Eva'nii tu n'étais pas une enfant facile.
Pas plus que tu étais une enfant difficile. Eva', toi tu te trouvais entre les deux. Tu étais casse-cou, tu cherchais des moyens de te divertir avec le peu que tu avais. Souvent, c'était en taquinant tes frères et soeurs. On te disputait et toi tu t'en amusais. Mais tu étais disciplinée, tu connaissais les limites. Ce qui faisait de toi une grande soeur horriblement chiante, mais juste assez. Si tu étais trop calme, on s'ennuyait presque de tes bêtises. On te nourrissait. On t'encourageait. Alors tu recommençais.

Et c'était un cercle vicieux.

Mais ils savaient que c'était affectif. Tu étais une soeur aimante. Tu étais une soeur protectrice, et tu essayait de faire sourire les troupes. Tout en te faisant sourire toi, en te faisant éclater de rire. Un rire contagieux qui donnait envie de t'engueuler et de rire avec toi. Tu étais source de dilemmes, et tu aimais ça. Tu aimais voir tes frères et soeur s'empêcher de rire alors qu'ils devaient se montrer sérieux, et souvent, c'était un échec. Tu gagnais à tous les coups et tu en étais fière.

Puis vint la découverte de la mer. Ta seconde source de distraction. Tu aimais l'eau, tu aimais l'océan et la vue qui allait avec. Tu aimais marcher pendant des heures sur la plage, laisser le soleil frôler ta peau basanée. Tu aimais la chaleur. Tu aimais ton île paradisiaque.

Ta maison était plus modeste. Vous n'étiez pas spécialement riches, et tu voyais tes parents s'appauvrir alors que les enfants s'accumulaient comme si rien ne pouvait les arrêter. Tu aimais tous tes frères et soeurs, sans exception. Mais voir tes parents ainsi, avoir du mal à tenir les bouts, ça te désolait. Tu essayais de les aider, tu étais l'une des plus vieilles de la baraque. Tu étais protectrice, mais tu manquais de sérieux. Et parfois, tu entraînais tes cadets dans des escapades débiles plutôt que de les mener vers le droit chemin. Tu ne les as jamais mis en danger, mais tu n'étais pas la meilleure influence. Enfin, selon tes parents.

Mais toi, tout ce que tu voulais, c'était qu'ils soient heureux.
Qu'ils s'amusent comme toi.
Qu'ils profitent de leur enfance, car la vie était courte.

Tu avais été obligée de grandir trop vite. Tu faisais office de grande soeur et de deuxième mère, c'était tout comme. Tu aimais ta famille et ils étaient tout pour toi. Mais bien vite, en allant à l'école, en voyageant au-travers Alola, tu découvrais des choses qui te faisaient envie. Tu voulais voyager, tu voulais faire des expériences. Tu voulais vivre. Tu étais bouleversée entre l'idée de devoir quitter le foyer, d'abandonner maman et papa, et tes nombreux frères et soeurs, et l'idée de pouvoir voler de tes propres ailes, partir à la conquête du monde, te faire des amis, rencontrer des Pokémons. Pouvais-tu te le permettre ?

Puis Vai'ata a pris cette décision avant toi.
Tu étais mitigée entre l'envie, le respect et la déception. Mais tu ne pouvais pas lui en vouloir, parce que tu la comprenais. Toi, tu as décidé de rester plus longtemps à la maison. Tu ne pouvais pas te résoudre à partir. Comment aurais-tu pu prendre cette décision par toi-même ? À quoi bon tenter d'être heureuse en sachant que ta famille n'allait peut-être pas tenir sans toi ?

Les plus âgés étaient déjà partis. Tu étais la plus vieille dans l'actualité. Tu étais le modèle. Celle sur qui on devait prendre exemple.

Et tes parents ont vu ton envie de partir.

« Va rejoindre Vai'ata. Tu le mérites, maintenant. »

C'était ta mère qui te l'avais demandé. Elle voulait te voir heureuse. Elle voulait voir sa fille rayonnante, comme le soleil d'Alola. Elle ne souhaitait pas voir les rayons du soleil qui illuminaient ta beauté des îles s'éteindre à petit feu.

« Et papa ? Et les autres ? »
« Et papa et les autres iront bien. Et s'ils ne vont pas bien, j'enverrai un signal d'alerte à mon héroïne. »

C'était toi l'héroïne.
Tu avais toujours été proche de maman. Ton côté casse-cou, elle s'y était attaché. Tu avais bien grandi depuis, et elle te suppliais de ne pas changer. Parce que les sourires, tu les dessinais autour de toi.

Et le monde devait pouvoir en profiter, lui aussi.
Les Ehu-kai allaient devoir se passer de toi pour le moment. Parce que les Ehu-kai ont besoin de soleil.

Et pour retrouver ton soleil intérieur, tu avais besoin de voyager.

Voilà pourquoi, tu étais désormais à Lumiris. Une région nouvelle aux multiples possibilités. De nouveaux endroits à découvrir, une nouvelle vie à mener. Tu y as fait la rencontre de Dahu'Nae, un jeune Stari qui, tout comme toi, était désormais seul face au monde, loin de ses semblables. Vous vous étiez trouvés tels des âmes-soeurs, et vous alliez pouvoir tracer un chemin ensemble, vers des aventures imprévues. Des péripéties.

Eva'nii Ehu-kai, un nouveau soleil semble te tendre ses rayons. Sauras-tu t'y accrocher ?