Des heures ? Des jours ? En l’absence de repère, je crois être aussi confus que tu l’es, mon précieux carnet. Je t’écris ces mots à la lumière du plafond phosphorescent sous lequel nous sommes prisonniers. Ces points de lumières doivent appartenir à des pokemon, mais il m’est impossible de distinguer lesquels. Qu’importe. Nous voilà tous les trois dans la grotte principale de ce qu’il semble être un réseau de galerie créés par les afflux de la mer. De l’eau non saline s’égoutte le long des murs et m’a permis de rester hydraté le temps que ma cheville se remette de la chute.

Impardonnable que je suis, me voilà qui parle de moi avant de ma si belle Jolie.
A quelques mètres de moi, se tient l’étoile plus rayonnante pour moi que milles soleils. En de telles circonstances, je comprend qu’elle ne porte pas son attention sur moi. Voilà quelques temps maintenant que nous sommes stationnés dans cette grotte et l’heure du départ approche. La jeune archéologue reste aussi calme et impassible qu’en toute autre circonstance. Maintenant que je la regarde, sa mélodie me réchauffe le cœur. Ô combien j’eusse espéré que le chant de sa voix soit pour moi et non pour l’homme d’argent : M.Sextant.

Alors que je rampe vers ces compagnons d’infortunes, je me remémore ma chute. Le couché de soleil sur la plage de Sunyra et son reflet sur les cheveux de mon amour. La course pour retrouver le pokemon disparu. Une montagne de pierre se déplaçant vers moi. Des torrents de sables s’abattant et m’ensevelissant. La chute, longue mais amortie par les Trepassable : bourreaux et sauveurs. Puis les tunnels et la caverne. Comment allions-nous sortir d’ici ?  

Leonard et Jolie semblaient avoir trouvé une autre source lumineuse que les éclats d’étoiles jonchant le plafond. Leurs visages semblaient grave et à mesure que je m’approchais des brides de mots me parvenaient : « risque de s’enfoncer », « rugissement à fait fuir », « marquer embranchement » , « montée des eaux », « écoulement ». Qu’importe le destin qui nous était réservé, je pouvais voir dans leurs yeux qu’ils marcheraient la tête haute à sa rencontre. Alors que ma main rampante arrivait à la lisière de leur cercle de lumière, Jolie se redressa de toute la hauteur de ses jambes.

« Que fais-tu encore dans cet état ? Tu t’es assez reposé, tu peux maintenant te lever. »

Il était temps d’avancer, nous ne pouvions croupir plus longtemps en ces lieux.



 

▬  “I know I was born and I know that I'll die... The in between is mine. I Am Mine.” Eddie Vedder

Cette dernière phrase, lâchée dans l’expiration d’un souffle, tranchée, terrible, avec la précédente description du Pokemon. A sa mention, tel le démon d’un mauvais téléfilm, un miasme violet se propagea dans le cercle de lumière, bientôt transpercé par un bras muqueux multicolore. S’extirpant du gaz dont il devait être à l’origine, Tad’Morv s’approchait de la transcendante Jolie. D’un geste lent, il pointa ma direction. Je tremblais. Debout, Dame Jolyne se dirigea vers moi, me dépassa, m’ignora. . Non. Ce n’était pas moi le centre d’attention, mais le mur derrière moi. Les doigts de mon amour se portèrent sur la paroi où je m’étais abreuvé peu avant, puis effleurèrent le velours de ses lèvres.



Et ainsi nous étions en marche. Je vous passerai le détail des heures de marches. Le pas était lent et précautionneux, me permettant de suivre le rythme. Des vagues d’angoisses venaient parfois m’étreindre la poitrine lorsque je réalisais où je me trouvais. Perdu sous terre, personne ne savait que nous étions ici. Des centaines de personnes étaient portées disparues par an sur l’ile. Serais-je le prochain ? Soyons sérieux, si l’un de nous devait mourir ici, je savais que ce serait moi. Je parviens à peine à respirer à cette évocation. Me pleurerait-on ?

Puis mes deux acolytes s’arrêtèrent brusquement. La lumière qui nous guidait fut éclipsée mais nous n’étions plus dans le noir. Je m’approchais, me frayant un passage entre Jolie et Leonard afin de connaitre mon destin. Le filet d’eau que nous suivions tombé une quinzaine de mètres en contrebas dans un puit d’eau d’une centaine de mètre. Devant moi, une grotte gigantesque était illuminée par des projecteurs. Dans le lac, un modeste sous-marin indiqué le début d’un campement humain. Quelques caisses étaient déchargées autour de trois tentes. De peur, je me plaquais contre la paroi du tunnel. Quelle attitude devions-nous adopter ?



 

▬  “I know I was born and I know that I'll die... The in between is mine. I Am Mine.” Eddie Vedder

Une caverne, une sous-marin, une bourgeoise et un moustachu.
Mais où étaient-ils donc tombés ? Littéralement.

Je voyais bien que Jolie était d’accord avec Léonard, nous nous devions d’aider la femme qui venait de se faire frapper. Cependant, une part de moi ne pouvait s’empêcher de penser que nous ne connaissions pas encore toute l’histoire. Pour quelle raison Moustache avait-il frappé cette dame ? Toute conséquence a une cause, et se pouvait-il que la cause soit ici en mesure de justifier la conséquence ? Je ne le savais pas alors. Et encore aujourd’hui, je crains que ce genre de considération ne soit au-delà de la décision des Hommes.

Jolie prie alors la parole :

« Leonard, je ne sais pas encore ce qui se passe exactement par ici. Je pourrais émettre des suppositions mais je propose que nous agissions d’abord. Notre premier problème est que nous ne savons ni qui ils sont, ni combien. Ce que je sais c’est que nous sommes actuellement coincé sous terre et que nous devons sortir si on ne veut pas mourir d’inanition. Et nous avons une porte de sortie ici : ce petit sous-marin. Je ne dis pas que nous allons le prendre maintenant mais nous pouvons nous en approcher. En même temps, nous serons également au niveau du campement et nous pourrons aider cette femme si c’est nécessaire.
La nuit dernière, tu as utilisé un Onix, c’est ça ? Je vais émettre une idée pour que nous puissions descendre mais la décision de la réaliser ou non te reviens. Nous sommes à vingt mètre au-dessus de la grotte et du point d’eau. Si nous plongeons, nous risquons de nous fracasser en bas. Et dans le cas où nous survivrions, le bruit de notre plongeon alerterait les membres du campement. Pour être honnête, je préférerais éviter d’attirer leur attention si notre première approche est qu’ils se crient et tapent dessus.
Voici ce que je propose : tu pourrais prendre la Pokeball de ton Onix, la déclencher et la lancer dans l’eau. Si ton Onix arrive à rester immobile et à ne pas faire de bruit, son corps sera invisible contre la paroi de pierre. Alors nous pourrons l’escalader afin de descendre. Une fois en bas, nous devrons alors aviser de ce que nous décidons de faire.
Je ne pense pas que rebrousser chemin soit une option viable. La manœuvre que je te propose est risquée, j’en ai conscience. Et le risque sera d’autant plus important qu’il te concerne personnellement toi et tes Pokemons. C’est pourquoi je ne peux pas te l’imposer. Il requiert un lancé parfait de ta part et qu’Onix soit discret lors de sa sortie de l’eau. Je te laisse aviser, mais nous sommes tous les deux dans le même bateau maintenant. Quoi que tu décides, nous devrons continuer ensemble. »

Belle et intelligente. La tête froide, ma déesse ne pouvait être plus parfaite. Je la suivrais jusqu’au bout, quelle qu’en soit la finalité.



 

▬  “I know I was born and I know that I'll die... The in between is mine. I Am Mine.” Eddie Vedder

Je n’eus pas le temps de réagir à temps et lorsque je compris que je devais agir… il était déjà trop tard.

Le jeune Riolu fut le premier à s’élancer : quittant avec légèreté le promontoire, son saut le dirigeait tout droit vers le camp du moustachu. La situation avait depuis longtemps dépassée son seuil de tolérabilité et le pokemon partit avant même que son dresseur n’ait parlé. Tous les héros n’ont pas de cape, et cette petite boule de poils bleus en était la preuve : un véritable justicier, exactement comme dans les contes et légendes des temps anciens.

A sa suite, c’est l’amour de ma vie qui fut la première à agir. Partant en direction de l’Onix, elle s’agrippa à lui comme j’aurais souhaité qu’elle le fasse un jour avec moi. Ses bottes frappèrent le corps de roche avec violence, descendant aussi vite que possible le long du Pokemon de Leonard. La discrétion n’était plus de mise en cet instant, le Riolu commençant à faire du bruit afin d’attirer l’attention de moustache. Enfin, ma belle atteignit le petit lac, bientôt rejointe par le bruit de son funeste Pokemon Toxique. Comment osait-il souiller l’eau dans laquelle Jolie se trouvait. Si seulement je n’avais pas à ce point peur…

Allongé au bord du vide, je pu suivre de haut les avancées de ma compagne. Elle contourna dans un premier temps le petit sous-marin : aucune lumière ne traversant ces hublots, je présumais alors qu’aucun occupant n’était à son bord.  Jolie atteignit le bord du lac et resta un instant à observer les lieux : la tente principale devait faire une vingtaine de mètre carré. D’un vert sombre, elle était le type d’occupation qu’une famille pourrait prendre lors d’un séjour en camping. Deux autres, d’une seule place, semblait contenir du matériel informatique. Tout du moins, des câbles les reliés à un générateur au pétrole tournant au ralenti. Quatre projecteurs, surélevés, entouraient le camps, ne laissant que peu de place aux ombres.

La jeune archéologue se retourna vers le sous-marin monoplace qui lui faisait dos. Oui ! Oui ! Une sortie. Cette situation ne nous concernait en rien. Qui étions-nous pour nous interposer ? Par contre, nous avions un devoir. Un devoir envers nous-même : celui de rester en vie. Ô cher journal, je t’en prie, ne me juge pas trop vite. Si seulement tu avais vu ces sombres tunnels que nous avions traversés, tu comprendrais alors la peur que j’éprouvais. Mon instinct de survie me criait de sortir de cette endroit recouvert par des centaines de tonnes de sables. Oui, ce petit sous-marin était notre espoir, notre porte de sortie de ce chemin vers l’enfer.

Je me trouvais alors à une vingtaine de mètre de Jolie. Et pourtant, je jure sur ce que j’ai de plus cher - sur l’amour que je lui porte – qu’à la simple vu du mouvement de ses voluptueuses lèvres je pu entendre aussi clairement que si j’étais à côté d’elle ces mots qu’elle adressait à la Flak’d’Morv’ :

 « Gaz Toxik. Ecoutille. »

De l’autre côté de la scène, l’imposant homme ayant vu le Riolu se précipiter vers lui sortie une Pokeball de son sac en bandoulière. Un Canarticho, également bedonnant, vis s’interposer entre la course du Pokemon de Leonard et son maitre. Leonard… mais où était-il donc en cet instant ? Si accaparé par la descente de ma belle, j’en oubliais de prendre acte des actions de l’homme partageant notre mésaventure.

▬  “I know I was born and I know that I'll die... The in between is mine. I Am Mine.” Eddie Vedder

La scène se déroulait loin de moi, et pourtant, encore aujourd'hui je pourrais jurer en avoir fait partie.

 «Hey, Moustache ! Ce Tad'morv' n'a jamais excellé en combat. En tout cas, pas dans un combat loyal. Alors si tu le permets, je vais me joindre à lui. N'est-ce pas ce pourquoi des dresseurs sont appelés partenaires ? Observe et apprend.»

Le Corboss piquait à vif en direction du Pokemon poison afin de l’attaquer en premier. Ces plumes de jais se fondaient dans l’obscurité du lieu, le rendant difficile à percevoir.


Elle écrasa alors sa cigarette dans sa main. Ne s'était-elle pas brûlée ? Non. Non, je me rappelle maintenant. Dans son autre main, elle tenait un paquet d'allumettes qui s'embrasa rapidement. Oui, les flammes grandirent vite mais pas autant que ce qui arriva ensuite. Son bras gracile s’éleva, projetant le déclencheur vers l’écoutille ouverte du sous-marin. Le gaz qui s’y était engouffré auparavant explosa. La grotte s’illumina d’un flash aveuglant, le rougeoiement de l’épave projetant des ombres menaçantes sur les parois de la grottes.

"C’est entre toi et moi maintenant."

Notre espoir de sortie venait de partir en fumée mais ce n’est pas de ma bouche que sortie une cris de détresse. Il s’agissait du Corboss qui venait de se faire prendre dans l’explosion.

▬  “I know I was born and I know that I'll die... The in between is mine. I Am Mine.” Eddie Vedder