Le soleil inondait le pont du bateau, le capitaine sortit de sa cabine avec Fracas et salua tout son équipage. Tout heureux, il adressa également un large sourire à sa petite fille qui lui répondit en riant naïvement. Une magnifique journée ensoleillée débuta près des terres de Nénucrique. Tous les matelots s’activèrent pour prendre le large, un grand nombre de commandes ayant été passées en ce début d’année.

« Ma Annette je pense que le vent tourne enfin pour la famille, notre élevage va pouvoir enfin devenir viable et je pourrais réaliser le rêve de ta mère. Je ne pensais pas qu’un jour on réussirait ; je suis tellement fier que tu puisses y assister. »

La lueur contenue dans les yeux de son père lui réchauffa le cœur, il avait raison sur toute la ligne, plus rien ne pourrait leur arriver. Les jours sombres, emprunt de mélancolie et de tristesse, elle ne les connaîtrait plus jamais. Elle le regarda s’éloigner et décida de le laisser tranquillement vaquer à ses occupations, pour passer le temps, elle rejoignit son frère en cuisine. Une chaleur étouffante s’échappa des différentes machines en action, le chef criait sur ses commis, mais personne ne lui en tenait rigueur, son talent pour la cuisine faisait l’unanimité. De plus, tous savaient que sa carrière extraordinaire s’était arrêtée brutalement à cause du décès de sa femme il y a cinq ans à peine ; par suite, il avait quitté l’hôtel luxueux qui l’embauchait et sombra dans l’alcool un temps. Ce qui le sauva fut son amour des pokémons eaux et de la pêche. Justement, il rencontra le capitaine durant cette période et le suivit, lui et sa bonne humeur légendaire.

Annette déguerpit au plus vite, là non plus elle ne pourrait pas rester très longtemps sans les gêner. Elle retourna sur le pont, pas un nuage ne tâchait la voûte azur, des goélises se posèrent sur les mâts. L’envie lui vint de les rejoindre, mais cela lui passa rapidement ; elle risquait de tomber et mourir, accessoirement. Les vagues l’appelèrent, de doux rouleaux mousseux se fracassaient les uns après les autres. Une mélodie reposante les accompagnait, quelques barloches sortaient innocemment la tête de l’eau.

On sonna la cloche de midi pour réunir tous les marins autour de la table installée dans les cales. Puisque le temps était au beau fixe, personne ne surveilla les alentours. Les plats défilèrent, la boisson coula à flots, les histoires improbables se succédèrent dans la joie et la nonchalance la plus totale. On remercia les cuisiniers d’effectuer leur tâche avec passion et surtout ferveur. Dehors, on n'entendait pas un bruit, tout le monde en profita donc pour digérer tranquillement. Certains en dormant ou d’autres en jouant avec des camarades aux cartes.

Au début, il n’y eut qu’une légère brise, plus fraîche que les autres, puis progressivement, ils se rendirent compte des secousses de plus en plus violentes. Son père, animé par une sorte de sixième sens dû à sa longue expérience, s’activa d’un coup, il hurla ses ordres, car une tempête faisait rage. Annette Effrayée se réfugia à l’intérieur, les yeux et les mains sur ses oreilles et pria pour que cela se termine. Les secours récupérèrent les survivants sur la plage, plus de la moitié succombèrent. L'événement secoua les médias locaux et une journée de deuil fut célébrée un an après. On ne retrouva pas le corps du capitaine.

« Mademoiselle, vous parlez de votre histoire personnelle c’est bien ça, ou avez-vous eut un proche concerné ? Je ne comprends pas vraiment pourquoi vous venez de me raconter cette histoire… Vous êtes venue pour me consulter suite à un trauma si je me souviens bien, commencer par le début je vous prie. »

Un soupire lui échappa des lèvres, dehors à travers la fenêtre un papilusion traversa le jardin et s’arrêta pour butiner une fleur. Elle se leva et quitta la pièce en laissant pantoise la psychologue. Sa mère tenta de la retenir, en vain, alors elle alla à sa place s’excuser auprès de la professionnelle et régler la note du rendez-vous. Une fois de retour à la maison, elles eurent une grande discussion, au grand damne de notre protagoniste :

« Il faut vraiment que tu passes à autre chose, sérieusement ça n’a pas été facile pour moi aussi, mais il faut continuer à avancer. Il faut que tu me parles, je t’en supplie, tu ne peux pas rester murer dans le silence éternellement. Que vas-tu, tu as déjà 30 ans, le temps passe et moi aussi je vieillis je ne suis pas éternelle. Quand je ne serais plus là, vers qui vas-tu te tourner ? Tu t’es éloignée petit à petit de tous ceux et celles sur qui tu pouvais compter. Annette… »

[...]

Annette revint une semaine plus tard avec un billet pour Lumiris, sans prévenir personne ; sa région d’origine contenait beaucoup trop de mauvais souvenirs pour lui permettre d’évoluer sereinement. Rien ne la retenait à Nénucrique, pas même sa mère qui continuait à sombrer dans une lente et profonde dépression. Seule trace de son départ une lettre :

Maman: