Jenna descend du bus, jette un coup d’oeil à l’heure indiquée sur son portable avant de le ranger aussitôt dans son sac à bandoulière. Elle avance dans les rues, s’y arrête un moment pour regarder les différents établissements, curieuse des découvertes qu’elle y fait. Ce n’est, qu’après tout, la deuxième fois qu’elle se rend à Fort-des-Songes, et l’ambiance de cette ville la rend tellement intrigante pour elle qui n’est pas habitué.
Elle cherche un endroit où les gens sont peu présents, arrive dans une rue peu prisé et se décide alors à sortir de sa pokéball Doucette, sa Crèmy récemment capturée et qu’elle cherche à habituer doucement à la vie humaine. Quand elle apparaît, la petite boule de crème semble rapidement intriguée par la vue qui s’offre à elle, et Jenna redoute qu’elle ne se sente pas à l’aise.
“Reste près de moi, d’accord ? ”
Elle lui sourit doucement, et la Crèmy après un instant dubitative flotte joyeusement devant elle avant de commencer à s’en aller, avec Jenna qui lui court après. Finalement elle parvient à la calmer, et elles restent l’une à côté de l’autre, à visiter la ville, avec la même curiosité. La dresseuse s’arrête en voyant une boulangerie, à quelques mètres, hésite.
“…. Je m'achèterais bien une pâtisserie, pour ce soir !”
Sauf qu’au moment où elle ouvre la porte, elle ne réalise pas que Doucette d’un coup décide plutot de suivre un Pokémon avec son dresseur. Jenna entre, regarde les gateaux avec hésitation.
“Hum, que prendre… C’est dur, tu trouves pas Doucette ?.... Doucette ?”
Elle regarde partout, et en ne voyant pas son pokémon elle commence à pâlir, quitte rapidement la boutique et regarde les alentours, l'appelant à plusieurs reprises. Elle court, jusqu’à voir un homme avec son uniforme de Policier.
“… Excusez moi ?! Vous n’auriez pas vu Dou… Une Crèmy ? Je… Je l’ai quitté des yeux et… ”
Il y avait bien une chose que je reprochais à mon métier. Une seule et unique. Les patrouilles. C’était malgré moi, je détestais être payé pour marcher en ville. Vraiment. Ça me donnait l’impression d’être inutile de ne plus avoir d’usage à travailler dans cette boîte que j’affectionnais pourtant tellement. Ça faisait partie du boulot, hélas, et comme mon père – Arceus entende ma détresse – il n’existait aucun métier où l’on appréciait l’ensemble des tâches que l’on devait effectuer. C’était, en un sens, une fatalité. Était-ce vraiment le calme de la tâche qui rebutait ou son côté altruiste ? Avais-je une aversion à aider mademoiselle Suzette, la fleuriste septuagénaire, à traverser la rue ou à marcher dans la rue espérant trouver quelque dossier qui soit duquel me mêler ? Un peu des deux, vous me direz. Pour que je me questionne à savoir quel aspect je détestais le plus, alors forcément chacun d’eux me dérangeait. Vraiment chacun. Je n’étais pas particulièrement antisociable ou quoi, je préférais simplement savoir ce que je ferais, avoir un plan de match et ne pas être interrompu par la moindre enfant larmoyante qui avait égaré son Pokémon… et je ne parlais pas à travers mon chapeau.
J’aurais aimé lui dire que j’avais mieux à faire. C’était faux. J’aurais aimé lui dire à quel point je préférais m’occuper de savoir qui avait lancé l’œuf sur la maison de Suzette la veille. Vraiment, j’aurais aimé. Il était là le problème. Dans cet uniforme : je n’avais pas le droit de manquer de respect ou d’être exacerbe dans mon refus d’assistance. C’était interdit. « Nah, j’ai rien vu mademoiselle. Vous voulez qu’on fasse un portrait-robot ? Il ressemble à quoi ? » Le venin était interdit, pas l’ironie. L’ironie, c’était bien ça. J’échappai un sourire complaisant. Il m’arrivait de me trouver drôle et j’étais dans l’une de ces situations. J’étais le pire patrouilleur de Fort-des-Songes, officiellement. Ou presque. Très presque. Je savais que je ne resterais pas sur ce ton hargneux, que je serais incapable d’être aussi cruel à l’endroit d’une civile, quelque fut la raison de son interlocution. « Mouais pardon. C’était assez moyen. Y’a un concours avec les gars au poste, ‘fin j’vous explique pas le truc, mais j’pourrai leur raconter ça plus tard. » C’était faux, bien évidemment. Il n’y avait aucun concours, simplement un orgueil un peu mal dissimulé. Je souris à la dame brièvement, révélant mon sourire, révélant mon charme, je lui fis un clin d’œil, comme si j’eus tenté de la manipuler, de lui faire oublier ce que je venais de dire. « Un Crèmy vous dites donc ? » Je ne m’assurai même pas de ma réponse et portai la main vers ma radio. « Prescott aux opérations. Y’a une p’tite qui cherche son Crèmy, v’pouvez passer le mot aux autres ? 10/4 » Un bref grésillement et on entendit un simple « Bien reçu ».
Un nouveau sourire et je regardai la dame « Alors voilà, maintenant y’a tous mes collègues qui vont ouvrir l’œil pour votre Pokémon. On pourra pas le louper… sauf s’il est tombé dans un égout, on a pas de visuel là-d’dans. Et vu sa consistance c’pas impo… » Je m’interrompis, ce que je m’apprêtais à dire ne l’aiderait en rien. À la limite, elle aurait flippé et je n’aurais pas été mesure de la rassurer. L’empathie, ce n’était pas ma plus grande force. Je ne fis que sourire et continuai à marcher « Si d’une quelconque façon ça peut vous rassurer, vous pouvez marcher avec moi. Comme ça, dès qu’on l’a en vue, on pourra aller le chercher ensemble. » Pour un policier grincheux, je trouvais que je m’en sortais pas si mal. Évidemment, ce n’était pas ma meilleure intervention, mais il y avait une certaine assurance dans mes propos et mon ton qui pourraient, à la limite, lui donner un minimum de confiance. Juste assez pour qu’elle ne se plaigne pas de mon comportement. « Je suis le sergent Prescott, si jamais vous voulez évitez de m’appeler Monsieur l’agent. Ça rendra notre truc un peu moins pénible. » dis-je un peu hautain, comme si j’eus voulu me flatter moi-même en mentionnant mon rang. J’aurais pu dire mon nom… mais non. Ce contact était professionnel et devait le rester. J’étais trop pédant de toute façon pour qu’elle tente de forger un lien.
Je portai ma main à ma ceinture pour attraper ma bouteille d’eau et m’enfiler une rasade. « Vous en voulez ?. » dis-je en lui tendant la bouteille. Il n’y avait que ça que je pouvais faire pour bien faire mon job… la rassurer et ouvrir l’œil à la recherche de crème chantilly dans une ville aux allures médiévales. Étais-je au milieu du tournage du remake du magicien d’Oz et on avait oublié de me le dire et de condamner la zone ?
Jenna Lloyd
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Jenna ne peut que se sentir mal à l’aise, à l’idée de déranger un homme, honteuse de ne pas savoir gérer toute seule le problème sans laisser la crainte que Doucette ne soit blessé ou en danger la pousser à demander une aide. Mais la peur de déranger, et elle sent vaguement que c’est le cas, lui donne envie de juste s’excuser et de vite s’éloigner de l’homme.
“Nah, j’ai rien vu mademoiselle. Vous voulez qu’on fasse un portrait-robot ? Il ressemble à quoi ?”
Enfin, à vrai dire elle se sent surtout décontenancé soudainement par sa question, n’y comprenant pas vraiment l’ironie et ce malgré le sourire du policier. A vrai dire elle réalise, et elle se rappelle d’ailleurs du jour où elle a capturé Doucette, que ce n’est pas sur qu’il sache à quoi ressemble le Pokémon crème. Mais du coup, elle a l’impression de vraiment, vraiment, déranger, vu le ton employé.
“Mouais pardon. C’était assez moyen. Y’a un concours avec les gars au poste, ‘fin j’vous explique pas le truc, mais j’pourrai leur raconter ça plus tard. ”
Ou elle se trompait sur toute la ligne. Jenna cligne des yeux, surprise, ne comprend pas totalement ce qu’il veut dire par “concours” mais se sent bête, joue avec sa jupe nerveusement en essayant de retrouver ses mots. Elle ne sait même pas si elle est capable de se détendre face à lui ou si elle doit se dire qu’il faut mieux le laisser tranquille.
“Un Crèmy vous dites donc ? Prescott aux opérations. Y’a une p’tite qui cherche son Crèmy, v’pouvez passer le mot aux autres ? ”
Elle le regarde agir, finalement rassurée que lui ne la laisse pas tomber ou ne se permet pas de la critiquer d’avoir ainsi perdu son Pokémon. Il y aurait eu de quoi, c’est sûr, mais elle s’en veut bien assez pour que la personne à qui elle demande de l’aider la descend un peu plus
“Alors voilà, maintenant y’a tous mes collègues qui vont ouvrir l’œil pour votre Pokémon. On pourra pas le louper… sauf s’il est tombé dans un égout, on a pas de visuel là-d’dans. Et vu sa consistance c’pas impo… ”
Ca ne la réconforte absolument pas. Enfin, le problème n’étant pas, en premier lieu, le fait que Doucette pourrait se retrouver coincé dans les égouts, bien qu’elle panique à cette idée. C’est juste que voilà que ça prend une ampleur qui l’effraye et la dérange vraiment beaucoup.
“Oui… J’espère que ca ne soit pas le coup pour elle…..”
Elle se demande où elle peut être, exactement, à l’heure actuelle… En espérant qu’elle n'ait pas déjà quitter la ville non plus, d’ailleurs. Jenna est en train d’imaginer le pire, et elle ne parvient pas à juste se dire que tout va bien.
“Si d’une quelconque façon ça peut vous rassurer, vous pouvez marcher avec moi. Comme ça, dès qu’on l’a en vue, on pourra aller le chercher ensemble. ”
La proposition cependant la détend légèrement, enfin, se sent en confiance en regardant le Policier. Elle lui sourit, même si c’est timide.
“Merci beaucoup, je veux bien !”
La verte se hâte alors à commencer d’avancer, le regard se déplacent partout pour chercher la moindre trace de son Pokémon, jetant cependant un coup d’oeil à son sauveur du jour, quand il reprend la parole.
“Je suis le sergent Prescott, si jamais vous voulez évitez de m’appeler Monsieur l’agent. Ça rendra notre truc un peu moins pénible. ”
Malgré le ton un peu trop sûr de lui, qui la décontenance, ça la soulage qu’il ne reste pas silencieux et ne rend pas l’ambiance plus perturbante qu’elle ne l’est déjà. Ca l’aide à sourire un peu plus sereinement.
“Vous avez raison ! Moi c’est Jenna.”
Elle penche la tête en même temps, le voyant se saisir d’une bouteille d’eau, se reconcentre sur ce qu’elle cherche pendant qu’il boit et ne remarque pas de ce fait tout de suite qu’il lui tend, trop attentive à ce qu’il peut se passer au loin qu’elle est.
“Vous en voulez ?”
Elle hausse un sourcil, regarde la bouteille, puis l’agent, s’en saisit doucement quand elle comprend ce qu’il vient de demander.
“Merci !”
Jenna ne se permet de voir une ou deux gorgées, suffissantes pour lui faire un bien fou, avant de rendre la bouteille à son propriétaire, qu’elle regarde en se mordant la lèvre.
“Pour un peu plus d’indications… Doucette n’a rien de bien spécifique… Elle n’est pas chromatique, alors elle peut passer inaperçu parmis les autres de son espèce… Par contre elle est assez joyeuse, et curieuse de tout ! Donc elle a tendance à aller d’un endroit à un autre qui pourrait lui sembler intéressant, d’autant plus qu’elle ne connaît pas véritablement les moeurs humaines… Par exemple, quand on s’est rencontré, elle était surprise de voir ce qu’un appareil ph…”
Elle se tait, d’un coup, rit nerveusement en se grattant la joue. C’est qu’elle se sent un peu plus bête, se dit que c’est futile de parler autant du Pokémon.
“Enfin, je ne sais pas si cela vous sera vraiment utile… ”
Jenna essaye cependant de chercher un détail qui rendrait Doucette facilement repérable, afin que leurs recherches ne s’éternisent pas.
Je l’écoutai, mais je ne signalai rien à ma radio. Aucune de ces informations qu’elle me mentionnait n’avait de pertinence dans ce genre de cas. Je l’écoutais donc parler, un peu las, désintéressé. Je l’écoutais, mais ses mots n’avaient aucune réelle importance. Je continuais de marcher et ça me suffisait. Si au moins elle se sentait écoutée, alors peut-être s’en contenterait-elle. J’espérais. Je l’espérais profondément. Je n’avais pas envie de m’impliquer émotionnellement dans cette situation qui faisait partie de mon quotidien. Si pour elle c’était tout nouveau, elle devait être cet enième cas en une semaine. Chaque fois, je tentais de savoir pourquoi le Pokémon avait quitté les bras de son dresseur. Chaque fois, je devinais. Celle-là parlait trop et la Doucette dont elle parlait avait dû se taper une migraine. Non seulement parlait-elle trop, mais en plus ce qu’elle disait était d’un fade. Je lui souriais pourtant, espérant ne pas trahir ses envies qui me traversaient. Cette curieuse envie de prendre mes jambes à mon cou et de la fuir. Je ne pouvais pas. Mon uniforme était, pour une fois, synonyme de prison. Il me retenait, m’empêchait de m’évader. Alors qu’elle… mordait ses lèvres en me regardant. Elle se grattait la tête, elle riait nerveusement. Forcément, ça y était, on était à cette étape. Comme d’habitude. J’eus un soupire. Un long soupire d’agacement. Elle pouvait clairement le voir, elle avait clairement pu l’entendre. C’était volontaire. « Écoute, Jenna… c’est bien ça, Jenna ? T’vois, j’suis ici pour faire mon boulot… » Je marquai une pause, cessant de marcher, je me tournai vers elle puis posai une main sur son épaule, malgré les protocoles. « Je cherche pas de p’tite copine. J’suis bien seul et j’veux pas que t’attaches comme ça… ça va mal finir. » C’était égocentrique, mais ça arrivait tellement souvent. Je préférais être clair dès maintenant. Je préférais lui dire maintenant que ça n’aboutirait pas.
« Après, si ça colle là, on peut prendre un café ou j’sais pas un jour, mais je cherche pas l’amour. » Je lui souris et retirai ma main. Espérant qu’elle ait comprise. J’avais tenu ce discours tellement souvent que j’avais fini par en mémoriser les moindres mots pour être convaincant. Celui-là, c’était celui du boulot. Celui qui, chaque fois, me faisait sourire. C’était vrai ce qu’on dit sur les hommes en uniforme. J’avais eu l’occasion de l’expérimenter. Je posai une main sur ma propre épaule et je ris en tournant la tête. « Allez, on oublie, d’accord ? » C’était sympathique comme ton, tout ce qu’il y a de plus noble, de plus sincère. Je l’utilisais si souvent pour m’éviter de mauvais rapports, pour rester amical même si ma pensée était tout autre. J’ouvris à nouveau la marche et souhaitant éviter le malaise je rompis le silence à nouveau. « Quand vous parlez d’endroit pouvant l’intéresser, vous avez une idée en tête ? Une boulangerie ? Une aluminerie ? Ça nous donnerait une idée d’où commencer les recherches. » J’étais repassé au vouvoiement. Cet instant personnel n’était plus. Il ne restait plus que le professionnel en plein quart de travail. Le Léandre en uniforme distant et inaccessible. J’était toujours un peu inaccessible, mais encore plus en uniforme. J’avais le nez percé vers l’horizon et je marchais. En silence. J’aurais voulu brisé le silence, mais lors de ma dernière tentative pour paraître sympathique, elle s’était fourvoyée et avait manifesté cette nervosité qui m’avait mené à déterminer les limites qu’elle avait franchies.
« Vous pouvez parlé quand même eh. J’vous mordrez pas. C’est juste mieux d’être clair rapidement dans ce genre de situation. Doucette, c’est votre seul Pokémon ? Vous l’avez rencontré comment ? » En réalité, je m’en fichais, à un niveau. Je n’avais pas particulièrement envie de l’entendre raboter ses histoires, je n’avais pas envie de l’entendre me raconter quelconque mignonnerie, mais ce silence me pesait. Ce silence où seuls nos pas et les oiseaux formaient une sorte de mélodie que je méprisais, qui testait ma patience. Ce silence lourd où le malaise cherchait à quitter par une porte que l’on n’ouvrait pas. Je n’avais pas envie qu’elle commence à se plaindre ou à pleurer pour mon râteau. Je n’avais pas envie de la voir souffrir. Enfin, plutôt, je ne voulais pas la subir en train de souffrir. Je n’avais qu’une hâte, que l’on retrouve ce Pokémon. Qu’on me dise qu’un collègue avait un visuel. J’espérais tant. Cette patrouille ennuyante de laquelle je me plaignais plus tôt était devenu un rêve. Un rêve que je désirais ardemment, que je caressais du bout des doigts alors qu’il me fuyait. « Pourquoi ce surnom… Doucette c’est … m-mignon, mais pas très crédible non ? » J’avais hésité. J’avais presque dit que c’était moche. J’aurais voulu le dire. Mais le respect. Mais le cadre professionnel. Mais la politesse. Mais tout. Pourtant, je n’en pensais pas moins. Peu importe l’apparence du Pokémon, le sobriquet Doucette lui retirait toute sa crédibilité. Chose essentielle dans un affrontement Pokémon, non ?
Jenna Lloyd
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Jenna aimerait vraiment rendre la situation plus facile pour le policier, mais elle ne sait pas comment l’aider. Il n’y a aucun détail qui lui vient à l’esprit et qui permettrait de trouver Doucette, d’autant plus qu’elle se trouve dans un endroit qu’elle ne connaît pas plus que le Pokémon. La situation la met tellement en panique, qu’elle ne sait pas se montrer à l’aise devant l’agent. Elle fuit son regard, mais c’est, à vrai dire, principalement parce qu’elle cherche partout.
Elle ne s’attend absolument pas à ce que ca soit interprété d’une autre façon. Et clairement pas aux mots prononcés par l’homme, surtout. Ca se bouscule dans son esprit, n’arrive pas vraiment à donner un sens à ce qu’elle entend. Non, vraiment, elle a beau essayer de se répéter les propos du brun dans son esprit, elle parvient pas à comprendre pourquoi d’un coup il parle d’amour.
“Euh, je….”
Elle ne sait pas quoi dire à ça, se retrouve sans voix. Est-ce qu’il est sérieux, ou ne faisait que plaisanter ? Jenna n’arrive absolument pas comment une conversation pareille à lieu, et ne sait pas quoi répondre non plus. Il continue, et elle sent le trouble la parcourir, la gêne aussi. Si elle avait assez confiance en elle, la verte pourrait même penser qu’il tente lui de se convaincre que c’est impossible. Mais ce n’est pas son genre, et l’idée ne lui traverse même pas l’esprit. Alors pourquoi ?
Il finit par reculer et retirer la main posée sur son épaule, pour son plus grand soulagement. Mais elle reste sous le choc de ce qu’il vient de se passer, cligne un long moment des yeux en le dévisageant, toujours incapable de lui donner une réponse concrète. C’est quand il se met à reparler de Doucette, bien qu’il lui faut encore quelques secondes pour redescendre sur terre, qu’elle arrive à reprendre la conversation. Ou presque. Elle est toujours incapable de dire quoi que ce soit, d’un autre côté réfléchi aux questions que l’agent lui pose. Un endroit où Doucette aime aller… Il y en a bien qui lui vient en tête.
“Pourquoi Doucette ? Je trouve ça mignon, justement, que ca lui va bien !”
Elle ne comprend pas en quoi cela manque de crédibilité, comme il le dit, mais ne dit rien la dessus. Il y a plus important à ses yeux, comme toujours la retrouver.
“En général, quand on passe devant le parc à Sunyra, elle commence toujours à y filer…. Je crois qu’elle aime bien ça, les parcs. Surement parce que c’est un bon coin de nature dans la ville… ?.. Il y en a un, ici ?”
Si c’est le cas, est-ce que ca peut être une bonne piste à explorer ? Ca serait bien, si la Crèmy s’y trouve bel et bien.
Elle n’avait pas réagi à mon appel au sérieux, pas un seul mot sur la véracité ou l’absurdité de mon discours et de mon assurance. Pas un seul. Ça devait avoir fait mouche, elle devait avoir compris. J’avais simplement souri. Si elle avait compris, alors c’était bon signe. Je pouvais continuer d’exercer sans qu’elle se mettre à m’admirer et à espérer je-ne-sais-quoi de moi. Je dirige un bref clin d’œil à son endroit, espérant qu’il puisse la satisfaire et je repris cette marche que nous avions entmé. L’interruption fut brève, suffisant pour que je puisse reposer un peu mes pieds endoloris par les bottes cirées que je portais, mais pas suffisamment longue pour que je puisse placer un mot. Je n’en avais pas plus envie qu’il le fallait de toute façon. Son explication derrière le nom n’avait en rien aidé à m’intéresser davantage à cette femme que je traitais davantage comme une cliente de supérette qu’une citoyenne faisant appel au service de la police. Elle était d’un banal. Une gamine comme les autres qui ne savait pas résister à ces choses mignonnement absurdes que la vie lui proposait. Doucette, pour parler d’un Pokémon, c’était moche et, malgré moi, je ne pouvais m’empêcher d’imaginer ce Pokémon comme une horrible chose aux allures sucrées avec un tutu en guise de tenue – comme si ça lui avait été nécessaire. – L’image m’amusait. Si elle s’avérait, j’en pleurerais de rire. Un rire hilare, sincère, haut perché. « Hm… j’imagine. Chacun ses goûts. Il faut de tout pour faire un monde. » Un léger mépris dans la voix, une attitude égocentrique, une pédance se libérait de moi. Ça faisait partie du personnage du sergent Prescott, c’était normal… pour moi. Pour elle, ce devait être rude, nonchalant, à la limite de l’insulte.
Plus le temps passait, plus je m’impatientais de retrouver mon calme d’avant. Ce moment si vide qu’il me portait dans des questions tantôt absurdes, tantôt sérieux. Les affaires de Pokémon en cavale avaient tôt fait de m’ennuyer, en particulièrement lorsqu’il s’agissait d’aider une princesse chichi de la « mignonnitude » quarante-septième du nom. Je ne connaissais pas cette Jenna, mais c’est l’impression que j’avais d’elle. Une impression sérieuse, profonde. En général, ces princesses indésirables trouvaient leur pied dans des surnoms comme Doucette… ou Cannelle. Son indice était d’autant plus classique. « M’oui. Y a bien un parc, on peut toujours essayer. » C’était un coup d’épée dans l’eau à mon avis, du temps perdu. Un Pokémon, le moindrement fugueur, ne se réfugierait pas là où les foules s’amoncelaient. Jamais. Et si ça pouvait la rassurer. Après tout, j’avais bien du mal à me glisser dans sa peau, je n’étais pas si attaché que ça mon Phanpy. S’il avait fugue, j’aurais probablement attendu qu’il revienne avant d’accoster un agent de la paix en service pour le retrouver. S’il voulait fuir, c’est qu’il avait une raison. Je n’étais qu’un être parmi tant d’autres dans sa vie. Il pouvait en aimer d’autres, pour autant que ça le rendait heureux, ça ne me regardait pas… Mais d’un autre côté, c’est pourquoi il sortait rarement de sa balle, pour éviter qu’il ne fugue, qu’il ne se dérobe à ma vigilance et qu’il me mette la honte pour me donner une leçon.
On marcha bien une dizaine de minutes avant d’arriver dans cette clairière verte. Les paysages moyenâgeux laissèrent leur place à une vaste étendue de verdures, un harmonieux et savant mélange de civilisation et de nature. Un partage du territoire qui émouvait souvent les passants. Pas moi. Je connaissais les lieux. J’y étais venu souvent. Jamais pour m’y détendre, mais je n’étais pas du genre à m’émoustiller devant le moindre aménagement paysager. « Voilà tu vois ta… Crèmy ? » marquai-je avec hésitation, cherchant à éviter d’employer le surnom duquel elle l’avait affublé. Elle dirait probablement non. Je m’en doutais. Je commençai néanmoins à interloquer le moindre passant. Un immense cri rauque sortit de ma bouche. « Votre attention s’il vous plaît ! La demoiselle à mes côtés cherche son Pokémon, un Crèmy comme les autres. Si vous avez une idée de sa location, si vous l’avez vu, prière de nous le partager. » Je retire mes mains qui avaient servies de porte-voix et envoie un sourire à la jeune femme, l’espoir infini qu’elle voit que je mettais tout en branle pour l’aider, malgré mon jugement flagrant quant à ses habitudes et sa personnalité. Si son Pokémon avait été le moindrement peureux : Ma voix l’aurait sûrement fait fuir. Je n’avais pas été brillant. Pas le moins du monde, je semblais pourtant fier, je souriais comme si je m’attendais à ce qu’elle me remette une médaille. « Monsieur l’agent » Je tournai la tête pour voir qui m’interpellait.
« Juste ici » reprit la voix. « Eh merde... » chuchotai-je de manière inaudible regardant la femme qui me pointait la cime d’une arbre au feuillage épais. Pitié, ne me dites pas qu’il faudrait que je grimpe. Pitié. Pitié. Dites-moi que ce n’était pas la fameuse Doucette. J’avais si mauvais karma pour tomber sur un Pokémon qui grimpait aux arbres, mais qui avait du mal à redescendre ? Je m’approchai malgré tout. Priant, implorant Arceus qu’il ne m’aie pas mis cet obstacle sur la route. Je ne regardai même pas. Je me tournai plutôt vers Jenna. « C’lui ? » Je lui pointai l’arbre. Je n’osais pas regarder. J’attendais de voir sa réponse, de lire sur son visage la déception. J’espérais tellement. Dans quel monde vivait-on pour qu’un Pokémon en escapade en vienne à s’enfuir là où tous pouvaient le voir ? Les Crèmy, ça lévite non ? Oui ? Non ? J’espérais. C’est tout ce que je pouvais faire en attendant la funeste – ou joyeuse – réponse de la jeune fille.
(c) TakeItEzy
Jenna Lloyd
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Alors qu’ils commence à se diriger en direction du parc qu’à en tête Léandre, rassurant la jeune fille qui ne savait pas vraiment si sa piste était fiable, elle se dit quand même qu’il y a quelque chose d’assez déroutant dans la manière d’agir du policier, et un mépris qu’il semble assumé parfaitement. D’un autre côté, il avait accepté de lui venir en aide, mais peut-être par pur obligation du à son uniforme… Elle ne sait pas quoi penser de lui, mais elle ne se refuse la moindre remarque alors qu’il est quand même là ne pas la lâcher.
Alors elle le suit simplement, silencieuse, tandis qu’ils arrivent finalement au parc. Encore une fois elle regarde partout autour d’elle, appelle la Crèmy en avançant, mais ca n’a pas l’effet escompté pour le moment. Mais il y a du monde, alors elle se demande si ils ne pourraient pas aller voir quelqu’un pour l’interroger sur une possible rencontre avec Doucette, histoire de gagner du temps. Elle se retrouve un peu mal en plus, quand il lui demande si elle la voit, parce que la réponse est malheureusement évidente.
“Non….”
Même dans les buissons, il n’y a rien qui bouge et qui pourrait présager la présence d’un Pokémon tel qu’il soit. Alors, elle se décide à aller parler à un groupe un peu plus loin. Mais l’agent ne lui laisse pas le temps : Il fait en premier c’est qu’elle prévoyait de faire. avant elle. Mais d’une façon pire qu’elle l’imaginait, vu qu’il attire toute l’attention sur eux en criant. Jenna, elle, sursaute de surprise avant de se retrouver toute pâle, quand les yeux se rivent dans leur direction.
“Ah, euh, oui, on…. On cherche….”
Alors que Léandre lui sourit, elle le regarde complètement désemparé, elle aurait presque envie de lâcher un “au secours” tant qu’elle se sent mal à l’aise. Mais la venue d’une personne qui les interpelle la calme un peu, se concentrant sur elle et sur ce qu’elle indique. Jenna ne voit pas très bien, à vrai dire, mais il y a bien une silhouette blanche coincée dans l’arbre. Elle en approche, entend Léandre qui lui demande confirmation sur le pokémon mais… La vérité, c’est qu’elle n’arrive vraiment pas à voir, mais la certitude est là : Il y a quelque chose dans l’arbre, qui est peut-être incapable de redescendre seul.
Si la logique, dont Jenna est dépourvu, voudrait qu’elle demande à Léandre d’y aller ou bien contacter les pompiers, elle n’en fait rien : Sans réfléchir elle entreprend la montée de l’arbre, dont les branches sont suffisamment costaudes pour s’y aider. En arrivant un peu plus haut, elle distingue de quoi il s’agit exactement : Un Sorbébé, coincé entre deux branches et qui même en se débattant ne parvient pas à s’en sortir.
“Calme-toi, arrête de bouger, je vais t’aider d’accord ?”
Elle lui sourit doucement, lache une main tenant une des branches. A vrai dire, à l’instant même, le vertige la saisit alors qu’elle ne se tient plus à quoi que ce soit et la fait trembler, mais elle tient bon. Une fois le Pokémon sorti du pétrin, elle rit doucement alors qu’il lui tourne autour avant de s’éloigner. Ceci étant fait, elle envisage la descente… Mais, elle fait l’erreur de regarder en dessous. Et s’en trouve tétanisée.
“…. Ca craint si je vous dis que…. Je n’arrive pas à redescendre…. ?”
Elle rit, nerveusement, effrayée surtout, parlant assez fort pour qu’il l’entend. La situation ne pouvait pas être pire, pour elle. Pendant ce temps, un peu plus loin dans le parc, un enfant joue joyeusement avec une Crèmy qui ne lui appartient pas.
Je la fixai un moment, perplexe. Mentalement, je la traitais de tous les noms. Quelle idiote elle faisait, perchée là sans avoir penser à la chute. Je contenais mon rire qui ne voulait que s’exprimer, l’entourer de sa vicieuse vapeur et l’humilier. Je ne pouvais pas. J’avais l’uniforme. Je ne pouvais pas m’écarter de ce qu’elle représentait, de cette neutralité qu’elle se devait d’exprimer. Je ne réprimai toutefois pas ce dépit sur mon visage, cet air qui donnait l’impression que je me demandais sur quelle idiote j’étais tombée. Elle m’était inconnue, elle n’avait que sollicité mon aide et si je le faisais normalement avec plus ou moins de déplaisir, cette émotion dominait en ce moment. Probablement parce que j’étais déjà blasé lorsqu’elle m’avait abordé et que j’avais cru qu’elle s’amourachait en à peine quelques secondes. Maintenant, elle était là, perchée dans un arbre pour secourir un stupide Pokémon aventureux. Perchée à se croire plus capable qu’elle ne l’était et voilà que je devais subir ses faux pas. Ma cravate me le rappelait, cette radio qui sillait dans mon oreille de même. Le lourd fardeau de mon travail me rattrapait, les raisons pour lesquelles je méprisais les patrouilles continuaient de revenir vers moi comme si je les avais oubliées et je subissais. Les « je n’arrive pas à redescendre » qui m’enlevait toute volonté de vivre, qui me donnait envie de déchirer mon uniforme.
J’avais envie de lui répondre sèchement et promptement oui. Au lieu de ça, je m’avançai sous la branche où elle avait grimpé, je regardai le Pokémon qu’elle tenait entre ses mains. Je ne comprenais même pas le motif de son sauvetage. Au mieux, il était de ces pokémons indésirables trop mignons pour réellement servir à quoique ce soit et ça me répugnait. Ça me répugnait de savoir qu’elle allait sauver cette bête et qu’elle allait courir dans la nature. Je n’avais rien contre les Pokémons, tant qu’ils avaient une utilité. Je n’avais aucune pitié pour ceux qui avaient l’air de simples cornets de glaces ambulants qui, de ce fait, n’avaient aucune réelle utilité. Je ne les maltraitais pas, mais je les dédaignais. « Tu m’fais confiance ? » lui dis-je comme si elle avait d’autres choix en ouvrant les bras vers le ciel. Si mon ton était engagé, j’étais, pour le moins, détaché de la situation. Mon être scandait à la fuite, à la laisser tomber et juste rentrer en ne revenant plus jamais sous cet arbre. L’uniforme. L’uniforme. C’était important. C’est ce que je me répétais, mais il y avait des moments où même les mots n’étaient plus suffisants pour nous contenir.
Pour la première fois, je lui souris. Comme si j’avais tenté de la convaincre. Elle aurait très bien pu rester là après le râteau que je lui avais jeté à la figure, mais je savais qu’on me le reprocherait. Qu’on me reprocherait de l’avoir laissée en danger, sujet à une chute et une blessure. Déjà que je l’avais laissée grimper alors que j’aurais dû le faire à sa place. Déjà que je l’avais laissée faire mon boulot à ma place… pas question que je la laisse en faire davantage. « C’t’un peu la seule solution que j’ai pour toi. Va falloir que tu sautes directement dans mes bras. J’vais t’attraper. » Ne risquait-elle pas de tomber définitivement amoureuse ? Oui, c’était possible. Manipulatrice. Avait-elle calculé le moindre de mes gestes à tel point qu’elle savait que je devrais l’accueillir dans mes bras, contre moi… pour se rapprocher ? Pour ça, j’avais envie de la mépriser. C’était ingénieux, mais terriblement déplacé. Elle savait que je n’aurais pas le choix. J’avais sous-estimé son intelligence.
J’eus un murmure pour moi-même, la maudissant. J’eus un instant où je la traitai de parjure, malgré son jeune âge. J’eus un instant où je me surprenais à penser à elle comme une femme de conviction. Comme si cette ruse avait alimenté une forme d’admiration en mon être. Elle ne le saurait jamais, du moins, je ne le lui dirais jamais. Pas textuellement. Hélas, mes yeux n’avaient pas le même silence. Si je savais rester stoïque en temps normal, là, sous le soleil, mélangé entre l’énervement et le cynisme, à devoir attraper une femme imprudente qui s’était improvisée aide humanitaire par son altruisme ô combien salvateur, mon regard était tout sauf neutre. Il était compatissant, sans que je puisse l’expliquer. Il était compréhensif, alors que je les maudissais, elle et ce Pokémon à l’apparence stupide.
C’était d’un ridicule.
J’ouvris à nouveau la bouche, tentant de me convaincre que je continuais de la détester. « J’vais compter jusqu’à trois. À trois tu sautes. Pas go, trois. J’vais être prêt à te réceptionner. Désolé, pour le coup j’ai pas mieux comme solution… sauf si tu veux attendre les secours pendant des heures. Une fille dans un arbre, c’la priorité de personne. » La cruauté de mes mots frappaient. Je ne m’en rendis pas compte. Je tentais de la raisonner, au lieu de ça, je venais de lui souligner, à mots à peine voilés, la grandeur de stupidité et la facilité avec laquelle elle avait surestimé les services d’urgence. Hélas, la réalité était bien loin de ce qu’on s’imaginait plus jeune. Il y avait des cotes d’urgence et un grimpeur terrifié était loin sur cette fameuse liste. « T’es prête ? D’une. » Je me plaçai exactement sous son ombre. « De deux. » Je tendis les bras à la largeur estimée de ses hanches, pour la réceptionner à bonne hauteur. « Et de trois ! » dis-je en haussant le volume, bandant mes muscles pour être prêt. Ne la quittant pas dans les yeux, au cas où je me serais mal placé et qu’elle tomberait plus vite que je l’aurais cru.
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Jenna Lloyd
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A quel moment Jenna avait songé en venant ici qu’elle se trouverait une telle situation ? Elle se sent si ridicule, les yeux rivés sur des branches face à elle pour ne pas regarder le sol plus longtemps encore, et à ne plus oser bouger. Si elle avait ses Pokémons, elle aurait de quoi la pousser à agir et à prendre courage rapidement, mais ce n’est pas le cas. Et pourtant, elle n’a pas envie de faire perdre son temps à Léandre à cause de ses bêtises. Elle tente de poser un pied sur une branche plus bas, mais l’idée de devoir lâcher l’arbre la terrifie. Pourtant, la question du policier sur la confiance qu’elle en a lui la calme l’espace d’une seconde, où elle se demande vraiment si c’est le cas. Enfin, si cela ne l’était pas, elle n’aurait pas commencé par lui demander de l’aide pour trouver Doucette; et elle aurait encore moins expliquée la situation dans laquelle elle se trouve actuellement.
Mais l’idée qu’il a ne la rassure pas, non. Pourtant ça la force à agir, une fois de plus de crainte d’être un véritable boulet. Elle cherche du regard la position de Léandre, fini par reculer sur sa branche d’un pas lent et tremblant.
“Je vous fais confiance.”
Jenna se mord la lèvre, répond un faible “oui” quand il lui demande si elle est prête et, quand elle entend le mot “deux”, elle se tourne dans sa direction et finit par se laisser tomber. Un cri sort de ses lèvres, complètement paniquée, mais il ne faut que cinq seconde pour atterrir dans les bras de l’homme dans lesquel elle est totalement sous le choc. Il lui faut bien quelques secondes avant de pouvoir en descendre, se retrouvant entre la gêne et la frayeur qu’elle a eu, en tombant.
“Merci beaucoup…. Et désolé pour… Cette situation.”
Le bon point, dans tout ça ? C’est que Doucette a reconnu le cri de sa dresseuse, et le voilà qui se pose devant elle comme si de rien n’était. Jenna cligne des yeux, se demandant un instant si elle n’est en train de rêver.
“Doucette…. ?”
Le Pokémon lâche un petit cri joyeux, avant de se faire saisir un peu trop brusquement par la jeune fille qui reste sous le coup de l’émotion, maintenant de la retrouver. Elle la serre dans ses bras, des larmes de soulagement dans les yeux.
“J’ai cru ne jamais te retrouver ! J’ai eu si peur !”
C’est le cas de le dire, et ce n’est pas que la peur de la perdre qui a rendu cette journée particulièrement étrange. Elle se tourne vers Léandre, un grand sourire aux lèvres en lui tendant le Pokémon qui le fixe attentivement.
“C’est elle, c’est Doucette ! Et voici l’Agent Prescott, c’est grâce à lui que je t’ai retrouvé !”
La Crèmy vient danser joyeusement en lui tournant autour, ne sachant absolument quel aventure ça a été, pour tout deux. Mais Jenna, elle, lui en est parfaitement reconnaissante. Elle décide malgré tout de rentrer son Pokémon dans la pokéball, histoire qu’une nouvelle fuite n’arrive pas, avant de regarder Léandre.
“Merci, vraiment. Est-ce que je peux faire quoi que ce soit pour vous remercier ?”
Elle y tient, c’est sur. Au moins pour le temps perdu, et l’agitation que cette recherche aura causée.
Oui. Il y avait tout une foule de choses que je pouvais demander. Une foule de spécificités avares que j’avais envie de lui lancer à la figure avec l’espoir qu’elle obéisse. Cire mes bottes, j’en ai marre de le faire moi-même. Paie-moi un café, j’ai froid à rôder dans la fille toute la journée. Ne dérange plus jamais un policier pour un truc aussi nul que ce Pokémon, ça t’aidera toi comme nous. Perd du poids, ce sera plus simples de t’attraper quand tu te jettes en bas d’un arbre. J’en avais encore mille des demandes comme celle-là. J’en avais encore tout plein à lui cracher au visage. Si seulement j’avais pu. « Non t’en fais pas, ton sourire suffit. » Hypocrisie. Mensonge. Un rictus chatouillait mon visage tant l’agressivité en moi montait. Je venais de lui mentir en plein visage à cause de cette barrière puissante qui se dressait entre nous. Cette barrière professionnelle qui laissait un arrière-goût amer dans ma bouche. Mon corps hurlait « Fous le camp maintenant », ma voix l’invitait à ne pas hésiter à faire appel à nous à nouveau. De quel droit me permettais-je de parler ainsi au nom de tous les policiers. Je n’avais pas ce droit et pourtant, cet uniforme m’envahissait. Hostile fantôme dans le clair-obscur de mes jours, il m’arrachait lentement cette personnalité distante pour une plus professionnelle, une qui imposait la droiture et la confiance, la rigueur et la neutralité.
« Quoi que… y’a bien un truc. Faudra que je justifie le temps passé ici et l’appel fait sur la radio à mon commandant… du coup j’aurais besoin de ta déposition, si tu veux me suivre au poste. » Pour la première fois depuis que l’on s’était croisé, je semblais courtois, poli, de bonne humeur. Je n’avais rien à voir avec cet homme égocentrique qui lui avait imposé de ne pas s’attacher. Je n’avais rien de cet homme austère qui avait grommelé intérieurement tout du long de notre recherche. Ce changement abrupt, je me l’expliquais bien. Je savais comment je fonctionnais. Dès que l’on parlait de rapport, je devenais ce docile toutou duquel on pouvait faire n’importe quoi. Tout ça pour des bons mots, pour augmenter mes chiffres d’efficience, pour obtenir ces promotions que j’espérais secrètement. La scission était flagrante, mais chaque et pourtant, chaque fois, ça fonctionnait. Chaque fois, j’avais ce rapport parfait tant attendu. Était-ce ce que l’on appelait le « pretty privilege » ? Cette fameuse loi non-écrite qui stipule que tout est plus simple dès qu’on est un minimum beau, que les gens beaux obtiennent plus facilement ce qu’ils désirent.
« J’peux t’offrir un truc sur le chemin si tu veux, eh. » Mais si ce n’était pas suffisant, j’avais quelques ressources, des fonds à cet usage unique. Le budget pot-de-vin. Ce fameux budget que je gardais pour charmer ceux et celles envers qui j’avais pu briser les barrières de l’uniforme, pour ceux envers qui j’avais manqué d’élégance et de rigueur. Dès que je pouvais me reprocher une chose, je le faisais, j’utilisais cette astuce frauduleuse et crapuleuse avec l’espoir infini qu’elle me mène au bout de cette route que je m’imaginais au quotidien, derrière un bureau de commandement comme être fort et fier-à-bras qui imposait le respect à tous ses pairs… ou ses subordonnés. « Il y a un chouette stand à bretzel si ça peut t’intéresser sur le chemin. » lui dis-je en lui tendant la main, comme pour l’attirer dans ce guet-apens, loin d’être subtile, que je lui tendais.
Je n’attendis même pas qu’elle réponde ou qu’elle prenne ma main. Je m’emparai de son bras et dans un élan fougueux, je l’amenai avec moi. Sans tirer, sans que le contact ne soit douloureux. Comme on le voyait souvent dans ces comédies romantiques quand un jeune couple commençait à courir candidement vers l’endroit de leur convoitise. Un lieu romantique, calme où ils auraient la paix. Ce lieu pour moi était un kiosque de nourriture de fête foraine à l’écart des quartiers résidentiels, à un peu plus d’un kilomètre du parc. L’objectif n’était pas amoureux, certes, mais le moment, cet instant figé dans la folie de notre jeunesse en avait tous les airs. « Tu verras, ils sont bluffants. » Évidemment, ça n’aurait pas été un cliché de la comédie romantique sans une phrase clichée au double-sens absurdement apparent.
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Jenna Lloyd
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Forcément, Jenna se sent rougir légèrement quand l’agent lui parle de son sourire, se sentant contente d’entendre que ca fait plaisir à quelqu’un de le voir, autant que gênée. Mais c’est plus une satisfaction personnelle de voir que tous ses efforts pour se montrer agréable et joyeuse porte ses fruits qu’une timidité du au compliment. Evidemment, elle est intimidé par cet homme qui dégage une aura plus imposante que sympathique, et une part d’elle en est même légèrement apeuré. Disons que son assurance, dont elle n’a rien l’égal, la perturbe sans doute plus que de raisons.
Heureusement, le ton change vite, et la verte se retrouve même surprise à déceler un peu plus de sympathie dans sa façon de parler. Et parce qu’en plus de cela, sa demande est au sujet du travail, elle se voit mal refuser alors qu’elle tient absolument à le remercier pour son aide et le temps qu’il lui a consacré. Aussi, elle ne perd pas de temps à une réflexion inutile, hoche la tête vivement alors que les mots sortent.
“Oui, bien sur, vous pouvez compter sur moi pour ma déposition !”
Bien que cela à quelque chose de presque angoissant, alors que le contexte n’en est rien. Mais elle se dit que ca sera du travail en plus pour lui, et d’un coup regrette un peu plus de ne rien pouvoir vraiment lui offrir. A la place, elle lui adresse un sourire comme il l’a demandé, avant de le regarder surprise devant sa proposition de lui offrir quelque chose, et quand il précise qu’il a en tête de l’emmener dans un stand à bretzel, elle n’a pas le temps de rétorquer quoi que ce soit qu’elle se retrouve emmené, écarquillant les yeux de surprise. La gêne elle, du fait qu’il lui tienne le bras comme le ferait n’importe quel duo très proche, la fait cafouiller et elle se retrouve incapable de repondre quoi que ce soit de manière correcte.
“Ou… Oui, je vous fais confiance la dessus….”
Sa voix tremble plus qu’il ne faudrait. Mais ce n’est pas lui qui, au début de leur recherche, lui a dit de ne pas s’attacher, qu’il ne cherchait pas l’amour ou quelque chose du genre ? Alors pourquoi maintenant, aux yeux de Jenna en tout cas, il se comporte d’un coup si familièrement, au point que la verte se retrouve totalement décontenancé et que, cette fois-ci, c’est totalement par gêne et timidité concernant ses actions et ses propos ? Elle baisse la tête, fixant le sol tandis qu’ils avancent. Elle essaye bien de se calmer, d’oser le regarder après quelques secondes de marche, mais alors qu’elle pose la première question qui lui vient par la tête, sa voix se fait encore faible.
“Vous aimez ça ? Les Bretzel, je veux dire…”
Mais cette question, elle la trouve ridicule à la seconde où elle est posée. Elle essaye de changer de sujet, mais cela ne marche pas vraiment, alors à la place elle se tait de plus belle pour laisser le silence, hormis sa réponse qu’elle écoute attentivement si il daigne lui répondre. Quand finalement elle reprend de nouveau courage pour ne pas laisser un silence pesant, surtout pour elle, trop longtemps, elle parvient enfin à être un peu plus détendue.
“Hum, vous faites ça souvent, d’inviter des gens que vous venez d’aider à manger avec vous ? C’est plutôt gentil… Merci, d’ailleurs ! Et si vraiment vous aimez ça, on partagera, d’accord ?!”
C’est vrai que, de toute façon, elle ne se voit pas tout manger sans en partager un morceau avec celui qui lui est venu en aide, et continue à se montrer bienveillant avec elle.
J’avais toujours agi ainsi. Du plus loin que je me souvienne. J’avais toujours été cet être exécrable qui malmenait les gens jusqu’à l’instant où ils pouvaient m’être utile ou prêcher pour ma paroisse. Hypocrite sur les bords, espérant qu’en un claquement de doigt l’on oublie tout de mes péchés. Comme si c’était magique, comme si le charisme duquel j’étais doté était inébranlable et incontestable. Comme si j’Avais tous les droits. Comme si j’étais de cette élite mondiale que l’on pardonnait toujours pour sa trop grande contribution. Je n’avais pourtant pas plus de talent que n’importe qui en ce monde. Je ne valais pourtant par grand-chose de plus que mes interlocuteurs ou même que cette femme. Mais le croire me faisait du bien. Le croire me portait dans ces dimensions de mon être que je dépréciais dans l’intimidité et que je jubilais à l’idée d’arborer en public. J’étais seul. Tout m’était pardonné de toute façon. Je n’avais personne pour me reprocher mon attitude. Personne sauf mon patron. Personne sauf cet homme hystérique duquel je voulais usurper la place. Et pour ça, je devais flatter l’égo de ces précieuses choses que j’aidais. Pour ça je devais me faire pardonner chacun de mes – trop nombreux – faux pas. Parfois, c’était plus ardu que d’autres. Et pour elle, ce serait facile. C’était facile, même. Je pouvais compter sur elle pour ma déposition. Cette simple idée me faisait terriblement sourire. Elle me rendait heureux.
J’aurais pu l’abandonner là déjà. Elle était conquise. Mais une part de moi se sentait obligé. Une part de moi contrainte d’aller jusqu’au bout de cette manœuvre. Et si d’une quelconque manière je pouvais améliorer son verdict ? Si par ma sympathie et ma générosité, je pouvais l’amener à me glorifier à tel point que j’obtiendrais dans l’immédiat l’objet de mes convoitises ; ma promotion ? Elle pouvait être pratique. « Oui. J’aime bien. ‘fin pas trop souvent, c’est trop salé, mais de temps à autres, ça ne tue personne. » gloussai-je à sa question, sans réelle certitude. Aimais-je réellement cette gâterie salée ? Après tout, je ne me l’offrais jamais quand j’étais seul, seulement lorsque je voulais marchander ou profiter du beau temps avec un collègue… ou un civil. Comme elle, en l’occurrence. De tous les endroits que la ville de Fort-des-Songes offraient, ce kiosque était l’un de préférés. Surplombés par un ciel dégager loin de brique grise de la ville, arpenté par un petit ruisseau. L’endroit était romantique et convivial. Parfait pour un entrepreneur. Parfait pour ce kiosque et ce qu’il inspirait.
Un brin de causette perdu dans un après-midi doux alors que nos lèvres chancelaient du sel de leur précédent repas, nos langues humectant la sécheresse marquée par la puissance déshydratante du sodium.
Et nous serions bientôt des victimes de son joug. On approchait. Et le silence qu’avait laissé souffler Jenna avait été envahissant jusqu’à notre arrivée. Je n’avais pas répondu. Volontairement ? Pour le silence ? Un peu. Je réfléchissais à la réponse que je pouvais lui apporter. Devais-je être franc ? Devais-je lui dire clairement que c’était affaire courante avec moi de sortir prendre une bouchée – ou un verre – après la résolution d’un appel, comme on disait dans le métier. Ou alors devais-je la faire sentir spécial ? Serait-ce plus déstabilisant pour elle d’avoir la vérité ou le doux mensonge blanc que je préparais pour les plus hostiles de mes « cibles » ? « Moui… assez, ça aide à faire descendre l’adrénaline et le stress de manger. » dis-je enfin à l’instant même où j’abordais le tenancier pour que cet aveu sombre dans l’oubli et quand jamais elle ne l’analyse. Mon esprit avait tranché.
Quid si je m’étais trompé ? Quid si elle aurait préféré ne pas savoir la vérité ? J’étais manichéen, plutôt tranché, il n’y avait aucune neutralité et je devais calculer le moindre de mes faits et gestes. « Une grande coupe salée et bien dorée, m’sieur Hince. » Un classique. Un classique auquel on ne résistait rarement. Auquel je ne résistais jamais. Parce que j’étais un homme de routine. Parce que j’avais toujours été celui duquel on ne dérangeait pas les habitudes. Celui qui bronchait si sa limonade avait un peu plus de sucre et qui se laissait aller à des enfantillages jusqu’à ce que la situation vienne à sa convenance.
Avec son plus beau sourire, l’homme me servit et me remit la coupe que je tendis à Jenna. « Passer un moment après les altercations avec les victimes… ‘fin t’en es pas une, mais tu comprends… ça permet de garder les pieds sur Terre et de se souvenir des raisons qui ont fait qu’on a choisi ce métier. C’mon premier chef de police qui m’l’a enseigné. » C’était faux. Évidemment. Mais l’objectif était de charmer et rien ne charmait plus que le respect. « Bon appétit. » concluais-je avec un sourire en prenant place sur un banc de pierre désert.
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