Le voyage à Lumiris ne s’était pas montré aussi paradisiaque que je ne l’aurais voulu. Gagner sa vie, se faire des nouveaux amis, trouver des jolis endroits à visiter : tout cela demandait beaucoup plus de temps, d’énergie et de motivation que ce que je ne pensais. Bien sûr, tout ça aurait été plus facile si je n’étais pas allé me fourrer dans les ennuis dès que j’en avais eu l’occasion. Moi qui pensais tomber sur un brin d’aventure et de frisson à moindre frais, j’avais finalement fait la rencontre de la rencontre des blessures et de la crainte. Bilan : hôpital, repos et en prime, la déprime.

Heureusement que j’étais d’un naturel joyeux et optimiste, sinon j’aurais probablement déjà fait mes valises pour retourner boire du chocolat chaud à la maison. Quoique, à bien y réfléchir, la situation n’était pas si différente : j’avais promis à Kaylie que nous boirions ce chocolat chaud ensemble et, quant au retour à la maison : au lieu d’un ticket de ferry pour revenir en urgence à Féli-cité, mes parents m’avaient fait parvenir un peu d’argent pour que je puisse me reposer l’esprit avec mon pokémon dans la pension d’Iris Lindley, à Windoria.

C’était l’une des villes de l’île que je n’avais pas encore visitées et l’endroit dans lequel nous nous rendions était réputé pour être l’une des plus grandes pension pokémon de Lumiris. Sur le réseau Dusk, on disait que la tenancière était très accueillante et s’occupait à merveille de ses pensionnaires, quel que soit leur type. Tous les dresseurs en étaient ravis. L’autre point positif, c’était la présence des sources chaudes non loin dans la ville : idéale autant pour Rouchon que pour moi ! Nous avions bien besoin de nous faire dorloter après tant d’émotions.

Nous arrivions sur place en toute fin d’après-midi : trop tard pour le goûter et trop tôt pour le dîner. J’aurais bien voulu faire le trajet à vélo mais mes mains étaient toujours bandées et je ne me sentais pas encore assez en forme pour faire autant d’effort physique en une seule journée. D’autant que si je tombais, j’allais encore devoir attendre plus longtemps avant de me séparer de ces fichues douleurs aux mains.

L’endroit n’était pas très difficile à trouver et pour cause : il mêlait le magnifique et l’imposant. Un jardin entretenu à la perfection avec des parterres fleuris et des haies parfaitement taillées, une allée menant directement à une immense bâtisse blanche au style élégant et un décor étudié pour inspirer la sérénité et le confort ; en un seul mot : majestueux !

Le taxi Corvaillus nous avait déposé juste devant la grille et le chauffeur nous aida à porter nos bagages jusqu’à la porte. La sonnerie retentit, nous ne voulions pas rentrer et déranger la personne qui s’occupait de l’endroit même si, en théorie, mes parents l’avaient prévenue de notre arrivée la veille. Je m’étais assuré que Rouchon était bien propre avant de venir, et lui m’avait promis que j’étais bien coiffé et que mes vêtements n’étaient pas froissés.

Nous étions donc là, à attendre devant la porte que l’on vienne nous ouvrir et prêts à dire bonjour avec un grand sourire…

J'avais recueilli, peu de jours auparavant, un petit Osselait. Triste, malheureux et seul. Sidérella et moi-même faisions notre maximum pour ne pas le laisser de côté, je l'avais même mis dans le dôme Sol pour qu'il se sentît au maximum à l'aise mais non, rien n'y faisait. Je ne comprenais pas et cela m'attristait. Il sortait néanmoins, se promenant dans l'immense pension pour se changer les idées mais cela ne semblait pas non plus faire son effet.


Ma pension n'avait pas changé, et avait connu de minces dégâts, avec les agresseurs de Sayo, avec Maxim, mais tout était réparé comme si rien n'avait été fait. Il était hors de question de laisser des personnes faire du mal à des pokémons.


Les différents bio-dômes étaient visibles à plusieurs centaines de mètres, si ce n'était plus. Nous pouvions apercevoir clairement ce qu'il y avait à l'intérieur, et mes dômes étaient alors facilement décelables quant à leur contenance de type. J'étais fière de cette pension.


Un taxi Corvaillus arriva, Yaga l'avait déjà repéré grâce à ses capacités psychiques. Ma Sorcilence chromatique était cachée dans la forêt proche, elle vérifiait les allers et venus des visiteurs, afin de détecter des personnes aux mauvaises intentions. Elle m'envoya un signal mental quant à la venue d'une personne. Je regardai par la fenêtre pour voir un homme, un jeune homme y descendre accompagné de son Mustébouée. Je souris avant de faire signe à ma Gardevoir qui hocha la tête ; elle m'accompagnait toujours.


Elle nous téléporta jusqu'à devant nos deux hôtes quand la sonnerie retentit. Je fis une révérence dans mon fauteuil roulant alors que Gardevoir en fit une aussi ; toutes deux gracieuses.


« Bienvenue dans ma pension, et enchantée de faire votre connaissance. Je suis la tenancière de ces lieux. Magnifique Mustébouée, vous en prenez soin. Quel bon vent vous amène ici ? »


Mon sourire sincère ne me quittait pas. Habillée d'une longue robe blanche, des talons blancs, mes cheveux détachés dans mon dos. J'avais une bague avec une perle dessus qui était ma Gardevoirite, un bracelet avec une perle, mon Alakazamite, une boucle d'oreille gauche avec une perle qui était ma Métalossite pour finir avec une boucle d'oreille droite qui avait la perle de Flagadossite.

Personne n’avait l’air de venir nous ouvrir mais pourtant, entre deux clignements d’yeux, une jeune femme en chaise roulante, accompagnée d’un magnifique pokémon se tenaient face à nous. Madame Lindley et sa Gardevoir étaient toutes les deux très élégantes, toutes de blanc vêtues. Elles se montraient sincèrement accueillantes et chaleureuses avec nous. Trop heureux de recevoir des compliments, Mustébouée leva le museau avec un petit cri satisfait.

« Bonjour, merci beaucoup. C’est vrai qu’on fait de notre mieux pour qu’il reste en forme… Et sans trop de nœuds dans les poils ! »

Il posa un regard qui se voulait accusateur sur moi mais je savais qu’il ne m’en voulait pas vraiment. Il ne s’étais pas vraiment laissé faire mais il savait très bien que cela en valait la peine. Après tout, c’était grâce à cela qu’il avait reçu un joli compliment !

« Pardon, je ne me suis pas présenté. Je m’appelle Ambroise Louvet. Mes parents m’ont dit qu’ils vous avaient prévenus de mon arrivée. J’espère que je ne vous dérange pas ? »

Je me montrais aussi poli que possible avec cette dame qui devait beaucoup de difficulté à entretenir une si grande propriété avec son handicap. Dire que moi j’avais besoin de toute mon énergie pour suivre une seul pokémon, elle devait être très courageuse pour tenir une pension.

« Nous sommes venus à Windoria pour prendre un peu de vacances et changer d’air. »

Je passai sous silence l’incident de Voltapolis. Tout le monde était au courant de ce qui s’était passé là-bas et je ne souhaitais pas me placer en position de victime ni de martyr. Toutefois, mes mains enrubannées trahissaient qu’il avait dû m’arriver quelque chose et si je ne comptais bien sûr pas mentir si l’on me posait la question, je n’avais pour autant pas envie que mes discussions ici tournent autour de ce sujet. Après tout, c’était justement pour me vider la tête que je n’étais pas directement retourné à Sunyra…

Je hochai vivement la tête.

« J'ai bien reçu l'appel de vos parents et sachez que vous vous changerez les idées, tous les deux. »


Dis-je avec un petit sourire.


« Si vous voulez bien me suivre. »


Gardevoir, sans un geste de la main, rien, fit léviter les bagages de nos invités d'honneur -si je pouvais me permettre- afin de me suivre jusqu'à l'habitation.


« Nous ferons une mince halte. Je vous montrerai vos appartements, les coins détente, vous offrirai un thé, un café ou ce que vous voulez. Et une visite de la pension ? Et je sens que le dôme Eau ravira votre Mustébouée. »


Dis-je avec un clin d'oeil vers ce dernier tout en rentrant. Les appartements avaient de petits cadres par-ci, par-là, des photos des pokémons d'Iris, d'une de son amie Sera. Un petit coffre avec quatre badges prônaient un meuble.


« À l'étage. »


Il y avait des escaliers, j'arrivai devant et Gardevoir usa de ses pouvoirs psychiques pour me faire léviter à peine afin de me faire monter les escaliers pour arriver à l'étage. Une fois ceci fait, nous avancions et je montrai une salle de jeux pour pokémon.


« Pour Mustébouée s'il souhaite se reposer. »


J'ouvris une porte pour montrer une chambre blanche principalement avec des couleurs froides. Une immense télévision, un lit deux places -qui pouvait contenir trois personnes aisément-.


« Votre chambre, votre pokémon peut bien évidemment dormir avec vous. À côté, il y a une salle de bain avec douche en cabine, une baignoire d'angle qui peut faire jacuzzi. Cela vous va ou vais-je trop vite ? »


Je souris en me tournant vers Ambroise, Gardevoir avait gentiment déposé les affaires dans sa chambre.

Nous étions émerveillés : par la grâce de Gardevoir et l’aisance avec laquelle elle soulevait les valises comme si de rien était, mais aussi par la demeure somptueuse que nous étions en train de visiter. Tout ici était si grand qu’il était même prévu de faire une halte avant de visiter la pension en elle-même… Sans avoir été dans la misère, c’était bel et bien la première fois que je côtoyais le luxe et c’en était à couper le souffle !

« Vous avez fait des combats d’arène Madame Lindley ? »

C’était une discipline à laquelle je ne m’étais jamais vraiment intéressé, j’avais certes déjà vu quelques combats dans les arènes proches de chez moi, ma maman m’avait déjà emmené pour regarder les tournois mais je n’étais pas aussi passionné que les autres enfants de mon âge. Ce que je savais tout de même, c’est que les badges que recevaient les vainqueurs, lorsqu’ils parvenaient à défaire l’un des champions d’arène, avaient beaucoup de valeur à leurs yeux. Ils symbolisaient la combativité, le mérite et tout l’entraînement qui leur avait permis de triompher. C’était, aux yeux des challengers, plus beau que toutes les médailles qui pouvaient exister : une vraie récompense et reconnaissance de leur talent et de leur travail acharné.

Mais toute l’élégance du rez-de-chaussée n’était qu’un avant-goût, une mise en bouche avant le plat de résistance. À l’étage -en haut duquel Gardevoir s’était, sans difficulté aucune, téléporté ainsi que sa dresseuse tout en maintenant son pouvoir de télékinésie sur nos bagages- il y avait non seulement la plus superbe des salles de jeux dont puisse rêver un pokémon, mais aussi la chambre la plus éblouissante qu’il m’avait été donné de voir ! Le lit était si grand qu’un Ronflex aurait pu dormir dessus et avoir encore un peu de place en trop ! Et puis surtout, il y a eu une phrase, qui a achevé de nous faire tomber sous le charme de cet endroit.

Au moment précis où Iris prononçait le terme jacuzzi, Mustébouée et moi-même avions échangé un regard complice : ses yeux pétillaient déjà de toutes les bulles dans lesquelles il allait se baigner lorsqu’il en aurait l’occasion ! Nous n’en croyions ni nos yeux ni nos oreilles : après l’enfer, étions-nous remontés droit au paradis.

« Waouh … C’est magnifique ! Merci beaucoup de nous accueillir ! »

Ça n’allait pas trop vite, mais il était fou pour nous d’imaginer que nous n’avions pas encore fait tout le tour du propriétaire ! Je me souvenais avoir entendu parler de rien de moins qu’un dôme réservé aux pokémons de type eau … Et puis aussi d’un thé … Nous avions encore beaucoup à voir avant de décider par où le plaisir allait commencer !

J'étais tournée vers lui, les mains sur mes jambes, Gardevoir garda son calme olympien, derrière moi.


« Vos compliments me vont droit au cœur. C'est un plaisir. Si vous souhaitez, nous pouvons continuer notre visite autour d'un thé ou café ou ce que vous souhaitez. Ensuite, nous entamerons une petite visite de la pension. »


J'avais remarqué les étoiles dans leurs yeux quand ils avaient entendu jacuzzi, mais je voulais que mes invités soient à leur aise au maximum. Je descendis vivement dans ma cuisine pour faire chauffer la théière.


« Que désirez-vous ? Des gâteaux sont déjà préparés pour l'occasion. »


Et Gardevoir les sortait justement pour les poser sur la table.


« Pokémons comme nous-mêmes, nous pouvons les manger sans risque. »


Je souris en attendant la fin.


« En ce qui concerne les combats... Pendant longtemps, je m'étais promise de ne jamais faire combattre mes pokémons, mais certaines situations vous y forcent... »


L'expérience parlait assurément, le regard vide, je regardais ma main humaine avant de secouer un peu la tête pour continuer.


« J'en suis à quatre. Poison, Vol, Spectre et Plante. Je me prépare à affronter le nouveau champion Feu. Je comptais affronter Aedan mais il s'est fait détrôner. »


Dis-je dans un petit rire.


« Et vous, Ambroise ? Si vous me permettez ? »


En attendant, je ramenais le service de thé, et un café s'il souhaitait. Mon fauteuil était performant et n'avait pas de mauvaise secousse, donc le voyage fut sans encombre pour déposer sur la table.

« Je préfère du thé s’il vous plaît »

Le café avait un goût amer qui me faisait grimacer, je le préférais largement dans les pâtisseries que dans une tasse, ou alors avec une quantité de sucre qui ferait pâlir mon dentiste ! Le parfum des thés en revanche, m’intriguait beaucoup, j’aimais bien me prêter au jeu d’en déceler les arômes, de sentir leurs effluves tantôt fleuris, tantôt fruités. Surtout lorsque je pouvais les accompagner de petits biscuits en grand nombre et les partager avec nos hôtes et mon meilleur ami.

C’étaient bel et bien des badges que j’avais reconnu dans la petite vitrine mais j’avais eu peur de mettre les pieds dans le plat : cela ne lui rappelait malheureusement pas que des bons souvenirs. Elle m’expliqua ensuite qu’elle était en train de se préparer pour obtenir le cinquième ; en plus d’être la propriétaire d’une magnifique pension et de bien soigner ses pokémons, elle était donc une dresseuse hors-pair lorsque l’on discutait de combat !

« Je vous en prie permettez-vous : je n’ai jamais vraiment participé à des tournois ni à des matchs d’arène. À vrai dire, la seule fois que Rouchon s’est battu, c’était contre un vilain Crustabri ! »

En réalité, il y avait eu plus de peur que de mal : nous étions allés nous baigner dans les eaux du port pour nous remettre au sport et nous avions fait la rencontre de cette créature particulièrement agressive qui voulait croquer la patte de Mustébouée pour le déjeuner.

« On préfère plutôt partir à l’aventure dans la nature que de nous battre contre d’autres dresseurs. »

Ce n’était pas mon truc les combats, et je comprenais pourquoi madame Lindley s’était fait cette promesse plus jeune : certes certains pokémons aimaient la confrontation mais les combats pour les badges n’étaient pas de tout repos pour autant. Non seulement l’entraînement nécessaire était très rigoureux, mais la douleur infligée par les attaques était bien réelle et l’idée de voir mon ami souffrir pour un badge était trop désagréable pour moi.

Pourtant, je comprenais aussi que les choses pouvaient changer, moi qui m’étais promis de ne pas prendre de risque inutile, j’avais fait très peur à Rouchon en allant me perdre dans une centrale attaquée par cette fameuse Team Mistral et même si le bon sens et mon envie de préserver mon compagnon du danger devait me l’interdire, je songeais de plus à plus à revenir sur les traces de ce qui c’était passé dans cette serre.

Je trempai les lèvres dans le thé, encore un peu trop chaud et pris plutôt un morceau de gâteau, en attendant que ma tasse refroidisse.

« Merchi beaucoup Madame Lindley, c’est délichieux ! »

Je servis nos deux thés, enfin, de l'eau chaude dans une tasse chacun.

« Je vous laisse vous servir, j'ai tout un assortiment. »

Je sortis la petite boîte pour montrer les différents thés y siégeant.

« Et je comprends parfaitement votre envie de partir à l'aventure plutôt que de partir combattre. Ce n'est pas agréable, croyez-moi. Pour avoir vu ma Sidérella se faire transpercer brusquement avec un dard de Drascore, je n'étais pas préparée du tout... »

Je soupirai légèrement.

« Des événements vous changent, comme la team Mistral, deux fois par ailleurs. Quand une dresseuse vous a fait frôler la mort. Quand vous affrontez des fanatiques qui ont voulu vous violer et vous tuer... »

Je secouai la tête, je ne voulais pas non plus rappeler les faits récents.

« Bref, je m'égare. Navrée, quels sont donc vos prochains objectifs d'aventure, si encore une fois, vous me le permettez. Par ailleurs, le tutoiement ne serait-il pas préférable ? »

Penchai-je la tête.

Dans son petit assortiment, j’avais choisi un joli thé avec un dessin de fleur de jasmin dessus. C’était un goût qui me plaisait beaucoup et ce parfum me rappelait les petits déjeuner avec ma mamy à l’aube. C’était plaisant, réconfortant même de boire une bonne boisson chaude en mangeant une sucrerie et le goût était bien meilleur que les biscuits de l’hôpital qui s’émiettaient avant même de les mettre en bouche.

Pendant que je faisais cela, Iris me racontait ses histoires, des histoires qui me firent frissonner : lorsqu’elle mentionna l’idée de voir son pokémon transpercé par un dard, je reposai ma tasse et détournai les yeux. J’espérais que Sidérella s’en était remise ; les centres pokémons faisaient des miracles pour les soigner mais tout de même… La douleur avait dû être terrible pour elles deux.
« Mistral… »avais-je soufflé entre mes dent, en essayant de retenir la vague d’émotion qui remontait à travers mon corps.

Ce n’était pas la première fois que j’entendais ce nom. Il me rappela rapidement la centrale et les évènements qui s’y étaient produits. C’étaient à cause d’eux que j’étais venu ici pour me reconstruire psychologiquement et je n’étais pas le seul à avoir frôlé la fin par leur faute… Ils s’en étaient pris à une demoiselle avec un handicap ! Ou peut-être que c’était le combat qui avait coûté à Iris ses deux jambes ? J’avais beau être curieux de nature, je ne voulais pas vraiment connaître cette triste histoire, et encore moins celle qui concernait la tentative de viol !

La pointe de gêne avait dû se lire sur mon visage car mon interlocutrice était revenue à des sujets plus léger, en s’intéressant à mes petites aventures. Je n’avais pas encore fait grand-chose de palpitant mais pour moi, rien qu’être venu c’était déjà un beau voyage !

« Ne vous… Ne t’inquiète pas il n’y a pas de problème ! C’est vrai que je n’ai pas l’habitude que l’on me vouvoie. »

Je lui avais rendu un grand sourire et pris une nouvelle gorgée de thé avant de raconter mes petites histoires.

« Je suis venu ici à Lumiris depuis loin, c’est très différent de mon ancien chez moi. Avec Rouchon, on aime surtout beaucoup se balader sur la plage et se baigner dans la mer alors nous aimerions aller un jour vers Port-Corail : il paraît qu’il y a là-bas une grotte sous-marine absolument magnifique ! »

C’était l’un de nos projets et nous comptions bien le faire dès que je serais remis sur pied et que j’aurais repris du poil de la bête. En l’état actuel des choses, j’avais perdu du poids, du muscle et je me sentais toujours très vite fatigué.

« Et puis on compte aussi aller aux sources chaudes un jour. On m'a raconté que celle de Windoria en valent la peine ! »

Je me souvenais d’avoir lu quelque chose à ce sujet sur la ville dans laquelle nous étions et une petite séance de bien-être était la bienvenue ! Au moment où j'avais prononcé ces mots, Mustébouée s'était roulé en boule sur mes genoux et je lui glissai un biscuit devant le museau qu'il dévora avec gourmandise.

"Vous êtes une très bonne pâtissière Madame Lindley ! Enfin je veux dire : tu es une bonne pâtissière !" avais-je ajouté avec le sourire.

Je voyais que parler de Mistral, cela n'était pas un sujet joyeux. Et il devait y avoir participé, les yeux parlaient beaucoup. Mais il ne semblait pas vouloir en parler car il changea vivement, et je n'allais pas revenir dessus.

Je hochai la tête, le tutoiement était préférable, nous allions passé un petit moment ensemble, donc pour moi c'était normal.

« Oui, Port-Corail est l'endroit parfait pour vous deux alors. Je n'ai, cependant, pas visité cette grotte sous-marine mais je te crois. »

J'eus les yeux qui pétillèrent à la mention des sources chaudes.

« Oh j'y suis allée ! Et j'ai fait une magnifique rencontre ; Ombline. C'est un endroit reposant. Je ne sais pas pour les hommes mais je pense. »

Je souris aux compliments.

« Merci encore. C'est un plaisir. Vous avez tous les deux fait un petit voyage, alors je n'ose peut-être pas demander si vous souhaitez continuer en visitant ma pension ? Ainsi, nous ferons une bonne partie de l'après-midi, nous finirons sur un repas soit commandé soit fait maison. Nous pouvons avoir de petits plaisirs... »

Référence au fait de peut-être commander, une fois de temps en temps, ça n'allait pas faire de mal, hein ?

« Vous rencontrerez tous les deux mes pokémons tout au long de la visite. »

Dis-je en souriant.

Ombline … Ce prénom me rappelait un souvenir : j’avais récemment rencontré une Ombline moi aussi. Elle était venue me rendre visite dans ma chambre d’hôpital pour me partager un petit peu de soutien. À croire que toutes les Ombline étaient de belles rencontres !

Concernant la suite du programme, et bien elle nous plaisait beaucoup : rencontrer tous les petits pokémons qui pouvaient se balader gaiement dans l’immense propriété d’Iris Lindleye et visiter ses fameux dômes étaient de bons moments en perspective. Nous avions tout particulièrement hâte de voir la zone qu’elle avait dédiée aux pokémons de type Eau : Rouchon en avait déjà des étoiles dans les yeux !

« C’est par-fait ! Les petits plaisirs, c’est tout ce qu’on aime ! Vous avez beaucoup de pokémons qui résident dans votre pension pour l’instant ? »

J’étais curieux de faire la rencontre des futurs camarades de jeu de mon Mustébouée, avec un peu de chance, il pourrait se faire quelques copains et copines dans la pension. Depuis que nous vivions tous les deux ensembles, il n’avait jamais vraiment eu l’occasion d’aller jouer avec ses pairs et je craignais que cela ne lui manque. Nous étions deux amis très proches, mais je ne voulais pas l’empêcher de s’amuser avec les siens…

À peine avais-je fini ma phrase que je croquai une large bouchée dans le biscuit et que je terminai l’excellent thé au jasmin que notre hôte avait préparé pour nous. Rouchon s’était montré plus glouton que moi : il avait déjà fini de dévorer goulûment tout ce qui était à portée de ses pattes. Un vrai estomac de Goinfrex celui-là, surtout quand il s’agissait de sucreries !

Je hochai la tête avec un sourire fier.

« Beaucoup, oui. Gardevoir à mes côtés. Sinon Goupelin, Métalosse, Sidérella, Sorcilence que vous avez involontairement vue, elle est dans la forêt proche à vérifier les allers et venus pour vérifier qu'il n'y a pas de mauvaises personnes qui arrivent, Alakazam, Hypnomade, Florges, Hyporoi, Flagadoss, Galopa de Galar, et un Ramoloss qui se perd dans les couloirs. »

Petit rire, ce petit pokémon pouvait être partout à la fois, une fois ici, une autre fois là-bas...

« Aucun de mes pokémons n'est hostile sauf face aux mauvaises personnes, cela est arrivé deux fois. Un groupe voulant du mal à un ami, et un Sepiatroce aux très mauvaises intentions... Quoi qu'il en soit, sentez-vous tous les deux comme chez vous. »

Je pris ma tasse par la hanche avec ma main prothétique pour souffler doucement dessus et boire une gorgée appréciable, je pris un gâteau pour le manger en souriant.

« Sinon au niveau des pokémons, j'en garde énormément de personnes de passage, que ce soit pour quelques jours suite à une blessure, la journée pour ceux qui partent en voyage ou dans un endroit, d'ailleurs j'ai reçu un Osselait récemment, assez triste et solitaire. Ma Sidérella essaie de le faire jouer mais c'est compliqué... Enfin, je ne vais pas vous embêter avec tout ça. »

Je ne me plaignais guère des pokémons reçus, je leur donnais tout l'amour qu'ils souhaitaient.

Waouh ! Avec autant de pokémons sous son aile, je commençais à comprendre pourquoi son domaine était aussi grand : et ça n'étaient que ceux qui vivaient avec elle toute l'année. Si l'on devait ajouter à cela tout ceux que déposaient les dresseurs et enfin les invités qui, comme moi, n'étaient que de passage, le nombre devenait encore vraiment plus impressionnant. S'occuper des autres devait vraiment être une passion forte pour Iris.

"Merci beaucoup ! Et je vous rassure, vous ne nous embêtez pas du tout. Si vous voulez qu'on aille jouer avec Osselait, je suis certain que Rouchon serait ravi de lui apprendre à faire une triple bombe dans l'eau !"

L'histoire qu'elle me racontait à son sujet me rappelait tristement celle d'un garçon que je ne connaissais que trop bien. La solitude avait parfois du bon mais une main tendue au bon moment était parfois l'étape qui permettait d'enfin aller de l'avant.

"Pourquoi est-il si triste ?"

L'on racontait beaucoup de chose sur les pokémons de la famille d'Osselait, mais je me rendais compte que j'en connaissais bien peu sur ces petits bonshommes. Toute cette espèce était-elle réellement vouée à être malheureuse ? N'y avait-il vraiment rien que nous puissions faire pour les aider ?

"En tout cas, avec d'aussi bons biscuits, je suis certain qu'il ne restera pas triste longtemps !"

« Ce sera avec plaisir que nous irons jouer avec lui, peut-être que deux présences de plus ne sera pas de trop. Et sa tristesse... je ne sais pas. Les autorités compétentes, qui me l'ont ramené, m'ont dit qu'il l'avait trouvé éploré dans la forêt. Il semblait perdu, seul, fuyant. Bien des choses qui m'ont brisée le cœur. Mais nous irons, sans aucun problème. Le revoir me fera plaisir. »

Je ris à sa remarque sur les biscuits, la nourriture était toujours un bon moyen de communiquer avec les personnes et/ou les pokémons. La nourriture rassemblait bien des mœurs et des cœurs.

« Êtes-vous prêts, tous les deux ? »

Une fois une réponse positive apportée, je reculai, Gardevoir m'aida immédiatement en débarrassant tout silencieusement, elle était véritablement un membre à part entière. Je la remerciai de la tête avant de rouler doucement.

« Suivez-moi. Si vous me permettez une analyse, on raconte que les Osselait seraient les bébés des Kangourex, et quand les mères porteuses décèdent pour x ou y raison, les bébés mettent le crâne de leur mère, par symbolisme et comme une sorte de réconfort et doudou. Peut-être que ce dernier a vu sa mère partir en haut récemment. Ce n'est qu'une supposition... »

J'étais attristée. J'arrivai vers une porte qui coulissa sur le côté, il y avait une armée d'incubateurs dont certains avaient un œuf, puis j'avançai pour qu'une autre porte coulissât, montrant un dôme caché aux yeux de tous où il y avait des bébés, des nouveaux-nés, des pokémons apprenant leurs premiers pas. Une Sidérella pleine d'énergie aidait ces derniers, avec ses bras ou ses capacités psychiques.

« Coucou Sidy, nous venons avec Ambroise en renfort. Nous venons voir l'Osselait. »

Elle nous sourit et s'inclina rapidement avant de montrer de la tête l'Osselait qui était dans un coin avec un os, regardant le coin, triste.

"Prêts ! Viens Rouchon, on a un ami à remettre sur patte, et je parle pas de nous !"

Iris nous amenait gentiment à lui, voir des nouvelles têtes allait peut-être l'aider, renouveler un peu son quotidien : même dans un endroit aussi joli que cette pension, la nouveauté pouvait aider à se changer les idées. J'avais pris avec mois deux ou trois biscuits, en les gardant hors de portée de ce gourmand de Rouchon. Les pokémons tristes, apeurés ou seuls pouvaient mal réagir à la présence humaine et je ne voulais pas prendre un coup sur le tibia ni l'effrayer alors que mes intentions étaient amicales.

"Je n'avais jamais entendu cette histoire, c'est plutôt triste d'imaginer qu'il y ait tant de pokémons orphelins. J'espère qu'il trouvera bientôt du réconfort."

La nurserie était un dôme bien différent de ce que nous avait décrit la propriétaire pour les dômes de type : adapté au besoin de bébés pokémon, j'imaginais bien les pichu, togepi et elekid apprendre à marcher ici et trébucher en toute adorabilité. La Siderella qui jouait les nounous était bien occupée, entre les oeufs et les petits, elle devait avoir beaucoup à faire. Elle nous avait montré le petit osselait à la mine triste qui ne voulait pas se mêler aux autres enfants.

Il avait beau être dans un petit coin de paradis, sa maman et sa famille était dans un éden bien différent et il n'avait que quelques ossements comme souvenir. Quelle horreur pour un enfant d'être confronté à l'absurdité de la mort.

"Coucou Osselait, avais-je murmuré en m'approchant. Tu veux un biscuit ? Ils sont délicieux, c'est Iris qui les a fait."

J'avais pris une voix douce, aussi rassurante que celle que j'aimais entendre les jours ou la peine envahissait mon coeur. J'avais beau être un garçon souriant, j'avais connu la tristesse. Ma mère m'aidait dans ces moments-là et, sans avoir la prétention de pouvoir jouer ce rôle, j'espérais pouvoir lui donner un brin d'affection et d'attention aujourd'hui, quitte à me prendre quelques coups dans les genoux, je voulais aider ce bébé.

"Tu aimerais jouer avec nous ? Ou bien tu préfères qu'on reste encore un peu à l'écart ?"

Je n'étais pas certain qu'un pokémon aussi jeune comprendrait tout ce que je venais de dire alors j'avançai très prudemment, lui tendant le biscuit à bout de bras : je ne voulais pas l'effrayer ni rentrer dans sa bulle sans qu'il ne se sente prêt à avoir quelqu'un proche de lui.

En faisant cela, je me demandais s'il répondait déjà à un nom ou un surnom :
"Vous lui avez déjà trouvé un petit nom ?"

Et sans attendre, Ambroise y alla rapidement. Ce n'était pas plus mal. Je souris à cette situation, je signai à Sidérella pour garder le silence et ne pas gâcher ce moment entre les deux.

Ils veulent essayer de le faire jouer et sourire. Ne t'en occupe pas s'il te plaît.

Elle hocha la tête avant d'aller s'occuper des autres pokémons, je regardai au loin ce qui se passait.

L'Osselait était hésitant, il avait sursauté à l'approche de quelqu'un, même si le murmure avait été bien compris ainsi, la surprise demeurait. Il regarda du coin de l'oeil le biscuit en question, il n'avait visiblement pas envie de le prendre, ou plutôt, quelque chose le retenait. Il hésita avant de tendre timidement sa main libre -l'autre tenant l'os-.

Il mangea, avec un tout petit sourire, les quelques millimètres remontés de ses lèvres étaient une chose inédite pour moi aussi, pour preuve, j'en avais entrouvert les lèvres mais mon sourire atteignit mes joues. Ambroise était sur le bon chemin.

« Il n'en a pas. Je... Je ne peux pas me permettre de leur donner un nom au cas où quelqu'un en prendrait un. N'y voyez rien de méchant. »

Un petit sourire aux lèvres pour le rassurer. Osselait avait hoché la tête, il leva son os fièrement. Il voulait s'amuser, et s'il était juste timide et qu'il attendait que quelqu'un fît le premier pas ? Certaines personnes avaient besoin de ce coup de pouce.

"Ces biscuits font vraiment des miracles Iris !"

Le pouvoir du sucre faisait effet sur l'orphelin qui semblait être réconforté par ce petit cadeau. Les petites attentions ont parfois un pouvoir sous-estimé par les grandes personnes et si, un cookie et un peu de tendresse pouvait aider ce petit bonhomme à grandir alors ça serait un beau moment. Avec une si grande propriété et autant de pokémons à prendre en charge, Iris ne pouvait pas être présente partout.

"Oh... Oui j'imagine, s'il s'habitue à un nom ici, il pourrait avoir des difficultés plus tard avec une autre personne."

Le bébé Pokémon était vraiment touchant, ses mimiques, ses gestes qui manquaient d'assurance et sa mélancolie mêlée à une forme de candeur n'était pas sans me rappeler un garçon, triste il y a quelques années... Quelle douleur que se sentir abandonné, de ne trouver que la solitude autour de soi sans plus pouvoir compter sur sa propre maman quand on a besoin d'aide.

Alors qu'il agitait l'os devant nos yeux, c'était Rouchon le premier à avoir eu une étincelle dans le regard. Bien sûr, il n'essaya pas de toucher à ce symbole qui devait être précieux pour un enfant perdu mais il s'amusa plutôt à le chatouiller. Les queues de Rouchon dardait, avec délicatesse, la fourrure claire de son ventre pour essayer de lui faire esquisser un nouveau sourire.

"Lui, c'est Rouchon, il aime bien jouer avec tout le monde mais s'il t'embête surtout ne te laisse pas faire !"

De mon côté, je gardais toujours une main tendue vers lui, si Mustébouée avait osé entrer dans sa bulle un peu plus rapidement, je préférais voir s'il préférait jouer avec son nouvel ou s'il avait besoin d'un peu plus de temps avant de nous accorder sa confiance. J'étais là s'il avait besoin pour un brin de tendresse et de caresses. Il est toujours difficile de savoir à l'avance de quoi à besoin quelqu'un qui ne va pas bien... J'avais également tourné mon regard vers Iris, cette dernière s'y connaissait bien mieux en psychologie des pokémons que moi et j'espérais avoir sa validation : avait-elle d'autres conseil à me donner pour apprivoiser Osselait ?

Les bras entrecroisés sur mes jambes, je regardai cette scène qui rassemblait espoir, joie et amour. Osselait semblait s'ouvrit petit à petit. Il y avait bien sûr ce petit quelque chose qui faisait qu'il se retenait, qu'il n'était pas encore serein ou en confiance. Mais le chemin pour y parvenir était mince.

Je regardai Ambroise qui me regarda soudainement. Je hochai doucement la tête pour lui indiquer qu'il ne faisait rien de mal. Osselait faisait partie des pokémons qui avaient besoin d'être rassurés. Et Ambroise, comme son pokémon, se débrouillaient très bien. Osselait jouait concrètement avec Mustébouée sans avoir peur, malgré une mince appréhension.

« Vous faites bien. Continuez. »

Lui avais-je murmuré. Osselait posa sa petite patte dans la main offerte par Ambroise -il gardait son os et c'était compréhensible-, un Osselait confiait rarement son os.

« Osse... lait... »

Dit-il avec timidité tandis qu'il voulait visiblement jouer avec eux deux ; seulement eux deux. Un autre pokémon avait tenté d'approcher Osselait mais ce dernier se remit dos aux autres, face au mur. Une peur ? Une angoisse ?

Il était déstabilisé. Je m'approchai pour récupérer le petit Germignon trop curieux.

« Viens ici, je vais m'occuper de toi. »

Je reculai vivement et Osselait avait peur de redécouvrir quelque chose.