Et Narcisse, dans un long soupir qui reflétait tout son dur labeur, posa le dernier carton de déménagement sur le sol de son nouveau chez-soi et se redressa de toute sa taille. La respiration haletante, il se rendit compte ô combien il avait besoin de se mettre au sport pour augmenter un tant soit peu son cardio. Il balaya de ses yeux le salon qui débordait de meubles à déballer et réalisa qu'il avait encore loin d'avoir fini. Il aurait bien fait d'accepter l'aide des Pokémon de déménagement, mais la fierté de Narcisse était beaucoup trop grande pour qu'il se fasse aider par ces derniers.
Il ferma les yeux un instant. Pour contempler la symphonie de la campagne de Kishika. Cette nature lui avait manqué, tous les bruissements des arbres, les bêlements lointains des Moumouton et des Lainergie, la paix enivrantes des champs. Tout cela était bien différent des rugissements incessant des pots d'échappements des voitures tôt le matin et du brouhaha constant de la vie citadine. S'installer à la campagne fut le meilleur choix que Narcisse ait pu faire. Ca apaisera ses tourments. Et puis, c'était un parfait village pour...
"Térèse, où es-tu ?!"
En effet, le petit Rozbouton n'avait pas pointé le bout de son nez depuis un bon moment déjà. C'est alors que le bourgeon bondit brusquement d'un carton et parti découvrir le dans le jardin en sautillant, un peu plus loin, sans faire attention à son dresseur. Narcisse passa une main dans ses cheveux blonds et expira de soulagement. Perdre son seul ami alors qu'il vient de mettre un pied dans une nouvelle région, ça serait le paroxysme de son vague à l'âme.
Malgré le fait que son père l'ait aidé financièrement à emménager à Lumiris, il ne l'approuvait cependant pas, comme le reste de sa famille, jugeant que c'était beaucoup trop dangereux pour lui de s'aventurer dans un espace vital qu'ils ne connaissaient pas. Ils le prenaient encore pour un enfant. Le petit Narcisse qui parcourt les rivières et qui se perd dans son reflet dans les étendues des lacs. Seuls les forêts aux alentours d'Illumis, sa ville natale, allait lui manquer. "Il n'ira pas plus loin que le bout de son nez" répétaient-ils. Seulement avaient ils prévu que leur Minisange chéri allait quitter le nid un jour pour vivre à ses dépens. Seulement avaient ils anticipé une guerre froide fraternelle entre lui et Tristan. Tristan était son grand frère. C'était lui qui prohiba à Narcisse de ne pas avoir de Pokémon avant qu'il soit majeur. Bien sûr, ses parents acquiescèrent sans broncher, jugeant que c'était la meilleur décision pour la fleur fragile qu'est Narcisse.
Il s'assis sur un carton posé devant la véranda et contempla le paysage bucolique qui lui faisait face. Au moins, ici, il n'y aura plus papa maman, il n'y aura plus son foutu grand frère, il n'y aura plus Kalos. Juste des lointains souvenir qui n'oseraient même pas raser les lames de bois de cette maison. Il n'y aura que lui, ses pensées et Térèse. D'ailleurs, il pouvait la voir plus loin entrain de poursuivre gaiement un Bombidou, toujours en sautillant maladroitement. Il eut un rictus. Il chassa ses tourments de sa tête, enfila son sac à bandoulière pardessus son épaule, et ouvrit la fenêtre. Il s'était décidé à laisser les cartons pour plus tard.
"Térèse, on va se balader !"
Mais rien ne pouvait arrêter le Rozbouton qui se roulait maintenant naïvement dans les fougères.
Et Narcisse, emboitant le pas vers la porte de devant, loin de ses antiques peccadilles, se mêla au vent léger et vagabonda le long des rues de Kishika, poursuivit par Térèse.