Je suis une berceuse que l’on chante à son enfant avec l’espoir infini qu’il daigne fermer les yeux et qu’il cesse, pour un moment, du moins, de geindre ces balbutiements incompréhensibles. Je suis cette mer qui, sous les rayons du soleil, scintillent comme si elle avait des dents. Je suis cette grimace légère que l’on envoie à un tiers pour lui signaler que les choses vont bien. Je suis calme. Je suis serein. Je suis apaisant. Ça semble culotté d’ainsi le dire, et pourtant, je me tue à garder les pieds sur Terre. J’ai toujours été cet homme, un peu reclus qui plutôt que de se mêler à la masse s’assoyait dans les balançoires pour apprécier le tome de la nouvelle collection que j’avais commencé. J’ai toujours été cet homme qui fuyait du regard les uns et déguerpissait quand il était l’heure d’établir un contact. Je suis la douce brise du printemps qui s’installe, emportant avec elle le parfum des fleurs et du miel. Ça a toujours été. Je n’ai jamais été ce garçon turbulent que tout le monde disait que je serais. Considérant le militantisme absolu de mes parents, on disait que je serais un rebelle, que jamais je n’aurais d’avenir, que je risquais de perdre ma propension à la lecture dès lors que je taperais la main à la puberté pour l’accueillir et lui passer le relais de ma personnalité pour qu’elle en fasse ce qu’elle voulait. Je suis d’un calme absurde, à croire que je n’ai hérité d’aucun de ces traits révolutionnaires que mes parents affichent si fièrement. Je suis une douce lueur. La lumière qui a permis de les amener sur un chemin que l’on dit plus respectable.