Malgré une après-midi harassante, notre journée se termine sur une note plus douce. Kangourex, Mélancolux, Granbull et moi même nous nous dirigeons vers la maison d'Iris avec un grand bouquet de fleur et du vin rouge.

« Les gars ... vous pensez que c'est assez ce qu'on a amené ? À tous les coups Iris nous a préparé un repas d'enfer et ça vaut carrément pas c'qu'on a apporté ... »

Mama me rassure, convaincue que notre attention lui fera plaisir. Trop préoccupés par notre entraînement pré-arène, nous n'avons pas vu l'heure et nous sommes partis chercher ces cadeaux à la dernière minute. N'ayant pas eu le temps de me doucher ni de me changer, j'ai l'impression d'être une clodo qui va squatter chez une bourge pour profiter de ses privilèges. Embrassée par mon apparence et mon bref retard, je me résous malgré tout à toquer à la porte.

TOC TOC TOC

Droite comme un piquet, je recoiffe ma tignasse en bataille avec un rictus aux lèvres. Un peu agitée, je prends différentes poses pour savoir comment aborder la jeune fille. Ensuite, j'éclarcis ma gorge pour faire fuire mon stress et prendre de l'assurance. Lorsque Iris ouvrira la porte, je lui dirai d'une voix très amicale et enjouée :

« Salut Iris ! Comment qu'tu vas ma belle ? »

Avant de lui taper la bise et lui offrir mes pétunias.

Iris me tape une accolade, toute enjouée. Mes pokémons se présentent elle et ses amis avec beaucoup d'entrain – sauf Dede qui en a rien à carrer.

« Woah t'es toute jolie ! Ouais ouais moi ça va. » lui dis-je en me redressant.

La demoiselle nous propose une boisson chaude et un repos bien mérité. Granbull est tellement excité à l'idée de squatter un panier roudoudou que je suis obligée de le retenir pour ne pas qu'il déboule dans la maison.

« Ouais, avec plaisir ! On a bien bossé aujourd'hui avec les loulous. J'veux bien un café si possible. »

Tandis qu'Iris s'éloigne de la porte, j'exige à mes pokémons de passer après moi en vain. Les trois malpolis pénètrent dans l'appartement en laissant leur maîtresse en plan dans le pas de la porte.

« Eh ! J'avais dis que c'était MOI qui rentrait la première ! »

Je pousse un soupir en refermant derrière moi. Décidément, mes pokémons sont intenables et mon autorité n'a aucun effet sur eux. Sagement, je me déchausse avant de ranger mes chaussures dans un coin de l'entrée. Je rejoins Iris dans le salon tandis qu'un Hyporoi barre le passage à PP en bombant le torse d'un air menaçant.

« Hyporeine, c'est malpoli. Ce sont de précieux invités. Voici un nouveau pokémon, et voici Mama et Manon. »

Avec beaucoup de suffisance, le pokémon salue ses invités d'un hochement de la tête. Alors que PP offre sa plus belle léchouille à Hyporeine, Mama se place derrière moi et Dede s'enfuit en scred pour visiter de lui même la demeure.

« Waah il est chouette ton Hyporoi ! Enfin ta Hyporeine. J'espère qu'elle craint pas les bisous baveux. » je m'esclaffe un peu amusée.

Je dis bonjour aux pokémons de mon hôte avant de m'afaler sur le fauteuil. Il est si mou et confortable que je pourrai m'endormir fissa ! Je dépose la bouteille qui traine dans mes pattes avant de pousser un soupir d'aise.

« C'est toujours aussi agréable et propre chez toi ! »

Mama s'installe sur le tapis en libérant son petit de sa poche. Tout fatigué, ce dernier ne sera pas aussi excité que d'habitude.

Lorsqu'Iris me rejoint, j'en profite pour prendre des nouvelles.

« Alors ! Quoi d'neuf Iris depuis l'temps ? »

Il faut dire que je ne l'ai pas vu depuis l'incident à la centrale. Beaucoup de choses se sont passés depuis et je suis bien curieuse du cheminement de mon amie.

Mon hôte ramène ses fesses avec un plateau digne d'une tea party : des biscuits aux amandes, quelques mini-viennoiseries et des entremets aux baies sucrées. Je fixe la nourriture en me léchant les babines avant de dire :

« Mmh mais ça a l'air bon tout ça !
- Sers-toi, Manon. Et les gâteaux sont aussi bons pour les pokémons, ils peuvent.
- Merci beaucoup Iris !! »

Je saisis ma tasse en m'emparant du sucrier alors qu'Iris répond à mes questions. Il semblerait que la demoiselle a vécu elle aussi un évènement traumatique cet été :

« Eh bien... Tu n'es pas sans savoir que la team Mistral a attaqué la croisière des champions, ainsi que Lumiris même. »

Je stoppe toutes activités en faisant les gros yeux. Je réalise n'avoir aucunement entendu parler une attaque sur un bateau de croisière. Ne lisant jamais le journal et écoutant que ce qui me chante, je n'ai guère eu l'information et je n'ai jamais fais le lien avec ce qu'il s'est passé à la Centrale. D'ailleurs, je suis partie là bas uniquement dans le but de jouer les héroïne et impressionner Astelle dans l'optique de m'amuser et vivre de folles aventures. Mais ai-je vraiment saisis l'ampleur de la situation ? Je ne l'ai compris que trop tard, lors de notre affrontement contre Diomède.

« Alors la team Mistral n'a pas qu'frappé à la centrale ... » je marmonne à voix haute alors que ma main ajoute une tonne de sucre à mon café.

« J'étais à la salle des réacteurs, poursuis Iris, et autant dire que si nous avions raté, nous serions pris dans l'explosion qui allait suivre.
- Ah !! Mais moi aussi j'y étais, je savais pas que tu étais là bas toi aussi ! »

Au fur et à mesure du récit d'Iris, des souvenirs de mes mésaventures à la centrale rejaillissent. L'explosion, c'est à cause de Diomède. Malheureusement nous n'avons pas pu arrêter les bombes si ce n'est que les retarder et c'est une chance que ce retard à permit aux derniers résidents de s'enfuir avant le désastre. Nous avons communiqué avec les autres salles et je me souviens que le contact avec le réacteur a été très limité. Qu'a-t-il bien pu se passer là bas ? Iris comme alors à me raconter son point de vue. En me demandant si je connais ses coéquipiers, je l'interrompts en m'empiffrant de petits fours.

« Nous étions quatre, Ethan, Ginka et Sayo ainsi que moi. Je ne sais pas si tu vois qui sont ces personnes.
- Euuh, ch't'avoue cha me dit rien.
- Enfin, nous avons tous les quatre joué un rôle précis, et nous avons tous contribué.
- Ah mais c'est super !
- Sinon je n'ai rien à dire de plus, j'ai remporté le badge Spectre, j'ai mes quatre perles de méga-évolution pour mes pokémons. J'avance petit à petit. Et toi, ma... belle ?
- Waaah mais attends c'est super ! Félicitations pour ton badge ! Et quand est-ce que tu me montres tes méga-évolutions ? C'est super ! Ben moi j'ai la pierre de Mama aussi, on s'est pas mal entraîne ces derniers temps pour aller défier Yokoss. Après-demain, j'ai rendez vous avec ma copine à l'arène et je suis suuuper impatiente ! Mais bon en attendant ch'ui loin d'arriver à Kishika ... »

Je pousse un soupir en imaginant le voyage qui m'attend. Après avoir gobé un croissant miniature, j'interroge de nouveau la demoiselle :

« Mais toi moralement, ça va après ce qu'il s'est passé ? J'entends beaucoup dire que certains sont sortis traumatisés de l'événement, j'avais des collègues qui étaient au bout de leur vie et tout ... »

Soudain, je manque de recracher mon café en remarquant un Flagadoss benêt. Son regard abruti me fait éclater de rire et attire subitement mon attention.

« Oh ! Bah salut toi ! Comment qu'tu t'appelles ? »

Je glisse de mon fauteuil pour rejoindre le pokémon sur la carpette. Assise à son niveau, je lui gratte le menton en marmonnant comme une gaga :

« Moh qui sait qui a une tête de c♪n ? Qui sait qui a une tête de c#n ? Meuh oui cet toi »

Alors que je continue les papouilles, je sors une de mes pokéballs de ma banane.

« J'ai un p'tit pote comme toi ch'ui sûre que vous vous entendrez bien ! »

Je jette ma balle à côté du Flagadoss s'illuminant d'un faisceau rouge pour faire apparaître un Racaillou.

« J'te présente Roger le rocher. Amusez vous bien ♪ »

La pierre aux gros biceps fixe le pokémon eau d'un air hébété. Son grand sourire amicale ne quitte pas ses lèvres rocailleuses et c'est ainsi qu'une longue série de regard béta créée une nouvelle amitié.

« J'adore les pokémons avec des airs de débile. Ça leur donne un côté fragile et vulnérable qui t'donne direct l'envie de les protéger. »

Comme si de rien n'est, je reviens sur mon siège en sirotant mon liquide noir et écoutant attentivement les réponses de mon hôte.

Iris me raconte son parcours à la centrale : tout comme moi, elle en sort plus grande et accomplie. Ayant vécu des évènements d'une telle ampleur dans le passé, cette fois ci la jeune fille a su se rendre utile. Je suis contente pour elle !

En revenant sur mon petit canapé, la demoiselle aux cheveux ondulés me fait la grimace, prédisant sa remarque :

« ... je n'ai pas apprécié que tu sois si vulgaire avec mon pokémon. Je sais que ce n'était en aucun cas de la méchanceté gratuite. Et qu'on pourrait croire que je suis frêle, fragile et susceptible ... Excuse-moi. »

Instantanément, mes joues rougissent de honte. N'ayant pas beaucoup appris les bonnes manières, je ne mesure parfois pas l'ampleur de mes mots qui semblent pour moi si inoffensifs. Grattant machinalement ma nuque en détournant plusieurs fois le regard, je me confond en excuse.

« A-ah mais nan c'est moi qui m'excuse ! Désolée. J'mesure pas mes mots parfois, j'ai cette habitude là avec mes pokémons mais c'est pas une raison pour qu'j'dois l'faire avec les autres. D'solée ... »

Je racle ma gorge pour dissiper en vain mon malaise. Ce n'est pas à Iris que je dois chercher à me faire pardonner, mais plutôt à Flagadoss. Même si ce dernier est en plein dialogue non-verbale avec le Racaillou, je prends tout de même la peine de m'excuser à lui. Enfin, je me rabats sur la nourriture pour oublier ma culpabilité. Fort heureusement, Iris n'est pas quelqu'un de si suceptible ni de rancunière. Nous abordons d'autres sujets en zappant ce malentendu.

« Sinon pour mes méga-évolutions, je te les montrerai sans problème. Mais dehors car... c'est assez impressionnant.
- Avec plaisir ! J'en doute pas qu'ce soit impressionnant, j'vois un peu c'que c'est avec Mama ! » je lui répond en portant ma tasse à mes lèvres.

La demoiselle m'interroge d'un ton légèrement taquin :

« Et tu as une copine ? Ou ... ? »

Une nouvelle fois, je m'étouffe avec ma boisson alors qu'Iris rigole comme une petite maline. Le visage cramoisi, je fais semblant de ne pas être touchée par ce quiproquo en rétorquant d'une voix rauque :

« Par c-copine, j'voulais dire dans l'sens qu'c'est ma meilleure amie !, je marmonne dans ma non-barde, Bon-ok-on-s'est-embrassé-une-fois-et-c'était-à-la-centrale-d'ailleurs-puis-on-est-h24-ensemble-comme-un-vieux-couple-mais ça ne veut A-aAabsolument rien dire. »

Je croise mes jambes en fuyant du regard. Décidément, je me mets dans tous mes états ce soir ! Il faut admettre que la fatigue de la journée retombe sur mes épaules et plus nous avancerons dans la nuit, plus je dirai des bêtises. Je racle une nouvelle fois ma gorge avant d'enchérir sur un thème qui ne me causera ni tachycardie ni de remise en question importante sur ma relation avec Astelle.

« Sinon c'est chouette, t'as l'air de bien avancé pour devenir championne ! Moi j'parie que tu finiras par défoncer Auguste. »

J'esquisse un franc sourire à Iris avant d'attaquer une mousse de baie Mago.

« Mmmh ~ et j't'ai dis à quel point tes p'tits gâteaux sont beaucoup trop bons ? »

J'enfonce une grosse cuillerée dans ma bouche en ronronnant de plaisir. Je finis ma sucrerie en deux-deux avant de soupirer avec culpabilité.

« À ce rythme là, j'vais finir par tout bouffer et rien t'laisser ma pauvre ... »

Je me vautre un peu plus dans le fauteuil en tâtant mon bidon rondouillet.

« ... et j'peux dire adieu à mon ventre plat ... »

Je renifle pour faire style de pleurer avant de ricaner avec amusement. Énoncé ainsi, on pourrait me confondre avec une bipolaire hors c'est ma nature d'espiègle qui reprend le dessus.

Mes yeux se lèvent vers ceux d'Iris qui sont cachés derrière sa frange. La demoiselle semble modeste vis à vis d'Auguste en me révélant qu'elle ne se sent pas encore capable de le vaincre mais que ses prouesses se poursuivent. La jeune fille a quatre badges dans la poche et compte empocher son cinquième en défiant le p'tit nouveau : Mikhail. Avec une certaine nonchalance, je réponds à son récit en me grattant la fesse :

« Ah ouais Mikhail ! Moi aussi j'veux aller l'battre là, Ophélie a bien besoin de se défouler et en plus il propose de chouettes épreuves avant d'le défier ! Enfin, c'est c'que j'ai entendu. »

La jeune femme renchérit suite à mes plaintes sur mon appétit :

« Et mange à ta faim, je ne suis pas une grande mangeuse, mais si tu dois te restreindre, je retire ceci de ta vision ! »

Mon regard se décompose à ses dires et mes mots se tient de ma bouche :

« Non, fais pas ça ! »

Mes mains saisissent la coupelle avec les petits fours aux amandes. Mes joues s'empourprent de honte et mes mirettes cherchent timidement celles d'Iris. Cette dernière pouffe de rire, me contaminant à mon tour. Soudain, la demoiselle amorce une interrogation de façon à attiser toute ma curiosité et mon attention.

« Nan t'inquiètes ch'ui pas du genre à me moquer, loin de moi ! Dis moi. »

Je grignotte ma friandise aux amandes sucrées jusqu'à ce que mon hôte me révèle sa question.

« Qu'est-ce... Qu'est-ce que ça fait d'être amoureuse ? L'as-tu déjà été ? »

Je me redresse sur mon siège en faisant les gros yeux. Il faut dire que je ne m'attends pas à ce genre de question ! Un peu troublée, j'avale ma confiserie en prenant le temps d'y réfléchir. Un flashback de tous mes exs défilent dans ma tête avec leurs souvenirs et leurs sentiments laissés. Pour enlever ce goût amère de ma bouche, je termine mon café avant de répondre à Iris.

« Ouais ... Ouais je l'ai déjà été. Plus ou moins. Et puis à la folie. »

Je m'empiffre à nouveau avant de poursuivre, le regard dans les vagues et vidé d'expression.

« C'est pas rigolo l'amour. Ch'ui sortie avec pas mal de gens - même si certains ça durait même pas une semaine - mais ch'ui vraiment tombée amoureuse d'une personne. Et cette p..., je censure de justesse cette insulte, ...ersonne, s'est servie de mes sentiments pour me manipuler jusqu'à me faire dev'nir son toutou d'service. »

Mon corps se contracte et mon visage grimace. Là maintenant, j'aurai bien aimé fumer une clope. C'est alors qu'une image chaleureuse d'Astelle reste bloquée dans ma tête et un léger sourire vient contraster mon malaise.

« ... mais je reste intimement convaincue que l'amour ça peut être chaud et réconfortant. Et que quand c'est réciproque, c'est magique. T'as l'impression d'être invincible et qu'à deux, on peut tout surmonter. Et partager des choses avec quelqu'un, ses peurs, ses rires, ses larmes ... y'a rien de mieux pour oublier à quel point tu es un être insignifiant dans un monde infiniment grand et terrifiant. »

Oulah Manon, ressaisis toi parce qu'à ce rythme tu vas écrire une ôde à l'amour ! Remuant nerveusement du pied, je gobe un nouveau gâteau avant de retourner la question à Iris, l'air de rien :

« Mais la vraie question ! Ma p'tite Iris ... »

Mes fesses glissent sur le bord du fauteuil pour être au plus proche de mon interlocutrice.

« C'est pourquoi toi tu ne l'as jamais été ? T'as jamais eu de p'tits copains ? »

J'esquisse un sourire de harpie en me délectant des réactions de mon amie. La voir aussi gênée me donne davantage envie de la taquiner. Voilà que les sujets croustillants vont débouler sur la table !

Un sourire taquin s'élargit sur mes lèvres. Iris n'est vraisemblablement pas très à l'aise sur ce sujet, me révélant alors qu'elle n'a jamais eu de relations amoureuses auparavant. Cependant, en écoutant la suite son récit, mes airs amusés disparaissent pour laisser place à une mine plus sérieuse. La demoiselle se confie d'elle même sur son passé.

« Avant mon accident, je n'en avais pas conscience, comme la quasi-totalité des enfants de cet âge. Et après... J'ai eu une année complète entre le mini-comas, l'acceptation, être collée à l'hôpital. »

Ouch. Passer quelques précieuses années d'enfance et d'adolescence à l'hôpital, cela ne doit clairement pas être fun. Je me souviens des visites récurrentes de mon papa à l'hosto et cet atmosphère qui pue la mort me donne encore la gerbe. Je n'imagine pas la solitude qu'a pu vivre cette fille là-bas.

« Puis les années qui ont suivi, j'ai eu la rééducation, l'acceptation que mes jambes n'étaient normalement pas « réparables », j'ai fait une dépression qui m'a obligée, selon mes désirs, je l'avoue, à faire des cours à domicile car je ne voulais pas aller à l'école. »

Quel cercle infernal. Recluse du monde, la demoiselle s'est coupée de toute relation sociale, d'une partie de sa vie. Cela n'a pas du arranger les choses lorsqu'elle a du se confronter aux autres par la suite. Émue mais silencieuse, j'écoute la suite de son histoire.

« Alors j'ai beaucoup lu, j'ai demandé à certaines personnes, mais je ne sais pas si un jour je remarquerais que je suis amoureuse ou aimée. Je ne sais moi-même pas si du fait d'avoir été recluse, je ne serais pas asexuelle, si je suis hétérosexuelle ou toute autre orientation sexuelle. C'est légèrement frustrant, je ne sais pas quoi en penser, quand j'entends qu'une amie s'est mise en couple, puis une autre, l'autre est en couple depuis longtemps, que toi, tu as embrassé une fille, je ne peux pas en dire autant. Est-ce que cela fait de moi une personne inintéressante à ce sujet ou en général ? »

J'ai terriblement envie de répliquer mais je m'abstiens le temps qu'elle finisse sa confession. Après un rire amère, Iris me remercie pour ma réponse futile avec son minois tristounet. Alors, à ma façon, je la rassure.

« Crois pas que les meufs qui parlent de leurs mecs sont plus intéressantes que toi. Avoir quelqu'un qu'on aime, ça sert pas à te rendre plus intéressante loin de là. »

En recherchant dans ma mémoire les conversations interminables avec mes copines et les disputes avec ma sœur vis à vis des garçons, je tire la tronche.

« Pire ... parfois les gens qui parlent de leurs plans sont plus chiants qu'aut' chose. Mais le problème ne vient pas de là ! »

Je me lève de mon siège pour m'approcher d'Iris. Non loin d'elle, je m'installe sur le tapis en faisant mine de jouer avec Roger qui me snobe totalement.

« Et puis tu sais, on a chacun son rythme pour évoluer. Y'a des gens y sont encore puc... enfin ils trouvent pas l'amour avant 30 ans donc t'es trèès loin de devenir un mage noir au niveau 360 enfin j'veux dire, t'es encore toute jeune, toute fraîche et toute belle donc faut pas que tu te fasses de soucis là-dessus ! »

Je glousse de rire pour apaiser l'atmosphère avant de regarder Iris.

« Tu verras, souvent on trouve l'amour au moment où on s'attend le moins. En attendant, fais ce qui t'semble le mieux pour toi ! »

Je me relève avant de faire face à la demoiselle.

« Si tu veux absolument pécho, j'veux bien m'transformer en Dider coach en séduction et t'aider à t'faire des contacts ! Ou alors, tu restes comme tu veux et tu réalises les objectifs qui te tiennent à cœur. T'es pas d'accord ? »

Les bras croisés et la hanche sur le côté, j'esquisse un grand sourire brillant et réconfortant à mon amie.

Remarquant le sourire d'Iris revenir sur ses lèvres, je suis soulagée que mes mots aient pu la réconforter. Elle mérite pas d'aller mal, elle mérite d'être heureuse comme tout à chacun.

« Comme je te l'ai dit, je ne suis pas actuellement à la recherche de l'amour, ça viendra quand ça viendra, comme tu dis, donc je fais mes objectifs et nous verrons. » me rétorque la jeune fille en clignant malicieusement de l'oeil.

Je ricane avec elle en posant ma paluche affectueuse sur sa tête. Avant d'aller reprendre ma place, Iris me fait une proposition que j'attends implicitement depuis le début :

« Tu aimerais aller te reposer dans un jacuzzi ? Tu peux y ramener quelques uns de tes pokémons, s'ils sont sages... et petits. Sinon je peux emmener tes pokémons dans leur dôme de type pour qu'ils s'amusent ? »

Mes mirettes s'illuminent et je réagis aussitôt :

« Carrément ! Je vais envoyer ma p'tite troupe dans les airs de jeu, ils méritent de bien se reposer. Et puis ch'uis chaud pour  le jacuzzi ! Tiens, tu veux que je t'aide à débarrasser ? »

Je commence à réunir la vaisselle sur un plateau avant de questionner avec innocence mon hôte :

« Mais tu veux pas venir avec moi au jacuzzi ? Autant qu'on profite à deux, on pourra continuer à papoter ! Par contre j'vais devoir repiquer ton maillot parce que, évidemment, j'ai pensé à r' en venant ici ! »

Je la regarde avec un sourire d'enfant impatient d'aller barboter.

Je prends l'initiative de débarrasser la table avec Iris. Plus vite ça sera fait, plus vite nous pourrons aller se détendre ! Mon hôte me demande si je vais porter le même maillot que la dernière fois ce à quoi je rétorque :

« Ouais j'vais le remettre ! Il m'allait pas trop mal, j'vais pas r'passer deux heures à r'chercher un autre maillot. »

Un ricanement bref, je saisis la pièce qu'Iris me tend. Nous allons nous changer chacune de notre côté avant de nous rejoindre dans la salle de bain.

Alors que la demoiselle s'installe timidement dans la baignoire, je retire la serviette qui me saucissonne avant de sortir une Pokéball.

« Ça t'gêne pas si j'invite chouchou à la baignade ? Iel n'est pas très encombrant et puis iel est gentillielel, je galère à prononcer le mot sans risquer de vexer mon Lampéroie, comme tout ! »

Libérant mon joli monstre non-binaire, celui-ci s'enroule autour de mon corps, de la cheville jusqu'à la tête. Après une courte présentation de mon Lampéroie, nous entrons dans la baignoire en poussant un soupir rauque et grossier.

« AAAHHH ça fait du bieen. »

Les bulles chatouillent notre peau et l'eau chaude détend nos muscles. Bercé par les remous, Chouchou s'endort aussitôt tandis que j'allonge mes jambes jusqu'à Iris.

« C'est cool, ta baignoire est suffisamment grande pour deux ! »

Les bras posés sur les rebords, je bascule ma tête en arrière avec un sourire ravi.

« Il manquerait plus qu'un verre de champagne et là j'aurai l'impression d'être Viviane la bourgeoise du seizième ! »

Une question indiscrète poppe dans ma cervelle. Je me redresse doucement pour ne pas réveiller ma bestiole puis je me penche vers Iris pour lui chuchoter mon interrogation.

« Au fait dis moi ... ch'ais pas si c'est super discret comme question, mais toute cette oseille, tu l'as gagné grâce à ta pension ouu ..? »

Je l'envie un peu cette jeune fille. Nous avons à peu près le même âge et sa situation financière est aux antipodes de la mienne.

Iris répond aimablement à mon interrogation indiscrète. En écoutant son récit, j'ai l'impression que ses parents sont bourrés d'amour et de bonnes intentions pour leur fille. Même si la vie de cette dernière n'a pas toujours été facile, elle a su surmonter ses difficultés tout en étant bien accompagné. Je lui répond d'un sourire tendre en ajoutant une remarque.

« T'as l'droit de t'la péter, c'est mérité. C'est chouette que tes parents t'ont soutenu jusqu'au bout et pour autant t'es superbe débrouillarde et t'as accompli l'un de tes rêves, j'trouve ça trop cool. »

Je pense un instant à ma situation qui est complètement différente. Je me dis toujours être un vilain petit canard qui doit affronter la vie de plein fouet que j'en oublie mon entourage bienveillant et ma situation financière moins catastrophique. Lorsque la demoiselle me retourne la question, je lève les yeux au ciel en rétorquant très relax :

« Ne t'en fais pas pour moi, je m'en sors pas mal en ce moment. Récemment ch'ui partie avec ma meilleure amie faire une chasse au trésor ! Et devine quoi ? On en a trouvé un ! C'était laborieux mais ça valait le coup, j'ai pu revendre quelques breloques donc financièrement, je m'en sors assez bien. Et pis, si j'arrive à vaincre Yokoss et que j'prends mon rôle de dresseuse plus au sérieux, y'a moyen que j'me mette bien ! »

Mes mirettes brillent plus que d'habitude. Je réalise à présent avoir un objectif précis qui me motive plus que jamais. Il faut dire qu'Astelle y est pour beaucoup, elle me pousse à révéler le meilleur de moi-même et anime cette flamme naissante dans mon cœur si sombre. Brusquement, mes joues commencent à rougir, probablement à cause de la chaleur du bain.

« En tout cas Iris, c'est adorable que tu m'proposes de m'héberger. Pour le moment j'vais à Kishika mais le jour où j's'rai deter' à battre Capucine, je serai ravie de dormir chez toi ! »

Je ris nerveusement en songeant au regard sombre de la championne avec son Mammochon ultra vénère. Je doute la défier aussitôt mais je trouverai d'autres excuses pour crécher chez Iris. Je change soudainement de sujet en m'intéressant aux différentes options du jacuzzi. Curieuse, je questionne mon hôte avant d'appuyer sur quoique ce soit – me connaissant je serais capable de faire exploser la baignoire.

« Hey dis moi, y'a plusieurs modes pour ton bain ? Les bubulles c'est trop cool mais j'suis curieuse de voir qu'est ce qu'y'a d'autres ! Et Chouchou aussi j'suis sûre, regarde comment il vit sa meilleure vie ! »

Chouchou ne pipe pas mot, dormant paisiblement contre le buste de sa maman. Je glousse de rire avant d'ajouter :

« J'sais que ça donne des sueurs froides aux gens quand je me baigne avec mon Lampéroie mais c'est tellement un amour, jamais il pètera un câble et encore moins dans ce jacuzzi ! Ça fait longtemps que je l'ai pas vu aussi détendu, c'est pas maintenant qu'il va nous cramer. »

Le sourire niais, j'adresse une caresse à mon pokémon en attendant les réactions de mademoiselle Iris.

C'est avec étonnement que j'apprends la fermeture de l'arène de Windoria. J'ai l'impression d'être complètement à la ramasse, n'étant pas au courant de la nouvelle. De toute façon, c'est pas demain la veille que j'affronterai la glaciale Capucine.

Iris répond à ma curiosité quant aux différentes options du jacuzzi. Mon oreille frémit lorsqu'il entend le mot « massage ».

« Massage !? »

Concerné, Chouchou ouvre l'œil. Je commence à bidouiller les différentes fonctionnalités en jubilant comme une gamine. Après avoir trifouillé les boutons, je choisis égoïstement l'option grosse bulle. Un ronronnement de plaisir s'échappe de ma gorge, trahissant ma satisfaction ultime.

« Aaah c'est trop bon ! Moi aussi quand j's'rai riche j'aurai une bête de jacuzzi. J't'inviterai dans ma villa.
- Voir un pokémon Electrik dans l'eau surprend, oui. Mais je te fais confiance, donc je me suis vite reprise. Et si tu me dis que, en plus, c'est un amour, j'ai deux fois moins de raison de m'inquiéter.
- Ah nan mais ouais y'a 0 soucis ! Tu peux l'toucher si tu veux, tu vas voir il a la peau siiii douce ! J'kifferai bien qu'ma peau soit pareille. »

Je ricane d'aise presque par automatisme. C'est alors qu'Iris m'interroger à propos d'Astelle. Sans m'en rendre compte, mes joues rougissent et je bégaie quand je tente de lui répondre.

« Qu-quoi, je la vante tant qu'ça ? »

Je ris toute gênée avant de racler ma gorge et me redresser pour avoir l'air plus sérieuse.

« Elle s'appelle Astelle, Astelle Dumas. Obligée tu dois la connaître, elle travaille à la Dracoposte et sert du courrier partout dans la région ! À l'occase, j'te la présenterai. »

Préférant changer de sujet pour ne pas rougir davantage, je pose une question malaisante à Iris.

« Sinon toi y'a pas des p'tits minots ou des ptites minettes qui tu t'intéresses ? Les meufs sont plutôt bonnes dans la région et les mecs n'ont pas l'air trop moches. »

Un rire gras s'échappe de ma gorge. Sacrée moi, je ne peux pas m'empêcher de me métamorphoser en beauf quand je suis dans un bain huppé.