Les rues qu'on aimait – les rues qu'on chérissait ; devenues hostiles, murs colorés rendus gris aux prunelles qui s'effacent derrière les paupières plissées et le poignet en visière pour observer le monde qui tourne comme si on ne l'avait pas bousculé. Le soleil de septembre brûle mes iris trop clairs, et tous les bruits me dérangent. Des voix et des rires, des cris d'enfants trop heureux de quitter l'école tandis qu'il fait encore jour. J'augmente de deux pressions le volume de la musique qui pulse dans mes oreilles pour m'isoler plus encore loin de ces autres si tranquilles qui semblent avoir déjà oublié, déjà oublié qu'il y a trois mois Lumiris a tremblé. Trois mois – trois mois pendant lesquels je me suis saccagé. De ravage en ravage – j'ai tout balayé. Ma dignité, l'amour qu'on me portait ; j'ai trompé puis quitté celle qui, parmi tous, me regardait sans que je la laisse me voir, j'ai menti à tous, menti à mes parents, à mes amis, j'ai laissé des messages sans réponse et des silences sans fin, je me suis brûlé la gorge sur des relents d'alcool et l'âcreté des cigarettes même plus mentholées – j'ai regardé le monde tourner trop rond pendant que moi je trébuchais. Pendant que moi je m'oubliais. De dommage en dommage – je suis devenu tout ce que j'espérais ne jamais devenir. Ce mec-là. Ce mec-là, que j'avais fui – ce mec-là que j'avais cru laisser derrière moi, mais qui était toujours là, tapi dans les ombres comme mes démons qui n'attendaient que l'occasion de plonger leurs crocs dans ma gorge.
Trois mois que les mémoires se ravivent au moindre bruit, trois mois que je ne dors plus sans voir le sang ni les lettres rougeoyantes sur l'écran noir, trois mois que je ne vis plus qu'en vertiges troublés. Trois mois que mes poignets brûlent sans discontinuer.
Je redresse la hanse de mon sac sur mon épaule – et ça tiraille, ça dérange ; ce n'est plus douloureux mais à chaque mouvement je me rappelle, je me rappelle la douleur, je sais les cicatrices et leur laideur, je sais leur trajectoire par cœur. Le soir face au miroir j'effleure parfois leurs reliefs immondes qui diminuent doucement mais qui ne disparaîtront jamais – l'épiderme marqué comme au fer rouge par l'échec frôlé ; à trop jouer aux héros j'ai bien failli tous les tuer.
Mes inspirations saccadent et je sens Rhapsodie porter son poids contre mon mollet pour attirer mon attention – me détourner de mes propres idées. Je l'observe, il m'observe et puis il avance mais jamais trop loin, jamais trop avant. Il ne sait pas, lui – il n'a aucune idée d'où je vais, aucune idée d'où mon cœur me porte. Moi-même je ne sais pas – je ne suis pas bien sûr. Pas bien certain – est-ce que j'ai raison, est-ce que j'ai le droit ? J'ai trop souvent relu, j'ai trop souvent revu ; nos mots durs en pixels traîtres que les signes auraient traduits autrement, et puis nos regards qui se croisent et ton absence dévorante déchirante.
(Je n'ai connu ce manque-là qu'une seule fois, tu sais ; une seule fois et c'était la dernière fois que je le voyais, c'était un adieu et il partait, c'était un baiser et je le perdais et toi, et toi, ton absence elle me fracasse tout pareil et je comprends même pas pourquoi.)
Un pas après l'autre dans les escaliers, le souffle court comme d'avoir trop couru mais ce n'est que l'angoisse, l'angoisse qui m'enserre le cœur et presse entre mes côtes, fort, si fort qu'elles pourraient se briser ; fort, si fort que respirer je pourrais bien oublier. Ça fait mal, tu sais, ça fait mal de se dire, de se dire, j'aurais voulu être là autrement, pas comme ça, pas comme nous.
Dans le couloir je n'allume pas la lumière – j'esquive mon reflet dans les miroirs du hall et je continue d'avancer. Je ne veux pas voir les empreintes des insomnies, des terreurs nocturnes, des heures volées aux obscurités et aux étoiles qui ne m'apaisent plus – les nuits sont dures, et j'attends que les jours me vengent.
Face à la porte j'inspire – un souffle après l'autre et le myocarde jusqu'aux tempes qui bat sa chamade folle, me laisse presque haletant dans la pénombre du corridor. Je lève la main, le poing serré et les phalanges abîmés – j'effleure à peine le battant s'il s'entrouvre, grincement volatile. Je demeure immobile et stupéfait, sans comprendre – sans saisir.
Et puis – et puis, c'est comme un signe, juste un signe, alors j'entre. Un pas après l'autre, la porte dans mon dos soigneusement refermée et mes yeux balaient l'endroit – chez toi. Chez toi.
« … Arya ? »
Mon sac contre la porte je déambule au hasard – mal à l'aise d'investir des pièces qui ne m'appartiennent pas, mais porté par une inquiétude qui me dépasse, un élan qui me glace et me terrifie. Où es-tu ?
Un autre battant qui coulisse et un autre silence, mon épaule contre l'embrasure et mes prunelles n'accrochent plus que toi. Rien d'autre que toi. Je t'observe comme je n'ai pas eu le temps la dernière fois – comme tu as changé, comme c'est différent. Comme tes traits se sont durcis, comme tes yeux se sont cernés, comme tes mèches se sont assombries, comme tout en toi semble s'être fermé. Pas l'ombre d'un sourire. Reflet tragique de mes propres déboires – deux ombres imbéciles qui ont cru, à une autre époque, que leurs fêlures serviraient à laisser entrer un peu de lumière en eux. Qu'est-ce qu'on était cons, à se croire encore enfants, à se croire encore gamins, à se croire encore le droit.
« Arya… »
J'approche – un pas, et puis deux ; je tends la main mais je la referme sur du vide et je la laisse tomber (sans même t'avoir effleuré) parce que je sais trop combien j'abîme tout ce que je me risque encore à toucher.
Les bras ballants, le regard fuyant – je n'ai pas le cœur à signer. (On ne sait plus vraiment comment se parler.)
« … Qu'est-ce qui s'est passé ? »
Je ne te ferai pas l'audace de te demander comment tu vas parce que je sais, parce que je sais, parce que je le lis trop sur tous tes traits, sur tous tes interlignes – quelque chose a déconné, quelque chose s'est une nouvelle fois brisé. Trois mois et toi non plus, ils ne t'ont pas épargné.
(J'ai toujours un peu détesté l'été.)
▬ Je suis trop trop trop trop trop contente blblblbl c'est l'heure du-du-du-du DRAMAAAAA !! :bongoblob:
And sometimes, I feel like I'm broken inside and it hurts so bad
We'll never be those kids again - Damien
J'ai pas dormi, cette nuit-là. C'est arrivé, encore une fois, tellement fréquent que ça en devient normal, que je me pose plus vraiment de questions, que mon manque de sommeil est plus un problème parce qu'il a fini de creuser sous mes yeux ces cernes énormes qui déforment mon visage. Et la nuit, je m'allonge juste sur mon lit, dos contre le drap, vision rivée sur le plafond, et je compte les secondes, les minutes et même les heures, parfois ; et les étoiles semblent si ternes, dehors, que je suis même plus capable de les regarder en face, et je me demande encore pourquoi je ferme plus les volets quand j'arrête de vivre, le soir. ...est-ce qu'on peut encore dire que c'est vivre, tout ça ? Ça fait des jours que j'ai pas vu la lumière du soleil, qu'elle essaie de glisser chez moi à travers mes rideaux mais je l'évite, je veux pas la voir, et je la repousse dès qu'elle s'approche de trop près parce que je sais, je sais que si je lui laisse une place elle va me détruire et elle me fera du mal. Parce qu'il y avait un grand soleil, ce jour-là, quand j'ai apprit pour Joshua. Sinnoh c'était pire que tout pendant trois mois, et j'ai passé le temps à paraître bien pour qu'on me dise rien, qu'on s'inquiète pas trop pour moi ; je me disais que ça passerait, quand je rentrerais, que ça serait plus qu'un souvenir que je garderais précieusement avec moi. Je me suis battu avec les gamins qui se moquaient de moi, j'ai passé mes journées à la réconforter quand elle pleurait et disait que son frère n'était plus là, je me suis oublié, abandonné, et j'ai pas eu le temps de comprendre que « pour toujours » ça voulait pas dire qu'il reviendrait plus tard.
Damien, dis-moi, pourquoi est-ce que ça fait mal ? Pourquoi est-ce qu'on finit toujours par souffrir quand on pense que ça va ? C'était l'été le plus long de ma vie et je pensais que quand je reviendrais, il y aurait quelqu'un pour moi. Mais pas un son, pas une nouvelle, plus que le silence ; le silence que j'ai toujours connu et qui me tiens compagnie mieux que n'importe qui. Et toi, je me disais que c'était pas ta faute si tu répondais pas, qu'à la fin de l'été on se reverrait et que je pourrais faire comme si c'était derrière moi tout ça. Pourtant, j'y arrive pas, j'arrive pas à oublier tes mots trop durs face à mon insistance, et la peine qui m'a serré le cœur quand j'ai commencé à me dire que tu voulais plus de moi. Est-ce que si on avait signé, ça aurait été la même chose ? Est-ce que si... est-ce que si j'avais pu parler, tu m'aurais repoussé ? Je suis seul maintenant, seul dans mon appartement trop sombre, et je me sens pitoyable, garçon triste et misérable. J'ai même oublié ce que ça voulait dire prendre soin de moi et la couleur qu'il aimait tant ne colore même plus mes cheveux parce que je les ai laissés pousser trop longtemps et j'ai juste coupé, coupé quand ça devenait trop long, et maintenant je les relève en un chignon négligé parce que j'ai plus la force de les teindre en blond. Et à côté de moi il y a Ara qui est là, et tu serais étonné de voir qu'elle a tellement grandi depuis qu'on s'est rencontré toi et moi et quand je la regarde, des fois, je la reconnais même pas. Et elle voit, elle voit que je suis triste quand j'arrive pas à finir ma part de pizza, que je perd du poids parce que j'arrive même plus à manger ni à bouger, que je me sens pas la force de faire quoi que ce soit. J'ai même plus le courage de danser. Je crois que je sais plus comment on fait. Parce que peu importe à quel point je vais m'y raccrocher, je sais que j'y arriverais pas ; la vie elle m'a déjà pris m'a voix, elle m'a pris Joshua, et je sais que la danse un jour ou l'autre, elle me la prendra. Et je la regarde avec mes pupilles vides, vides de toute chaleur, de toute émotion, elle, ma meilleure amie, ma confidente, celle qui a toujours pris soin de moi et qui me comprenait mieux que personne, me tendre les bras pour m'inviter à danser avec elle et toujours, je secoue la tête et je lui dis que je peux pas.
Je te demande pardon, Ara. Mais cette fois encore, j'y arrive pas.
J'ai peur de dormir, tu sais. Parce qu'il y a que des cauchemars qui se glissent sous mes paupières trop lourdes et je le vois, lui, me dire que j'étais pas un bon ami et que j'aurais pu le sauver. Je la vois, elle, me dire que tout ça c'est de ma faute et que j'aurais pu changer quelque chose, je les vois me dire que je suis pas un bon fils ni un bon frère, que je suis pas l'ami qu'on voudrait avoir parce que c'est pas drôle d'être avec moi quand on comprend que je parle pas ; et je te vois, toi et ton visage si fermé, par hasard au coin d'une rue alors que j'ai à peine su que tu existais pendant trois mois. Et tu t'es approché et j'ai prit peur, cette fois-là, j'ai pas compris pourquoi tu faisais ça. Je crois qu'au fond, j'ai cru que tu voulais venir me voir une dernière fois, me dire que c'était fini notre amitié et que plus jamais je signerais avec toi, plus jamais je danserais pour toi, et j'ai fui parce que je pensais que tu me détestais et que peut-être que si je te laissais pas le temps de le dire, alors ça se finirait pas. Des amis, j'en ai déjà perdu, j'ai été tout seul longtemps et ça m'est arrivé de me faire rejeter, souvent, toujours. Alors pourquoi ça fait aussi mal que ce soit toi ? On était pareils, au final ; peut-être même un peu trop semblables et on avait notre bulle rien qu'à nous, notre manière de communiquer, un endroit où on était seuls face au reste du monde et on était bien, tout les deux, parce qu'on se comprenait et ça nous suffisait plus que tout. Et il y a eu ton absence, tes mots, ton regard, et j'ai compris en te fuyant qu'il y avait quelque chose qui tournait pas rond avec moi.
Je suis désolé, Damien. J'ai pas été là quand il le fallait et je t'ai abandonné pendant trois mois, j'aurais pu insister pour avoir de tes nouvelles mais je pensais que de l'insistance, t'avais pas besoin de ça ; je suis désolé de pas avoir été assez à l'écoute, de pas t'avoir toujours compris quand tu demandais juste ça, désolé de t'avoir blessé et fui quand tu venais vers moi, et je suis désolé d'être tombé amoureux de toi.
Je sais plus vraiment ce que c'est, d'avoir la notion du temps. Je suis déréglé, cassé, mon rythme est brisé et me lève avec la lune, je m'endors avec le soleil et parfois, j'ai la force de survivre assez longtemps pour les voir s'endormir à ma place, pendant que je veille de loin et que je regarde les heures qui passent. J'ai même un arrêt de travail ; je suis plus vraiment capable de suivre, en vérité. À peine repris je me trompais déjà de commande et j'ai chuté à vélo à beaucoup trop de reprises pour que ça n'en devienne pas dangereux pour moi. Et parfois, les collègues viennent même m'apporter des parts de pizza, et je les chasse gentiment parce que j'ai honte d'à quel point j'ai changé, d'à quel point je suis plus vraiment moi.
Mais y'a rien rien qui puisse me faire sourire rien qui me remonte le moral rien qui change qui me fait oublier et j'ai mal mal mal mal tellement mal que je suis même plus capable de pleurer.
Aujourd'hui est pas si différent des autres jours et j'ai pas bougé, pas mangé, pas avancé. Je sais pas vraiment ce que je fais assis comme ça, recroquevillé sur mon lit en serrant bêtement un coussin contre moi sous le regard inquiet d'Ara qui sait pas quoi faire, qui veut m'aider mais qui y arrive pas. Je sais qu'elle voudrait bien faire mais personne peut, personne peut rien pour moi. T'en fais pas, Ara, c'est juste une question de jours mais au bout de quelques mois, tu t'y habitueras. Et puis, j'entends un bruit et c'est silencieux mais j'entendais plus rien, depuis des heures, et ça me sort de ma transe et pendant quelques instants, j'ai peur. Je me rappelle que j'ai pas verrouillé la porte parce que je fais plus rien normalement, je fais plus rien comme les autres, et ça va finir par me causer des problèmes et peut-être que je mourrais d'être stupide comme ça. Mais je bouge pas, je bouge pas parce que j’entends une voix, faible écho pourtant si puissant au cœur des pièces vides de sens, une voix, ta voix. Et je pensais jamais te revoir, jamais l'entendre à nouveau, peut-être parce que j'avais perdu l'habitude d'entendre cette voix silencieuse qui signe toujours pour me répondre et que j'avais cru dans tes messages que tu voulais plus de moi. Mais tu sais, c'est moi l'égoïste, et je m'en rend compte alors que j'entends tes pas, parce que depuis le début j'ai fui et toi tu m'as suivi, et tu es là alors que j'ai disparu devant toi et je me sens coupable que tu continues de t'accrocher à quelque chose d'aussi vain que moi. Et dans ma chambre, blotti maladroitement au creux de mes draps, je suis terrorisé à l'idée que tu me voies, que tu te rendes compte que je suis plus que l'ombre de moi-même, un garçon vide, froid, qui crois plus en rien alors qu'un rien le faisait rayonner d'espoir. Alors j'écoute, j'écoute et j'attends, je me demande même si je n'imagine pas, si je deviendrais pas fou du manque, de l'isolement que je m'inflige depuis que je suis rentré chez moi. Mais c'est pas ça, c'est pas ça et je le comprend alors que tu pousses la porte et que c'est toi, toi qui te retrouve devant moi et c'est comme si ta silhouette brisée tenait à peine debout, parce qu'il y a quelque chose dans ton regard qui est pas pareil que quand c'était juste nous deux la dernière fois, parce que te connais un peu et que je sais te comprendre quand ça va pas ; et ta main se referme sur du vide et je tend la mienne comme pour la saisir avant qu'elle ne vienne se perdre contre mon coussin, parce que même lever le bras ça me fait mal, parce que mon corps est lourd et que le porter demande trop d'efforts.
Pardon. Pardon d'avoir été égoïste. D'avoir cru que tu te fichais de moi, que tu te souciais même pas de moi. J'ai encore été un imbécile, j'ai encore pensé qu'à moi. Et mes mains me pèsent, mes doigts tremblent et lentement, je dessine des gestes qui fendent l'air, et qui n'ont pas la vigueur et l'enthousiasme de quand on se parlait autrefois.
-C'est pas important... Tu as pas besoin de ça.
Ça fait trop longtemps qu'on a pas signé ; est-ce que tu me comprends encore ? J'arrive même plus à te regarder. Et mon cœur bat tellement fort dans ma poitrine que j'ai l'impression qu'il va exploser. Damien, tu sais, tu devrais t'éloigner. Je t'apporterais rien de bien et peut-être même que je vais te détruire, te tirer vers le bas et bon sang, tu mérites pas ça. Je vaux pas grand chose. Je vaux pas la peine qu'on se rattache à moi.
-...pourquoi est-ce que tu es venu me voir ?
Je t'accuse de rien, Damien, tu sais, et je suis même content que tu sois là. Mais peut-être que si je te repousse tant que c'est pas encore trop tard, ça me permettra d'être un peu mieux ; ça fait mal, au début, quand on tiens à quelqu'un et qu'on s'en sépare mais un jour ou l'autre, ça passera toujours et je me dis que sans moi tu seras peut-être un peu plus heureux.
Et je repense à ce jour-là où on voulait juste pour une fois, penser à rien et être comme des gamins ; et qu'est-ce qu'on était cons de croire que ça suffirait et qu'on irait bien et maintenant, je sais qu'on sera plus jamais ces enfants qui rêvaient à demain.
Ft. Damien
-Arya signe en italique -Arya écrit en gras -Arya pense entre « »
Ça me ferait presque rire, tu sais. Pas besoin de ça mais tu sais, Arya, tu sais, j'avais besoin de rien, rien de tout ce qui est arrivé – j'avais pas besoin de la folie des hommes qui ont frappé Lumiris, j'avais pas besoin de cette violence qui a fait trembler la nuit, j'avais pas besoin de toutes ces angoisses qui m'empêchent de fermer l'œil la nuit, j'avais pas besoin que se réveillent les terreurs enfouies, les images et tous les bruits, j'avais pas besoin de la lame sur mes poignets, j'avais pas besoin des cachetons que j'aligne sans lesquels j'arrive plus à sortir, j'avais pas besoin de ces cicatrices immondes qui courent sur mon épaule et le long de mon dos, j'avais pas besoin de haïr le moi de cette nuit-là qui se condamnait et condamnait en même temps tous les autres. J'avais pas besoin, j'avais pas besoin d'être un adulte atrophié à pas dix-huit ans. Pourtant, tout ça, c'est arrivé. J'avais pas besoin de tromper celle que j'aimais, j'avais pas besoin de m'abandonner à des bras auxquels je n'appartiendrai jamais, j'avais pas besoin non plus de descendre plus de verres que j'étais capable d'en supporter. J'avais pas besoin de disparaître, j'avais pas besoin de t'abandonner. J'avais pas le droit, non plus. Pourtant, tout ça, je l'ai quand même fait.
Pourquoi je suis venu tu demandes et moi je sais pas bien, j'ai pas la bonne réponse et même la vérité elle est difficile à déchiffrer. Pourquoi je suis venu j'ai aucune putain d'idée – ou peut-être que je sais mais que c'est difficile d'avouer, les failles, les faiblesses et tout ce qui nous pousse en avant, tout ce qui nous bouscule hors de nos sphères rassurantes. Pourquoi je suis venu et je suis pas certain d'avoir la force d'admettre, la force de signer…
« Je m'inquiétais… »
Mes mains esquissent des arabesques fatiguées, mal agencées – elles trahissent ce que mes mots ne savent pas prononcer.
Tu me manquais…
Rhapsodie s'avance dans la pièce. L'air curieux, les pas méfiants – il nous observe tour à tour, toi et puis moi, et puis toi encore, et puis moi enfin. C'est comme s'il comprenait que quelque chose déconne dans les rouages, que quelque chose n'est pas comme il faudrait. Je l'observe mais sans tout à fait le voir – les prunelles dans l'obscurité de sa fourrure pour ne pas t'observer toi. Et puis un pas, et puis deux, et puis trois, pour rompre la distance, mais j'y arrive pas – qu'importe comme tu es près, y'a comme un gouffre infranchissable qui nous sépare ; je pourrais même t'effleurer que tu ne serais pas tout à fait là, pas vraiment sous mes doigts. À quel moment on s'est laissés tomber comme ça ?
Accroupi au bord de ton lit, une main sur les draps et l'autre sur le sol et qui assure mon équilibre fragile – c'est comme si les forces me manquaient, c'est comme si même pour tenir debout j'étais trop abîmé. Lentement, je relève les yeux dans ta direction – mais mon regard esquive toujours un peu le tien, j'ai pas le courage de le croiser, j'ai pas le courage de soutenir tes prunelles et si elles m'accusaient ? et si elles me déchiffraient ? Je veux pas que tu saches, je veux pas que tu comprennes – comme j'ai plus rien de celui qui riait si simplement à tes côtés la dernière fois. Comme il s'est paumé, comme il s'est brisé, ce Damien-là qu'était peut-être pas si foutu qu'il le croyait ; pas si foutu que je le suis devenu.
« … Je voulais pas… qu'on reste sur notre dispute de la dernière fois. »
Ces mots-là c'était pas nous, ces mots-là ça nous ressemblait pas.
« J'y arrive pas sans toi. »
Je m'aime pas sans toi.
C'est ça la vérité, Arya. J'arrive pas à composer avec moi-même quand t'es pas là.
▬ as usual en bleu il parle, en gris il signe ▬ blblblbl j'espère que ça te convient ;w;
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We'll never be those kids again - Damien
Tu sais, y'a des choses que je comprends pas ; mais au fond j'ai jamais rien compris, je crois. Et tu me dis tout ça, toutes ces choses et c'est pas beaucoup au final et moi, ça me fait mal alors que ça devrait pas. Tu devrais pas t'inquiéter pour moi. Je devrais pas te manquer comme ça. Parce qu'au final, on sait pas où ça mènera, et peut-être même qu'on continuera de se détruire toi et moi. On est cassés, brisés, en morceaux, et quand je nous regarde je crois que certains sont perdus et que le jour où on les retrouvera, jamais il arrivera. C'est pas à ce gamin aux cheveux délavés que tu devrais accorder de l'importance, parce que j'en vaux pas la peine, c'est loin d'être une chance. Et je comprends pas pourquoi tu es là alors que tu es dans cet état, alors que la vie a décidé de pas t'épargner encore une fois, et j'ai pas besoin que tu me le dises pour réaliser tout ça. Ils sont miséreux, nos regards, ils arrivent plus à se croiser comme ils le faisaient autrefois et je me demande si un jour, ils y arriveront à nouveau ou si c'est voué à finir comme ça. Je veux pas me dire que c'est de cette façon que ça s'arrêtera mais Damien, si je reste près de toi, je serais rien d'autre qu'un poids et tes épaules sont déjà assez lourdes et tu as pas à les accabler d'un fardeau de plus comme celui que je suis là. J'aurais voulu avoir ma voix, avoir le courage de lever les bras, de te regarder en face, de te dire tout ça, tout ce que mon cœur gardait quelque part mais j'y arrive pas et il se casse, parce que ça fait déjà trop longtemps qu'il est comme ça. Pourquoi est-ce que c'est si douloureux d'aimer quelqu'un, pourquoi est-ce que ça fait mal comme si on en avait pas le droit ? Y'a eu Joshua et puis y'a eu toi, et tout me fait comprendre que je te mérite pas.
-Moi non plus j'y arrive pas...
Je crois que si j'avais pu parler, ces mots-là, ils se seraient confondus en un murmure et peut-être que tu l'aurais pas entendu, qu'il aurait disparu à tout jamais. Dis, Damien, est-ce que tu crois qu'on s'en sortira ? Qu'un jour on s'en remettra ? J'ai voulu y croire tu sais, mais la vie nous a punis d'avoir été des gamins trop gourmands, elle nous a fait miroiter nos rêves pour nous faire comprendre qu'on serait plus jamais des enfants innocents. Et je sais pas, je sais pas ce que je dois faire, devant toi j'ai pas les mots, pas les signes pour avoir le courage d'être honnête et je pourrais même pas te dire que je veux que tu t'en ailles, que je veux plus jamais te voir pour pas que tu te fasses du mal, parce que j'ai besoin de toi et j'ai envie de garder cet égoïsme-là. Tu dois être fou pour revenir vers moi même après tout ça, et j'arrive pas à me défaire de cette culpabilité d'avoir pensé que tu voulais plus de moi alors que tu es juste à mes côtés, à bouger et à te faire du mal pour ça. C'est pas ma faute, tu sais, j'arrive pas à réaliser que tu tiens à moi. Et je me dis que tu fais une erreur, et que je vais te détruire comme j'ai détruit Joshua, parce que mes signes causent mes maladresses et que ça se répare pas. Et j'ai peur, peur de ce que ça sera, peur de te perdre maintenant que je t'ai à nouveau devant moi, peur que tu me détestes, que tu t'éloignes même si ce serait le bon choix, peur tout simplement de faire partie des responsables de ton malheur alors que je voulais tout faire pour te voir sourire juste une dernière fois.
-J'ai tout raté...
Elle se serait brisée si elle avait pu, ma voix, mais c'est juste un signe qui s'étouffe alors que mon regard se perd dans le vide, parce qu'il arrive pas à se poser sur toi, et mes yeux sont tellement secs qu'ils me brûlent alors que y'a qu'une larme qui roule sur ma joue, qui s'écrase sur mes draps et je prie pour pas que tu la voies. Et c'est comme si mon corps voulait pas m'écouter ou qu'il avait rassemblé un semblant de courage ou peut-être que c'était juste de l'inconscience je sais pas, je me rend pas vraiment compte de ce que je fais à ce moment-là ; mais il y a ma main qui quitte la couette un peu trop froissée sur le lit même pas fait et elle glisse vers toi, vers la tienne, et il y a mes doigts qui l'effleurent pour te dire que je suis là mais j'ai pas la force, pas le droit de la serrer contre moi. Dis, Damien, est-ce que t'étais dans la centrale, toi ? Je sais pas ce qui t'as détruit comme ça et peut-être que je me plantes, c'est vrai, je suis pas toi ; mais j'ai vu un visage d'ordinaire plein de joie se tordre et être détruit par la tristesse, et j'ai peur que toi aussi tu aies été là-bas, parce que c'est l'enfer qui blesse les gens comme ça. Et pourtant je veux pas, je veux pas te le demander parce que j'ai pas envie de raviver la douleur, la haine ou la peur, peut-être qu'en plus je me trompe et que c'est autre chose mais sur ton corps il y a une faille invisible que je perçois et je crois que je l'ouvrirais juste encore un peu plus si je te disais « qu'est-ce qui va pas ? ».
-Je suis désolé...
Je comprends pas ce qui te fais autant tenir à moi. Et ta voix, quand elle me dit qu'elle y arrive pas sans moi, elle frappe mon cœur déjà éclaté en morceaux et et je me dis que je pourrais pas sans toi j'y arriverais pas juste toi j'ai besoin de toi…
-Je voulais pas te mettre en colère, je voulais pas te faire de mal, je voulais pas que ça arrive...
Je signe d'une main et c'est pas facile, mais l'autre a déjà quitté la tienne et elle essaie de retenir mes larmes, mais je les ai tellement contenues depuis le début qu'elle y arrive tout simplement pas.
-J'ai eu peur que ça s'arrête... Je veux pas que ça s'arrête...
Je sais plus vraiment ce que je raconte, je crois, c'est juste des mots qui se perdent et même moi je les comprends pas. Tu sais, Damien, je me suis jamais pardonné pour ce que j'ai fait à Joshua, et je... je crois que je me pardonnerais jamais si je te brisais toi.
Ft. NAME
-Arya signe en italique -Arya écrit en gras -Arya pense entre « »
Est-ce que c'est ça, la réponse à tous nos doutes ? Est-ce qu'on s'est juste ratés ? Toi, moi, et puis nous ? Juste comme ça – d'un seul pas de côté ? Est-ce que c'est à ça désormais qu'on doit résumer nos rires, nos heures volées ; à des moments passés ? Des instants doux-amers qu'on devra bien oublier ? J'ai jamais voulu ça, Arya, tu sais – j'ai jamais voulu te voir pleurer (à cause de moi, à cause de nous…), j'ai jamais voulu qu'on se perde comme on s'est perdus, qu'on devienne des presqu'inconnus au coin des rues. Je suis désolé tu sais – désolé quand mes mots dépassent ma pensée et que ceux que j'aime sont les premiers blessés. J'aime pas mes maladresses – j'aime pas quand quelque chose déraille, puis que je m'emballe, puis que je regrette. Je sais même plus toutes ces saletés qu'on s'est dites mais j'en pensais rien, j'en pensais pas un mot tu sais – puis les silences, après, c'était pas toi, c'était pas ta faute, c'était moi qui déconnait, c'était rien que moi qui savait plus comment faire avec les mots pour les aligner comme il fallait.
Et là… Et là, j'ai aucune idée de comment on fait pour réparer – moi j'abîme et puis c'est tout ; mes mains tremblent trop pour savoir aimer sans heurter les peaux (raviver les maux, les bleus, les mots malheureux).
« Arrête, Arya. »
Mes intonations plus fermes, l'assurance malhabile – ma voix tremble mais mes yeux ne te quittent plus. Je soutiens ton regard et qu'importe comme il m'en coûte – qu'importe comme c'est difficile de t'affronter. Mes doigts effleurent les tiens puis les emprisonne – et si tu ne peux plus signer, Arya, alors tais-toi et écoute-moi, écoute-moi quand moi non plus j'ai plus les mots pour les dessiner devant nous et qu'il ne reste plus que ma voix, ma voix pour te dire tout ce que je n'osais pas.
« T'as rien fait… T'as rien fait, c'est bon, on a déconné tous les deux, 'kay ? On a juste… pas géré. On n'a pas géré… »
Les tragédies qui sont arrivées. Je connais pas les tiennes – je connais pas tes secrets, tous ceux qui t'ont ravagé ; j'imagine le pire et pourtant même ça ne paraît pas assez. Qui a éteint les étoiles de tes yeux, Arya, dis-moi ? Pourquoi tu ne ris plus comme la dernière fois ; pourquoi tu pleures devant moi ?
« On s'en fout, Arya, c'est bon… C'est pas grave… C'est pas grave j'te promets. »
Dis-moi qu'on s'en remet de toutes ces violences, Arya, par pitié.
Je me redresse et m'agenouille sur les draps froissés, les gestes maladroits qui ne savent plus bien comment s'agencer – c'est presque comme si c'était pas mes mains quand elles essuient tes joues, c'est presque comme si c'était pas mes bras quand ils t'enlacent et te ramènent contre moi. Mon visage au creux de ton cou, mes inspirations contre ta peau et les tremblements imperceptibles de nos corps trop éprouvés – j'ai plus la force de te lâcher. (J'apprends des tendresses auxquelles on ne m'a pas habitué.)
« Qu'est-ce qui s'est passé, putain, Arya… »
Un murmure essoufflé qui interroge et qui craint – qui craint les réponses, et la vérité. Qu'est-ce qu'il nous est arrivé, pour qu'à nos âges on soit déjà dévastés ? (las d'exister)
▬ as usual en bleu il parle, en gris il signe ▬ blblblbl j'espère que ça te convient ;w;
And sometimes, I feel like I'm broken inside and it hurts so bad
We'll never be those kids again. | Damien
Je sais pas depuis quand j'ai pas pleuré ; ça fait trop longtemps, j'arrive pas à m'arrêter. J'aurais aimé que toutes les blessures se referment un jour, qu'elles cicatrisent et qu'on puisse passer à côté, qu'on les oublie comme si c'était rien, rien qu'un souvenir du passé mais c'est pas possible et y'en a qui marquent, qui s'ancrent en toi et qui se réparent jamais. C'est pas qu'on a pas géré -on savait juste plus comment communiquer. Et ça fait mal, c'est comme du poison et ça veut pas s'en aller, et ce poison je crois pas qu'on en guérira, tu sais. C'est la douleur de mots trop durs qu'on s'est adressés, de jugement trop brutes qu'on s'est accordés sans même savoir ce qu'on avait fait, ce qu'on avait brisé. C'est le poison qu'on m'a injecté quand on m'a volé ma voix, le poison qu'on t'a injecté quand cette foutue lame a mordu ton bras. Ça nous a transformé et ça nous ronge, à la longue, on est devenu mauvais avec l'autre alors qu'on le voulait pas.
C'est pas notre faute, tu sais, c'est la souffrance qui nous pousse à faire des choses qu'on voudrait pas. Et maintenant, comment on se relève je sais pas, mais faut vivre avec, vivre avec même si on veut pas parce que la vie nous en laisse pas le choix.
Et j'aime pas, j'aime pas deviner ton assurance brisée dans tes mots, dans ta voix qui tremble, j'aime pas me dire que t'as subi encore pire que ce qui était arrivé déjà. Mais encore une fois je me défile, je pleure et je ferme les yeux alors que toi tu as le courage de tendre les bras. Je voudrais te repousser, te hurler de t'en aller, te dire que je te mérite pas parce que y'a mieux que moi et je vaux pas la peine que tu fasses passer ta douleur après la mienne. J'ai déjà brisé Joshua, et si tu t'accroches tu finiras brisé à cause de moi. Ta coquille solide est déjà fendue, craquelée en morceaux, je sais qu'il faudrait un rien pour qu'elle vole en éclats ; et je veux pas je veux pas être celui qui la détruira. Qu'est-ce qu'on t'a encore fait ? Je voudrais le savoir mais j'ai pas la force de le demander, on en revient toujours à moi, juste moi et pas toi. T'as été le premier à t'inquiéter et moi je t'ai fui, et je comprends pas pourquoi tu m'en veux pas. Ma bouche s'ouvre, elle s'ouvre mais y'a aucun mot qui en sort, seulement des halètements et des sanglots, les spectres de tout ce que je ne peux pas dire qui s'envolent et se perdent, qui disparaissent et qui s'oublient. Et tes mots à toi ils sont forts, ils résonnent et ils ont encore raison de moi. J'aurais voulu avoir une voix comme la tienne, une voix qui se bat et qui essaie de s'assurer même quand c'est difficile, qui lutte et qui s'affirme, qui apaise, une voix qui réconforte même quand ça va pas. Mais j'en ai pas ; et pleurer ça me la rendra pas.
Alors quand tes bras m'enlacent je peux rien faire d'autre que me laisser porter -tu sais, je crois que j'ai besoin d'être près de toi. Et ton souffle s'écrase dans mon cou et il est lourd, brûlant, il fait fondre le manteau de froideur qui m'habille depuis des jours. Et je m'accroche à toi parce que mes mains s'enfoncent dans le tissu et mes doigts le serrent fort comme si j'avais peur que tu sois pas là que tu disparaisses comme si t'étais juste une illusion depuis le début et que tu étais jamais revenu vers moi. Malgré tout les efforts du monde y'a des batailles qui se remportent pas, et l'issu est souvent injuste parce que c'est toujours ceux qui gagnent qui le méritent pas. Nous on a lutté, on a essayé de se relever et on a souri au travers de nos blessures, de nos fardeaux qu'on avait du mal à porter, et notre seul récompense ça en a été un autre, encore bien plus lourd à supporter. Je sais pas ce qui me donne du courage -enfin si, je crois bien que c'est toi mais je finis par calmer mes sanglots et quand je me redresse c'est pour te faire face, plonger mes yeux rougis et cernés dans les tiens, alors que je lâche pas ta main. Pourtant l'autre elle sait pas bouger, elle y arrive pas, et c'était sur elle que je comptais pour transmettre tout mes mots mais elle veut pas.
-Je suis désolé, je vais pas arriver à signer.
Parce que mes mains tremblent trop ; et je suis même pas sûr que t'ai pu lire tout ça. Tu sais, j'ai peur de te dire toutes ces choses-là. Je sais pas comment tu réagiras et stupidement, j'ai peur que tu me rejettes, que tu me trouves égoïste, comme si je pensais juste qu'à moi. T'as pas besoin de ça, Damien, et je crois pas non plus qu'on méritait ça. Alors je fais un geste que j'avais pas fait depuis longtemps et je te tends l'écran, la lumière faiblarde qui me crève les yeux dès que je les pose dessus, et écrire est pas plus facile mais au moins tu comprendras.
-Il est plus là.
Je suis terrifié quand je te le donne ; j'arrive pas à te regarder mais mes doigts serrent un peu plus fort les tiens et j'espère que tu m'en voudras pas.
-C'était au début de l'été... C'est pour ça que j'étais plus là et que je répondais pas.
Je sais pas comment te dire tout ça. Qu'est-ce que t'en diras ?
-Joshua... Je t'avais parlé de lui, je t'avais dit qu'il était dans le coma...
Ma main tremble trop et mon téléphone tombe, c'est pas qu'il s'écrase au sol mais c'est presque ça, j'ai trop peur pour signer mais j'ai pas le choix.
-C'est à cause de moi.
Je fais attention à mes signes, ils sont lents et détaillés, je veux pas qu'ils soient trop compliqués à lire et que tu les comprennes pas.
-Il allait mal et il devenait distant avec moi, je savais pas pourquoi. On se parlait plus. Et quand j'ai voulu savoir ce qui n'allait pas, on s'est disputés lui et moi. Il est parti, il m'en voulait, il était en colère après moi... J'aurais pu le retenir mais je l'ai pas fait. Parce que j'avais trop mal, trop peur et je m'en voulais. Et quand j'ai relevé les yeux...
Je crois que j'ai pas besoin d'ajouter autre chose pour que tu comprennes, et cette fois mes yeux je les ferme, je suis lâche de pas avoir le courage d'affronter ton regard.
-J'ai quitté Sinnoh pour venir ici, parce que je pensais que je pourrais le revoir. Et au début de l'été sa sœur m'a appelé pour me dire que c'était trop tard. J'ai jamais... J'ai jamais pu lui dire au revoir.
Il y a une larme unique qui s'écoule sur ma joue, et elle s'écrase sur nos mains liées et je prie pour que tu me lâches pas.
-J'ai tellement eu peur, tu sais... Je me disais que c'était de ma faute. Que j'avais encore refait la même erreur. Que j'avais tout raté. Je veux pas te perdre, Damien, je le supporterais pas...
Je pensais pas que je te dirais tout, la vérité, que je te parlerais un jour vraiment de tout ça. J'avais peur de le dire et même si tu me détestes, je t'en voudrais pas. Et peut-être que ça apaise un peu le cœur de dire ce qui nous fait mal, au moins j'ai plus envie de pleurer, cette fois. Et à ce moment j'ai le courage, le courage de lever les yeux vers toi et je suis un peu plus calme ; parce que je peux pas rester sans rien dire, sans me soucier de ce qui t'es arrivé à toi.
-Je sais qu'il s'est passé quelque chose... T'es pas obligé de garder tout ça pour toi. J'ai jamais été très doué pour aider mais je m'en fiche, je suis là pour toi.
Ft. Damien
-Arya signe en italique -Arya écrit en gras -Arya pense entre « »
Tes mains tremblent – je sens comme elles me retiennent, comme elles s'accrochent, comme si leur (ta) vie en dépendait. Alors je ne bouge pas, je resserre l'étreinte et je respire ton odeur qui apaise doucement la chamade décadente de mon propre myocarde. Les yeux clos et les inspirations lourdes et plus rien d'autre n'existe que toi et tes mains qui ne me laisseront plus partir – mes bras qui ne te laisseront plus te perdre. Je ne te laisserai plus tomber – je ne te laisserai plus me fuir. Je ne te laisserai plus seul pour affronter les ombres qui ont terni ton regard, les obscurités qui ont éteint l'étincelle de tes yeux. Je ne te laisserai plus m'éloigner de ta trajectoire – m'écarter des tragédies de ton existence. Qu'importe ce que tu en penses – j'ai trop perdu à laisser ceux que j'aimais sur le bas-côté de mes routes. Tu ne seras jamais l'énième accident à mon cœur – je n'en peux plus des gyrophares qui m'aveuglent et des cornes de brume qui appellent à évacuer alors, alors tant pis, je m'en fous, tu sais que tes drames deviennent un peu les miens s'il faut ça pour que tu restes – s'il faut ça pour te garder. Je ne te laisserai plus tomber.
La luminosité de l'écran me force à plisser les paupières, je déchiffre les lignes les sourcils froncés et le palpitant s'emballe de nouveau – à la première phrase comme un gouffre qui s'ouvre quelque part entre mes côtes et je crois que j'ai déjà compris ; j'ai compris ce qui t'a jeté à terre, ce qui a ravagé les cieux de tes prunelles – j'ai compris ta peine et pour ces douleurs je crois que c'est à perpétuité qu'on prend. Mon souffle tremble, mes yeux peinent à suivre les lignes qui tressautent dans ta main malhabile – quand ton téléphone tombe je demeure immobile et muet, pas surpris mais dévasté ; dévasté par ta détresse qui implose quelque part au dedans et quand je te regarde c'est comme si elle était mienne, cette déchirure à ton cœur, c'est comme si j'étais celui qu'on avait piétiné, ravagé, laissé pour vaincu dans un fossé. Mes doigts se resserrent un peu plus fort sur les tiens – je ne te lâcherai pas – et mes yeux s'accrochent à celle qui dessine entre nous des arabesques mal assurées. Tes mots me blessent – chacun d'eux comme un cri du cœur, comme un coup au ventre et je secoue la tête, doucement, un non inaudible au bord des lèvres que je répète inlassablement et jusqu'à ce que le souffle déchire le silence. « Non… » La fêlure dans l'intonation – la voix rauque, le raclement de gorge incertain.
« T'es pas responsable, Arya. » On n'est pas responsables de ces choses-là ; des pas des autres, de leurs trajectoires, des synchronicités déchirantes. On n'est pas responsables pour celui qui loupe la marche en descendant les escaliers, pour celui qui oublie de regarder à gauche avant de traverser, pour celui qui s'avance à découvert sur un champ de bataille où fusent les balles et la poudre brûlée – on n'est pas responsables pour les ricochets, les timings manqués, les actes en suspens. On n'est pas responsables, Arya – on n'est pas responsables de ces choses qui nous forcent à ployer. « On n'est pas responsables… » Mais qui est-ce que j'essaie de convaincre ?
« Je suis désolé… » Je suis désolé que ça soit tombé sur toi ; je suis désolé que la foudre ait frappé deux fois au même endroit – je suis désolé que la violence ait encore frappé, désolé que ce monde-là n'épargne pas les enfants qu'on était pourtant. Je suis désolé, désolé mais de quoi ; désolé mais j'ai rien fait, désolé mais je m'excuse au nom d'une entité tragique qu'on appelle la vie (de ses amies mauvaises qu'on appelle aléas) – je suis désolé pour elle parce qu'elle, elle ne s'excusera jamais de tout ce qu'elle nous fait. « Il voudrait pas que tu t'en veuilles comme ça, tu sais ?… » Parce que si c'était moi je voudrais pas non plus – je voudrais pas que tu te condamnes pour quelque chose que tu n'as jamais voulu, jamais demandé ; je voudrais pas que tu te condamnes pour des erreurs que tu n'as pas faites et qui n'étaient que miennes. Si c'était moi, c'est moi qui serais désolé – désolé de t'avoir abandonné comme ça. Sans un mot, sans une explication – sans un au revoir et sans avoir pu te dire comme je préfère mieux quand tu souris. Sans avoir pu te dire que c'était pas ta faute, tout ça, tout ce qui était arrivé.
J'ouvre la bouche, la referme – tes signes me hantent, j'observe ta main puis je détourne le regard et me perds dans mes silences et les images se ravivent, trop claires, trop nettes, trop vives, flash déchirants sur la rétine et je sens comme les sutures me brûler encore alors qu'elles ont cicatrisé depuis longtemps déjà. Gestes en réflexes, je porte ma main libre à mon épaule – sous les couches de vêtements à jamais la peau laide, abîmée ; les mémoires imprimées à même l'épiderme. Je déglutis – la gorge nouée c'est difficile de trouver les mots, d'expliquer ; comment on raconte à ceux qui n'étaient pas là, à ceux qui ne savent pas ? « Je… » En suspens dans l'air, un frisson le long de l'échine et mes yeux se posent sur Rhapsodie qui, assis au pied du lit, m'observe, immobile. « Tu… Tu sais, ce qu'il s'est passé… En juin ? Je… La croisière, la centrale, la mort du Doyen, Mistral ? » Tout le monde le sait – tout le monde s'en souvient. La façon dont ces guerres ancestrales ont chaviré la Lumiris moderne. La façon dont nos aïeuls ont condamné leur propres enfants il y a des décennies de là. « J'étais… J'étais à Nemerya, ce jour-là. Je revenais de ma dernière épreuve de bac quand… Quand la centrale a explosé et qu'ils nous ont demandé d'évacuer. » Je ferme les yeux.
J'entends encore l'alarme qui résonne après que la détonation ait fait trembler tous mes os ; je me souviens des messages qui ne s'envoient jamais, de la ville qui plonge dans l'obscurité, des regards perdus des anonymes avant que la bombe explose et que l'incompréhension se mue en terreur. Je me souviens du flot continu de passants qui couraient pour fuir, et moi au milieu, moi immobile et puis à contre-courant. Téméraire et imbécile.
Moi, j'ai pas évacué.
Une inspiration fragile – un tremblement dans le souffle et je relève les yeux vers ton visage ; les contours sont troubles.
Moi, j'étais dans cette putain de centrale.
Ma main a dessiné entre nous deux ces phrases apprises par cœur. Des mots qui ne sont pas du quotidien, des réalités que j'aurais préféré oublier – j'ai appris à les signer pour toi pour n'avoir jamais à les dire tout à fait. Mon poignet retombe – mes doigts tremblent sur les tiens.
J'étais qu'un enfant, moi aussi, tu sais, Arya ; et les enfants ça devrait pas détenir autant de vies au creux des mains un seul instant. Ça devrait pas – les enfants de ces choses-là ils s'en remettent pas.
« Je… Je suis désolé, Arya, je… Je sais pas comment en parler… Je sais pas… »
Ma voix se brise.
Ils s'en remettent pas.
▬ as usual en bleu il parle, en gris il signe ▬ love u ♥
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We'll never be those kids again. | Damien
Les signes dans l'air ils sont comme des mots tracés à la craie blanche ; ils sont là mais n'existent pas vraiment, des mots qu'on a pas vraiment voulu penser, qu'on a écrit en essayant d'oublier, et qu'un rien, à tout moment, peut effacer. Je pensais qu'ils pourraient m'aider, m'aider à ne pas avoir peur de dire les choses, de parler. Mais ne pas pouvoir les dire est un fardeau tout aussi lourd à porter.
Je voudrais te demander comment est-ce qu'on fait pour ne pas trembler ? Comment est-ce qu'on les arrête, les larmes, quand elles ont déjà commencé à couler ? Et la peur, la douleur, la crainte, la haine, la honte, comment on s'en débarrasse, comment est-ce qu'on oublie ? Je voudrais mais je peux pas, je peux pas te dire tout ça parce que tu saurais pas ; parce que je regarde tes mains et elles sont aussi brisées que moi. C'est pas des mots que je veux t'entendre dire, désolé, parce que désolé t'as pas à l'être, t'es pas responsable de mes erreurs et de mes doutes, pas responsable de ma douleur et de mes maladresses, de nos disputes, de nos malentendus et de nos incompréhensions, et je pense pas que tu regretterais de m'apporter un peu de douceur si seulement j'osais te le dire, si seulement j'avais le courage de te dire à quel point mon cœur me faisait un peu moins mal depuis que tu as réussi à t'y faire une place.
« On est pas responsables... » C'est vrai qu'on l'a pas choisi, on a pas choisi de souffrir. La vie on pouvait pas savoir qu'elle s'acharnerait sur nous alors qu'on était que des gamins, des gosses qui cherchaient juste à se faire une place et à être heureux, on pouvait pas savoir qu'elle effacerait peu à peu notre sourire. Je sais pas si on a juste été trop naïfs ou trop imprudents ou trop optimistes mais j'en sais rien et je m'en fous, je m'en fous parce que c'est pas notre faute, et ça le sera jamais peu importe à quel point le monde tente de nous le dire.
Et pourtant j'y arrive pas, j'arrive pas à m'enlever de l'esprit le visage accusateur de Joshua, ses mots trop durs alors qu'il m'a regardé pour la dernière fois ;
« Pourquoi tu m'as laissé partir, Arya ? »
Je l'entends encore, sa voix, dans mes rêves elle est là, elle s'immisce au milieu de rien, du vide, et quand j'essaie de l'oublier elle s'accroche à moi.
« Tu l'aurais pas fait si tu tenais vraiment à moi, si tu te souciais vraiment de moi... »
Mes mains se resserrent sur les tiennes, fermement, et elles tremblent encore alors que je baisse la tête et que je mord mes lèvres, presque à sang et ça fait mal, ça fait mal et pourtant j'espère que ça arrivera à me faire oublier ne serait-ce que pour quelques secondes son visage. Moi aussi j'aimerais pouvoir me dire ça, pouvoir me dire qu'il ne voudrait pas que je m'en veuille et que je me reproche tout ça. Mais j'ai pas été là pour lui, je lui ai fait du mal. Comment est-ce qu'il pourrait ne pas ressentir la moindre colère après tout ça ? Parce qu'à chaque fois on m'a tendu la main, et je la fuyais parce que j'avais peur d'être moi.
Le souffle trop court j'essaie de me reprendre ; c'est pas facile mais je dois tenir bon pour toi, tenir bon comme tu essaies de le faire pour moi. Ta voix elle me fait mal quand elle tremble, c'est pas parce que j'ai l'habitude que tu signes que je l'aime pas, que j'aime pas l'entendre. À pas pouvoir parler j'ai appris à observer pour comprendre, je sais que les gestes en disent bien plus que l'on pense. Et je regrette déjà mes signes alors que ton regard fuit le mien ; que ta main s'éloigne de la mienne pour presser ton épaule et c'est comme si, de mes yeux un peu trop curieux, je pouvais voir ta gorge se nouer, je pouvais voir tes mots s'y coincer.
Pardon Damien, je voulais pas te blesser.
Je crois que quelque part je m'en doutais, que ces mots qui s'échapperaient de tes lèvres étaient ceux que je redoutais. Y'avait pas beaucoup de chance, tu sais, y'avait rien qui pouvait me dire que c'était la vérité. Mais après elle j'ai vu tellement d'éclats s'éteindre que j'étais sûr que c'était elle qui avait ternis l'obscurité de tes yeux.
Je t'écoute et c'est trop tard pour ne pas trembler, muré dans mon silence j'arrive seulement à t'observer -je crois que même si j'avais pu, je sais pas si j'aurais réussi à parler. J'ai compris trop tôt qu'il n'y avait jamais eu de justice, que ceux qui s’acharnaient à la maintenir faisaient survivre une illusion. La vraie justice elle existe pas, c'est la vie qui la fait à sa manière et elle a jamais compris qu'il fallait punir les méchants.
Arrachée notre enfance, envolés nos rêves, réfugiés au creux de bras cruels qui sont à peine conscients de toute le mal qu'ils nous font. Je ne le réalise que trop bien alors que ton visage revient enfin croiser le mien ; ce que j'ai vécu ce jour-là entre les murs de mon appartement c'était rien comparé à toi qu'on a brisé injustement. Et je peux rien faire d'autre que te regarder ; mes mains osent pas bouger, mes doigts osent pas signer. T'avais pas besoin de ça ; on avait pas besoin de ça. J'aurais aimé pouvoir te dire que c'était fini, qu'on vivrait jamais pire parce qu'on avait déjà vécu l'enfer, mais je le pourrais pas parce que le destin est un monstre qui s'acharne à nous prouver le contraire, à nous faire regretter des pensées un peu moins tristes qu'on a osé éprouver.
Et alors ta voix se brise à nouveau et mon cœur se serre, il se serre tellement fort que j'ai l'impression de l'entendre voler en éclats.
« Arrête d'avoir peur, Arya », j'essaie de me dire alors que mes doigts se referment un peu plus sur toi ; et je comprends que toi, toi il est pas encore trop tard pour te retenir, pour te rendre tout ce que tu m'as fait, pour te soutenir. J'ai laissé partir Joshua, mais je te laisserais jamais partir.
-T'es pas obligé d'en parler si t'y arrives pas.
Mes signes se dessinent et c'est comme si je les contrôlais pas ; j'ai aucune idée de ce que c'est, cet élan de courage qui m'envahit alors que je suis au plus bas. Je sais juste que je veux pas, je veux plus être celui qui observe les autres de loin sans pouvoir les approcher, qui s'enferme égoïstement dans sa peine en pensant que personne ne saura la partager.
-C'est moi qui suis désolé... Je voulais pas te faire ressasser tout ça.
Doucement ma main quitte la tienne ; mais je sais où elle va. Mes doigts hésitent et tremblent mais ils se posent sur ton visage humide et ma paume se blottit contre ta joue, mon pouce s'agite et vient essuyer tes larmes. J'ai jamais fait ça et je sais pas vraiment ce que ça veut dire, ni même si ça rassure ; en tout cas, ça me rassurait, moi.
-Damien...
C'est comme un souffle à peine audible, une brise légère qu'on entend mais qu'on comprends pas. C'est ma voix qui se rappelle à moi, coincée entre mes cordes brisées, ma voix morte qui tente pourtant de s'échapper, de me faire comprendre qu'elle a existé, de me dire de ne pas l'oublier. Pour une fois je ne tousse pas, j'arrive à garder contenance et à rester droit ; mon regard fuit mais ma main reste près de toi.
-Je... je sais pas ce qui s'est vraiment passé là-bas, mais je sais... je sais que ça a dû être horrible. Et même quand on sait qu'on aurait rien pu faire, on se dit toujours qu'on aurait pu faire quelque chose, qu'on aurait voulu, qu'on aurait dû. J'aimerais tellement... pouvoir t'aider, pouvoir te faire oublier tout ça.
Je baisse les yeux, la tête, abattu et résigné ; mais aujourd'hui j'ai décidé d'arrêter d'avoir peur, d'être celui qui aide et pas celui qu'on aidera.
-Je sais que... que je pourrais jamais te débarrasser de toute la douleur que tu as ressentie à ce moment-là, que je pourrais pas effacer l'horreur de ton esprit mais... Mais je te promets que je ferais de mon mieux pour... pour essayer...
Et mes signes se perdent, mes joues rougissent et mes cils se trempent ; je sais pas si je choisis bien mes mots et je crois qu'ils vont te blesser plutôt que te réconforter. Mais est-ce que tu m'en voudras pour avoir tenté ?
-Je peux pas changer les choses mais... je veux juste continuer d'être là pour toi. Encore plus qu'avant... Tu l'as tellement fait pour moi... Tu l'as tellement fait...
Et je relève la tête, sourire sans joie sur les lèvres, parce que je me sens pathétique de pleurer alors que j'essaie seulement de t'aider.
-Je suis désolé de pas pouvoir t'apporter mieux que ça...
Ft. Damien
-Arya signe en italique -Arya écrit en gras -Arya pense entre « »
C'est pas toi. C'est pas toi, Arya, t'as rien fait – tu me fais pas ressasser parce que j'y pense tout le temps, c'est constant, c'est permanent, mes blessures sous les tissus de mes vêtements me font encore mal et m'y ramènent à chaque instant. Y'a pas une seconde où y'a pas une plaie qui tiraille, une suture qui brûle, une mémoire qui se ravive, des images qui s'imposent ; y'a pas une inspiration prise sans me dire que j'ai failli ne plus rien connaître de tout ça, que j'aurais pu n'être rien d'autre un prénom supplémentaire à la liste de tes douleurs, puis à celle de tes échecs, à la liste de ceux qui manquent et qui ne reviennent jamais.
Ça me fait mal, tu sais, de me dire que t'aurais pu me perdre comme tu l'as perdu et c'était égoïste d'être là-bas, de risquer ma vie alors qu'elle compte aux yeux de mes parents, à ceux de Victoria et puis aux tiens – les tiens dans lesquels mon reflet je le déteste un peu moins parce que j'ai l'impression que cassés à deux c'est moins bancal que cassé tout seul ; les tiens dans lesquels j'ai l'impression d'être un peu plus que moins un peu plus que rien.
Tes doigts sur mon visage sont frais – le contact me surprend mais je ne m'y dérobe pas ; ces tendresses me sont presque étrangères, les dernières douceurs c'était Flora mais Flora c'était le calme avant l'orage, la parenthèse au milieu des mensonges, et même elle n'y a pas échappé à mes récifs tranchants, à mes violences acérées. Elle aussi, je l'ai trahie ; elle aussi je l'ai gâchée. Je ferme les yeux quand ta voix murmure mon prénom sans se briser, et mes doigts effleurent le dos de ta main comme pour la retenir, qu'elle ne s'enfuit pas tout de suite.
Quand je les rouvre tes mains dessinent dans l'air des tableaux malheureux de questions, de doutes, de peur, de culpabilité et d'incertitudes – nos vies ont trébuché, nos âmes égarées, mais Arya qu'est-ce qu'on y peut ; qu'est-ce qu'on y peut si la vie a fait de nous des ombres qu'on déteste un peu, qu'est-ce qu'on y peut si on porte sur nos épaules d'enfants des drames trop grands qu'est-ce qu'on y peut qu'est-ce qu'on y peut ?
« J'ai failli plus être là... » Je murmure et c'est terrifiant – je crois que j'ai jamais verbalisé ces terreurs-là mais cette fois elles se dessinent toutes seules au bord de mes lèvres et je déteste ça. « J'ai failli mourir là-bas... » Quand sur l'écran est apparu le message qui clignotait – rouge vif il nous condamnait, il nous narguait ce con qui m'a fait trembler et... Et je me souviens même pas vraiment, tu sais, Arya ; c'était pas tout à fait moi, j'étais déjà plus là, déjà résigné, ces instants-là je les ai vécus de loin, contemplés à la troisième personne et j'étais déjà plus concerné, « J'ai dit à tout le monde qu'ils allaient mourir. Je leur ai dit de sortir. J'ai dit vous et j'ai jamais parlé de moi. » pour moi c'était déjà terminé.
Je croise ton regard mais le mien est trouble ; j'entrouvre les lèvres mais plus rien n'en sort qu'un silence, qu'une inspiration tremblante, et je ne sais plus, je ne sais plus comment avouer, je ne sais plus comment m'excuser, comment dire qu'à ce moment-là plus rien n'importait, ni toi, ni elle, ni eux, qu'il n'y avait que moi et que Mistral avait déjà gagné ? Comment avouer – comment te dire qu'en renonçant, je n'étais même pas désolé ? C'est venu bien après, c'est arrivé trop tard – quand le silence est retombé et que j'étais hors de danger. Hors de danger mais en sécurité nulle part.
Je ploie, et mon front se heurte en douceur à ton épaule – je me réfugie dans son obscurité, loin de tes yeux, mes doigts glissent sur ton col, glissent encore et puis s'accrochent à tes vêtements – ma main tremble. Je tremble. « J'veux plus qu'on se perde comme ça. C'est nul quand t'es pas là. » Ça n'a plus de sens quand c'est moi sans toi. Je relève la tête et m'immobilise dans mon geste quand je me heurte à ton regard – secondes suspendues, je sens ton souffle sur ma joue, mes prunelles s'écoulent sur ton visage, de tes yeux à ta bouche, je vacille, ton souffle sur mes lèvres et – « Je... » Je m'écarte – brusquement ; mes intentions en suspens, les mots en travers de la gorge et je sais pas je sais pas je sais pas C'était quoi, ça ? « Pardon, je... Pardon. » Pardon de quoi ? J'ai rien fait ; j'ai rien fait.
J'ai rien fait je crois – c'étaient rien que nos deux souffles qui s'emmêlaient et rien d'autre qu'une occasion manquée.
▬ as usual en bleu il parle, en gris il signe ▬ omg Damien m'a échappé je hruighiruehgiuh ♥
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We'll never be those kids again. | Damien
Il y a des choses qu'on voudrait pas voir s'envoler. Des choses qu'on voudrait pas perdre, même si en échange c'était la lune qu'on nous promettait. Des choses qui semblent insignifiante aux yeux des autres mais pour nous, ces choses, c'est un peu le centre de notre monde.
Et si mon monde ça devait être juste toi Damien alors je laisserais tout tomber sans hésiter, parce que chaque seconde me fait un peu moins mal quand je suis à tes côtés.
Ma vie a vu défiler des images un peu vides, des lueurs qui n'arrivaient jamais à illuminer mes yeux. Mes mains dessinaient des signes dans l'air et les autres, ils ne les ont jamais atteint ; mais toi, tu les as empêché de se perdre et au lieu de te dire que tu saurais pas vraiment quoi en faire, tu as essayé de le comprendre, tu m'as demandé de t'attendre. Et depuis qu'il était parti j'avais perdu espoir que d'autres veuillent prendre la peine de perdre le temps avec quelqu'un comme moi, quelqu'un qui ne valait pas grand chose et qui faisait fleurir les larmes sur les visages au lieu d'éveiller les sourires ; tu m'as fait comprendre que toi t'étais pas les autres et qu'il y avait toujours une voix chez quelqu'un, une voix même si on l'entendait pas. J'essaie plus vraiment d'obtenir des réponses quand je me demande pourquoi on nous a brisé, pourquoi nous alors qu'on avait rien fait ; parce que les mots c'est juste cruauté, injustice si douloureusement douce qui nous frappe en silence quand on pensait être libérés. Et quand tes doigts se pressent sur ma main c'est comme si la chaleur faisait fondre un peu la glace qui me rongeait, qui me dévorait sans vraiment s'accrocher à mon cœur mais qui le menaçait ; maintenant je me demande plus pourquoi on a été brisé mais est-ce qu'à deux, on arrivera à se réparer un peu ?
Tes mots sont tranchants -ta voix est glacée. Mais c'est parce qu'ils font mal, mal de penser que tu aurais pu ne plus être là, que je t'aurais perdu comme je l'ai perdu lui sans avoir pu dire au revoir ; et je veux plus ça, je veux plus jamais avoir à oublier quelqu'un, à devoir porter la douleur de jamais pu avoir dit ce que j'avais sur le cœur, la douleur de l'absence, de la culpabilité, la souffrance, la tristesse, ça fait déjà tellement mal de les supporter. Et je secoue la tête faiblement quand ces mots, je t'entends les prononcer ; personne voudrait jamais voir sa vie s'arrêter. C'est pas grave Damien, c'est pas grave que tu l'aies pensé parce que t'as rien fait de mal, parce que tu les as aidés, parce que tu les as sauvés -c'est pas grave parce que quand on a trop souffert on a le droit d'être égoïste, sa propre vie on a le droit de s'en soucier.
-C'est pas ta faute...
Et mes doigts essuient tes yeux trempés quand les larmes commencent à s'échapper ; cette fois, pour moi elles ont arrêté de couler. C'est pas comme ça que je veux te voir, pas comme ça que je veux que tu te sentes quand t'es près de moi, à mes côtés ; je t'ai déjà trop fait douter, trop fait t'inquiéter, et je pourrais donner n'importe quoi si ça pouvait juste faire sourire tes lèvres, te faire sourire parce qu'à ce moment c'est tout ce que je veux.
-Ça va aller... Je... suis là...
Mes signes hésitent ; je sais pas, je sais pas si j'ai le droit de te le dire parce que ça sera peut-être jamais vrai, parce que je suis pas la seule personne qui existe dans ton monde, et cette seule personne peut pas tout changer. Mais je crois que parfois on a le droit de donner un espoir même s'il se réalise jamais ; parce que c'est mieux d'avoir quelque chose à laquelle s'accrocher plutôt que de chuter dans le vide en se demandant quand est-ce que ça finira par s'arrêter.
Je sais pas vraiment comment on rend heureux ; mais j'espère juste que ça sera moins douloureux à deux.
Et mes mains glissent dans ton dos ; elles se resserrent un peu quand tu t'accroches, quand je sens ton visage tomber lourdement sur mon épaule et tes doigts courir contre moi et je sais plus pourquoi je rougis, si c'est la douleur ou la tristesse ou si c'est autre chose mais je m'en fiche, parce qu'à ce moment y'a plus que toi et juste toi qui compte, rien d'autre qui a jamais compté. Et un faible sourire ; mais mes lèvres parviennent pas à le tenir, j'ai déjà du mal à contenir de nouveau le chagrin qui m'envahit quand j'entends ces mots venir de toi.
« Moi non plus je veux plus qu'on se sépare, je veux plus que ça recommence, ça fait trop mal quand je suis loin de toi », ces mots je voudrais te les dire mais tu m'en laisses pas le temps, tu m'en laisses pas le choix ; et d'un coup c'est ton visage face au mien, mes yeux dans les tiens, le silence et c'est l'instant d'après nos soufflent qui s'emmêlent en un battement de cœur mais ne se lient jamais tout à fait.
Et c'est comme si elles s'étaient suspendues, les secondes, comme si le monde s'était arrêté de tourner alors que toi tu étais tout près.
Qu'est-ce que... Qu'est-ce que c'était ? Est-ce que c'était cette intention que tu me destinais ? Une occasion, une vérité, pourquoi tu t'excuses, pourquoi est-ce que tu t'es arrêté ?
Et à ce moment je crois mon corps a arrêté de m'écouter ; j'ai laissé les larmes couler parce que ça servait à rien de les garder. Une explosion, une réalisation, et peut-être que si je saisissais pas ce moment y'en aurait plus jamais, et je m'en fiche si tu me détestes après.
Pour une fois j'avais envie d'être celui qui s'exprimait.
Et en un fragment de secondes c'est mes lèvres contre les tiennes qui se pressent, doucement, avec un peu de hâte et de panique, de maladresse et d'hésitation ; ça dure pas longtemps je crois mais c'était doux et amer alors que nos larmes s'étaient emmêlées, parce qu'il y avait sur elles tout le poids de ce qu'on avait supporté depuis tant d'années.
J'avais pas vraiment réalisé et quand je m'éloigne enfin je suis comme terrorisé ; mais je voulais pas, je voulais pas que tu m'échappes encore et j'ai voulu te rattraper.
-Je... p-pardon je...
Mes signes qui sont d'habitude si habiles ne savent plus vraiment comment on fait, mon regarde n'ose plus se glisser dans le tien parce qu'au fond, j'ai un peu peur de comment tu vas me regarder -c'était irréfléchi et peut-être insensé, mais je voulais pas laisser cette occasion manquée.
Ft. Damien
-Arya signe en italique -Arya écrit en gras -Arya pense entre « » -JTM T'ES BELLE J'AIME DAMIEN SI FORT ♡
J'ai comme le souffle court – c'est presque une asphyxie. J'étouffe – mon élan, mon sursaut d'audace ; j'étouffe mon courage et je barricade tout ce qui doit l'être et qui n'a pas de nom. C'est insensé, je comprends pas – sous les paupières j'ai des images concrétisées de ce geste que j'ai laissé inachevé ; je peux nier tant que je veux mais je crois qu'on sait tous les deux où nos souffles ont manqué s'échouer où nos silences ont tenté de s'apprivoiser ; je crois qu'on sait tous les deux où est-ce que ça menait cette esquisse d'acte manqué à laquelle j'ai renoncé.
Parce que c'est ridicule, et puis c'est cliché – c'est stupide et déraisonné ; de faiblir entre nos larmes et nos aveux, et puis ça veut rien dire, tu sais, on est juste fragiles et un peu paumés, on a juste un peu trop donné, et j'ai comme stupidement cru qu'un seul souffle de nos deux respirations fébriles c'était une solution, une bonne façon de réparer les morceaux brisés et…
J'ai comme un sursaut – presque un mouvement de recul, pas tout à fait ; figé sur place le cœur aux tempes et c'est quoi, ça ? Tes lèvres contre les miennes et le boum au myocarde – presque un vertige quand tu t'écartes, exhalaison tremblante tandis que tu signes au hasard dans les airs et et je sais pas pourquoi, je sais que c'est pas une bonne idée mais c'est moi qui rompt la distance, c'est moi qui fond sur ta bouche pour y poser la mienne – et le contact est hésitant, inquiet, presque pudique mais un peu pressant, mes doigts effleurent ta nuque et je goûte au sel de tes larmes, les lèvres entrouvertes dans une invitation qui ne se concrétise pas tout à fait parce que parce que je réalise et que je m'écarte, je m'éloigne, je m'arrache à ton contact et à tout ce qui pourrait me ramener à toi.
C'est plus fort que moi – je me lève du lit, je recule, et y'a tout qui déconne, y'a plus rien qui tourne rond ; y'a toutes les alarmes qui hurlent et mon instinct qui supplie de fuir, de partir, de tourner le dos et de ne plus revenir, c'est plus fort que moi, c'est plus fort que moi. « Pardon, je… Je peux pas, faut que… Je dois… » Mais je n'esquisse pas le moindre geste – je peux pas m'en aller, je peux pas ; j'ai pas le droit de me barrer, j'ai pas le droit de te tourner le dos, pas maintenant, pas comme ça, pas après ça quoique ça ait pu être, quoique ça ait pu signifier ; je peux pas juste te claquer la porte au cœur comme ça, pas alors que je viens seulement de te retrouver.
Alors – alors je serre les poings, et j'avance. Je refais en sens contraire les pas qui m'ont éloigné de toi – pose un genou sur le matelas avant de m'y réinstaller. Juste au bord, juste au bord mais je ne fuirai pas. Je te perdrai pas une seconde fois.
Le silence s'étire – je n'ai plus les mots ; ma voix ne s'entend plus, je n'entends que les battements de mon cœur et mes inspirations, c'est assourdissant, je comprends pas, je comprends pas ce qu'il s'est passé mais je me rappelle brusquement que quand je perds la voix mes mains, elles, savent encore signer.
Je… C'était quoi ?
Ça voulait dire quoi ? À quoi ça mène et qu'est-ce que ça fait de nous ?
J'aurais pas dû… J'aurais pas dû.
J'aurais pas dû, parce que c'est injuste – c'est injuste ces gestes-là quand je ne suis pas certain de ce qu'ils signifient ; c'est injuste parce que c'est qu'un instant volé, un prétexte pour s'oublier, c'est injuste parce que c'était égoïste égocentrique. C'est injuste parce que je sais pas, je sais pas s'il s'agissait de nous ou bien seulement de moi.
▬ as usual en bleu il parle, en gris il signe ▬ t'es belle +++ au secours j'les aime mais fhruigh ♥
And sometimes, I feel like I'm broken inside and it hurts so bad
We'll never be those kids again. | Damien
C'est comme si tout était plus léger -que y'avait plus rien, vraiment, qui existait. À cet instant c'est tout qui tourne au ralenti et ton souffle qui s'écrase contre moi et tes larmes qui s'imposent dans cette étreinte maladroite je les ressens aussi bien que tes douleurs et tes doutes, comme si le temps se figeait lentement et me permettrait d'interpréter ce que je ne comprendrais plus vraiment après.
J'ai cédé ; mais peut-être que ça aurait été pareil si je l'avais pas fait. Peut-être que j'aurais pas dû aller là où tu as voulu t'effacer. Parce que ça pourrait mener à rien, ça pourrait faire du mal au lieu d'apaiser, et perdre au lieu de guider. Mais toute ma vie je l'ai passée à hésiter ; à fuir ce qui m'effrayait, à ne pas avoir le courage d'exprimer ce que je cachais et je me réfugiais derrière mon mutisme pour ne pas être obligé de parler. J'ai vu défiler des peines et des regrets, parce qu'à trop m'être réfugié dans ce qui me confortait j'ai oublié ce que ça pouvait faire de juste, parfois, avouer. Parce que j'avais peur d'être repoussé -parce qu'on sait tout les deux que la vie est cruelle et parfois même quand on essaie, ça veut pas, ça peut pas marcher.
Et c'était probablement stupide, irréfléchi, insensé ; bien sûr que ça l'était. Et il y a encore mon corps qui tremble, qui n'a même pas le temps de se remettre de ce que j'ai fait alors que tu reviens vers moi, que tu reviens m'enlacer. C'est chaotique -et dans le flot de mes émotions je comprends pas vraiment, mon cœur gonfle et bat si fort dans ma poitrine que j'entends plus rien, je réalise plus rien. Et je m'abandonne à tes lèvres, à ton étreinte si douce comme si c'était la seule chose à laquelle je pouvais me raccrocher ; parce que j'avais l'impression que tout s'effondrait et que j'allais me faire emporter. J'aurais voulu que ça s'arrête jamais, qu'on comprenne et qu'on ai pas peur, qu'on profite de l'instant sans redouter ce qu'il y aurait demain mais ça peut pas, ça peut pas arriver quand les malheurs nous ont autant marqué.
Et tu te dérobes ; cette fois, j'ai pas la force de te rattraper.
D'un coup tout revient à la normale et d'un coup, je comprends que ce qui cogne dans ma poitrine ça me fait mal, parce que ça a toujours fait mal d'espérer. Je suis trop naïf et toi trop brisé -c'est comme ça, je pourrais jamais te le reprocher. Et mes mains retombent contre moi alors que je te sens te dégager, que mes yeux impuissants et encore troublés t'observent ; je sais pas, je comprends pas, qu'est-ce que j'ai fait pour que tu aies l'air aussi effrayé ? C'est comme si je revivais sa perte pour une seconde fois ; mais cette fois j'ai au moins la force de me mordre les lèvres pour ne pas laisser les larmes affluer -je veux pas que tu me trouves ridicule, si je me remets à me pleurer. Mes bras m'entourent et c'est comme un cocon protecteur que j'essaie de me forger, pour oublier la douleur parce que je suis certain qu'à cet instant, tu vas t'en aller. J'ai déjà essayé ; mais je savais bien que si tu voulais vraiment partir, je pourrais pas te rattraper.
« T'en vas pas... s'il te plaît... »
J'ai pas la force de signer, pas la force de souffler. Est-ce que tu me détestes, Damien, pour avoir osé m'exprimer ? Tu aurais le droit de me détester. Parce que ça, ça c'était peut-être pas ce que tu voulais, peut-être que c'était autre chose que tu pensais, autre chose que tu attendais et moi qui me suis imaginé, moi qui me suis permis de réaliser ce à quoi je n'avais pas le droit de songer.
« T'en vas pas... »
Et tu aurais pu franchir la porte et disparaître ; tu aurais dû le faire depuis le début parce qu'à tout moment, même si je le voulais pas, moi aussi je pourrais dérailler. Mais tu reviens vers moi -qu'est-ce qui te pousse à le faire malgré toutes mes erreurs je comprends pas. Tu es là et au bord tu es encore trop loin et je sais pas si je suis poussé par le courage ou la peur mais j'arrive à agripper ta main, et je la serre si fort pour que tu comprennes que je veux pas, je veux plus te voir t'en aller. Même moi je sais plus, je comprends plus ce que je suis entrain de penser. Et le moi égoïste voudrait te garder pour lui pour toujours -le moi plus raisonnable essaie de se convaincre que c'est pas une bonne idée, que ça pourrait nous faire du mal à défaut de nous soulager.
Il faut du temps pour que je me reprenne -le silence m'aide un peu, je dois te l'avouer. Et j'attends que ta voix revienne, j'essaie de rendre plus claire mes pensées. Est-ce que j'ai le droit de ressentir tout ça ? Est-ce que j'ai le droit de t'aimer alors que ça pourrait jamais rien donner, parce que j'ignore complètement où ça pourrait aller ? Et est-ce que tu me ferais confiance, toi, est-ce que tu me croirais si je te disais que quoi qu'il arrivait, je te soutiendrais ?
Et ta voix ne reviens pas ; je me rends compte que tu signes, parce que ça a toujours été comme ça qu'on s'était exprimé. Et je comprends toujours pas pourquoi tu t'excuses parce que tu m'as rien fait.
-Je sais pas... m-mais j'ai aimé ce que c'était...
Moi aussi je signe et c'est un peu pitoyable ; j'arrive à esquisser un sourire sans joie, à relever les yeux pour te montrer que je comprends pas, que je t'en veux pas.
-T'as rien fait de mal.
J'aurais voulu pouvoir lire tes pensées, savoir ce que tu avais vécu d'autre, ce qui t'avait poussé à vouloir t'éloigner. Et les mains qui tremblent encore ont du mal à signer, moi aussi je m'agite et je hoquette parce qu'on se débarrasse pas si facilement de quelque chose qui nous a choqué.
-C'est moi qui... je sais pas ce qui s'est passé... Mais j'avais l'impression que si je faisais rien j'allais te perdre, tu allais disparaître, que si je faisais rien je pourrais jamais exprimer mieux ce que je ressentais, que si je faisais rien on se dirait que tout va bien et qu'au final on allait finir par encore s'éloigner...
Je sais pas si c'est compréhensible ; c'est difficile de s'exprimer.
-Même si je te disais que je resterais avec toi quoi qu'il arrive, tu voudrais peut-être pas me croire et je comprendrais...
Je hoquette à nouveau et ma main revient se glisser contre la tienne alors que mon visage n'ose pas se relever, que mes yeux craignent encore de te regarder.
-Damien je...
Je soupire et cette fois j'abandonne ; ma tête reviens s'effondrer contre ton épaule et les larmes mouillent encore un peu le matelas déjà trempé.
-Je m'en fiche de ce qu'on est ou de ce que ça voulait dire pour toi et si c'était pas si important que ça l'était pour moi je t'en voudrais jamais... Et si ça voulait dire quelque chose pour toi je t'en voudrais pas si tu faisais une erreur... parce qu'on en fait tous... je veux juste que tu restes avec moi... je veux pas... je veux plus que tu partes...
Je suis désolé ; j'aurais voulu être un peu plus fort mais ça fait trop mal, j'ai plus le courage de m'effacer.
Ft. Damien
-Arya signe en italique -Arya écrit en gras -Arya pense entre « » -sdjfhgkjdgk love u ♡
Ta main qui me retient – et je regarde comme tes doigts resserrent leur emprise pour que je ne m'enfuie pas ; je me tais parce que je n'ai plus les mots, parce que je ne sais pas, parce que je ne sais plus. Je suis pas bien sûr de savoir ce que je veux, ce que tout ça signifie ; pourquoi j'ai le cœur qui bat fort comme ça et pourquoi j'ai presque la nausée, des vertiges qui me font ciller mais contre lesquels je tiens bon. Je sais pas. Je sais pas. Y'a plus grand chose qui fait sens, dans ma tête les idées ne s'enchaînent plus rien, j'arrive pas à retrouver le fil et même tes mains qui dessinent des arabesques maladroites dans les airs ne me ramènent pas, je ne sais pas. Je ne sais pas – je ne sais pas quels sont les mots, je ne sais pas ce qu'il faudrait dire ou mentir, je ne sais pas. Je ne sais pas.
Je suis pas sûr de saisir ce que t'essaies de me dire – ça veut dire quoi, exprimer ce que tu ressens, ça veut dire quoi, c'était quoi ; c'est quoi tous ces mots-là qu'on s'est pas dits avant, c'est quoi ce baiser qu'on s'est volé sans rien dire de nos intentions, je comprends pas tu sais – avant toi ça a jamais été compliqué. Noa c'était presque simple, et Flora ça l'était tout à fait ; mais je crois qu'aussi la vie elle-même était plus simple, l'équilibre c'était pas bancal comme aujourd'hui – j'étais encore un peu insouciant, et j'allais doucement mieux. C'était différent – je me sentais pas m'émietter à chaque instant.
Mais cette fois c'est toi qui t'effondres – et mon bras libre que je glisse autour de toi pour te garder (que tu ne te perdes pas). J'ai de la peine à déchiffrer un mot sur trois mais je crois que je comprends – je saisis le principal, les idées maladroites que t'essaies d'aligner et à chaque fois ça me file des boum au cœur et tremblements, parce que je sais pas, je sais pas.
« Je… »
Je sais pas, Arya – j'aimerais bien te dire que tout va bien, que tout ira bien ; j'aimerais nous bercer des illusions qui rendent le quotidien plus facile mais toi comme moi on sait bien que ça fonctionne pas vraiment comme ça, que c'est toujours un peu compliqué… « Arya, je… Je vais pas partir… Je vais pas partir. » Sinon je l'aurais déjà fait ; j'aurais tourné les talons et puis j'aurais fui, parce que c'est plus facile, c'est plus facile de partir en courant que de rester, c'est plus facile de renoncer que de lutter pour continuer – si je voulais me barrer je serais déjà plus là mais je te l'ai dit, Arya, cette fois je compte plus te laisser, je ferai pas la même connerie deux fois.
J'hésite et puis je glisse mes doigts dans tes cheveux – le regard quelque part sur le mur, je cherche des mots que je ne saurai pas signer ; ceux-là, je vais devoir les prononcer, et leur donner consistance, leur donner le droit d'exister et l'idée me terrifie.
« J'aimerais… J'aimerais te dire que… Je sais pas… Écoute, je sais pas, je sais pas ce que c'était, mais j'en avais envie et… Et je saurais pas dire pourquoi, je… » C'était plus tendre, je crois, de me fracasser contre ta bouche plutôt que contre les récifs de nos tragédies. « Je sais pas ce que t'attends de moi mais je… J'ai plus rien à donner, Arya, j'ai… Pas comme ça, pas maintenant, pas… Peut-être jamais, je sais pas. » J'ai trop donné, je me suis trop oublié, j'ai plus d'amour à distribuer, j'ai plus de tendresses à esquisser ; je peux plus. Je peux plus, Arya, je peux plus. Je m'écarte, lentement – je me redresse et mes doigts effleurent ta joue, je cherche tes yeux pour m'y perdre et parce que ces mots-là, je veux m'assurer qu'ils t'atteignent. « Ça comptait, Arya. » Ce geste-là comptait. « Mais je suis pas capable d'être autre chose qu'un ami, un meilleur ami ou ce que tu veux, mais… Je peux pas… donner plus que ça. »
Je suis pas capable d'être à la hauteur de ce que tu voudrais que je sois.
▬ as usual en bleu il parle, en gris il signe ▬ mon kokoro ;; ♥
And sometimes, I feel like I'm broken inside and it hurts so bad
We'll never be those kids again. | Damien
Le temps s'écoule et je comprends pas. Pourquoi j'ai fait ça ; pourquoi je me suis perdu contre ton visage alors que j'aurais seulement pu attraper ta main, pourquoi mon corps a agi avant mon âme et mon cœur avant ma raison, pourquoi j'ai mal, pourquoi j'ai honte, pourquoi tu me repousses pas pourquoi tu es encore là pourquoi pourquoi...
Y'a plus rien qui marche dans ma tête, comme si le monde je le percevais au ralenti et que rien me semblait normal, rien me semblait correct ; je vois plus rien et ma gorge est encore serrée de sanglots, de cette douleur que j'ai gardée trop longtemps et de ces sentiments que je peux pas rattraper, que je peux plus camoufler. Et je sais pas, je sais pas ce qui m'a poussé à agir comme ça, c'était comme une voix, un cri à l'intérieur de moi, quelque chose qui avait pris le contrôle, murmuré que quand les mots s'effacent il y a encore les gestes qui ont leur place.
Quand je ferme les yeux c'est ton image ton image que je vois à la place de celle de Joshua, ton image qui s'enfuit et s'éloigne et que j'ai la force d'affronter, que j'ai la force de rattraper.
Un soupir en silence et je laisse à nouveau ma tête retomber ; mes bras dans ton dos qui se raccrochent à toi et je t'écoute un peu distrait, un peu secoué, je sais plus trop quoi en penser. Je veux juste profiter, de ton étreinte et de ta chaleur un peu rassurante, de ta main contre ma joue et tes doigts qui caressent mes cheveux parce que ces gestes j'avais oublié ce qu'ils voulaient dire depuis tellement d'années, j'avais juste oublié ce que c'était quand on vous les donnait. Tes mots font mal, tu sais, et j'enfouis ma tête contre toi pour pas avoir à confronter ton regard, pour t'empêcher de voir à quel point mes yeux sont confus et perdus de pas avoir su m'exprimer, de pas avoir pu simplement te parler.
« Si ça comptait alors pourquoi... » -Pourquoi tu te rabaisses...
C'est pas réellement ce que je voulais dire mais j'ai pas la force, pas la force de vraiment te demander pourquoi. Et je signe ces mots d'une main sans conviction, parce que tu tiens à me regarder en face mais mon regard fuit alors qu'il rencontre le tien ; j'ai toujours été un peu lâche je crois, mais je presse mes doigts contre ta main pour te faire comprendre que je me déroberais pas.
-C'est vraiment difficile de te repousser, tu sais...
Et je souris tristement, je sais pas vraiment ce que je veux dire par là. Je voulais te repousser, au début, parce que j'étais persuadé d'être le seul responsable de tout ces problèmes, de tout ce qui s'est passé, et c'est parce que je t'ai toujours trop aimé que j'ai pensé que c'était mieux de t'éloigner.
-J'y ai pensé. À te dire de t'en aller. Parce que je m'en voulais, j'étais sûr que tout était de ma faute et je me disais que... je t'apportais rien de bon... que tu serais mieux loin de moi. Mais je veux pas que tu t'en ailles. C'est égoïste, tu crois ? De vouloir te garder auprès de moi en sachant que je pourrais continuer à te faire du mal...
Je baisse la tête, encore une fois ; mon corps est juste trop lourd pour que j'ai la force de me tenir droit. Pourtant mes signes cette fois se font moins hésitants et je comprends pas vraiment pourquoi, je crois même que je le remarque même pas.
Mais c'est pas parce que je me sens mieux que j'ai arrêté de pleurer, c'est juste que toutes les larmes se sont évaporées. Et si mon cœur bat si fort c'est pas parce que je suis soulagé, en fait c'est comme si mon monde s'était effondré et je suis fatigué fatigué de quoi je sais pas, je crois que je suis juste fatigué de lutter.
-Tu dis que tu es incapable de faire plus après tout ce que tu m'as déjà donné... Je crois qu'on est pas mieux tout les deux, tu sais. À pas avoir confiance en ce qu'on est et à penser qu'on fais rien de bien pour les autres...
Et mon sourire, mon visage s'illuminent de tristesse alors que j'attrape ta main dans les miennes et je la serre sans véritable espoir, sans véritable envie, parce qu'au fond toi et moi on est juste deux abrutis qui savent pas s'exprimer, deux abrutis qui pourraient avoir tout l'amour du monde à se donner mais on veut juste se préserver, se préserver de l'autre et de nos malheurs parce qu'ami c'est bien et autre chose ça pourrait tout briser, ça pourrait tout casser.
-C'est bien, meilleur ami... Ça me va. Moi je m'en fiche, je veux juste pas que tu t'en ailles encore une fois...
Je sais pas ce qui est le plus troublant quand mes mains signent ça, parce que j'ai l'impression d'adresser ces mots à Joshua ; parce que je voulais pas le perdre et que j'ai l'impression de t'avoir perdu toi alors que tu es là, toujours là, encore en face de moi.
J'ai jamais été très doué pour m'exprimer mais mentir, j'y suis toujours arrivé ; et derrière mes sourires y'a jamais eu vraiment de sincérité, rien d'autre qu'un désespoir que je me force à dissimuler.
Je suis égoïste, je crois, parce que je devrais pas ressentir de la haine face à un choix qui m'appartient pas.
Ft. Damien
-Arya signe en italique -Arya écrit en gras -Arya pense entre « » -Jtm ;;
Je comprends pas, tu sais – je comprends rien. Je n’ai jamais rien voulu de tout ça, moi, j’ai pas voulu qu’on oublie de se parler, qu’on oublie qu’on s’aimait – qu’importe de quelle façon, c’est pas ça qui compte ; ce qui compte c’est qu’on aurait dû être là l’un pour l’autre et pas s’esquiver, pas s’éviter, pas se déchirer en silence par crainte d’être trop ou de ne pas être assez, c’est qu’on aurait dû rester côte à côte et puis soudés et pas laisser la vie nous gangréner sans plus rien trouver à s’avouer.
On aurait dû se suivre, se forcer, s’écouter ; j’aurais dû te poursuivre bien plus tôt, te confronter et plus jamais te laisser t’enfuir comme tu l’as fait, j’aurais dû te retenir, j’aurais dû… faire les choses autrement, pas te laisser croire que moi aussi tu m’avais perdu ou que moi aussi j’allais barrer. J’aurais dû être là et puis les contredire, tes idées qui nous condamnaient, leur murmurer notre force et toutes ces choses qu’on peut surmonter pourvu qu’on soit tous les deux.
J’aurais dû… On aurait dû, et je crois que ça me brise le coeur de me dire qu’on n’a pas su – et je comprends pas pourquoi, je comprends pas comment… Comment est-ce qu’on a pu se passer à côté si facilement ? Comment est-ce qu’on a pu se louper si simplement ? J’ai cru, naïvement, que nous deux, ce serait différent…
C’est difficile de me repousser, tu dis, mais moi je crois que c’était trop facile au contraire ; parce qu’un coup sur deux quand je comprends pas c’est moi qui m’enfuis, parce que je me trouve toujours de trop et si ceux que j’aime autour de moi vont mal je sais pas comment composer, un coup sur deux j’ai dans la tête des idées mauvaises qui prétendent que c’est de ma faute et que vous seriez mieux sans moi, que ce monde se porterait mieux si je n’étais pas là et… Et c’est stupide mais elles ont raison de moi presque à chaque fois, ces pensées qui m’éloigne des autres et de toi. J’aurais pu (dû) me battre autrement – qu’on ne se perde pas comme on l’a fait.
« T’es pas égoïste… » Moi non plus, je… « Moi non plus, je veux pas que tu t’en ailles. » Je veux pas, je veux plus me demander jour et nuit pourquoi, et puis comment ; et je suis épuisé de passer mes insomnies à refaire notre histoire avec des si ridicules qui ne font que me blesser plus profondément ; je veux plus de cette absence, de cette douleur qui se répand, ce picotement dérangeant et omniprésent qui rappelle à chaque instant que quelque chose ne va pas et c’était de ne plus t’avoir et de ne même plus oser t’écrire qui continuait de me foutre en l’air à chaque fois que j’y songeais même brièvement. Je veux plus qu’on se donne le droit de s’infliger ça.
Mon soupir est fébrile, et ma main tremble au creux des tiennes – c’est moi tout entier qui vacille sur le fil de nos aveux et, et moi je sais pas, y’a plus rien dans ma tête dans mon coeur qu’une idée obsédante qui tourne en boucle et que je ne sais plus arrêter et « T’en vas pas, toi non. » C’est un murmure, presque une supplique quand je relève la tête et que mes prunelles suivent le mouvement pour t’observer, pour chercher au fond des tiennes comme une promesse en laquelle je saurais croire.
« J’en ai marre de perdre des gens, j’en ai marre de les voir se barrer, j’en ai marre de… de passer mon temps à m’dire que c’est ma faute s’ils reviennent pas, s’ils répondent plus, et… Merde, putain, me fais plus ça toi non plus. »
Parce que je peux pas, je peux pas Arya, je pourrais pas supporter ça très longtemps ; j’encaisse j’encaisse j’encaisse je fais le fort mais toi tu sais bien que c’es pour de faux, que je m’use jusqu’à ce que j’en puisse plus et puis, et puis, et puis quand je n’y arrive plus c’est moi qui m’en vais, c’est moi qui m’en vais pour de bon, qui disparais et c’est plus fort que moi.
« S’il-te-plaît, j’veux plus que nous deux ce soit comme ça… »
Je t’attendrai, Arya – je t’attendrai. Mais j’aurai pas la force de t’attendre toute ma vie.
▬ as usual en bleu il parle, en gris il signe ▬ mon kokoro ;; ♥
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