Lumiris. Un continent dont Edenael avait entendu parler à de nombreuses reprises lors du retour de sa mère à la maison, après ses voyages d’affaire. Il savait qu’il était la plus grande de toutes les régions du monde, et que la diversité des paysages était très riche. Il avait ainsi pris la décision de s’y rendre pour débuter sa toute nouvelle vie, accompagné de Nieb, son fidèle Barpau. Si seulement il avait su à quel point l’avion le rendrait malade, il aurait pris le trajet le plus long en bateau pour se rendre sur place. Le voyage fut un véritable calvaire. Bon, il faut dire aussi qu’il voulait arriver à Nemerya et non pas ailleurs, et de ce fait, il était nécessaire de prendre l’avion, ce qu’il n’avait jamais fait jusqu’à présent. Au moins, Nieb, bien au chaud dans sa pokéball, n’avait pas eu à subir cela…
Cela faisait quelques jours qu’il était arrivé. Il s’était empressé de trouver une auberge de jeunesse pour séjourner sur place à moindre coût. Le blondinet brûlait d’envie d’explorer la région, mais ne savait résolument pas par où commencer. Il se donna une semaine pour explorer les environs, ce qui était accessible en transports en commun. Il avait suffisamment d’économies pour tenir deux semaines ; il avait amplement le temps de visiter et de chercher du travail en même temps, en espérant que sa gueule d’ange joue en sa faveur.
A l’accueil de son auberge, le jeune dresseur trouva des cartes de la région à disposition. Il manqua de se vexer lorsqu’il vit l’aubergiste s’esclaffer : les cartes étaient devenues désuètes, maintenant qu’il existait Dusk. C’est alors qu’il se mit à la page, et en quelques heures, il était paré à explorer ce nouveau continent. Au-delà de Nemerya se trouvaient Sunyra, Voltapolis, puis les ruines de Windoria. L’aubergiste lui conseilla alors de louer un vélo pour faire ses visites. Il pourrait ainsi prendre la température du nord, puis redescendre par Voltapolis, visiter Nemerya et enfin descendre à Sunyra. Le tout en quelques jours, sacré programme.
[….] Le Belung n’allait pas tarder à arriver. Il avait fait une pause à Voltapolis pour diner, avait dormi à la belle étoile, pour économiser, et était reparti de plus belle à bicyclette en direction de Windoria. Il savait très bien pourquoi il voulait se rendre là-bas en premier : son Biotope. Il avait apparemment perdu de sa superbe, mais il avait le mérite d’être toujours entretenu.
« Je suis désolé, princesse, de ne pas l’avoir fait avant, mais je n’en ai pas vraiment eu l’occasion… » s’excusa Edenael.
Ce dernier s’arrêta près d’une mare, sans aucun pokémon sauvage aux alentours, et très peu de passants. Le jeune dresseur fit sortir Nieb de sa pokéball. La réaction de sa protégée lui fit beaucoup de bien. Elle barbotait joyeusement dans l’eau, malgré le faible espace dont elle disposait. Ils passèrent un tendre moment à se regarder, Edenael ne pouvant pas s’arrêter de sourire en regardant son Pokémon se délier les nageoires. Il avait vraiment perdu tous ses repères en quelques jours, mais ça n’était pas désagréable. Lui qui pensait ne plus rien avoir à perdre, il avait maintenant ce petit être cher sous sa protection. Il voulait être un dresseur irréprochable pour elle.
[…]
Brr. Heureusement qu’Edenael avait toujours avec lui son manteau rouge… mais quelle idée d’être en short… Il faisait franchement beaucoup, beaucoup plus froid. Il venait de franchir les portes de Windoria. Le climat ambiant n’était pas du tout le même que dans les autres cités de Lumiris, ou du moins, de la capitale et de Voltapolis. Outre le froid, et donc la neige, qui perlait le sol et les toits, une austérité naturelle se dégageait de la ville. Le cadre n’était pas aussi aisé qu’ailleurs, et il ne savait pas pourquoi d’ailleurs.
Le blond attacha son vélo à un lampadaire, près des portes de la ville, où il savait qu’il saurait le retrouver, et commença son exploration des lieux. L’habituellement aimable jeune garçon se trouvait d’un coup tout timide et n’osait pas demander son chemin. Il croisa quelques Frisonille en passant dans les ruelles, quel adorable pokémon !
« Bon. C’est pas comme ça que je vais trouver le Biotope et un endroit pour dormir au chaud ! »
Soudainement, un vent glacial s’engouffra dans la rue, le faisant frissonner entièrement. Pas question de dormir dehors cette nuit, c’était un coup à mourir de froid, avec des températures pareilles. Et dire qu’il se demandait déjà s’il n’allait pas tomber malade. Il chercha de quoi s’abriter. C’est alors que l’écriteau du White Spring attira son attention. Le blond ne se fit pas prier et se précipita à l’intérieur, tout grelotant.
Il n’y avait pas grand monde à l’intérieur à cette heure. Edenael ne connaissait pas les coutumes commerciales du continent, alors, arborant un discret sourire, il attendit près de l’entrée que l’on vienne le saluer pour l’installer. Au moins, un bon thé chaud lui permettrait de se réchauffer.
Consultant ma montre, je regarde l'aiguille pointant les secondes défiler lentement jusqu'à atteindre l'heure souhaitée. Ting. Vingt heures, ça y est. C'est l'heure à laquelle, généralement, la plupart des clients commencent tout doucement à repartir, bien heureux d'avoir pu consommer leur boisson chaude et leur pâtisserie chocolatée. La journée a été plutôt éprouvante, avec beaucoup de clients et de Pokémon qui ont défilés. Cela s'explique, je pense, par la fraîcheur subite du climat, dehors. La journée est bien plus froide que d'habitude, même si moi, comme je suis à l'intérieur du salon depuis ce matin, je n'ai pas trop senti la différence. Ce n'est que quand j'ai vu revenir une Ayshee toute congelée qui a voulu prendre l'air avec Nâga qui s'est enroulé autour d'elle pour tenter de la réchauffer que j'ai réalisé que capricieux, ce climat ne devait pas être agréable.
Je dois dire que depuis le peu de temps qu'il est avec nous, mon Séviper nous a énormément facilité la tâche, à Ayshee et à moi, que ça soit à l'appartement ou même tout simplement ici. Malheureusement pour lui, il ne peut pas venir circuler librement dans la salle et doit se compter d'aider au rangement du comptoir, car il effraie bien trop les Pokémon de certains clients, qui finissent par s'enfuir à toutes jambes pour quelques cas, qui se comptent sur les doigts d'une main, encore heureux. Pour d'autres, ils restent simplement tétanisés et mangent à peine. C'est pour cela qu'après avoir passé seulement trente deux minutes dans la salle de réception, il a été renvoyé derrière le comptoir en affichant une mine affreusement triste. J'étais allée le consoler, à ce moment là, et le rassurer aussi, car il en avait besoin. Depuis, Nâga semble s'être habitué à son travail de rangement au comptoir et semble même s'y plaire énormément. Un fin sourire étire mes lèvres lorsque je le vois récupérer une tasse positionnée dangereusement sur le comptoir pour la ranger au bon endroit dans les étagères. Je suis vraiment heureuse qu'il ait trouvé sa place parmi nous.
Tandis que le salon se vide peu à peu, je commencer à ranger les tables et à nettoyer la salle, aidée par une Ayshee déterminée mais fatiguée à vue d'oeil. Je lui caresse le sommet de la tête pour lui faire comprendre qu'elle peut, si elle le désire, aller se reposer un peu, que je peux me débrouiller seule. Un grognement exprimant un refus catégorique me fait comprendre qu'elle restera jusqu'à ce que le dernier client soit parti, fatiguée ou pas. Un tiraillement dans les bras m'arrache une légère grimace. Je repose mon balai contre un mur avant de prendre le temps d'étirer mes avant-bras, mes épaules et toute ma colonne vertébrale. Quelques craquements se font entendre et je relâche l'ensemble de mes muscles en expirant brutalement. Bon, le gros du ménage a été fait, il ne reste que quelques clients, ça devrait aller sans problème.
Soudain, alors que je range le balai dans la réserve, le tintement caractéristique de la clochette de la porte d'entrée se fait entendre, indiquant que quelqu'un vient de rentrer dans le salon de thé.
Un nouveau client, à cette heure-ci ?
C'est inhabituel. Époussetant ma jupe noire, je me dirige vers l'entrée et, sourire aux lèvres et visage doux, je fais face au nouvel arrivant, qui attend timidement. Il n'est pas accompagné par un Pokémon visible, j'en déduis donc que celui-ci est soit trop grand, soit un pokémon aquatique. On dirait qu'il n'a pas osé s'installer à une table, il attend simplement dans une posture timide à l'entrée.
– Bonsoir, bienvenue au White Spring, je lui dis d'un ton calme tout en m'inclinant. Je vais vous installer. Avant tout, j'ai juste besoin d'une information sur votre Pokémon, pour vous placer en fonction de cela. Est-il aquatique ? Si c'est le cas, nous avons une zone de tables avec des aquariums assez grands mis à disposition spécialement pour des Pokémon de type eau qui en ont absolument besoin.
Le salon de thé est toujours préparé à toute éventualité, et pour cela je suis toujours aussi impressionnée par la façon dont mon patron, Amaury Deltz, a imaginé puis conçu toute la structure des lieux. Il a pensé à tout, c'est impressionnant. Quoi qu'il en soit, je suis curieuse de savoir pourquoi ce jeune homme est arrivé à cette heure-ci au White Spring. Mais vu comment il grelotte, il a besoin d'être réchauffé avec une bonne boisson brûlante, et le plus tôt serait le mieux.
Edenael n’avait pas eu à attendre longtemps que l’on vienne s’occuper de lui, malgré l’heure tardive. Une jeune femme habillée d’une jupe s’approcha en lui souhaitant la bienvenue au White Spring. Il ne fallait qu’un rapide coup d’œil pour se rendre compte de la propreté de l’endroit, alors même qu’on était en fin de journée, et donc sûrement en fin de service, pour ce qui semblait résolument être un salon de thé. Très bien agencé, ce dernier semblait disposé en plusieurs sous-espaces en fonction de la place nécessaire pour les Pokémon.
On aurait presque dit qu’il était agencé en fonction des Pokémon et pas en fonction des clients. Contrairement à la boutique Pokémon dans laquelle il avait travaillé, où les Pokémon n’étaient pas autorisés. Il fallait comprendre son père, il avait plusieurs articles de valeur en libre-service, il ne fallait pas qu’une créature maladroite fasse tout tomber et sème la pagaille dans la boutique.
La charmante jeune femme lui proposa de s’installer, alors il s’empressa de sourire chaleureusement, soulagé d’être enfin au chaud. Il jeta un coup d’œil au niveau du comptoir et pu apercevoir deux pokémon de plutôt grande taille. Un Absol et un Séviper, qui étaient sûrement du café également, vu qu’ils étaient totalement libres et sans dresseur à proximité. Peut-être étaient-ils les pokémons de la jeune femme qui venait le servir.
« Bonsoir, désolé d’arriver si tard. Mais il fait vraiment froid dehors, et comme vous pouvez le constater, je ne suis pas vraiment équipé pour. » dit-il, un peu gêné, laissant transparaître un très léger accent galarois. « Je serai ravi de m’installer près des aquariums si ça ne vous pose pas de problème. »
Quel benêt je fais à sourire bêtement comme ça. Je suis sûr que c’est malpoli d’arriver si tard. Faut que j’arrête de faire comme si de rien n’était, elle voulait peut-être fermer à cette heure.
Le Belung enleva sa cape humide et la posa sur le dos de la chaise, révélant alors une chemise blanche, parfaitement taillée pour sa carrure, dont un pan était dans le pantalon et l’autre à l’extérieur, ce qui lui donnait un effet dépareillé, comme ses cheveux, qui n’avaient pas été épargnés par le vent violent du dehors.
Edenael se leva rapidement de sa chaise, et s’approcha des grands aquariums du café. Il fit sortir Nieb de sa Pokéball, qui allait pouvoir un peu sortir de sa léthargie habituelle. Il l’observait tendrement, oubliant alors tout ce qui pouvait se passer autour de lui. Elle lui rendit son regard, et en profitait pour scruter les alentours. La majorité des Barpau n’était pas connue pour leur grande intelligence, mais Nieb était ultra affectueuse, et très à l’affût du bien-être de son dresseur. Elle savait se montrer très protectrice, malgré son expérience au combat quasi inexistante.
« Je sais qu’il est tard, mais je vous promets que je ne serai pas trop long. » commença le dresseur inexpérimenté.
« En tout cas, c’est très aimable à vous de me laisser sortir mon Pokémon, ce n’est pas forcément pratique, quand un pokémon ne peut pas marcher ou voler. » ajouta-t-il avec un petit rire, en se frottant l’arrière du crâne.
Ayshee revient vers moi, poitrail lissé et regard calme et fier, alors que je laisse quelques instants de réflexion à mon client du soir avant qu'il ne formule une réponse. S'excusant d'être arrivé à une heure si tardive et souhaitant à tout prix fuir le froid presque hivernal qui sévit au dehors, il me demande de le placer vers les aquariums. J'ai donc vu juste. Son arrivée sans Pokémon l'accompagnant directement est bien liée au fait qu'en fait, son partenaire est aquatique. Avec un sourire qui signifie qu'il n'a absolument pas à être désolé d'être arrivée à une heure où, d'ordinaire, tous les clients sont presque déjà partis, je le guide vers la table la mieux placée que nous ayons afin qu'il puisse poser sa veste et s'asseoir confortablement, mais également faire sortir son Pokémon pour que celui-ci puisse se dégourdir les nageoires. J'ai d'ailleurs noté dans sa voix un léger accent indiquant qu'il est originaire de Galar, tout comme moi. Il est étrange pour moi d'entendre quelqu'un parler avec cet accent. Mes parents l'avaient. Mais mon frère et moi, nous ne l'avons jamais eu.
Une fois de plus, le dresseur s'excuse indirectement à travers les mots qu'il prononce, en disant qu'il ne sera pas long. Il culpabilise peut-être d'avoir vu qu'il était pratiquement le dernier à être présent dans le salon de thé, dans lequel j'ai déjà fortement avancé le ménage avec Ayshee tandis que Nâga, lui, s'occupait du rangement du comptoir. Maintenant, mon doux Séviper patiente à côté de celui-ci, vu qu'il n'a plus rien à faire. Je note que dans l'aquarium se trouve un Barpau, qui a l'air de se sentir bien joyeux maintenant qu'il est là. J'ai entendu de nombreuses informations vis à vis de ce Pokémon comme de Magicarpe, mais je sais que la plupart du temps, ce qu'on dit sur eux est, comme pour une multitude de choses, une simple généralité. Cela est d'ailleurs confirmé par leurs évolutions respectives à tous deux. Peu importe s'ils sont faibles ou non, ça ne leur empêche pas d'avoir du caractère.
Un déclic se produit dans mon esprit lorsque j'entends le nouveau venu dire que c'est une chance qu'il puisse sortir son Pokémon alors que celui-ci ne peut pas rester à l'air libre comme la majorité des Pokémon existants. Des inégalités à ce sujet, il y en a beaucoup. Des restrictions également. Il y a encore de nombreuses boutiques ou cafés où les Pokémon sont priés de retourner dans leur pokéball, pour ne pas dire interdits. M'humectant les lèvres tout en confiant le torchon que j'avais dans la poche à mon Absol, je réponds à mon nouveau client, plus jeune, je pense, que moi :
– Ne vous excusez pas d'être arrivé aussi tard. Le café est encore ouvert pendant une heure. Je pointe les vitres du salon, où à l'extérieur tout est noir. Une brise hululante se fait entendre, comme si un Hoohoot avait pris ses quartiers dans les toits. Je comprends bien pourquoi vous êtes rentré, vu le temps qu'il fait.
Je me dirige vers l'aquarium et pose doucement ma main contre la vitre. Le Barpau me regard avec ses grands yeux, semble me sourire à sa façon puis repart faire un tour de son terrain de jeu.
– Ici, nous veillons à ce que tous les Pokémon soient sur un même pied d'égalité. Expliqué-je. Peu importe leur type ou leur morphologie. Tous sont la bienvenue.
Je me penche ensuite vers le meuble qui se trouve à côté des aquariums pour ressortir une carte des différents assortiments que nous proposons. D'ordinaire, elles restent sur les tables tant que les clients sont là, mais comme j'ai anticipé la fin de mon service, je les ai déjà toutes rangées. Je la pose devant mon client, toujours avec le même sourire amical que j'ai l'habitude de renvoyer aux gens qui m'entourent quotidiennement.
– Vous pouvez prendre votre temps pour choisir, ne vous en faites pas, je ne suis pas pressée. Je lui pointe ensuite une rubrique particulière du menu. Ici, vous avez les différents choix possibles pour votre Pokémon. N'hésitez pas à prendre ce qui le tente le plus !
Je retourne ensuite en quelques pas vers le comptoir, pour laisser le temps au jeune homme de respirer, de se réchauffer et de choisir. Il pourra me faire signe dès qu'il aura choisi. De toute façon, il ne reste plus que lui, le dernier client présent avant ça ayant quitté le salon pendant que je lui donnais le menu. Heureusement qu'il avait payé au préalable, j'aurai été capable d'oublier, après la journée que j'ai eue.
« Oui, froid, et avec un vent cinglant, qui plus est. Je suis un peu venu à l’improviste. » s’esclaffa Edenael.
Nieb se montra très amicale à l’encontre de la jeune serveuse, ce qui étonna beaucoup son dresseur. Edenael n’avait pas eu beaucoup l’occasion de la mettre en contact avec le monde extérieur, d’autres dresseurs ou simplement d’autres gens. Mais, peut-être son Barpau avait peut-être senti l’expérience de dresseur qui émanait de la jeune femme. Il se remémora les quelques moments touchants avec les enfants de Skifford, près du phare. Ces derniers lui avaient dit qu’il serait sûrement le prochain champion de l’arène eau de Galar, ce dont il doutait fortement, puisqu’il n’aspirait pas à une grande carrière de dresseur, ou du moins, pas pour le moment.
Le blond reprit ses esprits quand la jeune femme lui tendit la carte des mets du salon. Elle le fit avec un sourire et une amabilité parfaitement professionnelle.
« Je crois que Nieb vous apprécie bien. Hein ma belle ? Bientôt, peut-être qu’on trouvera un moyen pour que tu m’accompagnes, comme la jeune femme avec ses Pokémon. Enfin si ce sont les vôtres, ils ont l’air de bien s’être acclimatés au travail ici. »
Nieb tourna joyeusement sur elle dans l’aquarium, comme pour approuver ce que venait de supposer Edenael. Il n’empêche, comme cela devait être agréable de pouvoir discuter de tout et de rien, n’importe quand, avec ses Pokémon à ses côtés. Il jeta un bref coup d’œil à la carte, avant d’à nouveau promener son regard dans le salon de thé. Il était désormais le seul client. Son savoir-vivre le poussa à se dire qu’il fallait choisir vite. Bien que la serveuse lui assurât ne pas être pressée, il n’était pas question de la retenir trop longtemps.
Qu’allait-il prendre ? D’abord, le jeune dresseur allait choisir pour sa petite protégée. Quelqu’un chose d’un peu sucré lui plairait sûrement, et lui ferait peut-être oublier les longues heures passées en sommeil dans sa pokéball. Il n’avait vraiment pas eu beaucoup d’occasion de prendre soin d’elle en chemin. Et l’évolution n’était pas non plus pour tout de suite, alors il allait falloir se montrer patient.
Il leva la tête de la carte pour s’adresser à la jeune femme, et se rendit compte qu’elle était retournée auprès du comptoir. Il haussa un tout petit peu le volume de la voix pour ne pas la faire revenir jusqu’à lui, en restant souriant afin de ne pas paraître malpoli. Il trouvait tout de même la situation embarrassante : se retrouver seul client proche de la fermeture de l'établissement, et en plus ne pas savoir quoi prendre... Au moins, il pourrait faire connaissance avec son hôtesse, si elle voulait bien rester discuter avec lui bien entendu.
« C’est qu’il y a beaucoup de choix sur votre carte. Je ne connais pas toutes ces variétés… » commença-t-il avec encore ce tic, celui de se gratter l’arrière de la tête tout sourire. « Vous pourriez me conseiller ? J’aime beaucoup le thé vert, mais je n’aime pas quand il a trop de goût. Au contraire, plus il est neutre, et plus ça me plaît en général. Peut-être que ça correspond à quelque chose sur votre carte ? Ah, et pour ma princesse, je vais vous prendre ça. » ajouta-t-il en pointant du doigt ce qui l’intéressait sur le menu.
C'était son travail après tout, elle ferait sûrement un bien meilleur choix pour lui, qu'il ne le ferait pour lui-même, alors autant profiter de son expertise pour se régaler ! Edenael songea à ce qu'il allait faire après, après tout, il n'avait ni toit où dormir, ni travail. Peut-être connaissait-elle bien la région?
« Je vous offre quelque chose ? Pour votre fin de service. » proposa le blond sur le ton le plus neutre possible, mais avec un grand sourire bien connu des commerciaux. Après tout, il n’était certainement pas là pour draguer, mais elle avait l’air sympathique et Nieb semblait apprécier sa présence également.
Je profite d'être revenue au comptoir pour caresser la tête écailleuse de Nâga, et je vois dans ses grandes pupilles rouges qu'il apprécie particulièrement le geste. Je lui murmure d'un ton doux en lui grattouillant le dessous du menton :
– Tu as très bien travaillé Nâga. Je me tourne ensuite vers mon Absol qui émet un grondement presque vexé. Toi aussi, Ayshee, tu as très bien travaillé.
Je jette un coup d'oeil rapide vers le client et voit qu'il m'interpelle. Je lui souris et retourne vers lui, repérant au passage que son Barpau tournoie toujours aussi joyeusement dans l'aquarium. Le client semblait surpris que je plaise autant à son Barpau, mais en général, j'ai toujours eu un excellent feeling avec les Pokémon. Je pense que ma joie naturelle est contagieuse.
Le jeune homme me demande alors de le conseiller car il ne parvient pas à choisir quoi que ce soit. J'écoute attentivement ce qu'il me dit, tandis que Nâga et Ayshee, curieux, se sont rapprochés de la table pour observer le Barpau, Nieb de son nom, qui s'agite dans son aquarium. Si j'ai bien tout compris, il apprécie les thés qui ont des saveurs plutôt neutres, pas trop épicées, pas trop sucrées, ni trop amères. Un thé vert en toute simplicité, en somme. D'une simplicité tellement désarmante que ce n'est pas forcément le thé le plus simple à préparer, au final. Je me place alors dans son dos et prends la carte entre mes mains pour la balayer des yeux à toute vitesse. Ce qu'il me décrit correspond à deux propositions, et s'il aime ce qui est très neutre et sans trop d'extravagance, alors... J'ai trouvé ! Je griffonne sur mon bloc-notes la commande pour sa partenaire, histoire de ne pas l'oublier. Je suis surprise lorsqu'il me propose subitement de m'offrir quelque chose à moi aussi, vu que j'ai terminé mon service. Ce n'est pas dans l'habitude des clients du White Spring que de faire ça, même s'ils sont tous, pour la plupart, d'une grande générosité. Mais après tout, je commence à être sérieusement fatiguée, Nâga et Ayshee aussi. Une petite pause détente ne nous fera pas de mal, surtout qu'il ne me reste pratiquement rien à nettoyer ou à ranger, que ce soit ici ou au comptoir. Alors, pourquoi pas ?
– J'accepte avec plaisir votre proposition ! Je réponds à mon client avec un sourire à la fois joyeux et fatigué, tout en retournant me placer face à lui. Un peu de repos ne me fera pas de mal, et à mes Pokémon non plus. D'ailleurs, j'ai trouvé exactement le thé qui correspond à ce que vous aimez ! Je vais vous préparer ça, je vous ramène votre commande et celle de votre Barpau dans quelques instants.
Je me rends donc dans l'arrière pièce pour récupérer tous les ingrédients qu'il me manque et m'attelle aussitôt à la tâche une fois revenue derrière le comptoir. Pour le Barpau, je n'ai pas grand chose à faire, il restait quelques plats en stock de la journée, il manque simplement l'assaisonnement. Pour ce qui concerne le thé, je dois me concentrer sur le dosage. Ni trop, ni pas assez. Je laisse tomber encore quelques herbes, puis retourner chercher l'eau chaude qui doit être en train de bouillir à présent. J'en ai fait assez pour deux, donc ça sera thé, pour moi aussi. Ça me changera de mes boissons froides habituelles. Et puis comme le jeune homme l'a laissé entendre et l'a affiché sur lui en arrivant, dehors, il fait excessivement froid, avec pas mal de vent. Boire un thé chaud va me redonner de l'énergie pour rentrer à Fort-des-Songes, après. Une conversation à cette heure-ci ne me fera pas de mal non plus.
Je prends le plateau avec les deux tasses de thé et le plat spécialement conçu pour le Barpau et me dirige dans le salon, vers la table ou attend mon client.
– Merci d'avoir patienté, lui dis-je en déposant la tasse de thé fumante devant lui. J'espère que ça vous ira.
Je me place ensuite face à l'aquarium, plus précisément au niveau du rebord le plus large où un plateau a été installé pour donner les friandises aux Pokémon aquatiques. Plateau qu'ils peuvent atteindre simplement en sortant la tête de l'eau, et qui est tout juste à la bonne hauteur.
– Et voilà pour toi, ma grande. Bon appétit !
Nieb sautille dans l'aquarium et se précipite sur ce que je viens de lui donner. Un plat sain rempli de bonnes baies. J'espère vraiment que ça lui plaira. Sentant deux paires d'yeux plissés dans mon dos, je dégage une mèche de devant mon visage et sors de ma poche deux grands biscuits chocolatés que j'avais conservés exprès. Je les donne à Ayshee et à Nâga, qui sont bien heureux de voir que je ne les ai pas oubliés. J'aurai pu leur donner des plats, à eux aussi, mais je ne voudrais pas entamer la réserve. Alors autant faire avec ce que j'ai sur moi, surtout vu comme ça leur plaît.
Enfin, je m'assois tout en délicatesse face à mon client, prenant la tasse de thé encore bien chaude entre mes mains, ce qui a le mérite de raviver ma chaleur interne instantanément. Posant mon regard sur ses cheveux aussi blonds que les miens totalement en bataille, je lui dis alors :
– Merci de m'offrir quelque chose, c'est vraiment très gentil à vous. Mais je crois avoir compris en vous observant, si je ne me trompe pas, que vous n'êtes pas d'ici. Vous êtes nouveau à Lumiris ?
Question idiote pour laquelle la réponse allait très probablement être oui. Mais je préfère tout de même demander, au cas où. Cela permet de discuter un peu, et puis s'il est aussi nouveau que moi je le suis, c'est juste qu'il ne connaît pas ce coin de Lumiris.
Son hôtesse était très douce avec ses Pokémon. Elle prenait toujours quelques instants pour leur lancer un regard, ou une petite marque d’affection, signalant ainsi qu’elle ne les oubliait pas et qu’elle était là pour eux. Edenael était fasciné par sa délicatesse envers ses créatures, qui étaient les siennes, la question ne se posaient plus. Le Belung fut soulagé qu’elle accepte son offre. En effet, cela l’aurait mis dans un embarras inqualifiable ; il serait devenu tout rouge, et n’aurait plus dit un mot de la soirée. Ouf. Le nouveau dans la région allait pouvoir lui poser plein de questions. La jeune femme le conseilla pour le thé puis, s’en alla en arrière cuisine, pour préparer le tout. Elle avait pris la peine de tout noter dans son carnet, afin de ne rien oublier, ce qui était, il l’imaginait, un standard dans le monde du service. Les Pokémon de la jeune femme étaient restés près de l’aquarium et observaient son Barpau. Le Absol semblait être une femelle, vu la posture quasi de Sphinx qu’elle avait prise en s’asseyant près de l’aquarium. En revanche, il n’aurait pas su dire pour le Séviper, mais cela importait peu. Nieb gigotait dans l’aquarium, à la fois excitée de découvrir de nouvelles têtes mais aussi impressionnée qu’elles soient deux en même temps.
« Bah alors Nieb, tu te fais de nouveaux amis ? Bientôt, tu vas te régaler, je suis sûr que ça va te plaire ! » fit son maitre d’un ton enjoué.
Il vérifia l’approbation des autres Pokémon présents et se leva pour poser une main sur la vitre, à l’endroit où une nageoire de Nieb frottait. Cela eut pour effet d’attirer le regard de sa protégée qui tournoya sur elle-même, éclaboussant légèrement les vitres parfaitement propres de l’aquarium.
Quelques minutes plus tard, l’hôtesse était de retour, armée du festin : un plateau surmonté de tasses en porcelaine, et un plat qui semblait de loin être à base de baies pour Nieb. Il salivait d’avance de déguster un véritable thé vert d’un salon de thé de la région. Après tout, le thé était une boisson très appréciée à Galar, mais il était difficile de se forger le palais pour savoir reconnaître les arômes les plus fins. En effet, les meilleurs thés coutaient une fortune et ce n’était certainement pas avec son semi-salaire de vendeur en boutique Pokémon qu’il aurait pu se payer une boite à thé de luxe. Mais bon, il n’était pas là pour ressasser son passé en permanence. Il fallait profiter de l’instant présent, et surtout penser au futur, avec Nieb, pour eux deux.
« Je suis sûr que l’on va tous adorer ! » déclara-t-il sûr de lui.
La jeune femme pris le temps de servir son Barpau dans un espace dédié au bord de l’aquarium, qui était vraiment très bien pensé pour l’accueil de Pokémon. C’était loin d’être simplement un bocal de fortune pour accueillir les poissons des clients pénibles. Au contraire, tout était pensé pour que les dresseurs et leurs créatures puissent passer un moment convivial et agréable. Nieb barbotait d’excitation, et se précipita sur les baies précautionneusement disposées dans un récipient adapté. La blondine avait tout prévu. A la mine immédiatement jalouse de ses Pokémon, elle sortit deux friandises de sa poche, et les leur donna ; l’incident fut vite oublié.
L’hôtesse s’installa délicatement en face de lui, et le remercia chaleureusement. Elle lui confirma au passage que ça n’était pas dans les coutumes de la région d’inviter ainsi. Peu importe, pensa-t-il.
Edenael entoura la tasse de ses deux mains pour se réchauffer. Il la leva jusqu’au bord des lèvres, souffla délicatement sur le thé pour faire ressortir l’odeur et le refroidir en surface, et en prit une gorgée avant de répondre.
« Effectivement, je viens d’arriver. » commença-t-il en souriant, heureux de pouvoir enfin discuter avec quelqu’un d’autre que les panneaux ou Dusk Maps. « Je suis arrivé en avion, il y a seulement quelques jours, à Nemerya. Je dois vous avouer que j’ai levé le camp de mon auberge – sur les conseils de l’aubergiste – dès le premier jour, et suis arrivé à Windoria deux jours plus tard. Je pensais arriver beaucoup plus tôt dans la journée, mais je crois que j’ai mal calculé mon coup. » ajouta-t-il avec un rire embarrassé, dévoilant un sourire impeccable.
Le galarois bu à nouveau une gorgée de son thé avant d’enchaîner.
« Le thé est vraiment délicieux, il me rappelle un peu les saveurs de ce que l’on pouvait trouver chez moi. Je viens de Galar, d’une modeste ville nommée Skifford. Vous êtes de la région ? » demanda le jeune dresseur, toujours avec son léger accent qui le trahissait sans même le dire. « Surtout, si je vous embête, n’hésitez pas, je peux être très bavard. »
« Au fait, moi, c’est Edenael, enchanté ! Ravi de faire ta connaissance. » Il manqua de s’étouffer. « Enfin ! Votre ! Connaissance. » rectifia-t-il rouge de honte.
Un clapotis aquatique lui fit comprendre qu’il avait fait rire son Barpau, ce qui ne manqua pas de l’embarrasser davantage. Il tourna vivement les yeux vers sa protégée, qui se protégea en retournant se goinfrer de baies, évitant son regard. A eux deux, on aurait dit de vrais clowns. pourtant, à ses yeux, c'étaient ces instants qui rendaient absolument magiques la relation avec les Pokémon. Bien qu'ils ne soient pas forcément capables de leur parler directement (en tout cas, pas pour la plupart des espèces), ils se comprenaient parfaitement quand même.
En détaillent le jeune blondinet face à moi, je me rends compte que finalement, il me rappelle exactement comment j'étais quelques semaines plus tôt. Le même air perdu. La même envie, je suppose au vu de sa présence ici, de voyager. Le même air rapidement honteux lorsqu'on fait une gaffe alors que ce n'était bien évidemment pas volontaire, et qu'on cherche ensuite à tout prix à la réparer ou, à défaut, à sauver les meubles. Je bois une nouvelle gorgée de thé et manque de me brûler la langue.
C'est chaud, Zeph'.
Et ce n'est pas comme si je ne le savais pas, puisque c'est moi qui les ai préparés, ces thés. Pour moi qui n'en ai jamais bu beaucoup, et un premier essai sur ce type de thé, je trouve que ce n'est pas si mal, en matière de goûts. Mes papilles sont ravies, en tout cas, et ce même si je ne suis pas une grande connaisseuse en la matière. Mon domaine, c'était la danse, quand j'étais à Galar. Pas le thé.
Je relève les yeux et porte une oreille attentive à ce que mon client répond vis à vis de ma question précédente. Comme je l'ai si bien deviné, il est tout nouveau dans la région, et là seulement depuis quelques jours à peine. Quand je l'écoute, ce sentiment de me revoir à mon arrivée se renforce. Lui aussi a débarqué à la capitale par la voie des airs. En revanche, il est allé dans une auberge, alors que moi j'avais privilégié l'hôtel. Hôtel que j'avais quitté dès le lendemain pour me rendre à toute hâte à Fort-des-Songes, des perspectives d'installation et de découverte avec Ayshee plein la tête. Depuis, quelques évènements s'étaient produits. J'avais fait la rencontre de plusieurs personnes originaires ou non de la région, avec plus ou moins de malentendus dans la première approche de départ. Mais heureusement, tout s'était toujours bien terminé, avec parfois de très belles surprises. Dans ces surprises, on pouvait mettre ma rencontre avec Nâga. Ce lien inattendu qui s'était d'abord tissé entre lui et Ayshee et ensuite entre lui et moi, puis finalement sa volonté de nous rejoindre, ça m'a laissé des souvenirs inoubliables.
Contrairement à ses prévisions, le jeune homme qui me fait face en buvant son thé dans une posture typiquement galaroise est arrivé plus tard que prévu à Windoria. Une question me traverse alors l'esprit, mais je reste muette. A-t-il trouvé au préalable un endroit pour passer la nuit ? Parce que le salon ne fait pas chambre d'hôtes, malheureusement.
Il m'indique ensuite qu'il vient de Skifford, ce qui confirme ses attitudes et son léger accent que j'ai pu ressentir tout à l'heure, puis me demande ensuite si je suis originaire de Lumiris. Je souris intérieurement. Grâce à mon absence d'accent, impossible pour ceux qui ne me connaissent pas de savoir de quelle région je viens. Le plus logique est donc effectivement de penser que je suis une citoyenne de Lumiris de naissance, bien qu'en réalité, ça ne soit pas du tout le cas. Puis il se présente en s’emmêlant les pinceaux entre le vouvoiement et le tutoiement, ce qui me fait éclater d'un rire doux et clair. Fort heureusement, je n'ai pas gardé ma tasse de thé sous mon nez, sinon j'aurai soufflé dessus et projeté plein de petites gouttelettes devant moi et sur la pointe de mon nez, accessoirement. Une chose dont je pouvais être sûre, c'était qu'Edenael avait un lien aussi fort avec son Barpau que je ne l'avais avec mes propres Pokémon. Et je dois dire d'ailleurs que son prénom lui correspond assez bien. Mettre un nom sur un visage, ça fait du bien.
– Même si ça ne se voit pas, je commence alors après avoir bu une autre gorgée de thé, je suis moi aussi originaire de Galar. De Kickenham, plus précisément, mais je connais très bien Skifford aussi pour m'y être rendue plusieurs fois.
Je me rends compte que je ne me suis toujours pas présentée, erreur que je m'empresse de corriger :
– Je m'appelle Zephyra, et je suis ravie de te connaître également. On peut se tutoyer, ça ne me pose aucun problème, ajouté-je avec un grand sourire.
C'est la fin de service, après tout, alors au diable les règles de politesse. Au moins juste le temps d'un thé, on peut s'accorder ça. Et puis il m'arrive souvent de mélanger les "tu" et les "vous" à moi aussi, même si c'est beaucoup moins fréquent maintenant. Il faut croire que je m'améliore avec le temps ! En tout cas, il m'est troublant de constater à quel point Edenael me ressemble sur certains traits de caractère. Il ne manquerait plus qu'il soit aussi maladroit que moi, et on courrait à la catastrophe.
La jeune femme était aussi de Galar ? De Kickenham plus précisément. Effectivement, il ne l’aurait pas deviné, puisqu’elle n’avait aucun accent apparent. Elle s’était peut-être entrainée à le dissimuler, il lui demanderait à l’occasion. Elle ne s’était toujours pas présentée, mais elle se corrigea bien vite.
Zephyra… Voilà un nom qui ne sonnait pas du tout galarois, étonnamment. Ces derniers étaient en général très attachés à la sonorité des prénoms. C’était une nation fière qui aimait que l’on sache qu’ils venaient de là bas. Etonnant donc, de ne pas avoir choisi un prénom culturellement répandu. Mais il était ravissant.
« Zephyra… C’est… vraiment très joli comme prénom, déclara le blond avec un mince sourire. Je n’ai pas beaucoup eu l’occasion de me rendre à Kickenham, bien que je sois déjà allé faire quelques courses pour mon père, les boutiques y sont plus grandes et nombreuses qu’à Skifford. »
Bon en même temps, Skifford, ça allait encore, ça n’était pas aussi paumé que Greenbury ou Old Chister, mais comparé à Kickenham, Winscor ou Motorby, on aurait clairement dit la campagne. Portuaire, mais campagne quand même.
« J’ai failli prendre le bateau pour arriver à Port-Corail, et puis je me suis dit que ça serait plus rapide en avion, et que ça serait plus dépaysant. Et je ne m’étais pas trompé. »
Et en effet, vu le mal de l’air qu’il avait eu, ça avait été dépaysant dans tous les sens du terme. Il but la dernière gorgée de sa tasse de thé encore brûlante, vu que cela ne lui posait aucun souci de boire très chaud, alors que son interlocutrice avait à peine entamé sa boisson.
« C’était délicieux, je regrette presque de l’avoir bu aussi vite. » fit-il pour continuer la conversation
A vrai dire, bien qu’étant client, il ne voulait pas trop importuner son hôtesse, ni l’assaillir de questions. Mais il avait tout de même besoin de réponses à ses interrogations.
« Je ne sais pas si vous êtes dans le coin depuis longtemps, mais vous ne connaitriez pas un endroit pour dormir cette nuit, je suis arrivé un peu tard pour repartir vers Voltapolis, et… Je ne me vois pas dormir à nouveau à la belle…, s’interrompit-il, avant de reprendre presque immédiatement. Enfin tu… ne connaitrais… enfin tu m’as compris. »
Embarrassé à nouveau, Edenael se frotta mécaniquement l’arrière de crâne tout en fermant les yeux, tel un personnage de dessin animé. Il lança un regard foudroyant vers l’aquarium pour vérifier que Nieb n’était pas en train de se moquer de lui à nouveau. Cette fois-ci, elle semblait bien trop absorbée par sa nourriture pour écouter la conversation. Il soupira en abaissant les épaules, exaspéré de tous ses tics de timidité. Il n’était pas comme ça habituellement, au magasin. Mais il était naturel, au moins.
« Enfin, voilà… Si tu as de bonnes adresses à me conseiller, je suis preneur. »
Farfouillant dans son sac, il sortit son maigre portefeuille avant de demander à Zéphyra.
Trop chaud. Ce thé est décidément bien trop chaud pour moi. Mon palet ne doit pas être acclimaté pour manger ou boire des trucs brûlants, et j'ai beau essayer de changer ça où d'expérimenter des tentatives culinaires nouvelles, rien n'y fait. Et visiblement, le thé ne fait pas exception à la règle. J'ai l'impression de manquer de me cramer les lèvres à chaque fois que je les dépose sur ma tasse, et ce même malgré le temps qui continue d'avancer, inexorablement. Ça fait quoi déjà, dix minutes que je suis bloquée sur mon récipient duquel je n'ai bu que deux ou trois gorgées ? Peut-être plus, peut-être moins, je ne sais pas trop. La seule chose évidente, c'est que l'heure de la fermeture, la véritable cette fois-ci, se rapproche à grands pas. Quand Edenael et son Barpau auront terminé et payé leurs consommations, il sera l'heure pour moi de passer un dernier coup de chiffon sur la table et au niveau de l'aquarium. L'eau sera recyclée pendant la nuit, pour n'avoir aucune perte. Et après tout ça, retour au bercail, à Fort-des-Songes.
Le blondinet complimente alors mon nom toujours avec cette même manière timide qu'il a depuis qu'il est arrivé, ce qui me fait sourire. Je sais que mon nom dénote et sort des normes ou des codes, du moins tous ceux qui sont appliqués traditionnellement pour baptiser un enfant à Galar. Mes parents voulaient de l'originalité, je crois. Et ils ont été servis. Edenael a bien raison lorsqu'il parle de la taille et du nombre de boutiques. Kickenham est l'endroit où elles sont les plus grandes et les plus nombreuses, si on oublie Windscor et le siège de la ligue où là bas, c'est plutôt bien fourni et animé aussi. Skifford, ça a été pour moi la petite ville portuaire de vacances. Un endroit doux et agréable où les embruns me chatouillaient le nez et où, l'espace de quelques heures ou de quelques jours, je pouvais m'amuser sans retenue avec Kieran en oubliant la sévérité de notre vie à Kickenham. Je garde de très bons souvenirs de cet endroit, avec tous les Pokémon Eau que l'on peut y trouver. J'avais une passion pour les Embrochet, à cette époque.
Edenael m'explique ensuite comment il est arrivé jusqu'à Lumiris. Si dans un premier temps il s'est tourné vers une croisière en bateau de Galar jusqu'à Lumiris, il a finalement reporté son choix sur la voie aérienne. Plus rapide et plus dépaysant, c'est sûr. Plus cher, aussi. Il faut toujours les moyens, de toute façon, pour faire ce genre de trajet. Quand je le vois déposer sa tasse parfaitement vide, je manque de m'étouffer avec mon propre thé, qui lui est toujours bien là. Comment a-t-il fait pour boire ce truc brûlant aussi vite ? Je sais qu'il vient de dehors et qu'il y fait excessivement froid avec de bonnes rafales de vent, mais tout de même ! J'essaie d'en boire une autre gorgée et retiens une grimace. C'est moins chaud, je suis obligée de l'admettre. Mais toujours un peu trop pour moi, je crois.
Mes inquiétudes et interrogations précédentes finissent par s'avérer fondées. Mon interlocuteur, qui s'embrouille entre les mots une fois de plus, n'a absolument pas trouvé de lieu où dormir. Pas de réservation dans un hôtel, ni dans une chambre d'hôtes. Pas d'amis chez qui dormir, comme il est nouveau dans le coin. En somme, si je le fais quitter le salon après avoir fermé boutique... Il est à la porte. Et ça, ce n'est pas tolérable qu'il reste dehors par ce temps, pour moi. Je me mets à réfléchir à toute vitesse, tasse entre les mains. Impossible de trouver une place dans un hôtel ou quoi que ce soit à cette heure-ci, il est beaucoup trop tard et les réservations sont déjà complètes. Sans réservation, c'est mort. Je regarde autour de moi après qu'il ait sorti son portefeuille pour me régler sa consommation et celle de son Barpau, qui est en train de terminer les dernières miettes de son plat. Les faire dormir au salon ? Non, impossible. Je n'ai pas ce droit, l'endroit n'est pas à moi, c'est à monsieur Deltz. En plus, c'est un salon de thé, pas un endroit où dormir. Il n'y a même pas ce qu'il faut. Cela veut dire que la seule solution qui me reste, c'est...
Chez moi.
J'hésite. Après tout, je ne le connais pas vraiment. Mais c'est un client, vraiment adorable en plus. Je ne peux pas me permettre de le laisser à la rue. Ma conscience ne le supporterait pas.
– Merci, je suis ravie que ça t'ait plu, lui réponds-je après avoir brutalement émergé de mes pensées en réalisant que j'avais jusqu'à présent gardé le silence. Je ne suis pas là depuis très longtemps non plus, mais ce que je sais, c'est qu'à cette heure-ci, tu ne trouveras rien pour dormir.
Je repose subitement ma tasse sur la table, et jette un coup d'oeil dehors. Coup de chance, il est venu en vélo. Il pourra donc traverser la piste cyclable sans problème si jamais il doit venir avec moi à Fort-des-Songes.
– Tu ne me dois que 25 pokédollars, lui dis-je avec un sourire pour répondre à sa dernière question.
C'est moins cher que ce qui est écrit sur la carte, mais je suis d'humeur généreuse. Il est tard, Edenael est autant fatigué que moi, je peux bien réduire les prix, juste une fois. Je reprends d'un ton plus sérieux :
– Je t'aurai bien proposé de dormir ici, mais malheureusement je n'en ai ni le matériel ni les droits. J'ai vu que tu avais un vélo. Tout ce que je peux te proposer pour te dépanner, c'est que tu viennes à Fort-des-Songes avec moi. Par la piste cyclable, ce n'est pas très loin. J'ajoute enfin de façon claire. Je peux t'héberger chez moi pour une nuit, uniquement s'il n'y a pas d'autres solutions une fois qu'on sera là bas. Je ne serai pas tranquille à l'idée de te laisser mourir de froid là dehors.
Et ça risque d'être ça, à moins d'un miracle inattendu et improbable, car je ne suis pas certaine qu'à Fort-des-Songes il y ait plus d'hôtels, s'il y en a, ayant encore de la place disponible.
Rien pour dormir. Voilà qui était dit. Mais cela ne n’étonnait pas Edenael tant que ça finalement, il ne s’était absolument pas préparé pour son voyage à Windoria, et le voilà à demande où dormir, alors qu’il était déjà 20h passées. Franchement, il méritait de dormir à la rue. Le galarois, qui était plutôt galérien en ce moment, se fourvoya intérieurement par son manque de prévoyance.
« Je suis vraiment stupide, quand je m’y mets. » marmonna-t-il tout bas, bien que cela reste audible pour Zephyra.
Nieb, qui avait entendu, émit un petit son plaintif depuis l’aquarium. Cela eut pour effet de réveiller le blond, qui devait maintenant trouver une solution au lieu de se plaindre. Il n’était pas question de lui demander de dormir sur place. Ni même de le dépanner en allant dormir chez elle. Dans le pire des cas, il pouvait toujours foncer à vélo vers Voltapolis où le temps serait peut-être plus clément. Peut-être qu’en quelques heures de vélo, il pourrait sortir de ces intempéries et dormir sur le bord du chemin dans un endroit abrité du vent.
Zéphyra lui donna le prix, et il régla immédiatement afin d’être quitte. Puis, un instant plus tard, il se rendit compte que ça n’était pas vraiment ce qu’il était censé payer… Son hôtesse avait-elle entrevu ses maigres économies et lui avait fait un prix. S’était-elle montrée généreuse car ils venaient de la même région ? Peu importe, il suffisait de la remercier, poliment.
« Nous nous sommes régalés, merci infiniment. » ajouta-t-il pour changer le ton de la conversation. Son Barpau approuva en sautillant dans l’aquarium.
C’est alors que la jeune femme blonde lui proposa une solution. Tant mieux, car il ne trouvait pas beaucoup mieux que ce à quoi il avait songé plus tôt. Elle lui proposa de se rendre à vélo à Fort-des-Songes avec elle, afin de voir s’il pouvait trouver un endroit où dormir. Peut-être la température y serait plus clémente qu’ici, au cas où. Bon, il fallait dire aussi que ça n’était pas du tout sa destination, mais si cela représentait un moyen de ne pas dormir dans le froid cette nuit, tant pis pour l’itinéraire. Il aurait tout le temps de se rendre à Voltapolis plus tard. Ce n’est pas comme si quelqu’un l’attendait.
« Eh bien, pour tout te dire, la seule solution que j’avais envisagée était de reprendre le vélo pour aller vers Voltapolis en attendant que la température devienne plus supportable, et trouver un endroit abrité du vent… Sinon, j’aurais aussi pu… eh bien… ne pas dormir, en fait. Et une fois arrivé sur place, j’aurais trouvé un endroit pour me reposer. » il fit une pause, cherchant la réaction de son interlocutrice, avant de reprendre. « Mais… je dois avouer que je ne suis pas contre un peu plus de compagnie, même si on part dans l’autre sens ! » termina-t-il en riant aux éclats. Le galarois se leva de sa chaise, remotivé et se dirigea vers l’aquarium où il fit rentrer calmement Barpau dans sa pokéball, qui commençait à fatiguer.
« Tu vas pouvoir digérer tranquillement pendant que je m’époumone à vélo. » fit-il avec ironie
Le dresseur ramassa son peu d’affaires, c’est-à-dire son sac à dos et sa cape qu’il mit sur les épaules, avant de faire signe à Zéphyra qu’il était prêt. Il allait déjà quitter Windoria, et il n’aurait pas plus vu le Biotope non plus. Il pourrait toujours repasser plus tard.
« Merci pour ta proposition en tout cas… Je suis un peu paumé, faut l’avouer. Je te suis ! »
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