standing in the rain

Il pleuvait. Il ventait légèrement. Un douce brise agréable parcourant ton visage, ta joue, il ventait et pleuvait. Tu te souvenais de sa voix tendre qui parlait du vent dans les arbres, quand vous ne pouviez pas vous voir et qu’elle avait envoyé un message vocal.
Aujourd’hui, il pleuvait. Et tu te sentais particulièrement calme, sereine. Comme lavée des souvenirs, lavée de la peur et de la douleur. Tu étais de sortie, alors que n’importe qui de logique aurait pris son trou dans sa maison pour ne pas risquer une pneumonie. Mais la pluie ne t’avait jamais fait peur, pas plus que le vent ne l’avait fait. Tu te sentais bien quand la température se déchaînait, à ta place, dans ton élément. Tu retrouvais le sentiment de maison qui t’avait toujours fait défaut. Enfant de l’univers, enfant des éléments, nulle part ailleurs chez elle que dans la manifestation de la colère des Légendaires.

Tu étais presque seule. Presque parce que Casper se trouvait sur ton épaule comme à son habitude. Jamais elle ne changerait. Jamais elle ne te quitterait. Elle dormait toujours dans ton lit et tu ne pouvais pas t’empêcher de te dire qu’un jour, lorsque tu aurais quelqu’un dans ta vie, ce serait quelque part handicapant d’avoir un spectre comme enfant dormant dans ton lit. Mais ce n’était pas grave. Tu l’aimais et tu acceptais entièrement la dépendance affective et l’anxiété de séparation de ce pokémon aux couleurs chatoyantes. Galaxie que tu portais dans tes bras. Parfois, tu te disais que tu aurais pu choisir un autre nom, mais Casper avait toujours été un fantôme que tu adorais enfant. Alors, elle portait ce nom. Qui avait dit que tu te devais de faire preuve d’originalité ?

Tu avais présenté ton billet safari qu’une personne t’avait offerte en gage de remerciements lorsque tu avais accepté son Guériaigle dans ton refuge, lui ne pouvant plus s’en occuper. Il avait tellement pleuré que tu avais pu, à ce moment-là, sentir ton cœur se briser, se serrer. Mais aujourd’hui, ce souvenir se laissait porter par le vent pour ne laisser qu’un calme apaisant. Et tu souriais à l’employée qui n’avait pas le choix de travailler malgré les caprices de la météo. Tu lui souhaitas une bonne journée avant de faire ton entrée dans ce parc que tu n’avais jamais visité. Peut-être aurais-tu dû ? Après tout, tu n’habitais pas très loin, résidente de Sunyra, c’était facilement accessible. Mais tes journées étaient partagées entre ton travail et ton refuge, alors tu n’avais que rarement le temps de faire autre chose que ça. De te promener, de découvrir.

you can’t keep me in the dark
Tu ne savais pas. Tu ne savais pas ce que tu espérais de ce Safari, ce que tu attendais. Tu ne voulais pas de pokémon en particulier. Tu n’étais pas une dresseuse, pas une combattante, seulement une soignante, quelqu’un qui était passionnée par les pokémons. Une passionnée des insectes également et tu avais cru comprendre qu’un pokémon insecte-glace était présent dans ce lieu. Ce pourrait être merveilleux de le rencontrer. Mais surtout et avant tout, tu profitais.

Tu profitais du calme. De l’apaisement. Tu profitais de la pluie qui t’avait entièrement trempée déjà, tu profitais de cette température si douce à tes yeux qui avait toujours été celle que tu préférais. Tu avais souvent été courir, danser, t’amuser, sous la pluie, sous les orages. Quand tout se déchaînait et que les autres préféraient la chaleur de leur foyer, tu étais sur les routes, oubliant les soucis, les tracas, de ton quotidien, enfermant tes démons dans une malle le temps d’un instant. Une pause, un moment pour souffler, un moment pour exister. Une suspension dans le temps pour prendre une grande respiration, une bouffée d’air, pour t’approvisionner d’oxygène.

Douce pluie. Tendre pluie.
Goutte à goutte. Plic ploc. Il continuait de pleuvoir alors que tu continuais de marcher. La pluie était douce, la pluie était calme, elle était apaisante et berçait ton cœur. Tu n’aurais pu rêver mieux pour une petite sortie. Même si tu avais peur que Casper prenne froid, tu n’avais pas pu t’empêcher d’aller te promener pour tenter de te ressourcer.
Les derniers jours, les dernières semaines, avaient été éprouvants, t’avaient épuisée. Tu avais besoin de temps pour toi, pour respirer, pour souffler, pour oublier. Et cette journée était celle idéale pour une telle condition. L’occasion ne pouvait pas être laissée. Tu avais dû la saisir, ne pas la laisser filer. Parce que respirer était essentiel dans ce monde où tout allait bien trop rapidement. Respirer était essentiel dans un monde où on ne pouvait même pas prendre du temps pour soi sans que ce ne soit considéré comme de la paresse, de la mauvaise volonté.

Pas à pas, tu t’avançais dans ce safari en mettant de côté tous les problèmes que ton quotidien préservait bien frais pour chaque réveil. Tu mettais de côté ta mauvaise confiance de toi, ton estime de soi si basse, tu mettais de côté la douleur du manque de ton amour, mettais de côté la douleur vibrante de chaque réveil. Tu laissais de côté tout ce qui était mauvais, ne gardais que la douceur pour bercer ton cœur et ton âme dans cette journée pluvieuse.
Isolée, dans cette température isolante, tu respirais. Tu respirais de nouveau bien mieux que tu le ferais en dehors de la pluie. Tu n’aurais pu demander autre chose, une meilleure condition.

Ton regard se posa alors sur un Larméleon qui envoyait des vagues d’eau à un Canarticho. Des pokémons étranges, venus d’ailleurs, une nouvelle version d’un Canarticho. Tu en avais entendu parler, de nouvelles découvertes, mais tu ne les pensais pas déjà à Lumiris. Fallait croire que la migration avait été étrangement rapide, ou alors ils avaient été implantés dans le Parc Safari dans le but de les implanter dans l’île ?
Tu ne savais pas trop. Tu savais seulement que le pokémon ne semblait pas plus heureux que le Canarticho bien plus pâle que la normale. Tu savais seulement que le Larméleon semblait triste sans que tu ne puisses savoir pourquoi. Et puis.. le nom n’était pas très heureux non plus, n’est-ce pas ? Alors ton grand cœur faisait en sorte que tu ne pouvais pas le laisser seul ici, que tu ne pouvais pas l’abandonner dans ce parc sans avoir essayé de l’avoir.

Tu t’étais donc approché de ce petit pokémon tout en regardant son « ami » qui avait maintenant l’attention d’une jeune femme que tu ne connaissais pas. Tu ne l’avais jamais vu, mais tu ne connaissais pas Lumiris en entier non plus. Étrangement, tu n’étais pas la seule à être sortie dans une température qui ne se voulait pas clémente de base. Pour autant, tu ne fis que lui sourire avant de te retourner vers le Larméléon.
Tu n’étais pas sociale. Tu ne l’étais pas de base, tu ne l’étais pas aujourd’hui. Même si tu étais calme, entièrement calme. « Coucou toi.. » Effleurement dans le silence entrecoupé par les gouttes de pluie tombant sur le sol. « Je pense que ton ami a trouvé quelqu’un pour s’occuper de lui, tu n’as plus besoin de le faire. » Tu lui avais fait un sourire doux, tendre, tu ne voulais que le comprendre, que l’aider. « Tu devrais prendre le temps de te reposer. »

Tu comprenais. Tu comprenais l’amitié de ce Larméléon envers le Canarticho. L’amitié était une valeur importante qui ne pouvait pas être négligée, mais on ne pouvait pas remplacer quelque chose permanemment chez quelqu’un. On pouvait soutenir, mais pas être une pièce manquante. Une béquille quelque chose, uniquement, mais pas être une transplantation. Ce Larméléon allait devoir comprendre que cette loyauté ne peut mener à rien de bien, mais étais-tu vraiment la mieux placée pour lui faire comprendre, la mieux placée pour lui en parler, la mieux placée pour le lui reprocher ?
Très souvent, tu t’étais donnée à corps perdu pour sauver quelqu’un, tu avais oublié de respirer pour permettre à quelqu’un de le faire, tu avais oublié d’exister pour insuffler la vie chez une autre existence. Alors pouvais-tu vraiment lui dire qu’il ne pourrait pas le faire éternellement ?

Ou peut-être était-ce parce que tu l’avais fait à tant de reprises que tu étais la mieux placée pour lui dire que ce n’était qu’éphémère, que ça ne servait jamais réellement sur le long terme, que ça épuisait plus que ça aidait. Sans doute mieux que c’était le fait que cette situation te semblait bien trop familière qui te permettait de savoir que ça ne mènerait à rien et que ce pokémon allait – tôt ou tard – penser à sa propre personne, avancer par lui-même et arrêter de servir de larmes à ce Canarticho qui allait devoir lui-même commencer à avancer, à se bouger, à ne plus se morfondre. Comme la jeune femme qui lui parlait semblait vouloir lui faire comprendre.
Cette inconnue avait raison. Attendre ne servait à rien, attendre et espérer que la vie nous ramène ce que l’on avait perdu était une situation qui ne possédait pas la moindre utilité. Il fallait avancer. Poser son pied à terre, et l’autre après. Arracher la page du livre qui nous bloquait, qui nous figeait. La brûler même pour ne plus la voir, ne plus en entendre parler. Seulement avancer .

« Tu ne vas pas pouvoir faire ça toute ta vie. » Ta voix était toujours douce, mais légèrement plus ferme. Parce que tu ne voulais pas le brusquer, tu ne le comprenais que trop bien pour être en mesure de le brusquer, d’être trop brutale… et tu n’étais pas comme ça. Ton amour de ces êtres qui n’étaient en rien inférieur à vous te poussait à une certaine douceur, même si celle-ci était parfois plus mesurée qu’à d’autres moments. « Un jour, tu vas manquer d’eau, d’énergie. Il va devoir se débrouiller par lui-même, un jour. » Il fallait essayer de lui faire comprendre que ça ne rimait à rien, qu’il allait s’assécher un jour ou l’autre, que ce soit bientôt ou même encore dans longtemps, ça n’avait pas trop d’importance le moment dans la ligne du temps. Ça allait arriver et c’était une certitude. C’était tout ce qui venait à importer.

Tu t’étais assise à ses côtés, ignorant le fait que tu étais en train d’imbiber tes vêtements de l’humidité et l’eau présente sur le sol. Parce qu’il pleuvait. Parce que la pluie continuait d’apaiser ton esprit. Le ciel pleurait. Tu ne savais pas ce qu’il pleurait, mais il pleurait. Et tu étais témoin de cette tristesse. Tu regardas la jeune femme qui s’était légèrement éloignée avant de reposer ton regard sur le Larméléon. « Allez, petit, ne t’épuises pas. »

Le pokémon t’ignorait. Il laisse tes mots s’envoler dans les airs, se brouiller par la pluie qui vous entourait, te laissant passer pour folle à lui parler sans avoir la moindre réaction de sa part. Il continuait d’envoyer de l’eau dans les yeux du Canarticho pour lui servir de larmes, pour l’aider. Machinalement. Sans joie dans ses yeux, sans joie dans son existence. Sans joie. Tu avais soupiré, restant toujours assise, laissant la pluie couler, te faire frissonner, remplir ton corps d’un froid que tu connaissais très bien tandis que Casper avait descendu de ton épaule pour se mettre tes jambes.

Tu aurais aimé avoir les mots, pouvoir le convaincre, pouvoir lui faire comprendre que ça ne servait à rien. De toute façon, dans ce monde, plus tu donnais plus on te prenait sans jamais te redonner et tu finissais par être vidé de tout. Tu aurais aimé qu’il le comprenne, mais il semblait décidé à donner de sa personne pour aider ce Canarticho qui ne lui offrait pas le moindre regard.
meet me in the battlefield
Tu avais laissé un soupir s’échapper de ta gorge, mourir sur tes lèvres, alors que tu levais la tête, fermais les yeux, pour profiter de la pluie rafraîchissante, de la pluie apaisante. Il ne pouvait faire que ce qu’il désirait. Au final, ta présence ne changeait rien, tes mots ne changeaient rien.

Mais la jeune femme était parvenue à convaincre le Canarticho d’aller faire une marche avec elle, de cesser cette contemplation vaine de l’autre rive, et le Larméléon restait ici, sans un geste d’au revoir de la part de celui qu’il avait considéré comme un ami. La blessure serait sans doute longuement béante, mais tu savais qu’il pourrait s’en remettre s’il apprenait qu’il ne fallait pas autant donner. « Trop donner ne sert à rien. On finit souvent par seulement tout perdre. Tu veux une petite gâterie ? » Tu sortis de ta poche un petit sachet qui n’avait pas été encore atteint par la pluie pour lui donner ta dernière gâterie que tu possédais sur toi. Il la regarda longtemps avant d’accepter de la prendre. « Un jour, tu trouveras un autre qui va te redonner tout ce qu’on t’a pris, mais crois-moi, il faut apprendre à comprendre où on peut se donner et où il faut.. prendre ses distances. » Et la loyauté sans faille n’était pas toujours une qualité. Parfois, c’était la meilleure façon de se jeter dans la gueule du loup, de finir totalement et entièrement blessé, en morceaux. C’était ce qui lui était arrivé d’ailleurs.

« Je peux t’apprendre, si tu veux. » Tu pourrais le prendre en charge, l’amener au refuge, lui présenter tous les autres pokémons que tu avais, tu pourrais oui. Il ne restait qu’à savoir s’il accepterait. S’il voudrait te suivre, te faire confiance, avec la soudaine déception qui lui était tombée dessus. « Veux-tu ? »