers ma tente attitrée. Le sable était significativement brûlant et mes chaussures de marche en cuir, au demeurant résistantes, ne faisaient pas bon ménage avec ce dernier. A peine arrivée, déjà en sueur, c'était certainement un indicateur de la difficulté de la tâche à accomplir ? Alors que je continuai ma progression vers la tente portant le nom de mon organisme de recherche, un van similaire au mieux fît demi-tour avec rapidité, avant de disparaître dans le nuage ocre.


Sur mon chemin, j'eus le temps de croiser quelque uns de mes collègues de travaille, ainsi que d'autres professeurs chercheurs de l'université de Nemerya. Tous n'étaient pas partis, mais il manquait tout de même quelques grands noms à l'appel. Je devais me dépêcher !



Mon matériel déjà préparé par mon assistante, Ophélie, je pouvais me lancer à la recherche de Monsieur Lamb, qui n'avait, pour la peine, pas prit le temps de m'attendre. Certainement avait-il une bonne raison de le faire ? Pensais-je sur le moment, avec un soupçon d'ironie, je dois l'avouer. Je n'ai pas passé plus que de trente secondes au sein de ma tente, que me voilà déjà partie. Alors que je commençai à me monter la tête toute seule, faisant un schéma plus ou moins précis du bonhomme avec qui on m'avait affilié, mon regard se porta sur ma montre, et... Un léger souffle, un ricanement nerveux et puis, plus rien... J'étais en retard, voilà la réponse à ma question.

Alors que j'arrivais à l'entrée de la porte Ouest, la sueur au front, le souffle lourd et les lèvres parsemées de poussière, une ombre se manifesta au loin, dans les quelques cent dix marches d'escalier menant à la première salle. C'était lui ! Je n'étais pas peur fière de la remontée et du 300m marche rapide que je venais d'effectuer. Le sourire aux lèvres, main sur la hanche, dans un dernier élan de fermeté et avec le fragile souffle qu'il me restait, je dicta ces quelques mots à voix haute.

Pas besoin de patienter bien longtemps avant qu'une silhouette à la démarche rapide ne s'avance dans ma direction, et je finis par accueillir la jeune femme qui y est associée avec une mine curieuse :

- "Monsieur Lamb ? Vous devez faire erreur, il est déjà parti par là. Je ne fais que profiter du paysage..."

J'attends deux secondes pour voir sa réaction, avant d'éclater de rire. Manifestement, elle a quelques minutes de retard, et s'attendait peut être à ce que je poireaute devant sa tente. Ce qui aurait été certes la plus polie des choses à faire, mais j'ai préféré prendre les devants et me poster ici. Après tout, pourquoi ne pas réellement profiter d'un tel paysage...

"Pardonnez-moi, je n'ai pas pu résister. Roy Lamb, pour vous servir, et voici Zyl sur votre gauche et Céris juste à côté. Je suppose que vous le savez déjà, mais je suis le dresseur qui vais vous accompagner aujourd'hui. Comme ma montre avait un peu d'avance, j'ai préféré vous attendre directement ici, mais n'allais tout de même pas partir sans vous. Après tout, vu que mon rôle se rapproche de celui de garde du corps, ce serait particulièrement contre-productif..."

Si Céris s'avance avec intérêt vers la nouvelle venue pour se mettre en valeur et éventuellement recueillir quelques louanges sur ses couleurs inhabituelles, l'Alakazam se contente d'une brève inspection du regard avant de se détourner, visiblement pas intéressé. Ce n'est pas demain la veille qu'il souhaitera chaleureusement la bienvenue à un humain qu'il ne connaît pas...

Pour laisser mon interlocutrice reprendre son souffle, j'interromps volontairement la conversation un moment en attrapant ma gourde pour boire quelques gorgées, avant de faire mine d'inspecter une dernière fois mon matériel alors que je sais pertinemment que tout est en ordre.  

"Bien, je crois que nous sommes prêts de notre côté. Est-ce que vous connaissez déjà la partie de la cité antique dans laquelle nous allons nous rendre ? La dernière et seule fois où je suis venu ici, nous étions partis d'une toute autre entrée, donc je ne connais que ce qui était indiqué sur le plan que l'on m'a donné."

Ce qui me convient plutôt bien, pour le coup. Ce sera l'occasion de découvrir un pan que je je connais absolument pas, et je doute que nous fassions de réelles mauvaises rencontres si près des plus gros sites de fouilles du moment.

Il a fini par m'attendre, au pied de cet escalier poussiéreux et glissant, par moment. Au final, ce n'était qu'un petit blagueur de première, rien de bien méchant, seulement de la motivation. Il avait de très beaux pokémons, en très bonne condition qui plus est. Ce détail me rappela la quantité astronomique de temps que j'avais perdu dans mes études, délaissant alors le seul ami que je n'ai jamais eu, mon Gloupti. Gloupti qui, par ailleurs, n'a jamais évolué en bientôt 20 ans de vie commune. Mais qui sait... Peut-être viendra le jour où, à l'ombre d'une ruelle poisseuse, ce petit chenapan évoluera ! Encore faudrait-il que je l’entraîne, me rappelais-je alors. Alors que je me perdais dans des songes inutiles, Monsieur Lamb, mon accompagnateur, m'interloqua de nouveau avec une question des plus pertinentes.

Ainsi, j'ouvrais le bal dans cette fissure au allure de couloir interminable, les deux mains contre la paroi côté droit, tandis que ma tête, armée d'un casque jaune et d'une lampe, tentait d'éclairer mon cheminement. J'étais munie de chaussures aux crampons résistants, ainsi que d'un short et d'une chemisette couleur sable.


Après quinze bonnes minutes de descente (car la fissure inclinait légèrement vers le bas), je venais à bout de ce tunnel teinté d'ocre et de peintures énigmatiques, cauchemar des claustrophobes. A mon arrivée, une salle, encore plus banale que la première et deux arches effondrées à moitié. Déçue, mais très loin d'être abattue, j'attendais que mon compère du jour me donne ses premières impressions, d'ailleurs, je ne me suis même pas présentée, ni même demandée si ça allait ?

Droit au but, hein ? Très bien, j'en prends note pour la suite. Vu le sérieux de la jeune femme, les blagues plus ou moins inspirées sont probablement à éviter. Ou alors, elle m'en veut simplement de ne pas l'avoir attendu au camp de base, mais le résultat revient alors au même. Tant pis, je m'en remettrais. Après tout, la priorité reste l'exploration des ruines, pas les conversations mondaines... Sa réponse confirme ce que j'ai mémorisé sur le plan, et je hoche la tête d'un air satisfait avant de lui emboîter le pas. Céris passe devant pour ouvrir la marche, et se retourne régulièrement pour savoir où la jeune femme souhaite aller. Comme à son habitude, Zyl préfère être en queue du cortège pour avoir une vue d'ensemble et couvrir nos arrières si besoin.

"Vous en savez probablement plus que moi à ce sujet. Mes informations ne proviennent que de l'encyclopédie que l'on nous a envoyé en guise de manuel, ainsi que de brefs échanges avec certains de vos collègues. Les ruines les plus faciles d'accès ne sont effectivement pas très anciennes, mais il semblerait que certains bâtiments datent d'époques différentes et plus reculées. Comme si la cité avait été partiellement reconstruite à plusieurs reprises pour une raison encore inconnue... De ce que j'ai cru comprendre, les archéologues n'arrivent pas à trancher entre des catastrophes naturelles répétées ou la lente érosion du sable qui aurait forcé à faire de grands chantiers de reconstruction."

Au bout de plusieurs minutes de progression plutôt pénible, nous arrivons enfin à une salle un peu plus grande, et je ne peux pas masquer un sourire en contemplant les murs et les deux arches brisées. Sans doute pas l'endroit le plus impressionnant du coin, mais pour mes yeux de quasi-novice la salle garde le frisson de l'inconnu et de la découverte.

"Ah, nous y voilà ! Vu la forme, ce sont ce qu'on appelle des arches brisées, n'est ce pas ? Elles sont bien abîmées, mais on devine encore la pointe au centre. Zyl, tu peux voir quelque chose en plus avec Œil Miracle ?"

L'Alkazam hoche la tête, mais ne semble pas vraiment intéressé par les arches en question. En revanche, il scrute avec attention le mur d'en face, duquel un Tutafeh finit par émerger avec prudence.

"Tiens ! Un visiteur inattendu. Ou plutôt un gardien, vu que c'est nous qui sommes les intrus. On ne fait que vérifier que tout va bien, pas d'inquiétude à avoir. Il y a eu une importante tempête de sable récemment qui a peut être endommagé nos installations. Est-ce que tu aurais vu quelque chose de particulier ?"

Je parle d'une voix douce pour ne pas effrayer le pokémon sauvage, même si je doute qu'il nous réponde vraiment. Cependant, ces créatures sont souvent très protectrices des endroits comme celui-ci, alors je préfère être prudent et montrer patte blanche. La suite me donne d'ailleurs raison car le pokémon hésite un moment, avant de s'avancer dans un des deux couloirs devant nous et de se retourner comme pour nous demander de le suivre. Voilà qui n'était pas prévu... Je me retourne vers la jeune femme pour l'interroger du regard et lui demander son avis :

"Que fait-on ? Est-ce que vous pensez qu'il faut le suivre ? J'ignore ce qu'il a pu repérer d'inhabituel, ni où il souhaite nous mener."