La route était longue entre le mont Yukori et Artiesta. Très longue. Et si d’ordinaire d’en aurait profité pour dormir un peu, la tête appuyée contre la vitre de l’autobus, c’était chose difficile à faire dans les conditions actuelles. Parce que t’étais nerveuse. Angoissée, même. Parce que alors que tu laissais ton Tiplouf s’amuser dans cette grotte givrée dans laquelle vous vous êtes retrouvés, finalement, il s’est blessé. Et donc, naturellement, t’es inquiète. Tu t’inquiètes pour lui. Et ça te rend mal. Parce que t’as un peu l’impression que c’est de ta faute. Parce que t’aurais peut-être dû insister un peu plus pour rester plus tôt. Parce que t’aurais aimé pouvoir le protéger de tous les maux de ce monde, comme tu aimerais le faire pour tous tes pokémons. Alors voilà, t’es pas bien. Vraiment pas bien. Et donc dormir n’est pas vraiment une option te concernant.

Ton changement d’autobus se fait à Windoria et si la logique aurait voulu que tu montes dans le second pour pouvoir rentrer le plus rapidement possible à Artiesta, quelque chose accroche ton attention. Une pension pour pokémons, dont tu vois l’affiche non loin de là où t’es descendue de ton autobus. Tu t’y diriges d’un pas décidé, rapide aussi, te disant que tu pourrais peut-être y trouver quelque chose pour aider ton pokémon. Il n’y avait aucun centre pokémon au mont Yukori et tu ne sais malheureusement pas où se trouve celui de Windoria. Tu pourrais, certes, chercher sur ton téléphone, mais tu te dis que tu pourrais aussi trouver de l’aide à la pension. Tu l’espères du moins.

Tu pousses donc la porte alors que la soirée est déjà bien commencée, heureuse de constater que la place est encore ouverte. Après tout, s’il n’est pas si tard, le soleil a déjà quitté le ciel depuis quelques temps déjà donc t’as eu peur de te retrouver confrontée à une porte fermée. Mais bon, ce n’est pas le cas, et, du regard, tu cherches quelqu’un pouvant potentiellement t’aider. - Bonjour, eh, je suis désolée de déranger mais je ne connais pas trop le coin et j’ai un pokémon, mon Tiplouf, qui s’est blessé en jouant sur la glace… C’est rare que ta voix se montre aussi timide, presque nerveuse. C’est rare que tu ne débordes pas d’enthousiasme ou encore de confiance. Mais là, t’es toujours aussi inquiète, toujours aussi mal. Et t’aimes pas te sentir comme ça. Et si tu sais que soigner ton pokémon ne chassera pas ce sentiment d’insécurité qui est né en toi suivant sa blessure, ça permettrait au moins de passer outre l’inquiétude.

C’est une jeune femme en chaise roulante qui vient vous accueillir. En tant normal, ça aurait éveillé ta curiosité mal placée et peut-être que tu lui aurais posé quelques questions indiscrètes sur le sujet, et ce, jusqu’à ce qu’elle te rappelle que c’était impoli d’agir de la sorte et que toi tu en viennes à réaliser que ce n’était peut-être pas la meilleure des choses à faire que de raviver des souvenirs potentiellement désagréables. Mais bon, heureusement, t’as l’esprit ailleurs, ton inquiétude se faisant plus présente que le reste et tu passes donc outre ce détail pour simplement la suivre sans rien ajouter.

Elle te demande d’installer ton Tiplouf sur le canapé et c’est ce que tu fais, déposant ton petit pokémon aux couleurs chatoyantes, différentes des autres représentant de son espèce, à l’endroit désigné. - C’est tout bête, on jouait dans la grotte givrée sur le flanc du mont Yukori et il a glissé et il s’est fait mal et je sais pas trop en fait. Tu te perds un peu dans tes mots, dans tes explications. - Je lui avais dit qu’on devrait rentrer mais il fait plus frais là-bas qu’à Artiesta donc il voulait rester et bon moi je voulais le laisser s’amuser et là bah ça s’est pas passé comme je le croyais et il va bien aller hein ??? Tu paniques un peu sur la fin de ta phrase. Parce qu’au final, en l’instant présent, c’est vraiment tout ce qui t’importe.

S’il allait bien aller.
S’il allait s’en remettre, surtout.

Tu la regardes faire, toujours avec cette inquiétude qui se fait sans doute ressentir, qui doit presque en être palpable. Pourtant, tu as confiance en elle. Tu as plus confiance en elle qu’en toi, à vrai dire, pour soigner ton pokémon. Parce qu’elle semble s’y connaître. Parce qu’elle travaille dans une pension. Sa Gardevoir aussi t’inspirait confiance. Peut-être parce que Nathan aussi avait une Gardevoir. Peut-être parce que toi-même tu avais une petite Tarsal qui, un jour, serait aussi grande et majestueuse qu’elle.

Tu hoches doucement de la tête à ses mots, tentant de répondre à son sourire. Le tient semble moins convaincu, plus fatigué aussi, mais, au moins, tu lui souris. - Merci encore. Tu prends aussi note dans ton esprit qu’il allait devoir être calme pour la semaine à venir. Chose difficile, le connaissant, mais bon, pour cette fois-ci, tu te montrerais plus intransigeante. Tu n’avais pas trop le choix, de toute façon, si tu voulais qu’il se rétablisse. - Un thé, s’il te plaît. Tu n’as jamais aimé le café. T’as jamais vraiment aimé le thé non plus. Toi, ton truc, c’est le chocolat chaud. Parce que t’es encore une gamine et que t’aimes les trucs sucrés.

- Je suis contente de savoir que c’est pas trop grave. Ça permet de chasser un peu de ton inquiétude. Ça ne chasse malheureusement pas tous tes doutes, ceux qui sont remontés sans trop que tu ne puisses le contrôler. Ceux qui te font sentir comme inapte. Comme si tu ne devrais pas avoir tous ces pokémons. Parce que t’es trop jeune. Pas assez responsable. Et que, de ce fait, il y a des choses comme ça qui se produisent. - C’est ta pension ? Un peu curieuse, cherchant aussi à faire un peu la discussion, le temps de boire ton thé et que ton Tiplouf se repose un peu.

Toi qui avait opté pour un thé, dès lors que les effluves du chocolat chaud te parviennent, tu sais déjà que ton choix est fait. Tu tends donc la main vers la tasse, y ajoute quelques guimauves, tout ça alors que ton sourire s’étire. C’est réconfortant, un chocolat chaud. Du moins, t’as toujours trouvé que ça l’était. Ça te rappelle les froides journées d’hiver que tu pouvais passer devant un feu, soit avec ta meilleure amie ou alors avec ton père. Puis bon, c’est moins amer que le café ou le thé donc, décidément ce que tu préfères. - Merci. T’as l’impression que tu fais que ça, en fait, la remercier, depuis que t’es arrivée ici. Comme quoi tu sais te montrer polie par moment.

T’es aussi contente qu’elle te rassure, qu’elle te dise que ton pokémon va bien aller. Ça te permet de penser un peu à autre chose, comme de t’intéresser à la pension, par exemple. Et c’est donc le plus naturellement du monde que tu lui demandes. - C’est pas trop dur de gérer tout ça compte tenu de ta situation ? Ça t’échappe. Les mots franchissent tes lèvres trop rapidement pour que tu puisses retenir ta question, pour que tu puisses faire preuve d’un minimum de tact. T’es assise sur le canapé, une tasse de chocolat chaud à la main, ton Tiplouf se reposant non loin de toi et donc, naturellement, t’as décidé de te montrer curieuse. Sans doute un peu trop.

Elle aurait pu s’insulter de ta curiosité mal placée. Te faire comprendre de façon plus ou moins agréable que ça ne te regardait pas, que ce n’était pas un sujet qu’elle souhaitait évoquer. Mais non, rien de tout ça. Elle te répond en affichant toujours ce sourire que tu trouves réconfortant. Ce sourire chaleureux. Il semble se dégager un certain calme de cette jeune femme, quelque chose impossible à trouver chez toi. Alors tu trouves ça agréable, d’être assise là, sur ce canapé, un chocolat chaud à la main, à te reposer après une longue journée dans le froid et, surtout, un long moment de stress entre le mont Yukori et cette jolie ville dans laquelle tu venais d'atterrir.

- Les dômes ? Tu inclines un peu la tête sur le côté, la questionnant donc vis-à-vis de sa réponse, pas certaine de savoir exactement ce de quoi elle te parle. - C’est cool que tu puisses compter comme ça sur tes pokémons ! Les miens sont trop jeunes encore et trop petits pour que je puisse imaginer faire un truc comme ça avec eux. Et bon, heureusement pour toi, t’es pas dans la même situation qu’elle. Cependant, ce que tu dis n’est pas faux, après tout, il n’y a qu’à voir ton Tiplouf pour s’imaginer que tes pokémons font tous à peu près cette taille-là.

Puis vient une question et tu pesterais presque contre toi-même. Avec tout ça, t’avais effectivement oublié de te présenter tout comme de lui demander son nom. - Moi c’est Jade ! Avec un sourire se voulant un peu plus enthousiaste que précédemment. - Et lui c’est Salvador. En désignant ton Tiplouf qui se repose tranquillement, semblant avoir besoin d’une bonne nuit de sommeil après s’être amusé toute la journée dans la neige et sur la glace. - J’ai cru comprendre que ta Gardevoir s’appelle Précieuse, non ? Petite question lui étant adressée alors que c’est ce que tu as cru entendre un peu plus tôt. - Et toi, tu t’appelles comment ? Tu serais bien heureuse de pouvoir mettre un nom sur le visage de celle t’ayant aidé.

Elle t’explique alors comment fonctionne sa pension et toi, t’es assez impressionnée. Il y a des dômes pour tous les types de pokémons, que tous puissent se sentir à l’aise dans un environnement qui leur convienne. Tu ne peux alors que te demander s’ils sont malheureux lorsqu’ils ne sont pas dans un environnement convenable, si tes pokémons sont tristes, par exemple, d’avoir à vivre chez toi plutôt que dans la nature ou encore dans l’eau. Parce que tu l’as bien vu avec ton Tiplouf qu’il avait beaucoup aimé le froid et la neige, qu’il s’était amusé et avait vraiment voulu profiter du moment et de l’endroit.

Était-ce donc méchant de ta part que de le garder ainsi avec toi ?

Cette question tourne dans ton esprit alors que la jeune femme se présente à son tour. Tu réalises en entendant son nom qu’il ne t’est pas inconnu. L’a-t-elle dit sans que tu y portes vraiment attention ? Oui, c’est possible. Tu pourrais t’excuser, parce que tu n’as pas été attentive, mais tu préfères laisser couler. - Enchantée. Une réponse simple mais efficace, dite avec un sourire agréable. Et lorsqu’elle te propose de rester, ta réaction ne se fait pas attendre. - Non, c’est gentil mais ça va, j’ai un bus que je dois prendre et… Tu marques une pause en regardant l’heure inscrite sur ton téléphone. - J’ai raté mon bus.

Tu fronces un peu les sourcils, semblant soudainement embêtée de ce fait. - Je pense que c’était le dernier pour ce soir en direction d’Artiesta. Ce qui ne semble pas te plaire, t’empressant donc d’aller voir s’il n’y en avait pas d’autres. - Parce que je ne voudrais pas t’embêter davantage, tu as déjà fait beaucoup en m’aidant avec Salvador. Et en calmant tes inquiétudes, aussi. Tu soupirs, te mordilles un peu la lèvre inférieure. - Je suis vraiment désolée. Finalement, tu sais pas trop quoi lui dire de plus. Parce que t’as vraiment pas envie de t’imposer ou de l’embêter mais, là, tout de suite, tu manques très clairement d’option.

Ah oui, en effet, ça devait peut-être être difficile pour elle de voyager, la majorité des autobus n’étant pas adaptés pour ceux ou celles à mobilité réduite. Tu tentes donc un petit sourire, l’air de t’excuser silencieusement, comme si tu t’étais mise les pieds dans les plats. Ça ne serait pas bien surprenant, c’est quelque chose qui t’arrive souvent, parce que t’as pas pour habitude de réfléchir avant de parler. T’as pas pour habitude de réfléchir, en fait, tout simplement. Tu te soucis rarement des conséquences de tes actions et de tes paroles et, jusqu’à maintenant, ça ne t’a pas trop porté préjudice. Sauf peut-être aujourd’hui avec la blessure de ton Tiplouf.

- Ah, oui, sans problème. Pour qu’elle te tutoie. T’avais fait la même et si tu pouvais tenter l’excuse qu’elle ne semblait pas être bien plus vieille que toi, la vérité c’est que tu ne le fais jamais. Tu ne vouvoies jamais les autres. Tu trouves que c’est une perte de temps. Que c’est compliqué. Que ça te demande de réfléchir et, franchement, t’as pas envie de t’embarrasser avec quelconque forme. Que ça plaise ou pas, c’était pas trop ton problème.

Tu réponds à son sourire tout en prenant une autre gorgée de ton chocolat chaud. - C’est vraiment gentil de ta part. Et bien sûr que je serais respectueuse ! T’as l’impression de l’être. Certes, tu ne l’as pas vouvoyer mais, autre ça, t’as pas l’impression de lui avoir manqué de respect ou te t’être montrée désagréable à son égard. Ou alors, si tu l’as été, t’as aucune idée d’à quel moment et donc, tu ne peux pas trop t’excuser. Tu préfères te dire que c’était seulement par prévention, parce qu’elle t’offrait tout de même de t’héberger pour la nuit et de faciliter ta vie en plus de laisser le temps à ton pokémon de se reposer. - Mais eh… Et je veux pas abuser mais tu n’aurais pas un petit truc à manger ? Parce que bon, tu avais prévu manger quelque chose une fois de retour chez toi, ce qui est un peu compromis pour le moment.

Elle n’avait pas besoin de s’excuser, ce que tu t’empresses de lui faire savoir. - Oh, vraiment, c’est rien, il est tard en plus. Il était donc normal qu’elle n’y ait pas pensé. Puis bon, même si généralement tu te soucis pas trop des autres, ou, plutôt, tu te soucis pas trop de si tu les déranges ou pas, c’est un peu différent avec elle. Parce qu’elle, elle t’a aidé, elle a su calmer un peu la panique que tu avais ressenti en voyant ton pokémon blessé et, surtout, elle l’avait soigné. T’as donc vraiment pas envie de la déranger, pas plus que tu as envie de lui imposer quoi que ce soit. C’est rare que ça t’arrive, même avec ta meilleure amie tu ne fais pas preuve d'autant de considération, mais là, vraiment, t’as pas envie qu’elle se sente mal ou qu’elle s’excuse ou tu ne sais trop quoi.

Ou qu’elle en fasse trop, même. Parce que tu écoutes ce qu’elle te propose et, si tout te semble plus que tentant, ça semble aussi être beaucoup de boulot. Du moins, plus que ce que toi tu aurais fait pour quelque chose à manger à cette heure-ci. - Hm, bah, naturellement la pizza. Évidemment la pizza. C’est toujours la pizza lorsqu’on te donne le choix. - Mais vraiment, je veux pas non plus que tu te forces à cuisiner. Si tu as des biscuits ou des petits gâteaux ce serait parfait aussi. Et tu lui fais un joli sourire tout en prenant une autre gorgée de ton chocolat chaud. - Ou, alors, je peux peut-être t’aider à cuisiner ? Si elle y tient à faire des pizzas. Parce que c’est vrai que, maintenant qu’elle en a parlé, ton estomac se manifeste, faisant donc entendre ta faim dans un bruit pas très chic. - Je suis plutôt pas mal en cuisine, même. Que tu prends la peine de préciser, alors que ton père t’a appris très jeune à préparer les repas avec lui. Pas tant parce qu’il te l’avait imposé que parce que tu avais fait ta crise pour apprendre à découper du poisson.

Il avait donc été décidé que tu allais l’aider. Tu déposes alors ta tasse sur la table devant toi avant de te lever, non sans jeter un coup d’oeil à ton Tiplouf qui n’avait pas bougé depuis que tu l’avais déposé sur le canapé non loin de toi, semblant dormir paisiblement. Tant mieux. Parce que tu peux te concentrer sur la tâche qui était désormais la tienne, à savoir quoi mettre sur les pizzas. - Base sauce tomate c’est très bien. C’est ce que tu lui dis face à son hésitation, parce que toi, c’est ce que tu préfères. Tu ouvres ensuite le frigo, cherchant quelques trucs des yeux, les sourcils légèrement froncés, te demandant subitement ce que t’as envie de mettre sur ta pizza. Et alors que tu évalues les possibilités, que tu pèses le pour et le contre de certains ingrédients, elle te prend un peu de court avec sa réflexion.

- Comment ça, pas très utile ? T’es sincère dans ta question. Il n’y a aucune critique, aucun sous-entendu, tu te demandes juste ce qui a pu l’amener à penser comme ça. - Au contraire, moi je trouve que tu en fais déjà beaucoup. Tu as soigné mon pokémon, tu m’offres de rester ici pour la nuit, tu m’as offert une tasse de chocolat chaud, tu prépares des pizzas… Non, franchement, c’est vraiment beaucoup hein. Et tu lui adresses ton plus beau sourire pour la rassurer avant de finalement attraper du pepperoni ainsi que du fromage. Voilà, rien de bien compliqué, une pizza classique, ça devrait aller. Tu déposes alors tout sur le comptoir, à côté de celle qui t’a accueilli dans sa pension. - Tu veux que je m’occupe de les préparer ? Tu lui offres de t’en occuper parce que, comme tu lui as dit, elle en a déjà fait beaucoup pour toi. Plus que ce que tu aurais cru et ce à quoi tu t’attendais.

T’avais déjà insisté qu’elle avait déjà beaucoup fait, et donc, que tu n’avais aucun problème quant à t’occuper de la pizza. Tu sors même du frigo tout ce que tu prévois mettre sur les pizzas, à savoir donc tu fromage et du pepperoni. Rien de bien compliqué, rien de farfelu, t’aurais peut-être pu opter pour de la saucisse ou encore des oignons, mais bon, il commençait à se faire tard, tu avais eu une journée chargée et tu préférais donc y aller pour la simplicité. - Je m’occupe pas de tout, la preuve, tu t’es occupée de la pâte et de la sauce ! Tu dis ça avec beaucoup de conviction, lui faisant ainsi savoir que tu ne t’occupais pas de tout et qu’elle n’avait pas à se sentir mal pour ça. Elle t’accueillait ici, t’offrait à manger, le tout sans rien te demander de plus, c’était donc la moindre des choses que tu aides.

Tu fais ensuite mine de réfléchir alors que tu coupes le pepperoni lorsqu’elle te demande si tu ne voudrais pas quelque chose à boire. - Du soda s’il te plaît. Tu disposes des ingrédients sur la pizza, de la mozzarella ici et là et voilà qu’elles sont prêtes à aller dans le four. - Je suis pas certaine de combien de temps elles doivent cuire par contre. Voilà, tes connaissances s’arrêtent là. C’était généralement ton père qui faisait cuire les pizzas lorsque vous en faisiez à la maison. - Mais est-ce que toi aussi tu avais faim ?? Une question qui te vient alors que tu l’observes. - Parce que vraiment, comme j’ai dit, j’aurais pu manger autre chose plutôt que te faire sortir tout ça. T’essaies juste de te rassurer qu’elle ne s’est pas déplacée jusqu’à la cuisine et qu’elle ne t’ait pas proposé des pizzas juste parce que tu as fait un caprice. Même si bon, il est peut-être un peu trop tard pour y changer quoi que ce soit.

Une quinzaine de minutes alors. Tu les mets dans le four tout en t’assurant de mettre la sonnerie pour dans dix minutes. Après tout, elle t’a dit que ça pouvait prendre un peu moins de temps donc t’allais les surveiller après dix minutes. Tu la vois ensuite mettre les couverts sur la table en plus du soda, ce que tu lui avais demandé, avant qu’elle ne te rassure qu’elle aussi, elle avait faim. Ça va alors, t’as pas vraiment fait un caprice et tu n’as pas à t’en vouloir pour la déranger. Tu l’entends ensuite se reprendre, voir même se justifier un peu et t’es pas certaine de ce pourquoi elle le fait. Est-ce que c’est par peur que tu interprètes mal ce qu’elle te dit ? Oui, très possiblement, chose qui te surprend un peu, ne serait-ce que parce que tu ne comprends pas trop. Sûrement parce que tu ne te soucies pas vraiment de ce que les autres peuvent penser de toi.

Te rapprochant de la table, tu tires une chaise pour y prendre place, te tournant de sorte à faire face à la propriétaire des lieux. - Je me demandais, et tu peux me le dire si c’est indiscret, hein. Parce que t’as cette fâcheuse manie de ne pas trop avoir de filtre quand tu parles, d’être aussi trop curieuse, tant pour ton propre bien que celui des autres. Et donc, tu lui fais savoir que ce n’est pas parce que tu lui poses une question qu’elle est obligée de te répondre. Au cas où. - Mais comment est-ce que c’est arrivé ? Voilà, tu as demandé. Tu lui as demandé pourquoi est-ce qu’elle ne marche pas. Et t’as aucun doute que, si Jun était avec toi, elle t’aurait dit de te taire, comme quoi ça ne se faisait pas. Mais bon, elle n’est pas là. Parce qu’elle t’ignore. Mais ça, c’est pas l’important pour le moment.

Il est rare de te voir aussi silencieuse mais, par respect pour ton interlocutrice et cette histoire qu’elle accepte de te parler, tu te tais. Tu as ton regard levé vers elle, lui accordant toute ton attention sans toutefois dire quoi que ce soit. Tu la laisses parler, la laisses te raconter toute son histoire, cependant surprise par ce qu’elle te dit. Suicune ? T’es pas très aux faits des pokémons légendaires, pas très intéressée par tout ça, sauf peut-être ceux qui sont mignons, mais le nom te dit quelque chose. Assez pour te faire comprendre qu’il s’agissait d’un moment rare, potentiellement unique. Une chance inédite qu’elle croyait avoir. Et ce, avant que le drame ne la frappe. Un moment d’inattention. Et tu te figes un peu lorsqu’elle termine son histoire.

Parce que, sur le moment, suivant ses mots, t’as eu un peu peur. Pas tant peur pour elle, le mal étant malheureusement déjà fait, mais peut-être un peu peur pour toi. Parce que c’est clairement le genre de choses que tu ferais. Ne pas être assez vigilante, te mettre en danger.

Risquer potentiellement ta vie et celle des autres.

Tu préfères toutefois chasser ces pensées désagréables de ton esprit pour finalement répondre. - Je suis désolée pour toi. Tu sais pas trop quoi répondre dans ce genre de situation, finalement un peu mal à l’aise sur ton siège. T’aurais peut-être dû ne rien dire, ne rien demander. - Et cette Tarsal, c’est Précieuse ? Tu penses avoir compris ça mais t’as juste envie de confirmer. Tu tends ensuite le bras pour attraper la bouteille de soda et t’en verser dans un verre avant d’en prendre une gorgée. - Et maintenant, ça va mieux ? Le tout avec une pointe d’inquiétude. Après tout, elle t’a dit avoir environ une dizaine d’années lorsqu’elle a été happée par une voiture, cependant, t’es pas certaine de l’âge qu’elle a en ce moment.

T’es pas non plus certaine que tu t’en remettrais un jour, si une telle chose devait t’arriver.

Tu ne savais pas vraiment pour les Tarsal, et ce, même si Nathan t’a sûrement déjà expliqué tout ça un jour ou l’autre. Il allait vraiment falloir que tu apprennes à porter plus attention à ce que les autres te racontent ou de moins oublier aussi les informations qui te sont données. Dans tous les cas, tu hoches un peu de la tête, croyant que l’histoire s’arrêtait là et, finalement, t’es surprise de l’entendre continuer, de partager quelque chose qui semble un peu plus douloureux. Quelque chose qui lui semble un peu plus difficile à partager. T’es presque tentée de l’arrêter pour lui dire de ne pas se forcer si elle n’en a pas envie mais, finalement, ta curiosité prend le dessus puis il y a aussi que tu en viens à te dire que, si elle t’en parle, c’est peut-être parce qu’elle a besoin d’en parler.

T’es un peu prise de court et tu ne sais pas trop quoi lui répondre, ne serait-ce que parce que tu n’y connais rien à sa situation. Mais t’essaies tout de même de te montrer réconfortante. - Je pense qu’il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse, pas de bon ou mauvais choix. Ça… Tu désignes sa chaise roulante. - C’est devenu ta réalité, ce que tu connais, et c’est normal d’avoir peur du changement. Tu cherches un peu tes mots. - Donc je pense que l’important, c’est d’y aller à ton rythme, selon ce que toi tu veux et de pas laisser les autres dicter comment tu devrais vivre ta vie ou ce que tu devrais faire. Tu dis ça avec un sourire empli de bienveillance et d’innocence, espérant la détendre un peu, mais, surtout, de lui faire savoir que tu ne la jugeais pas parce qu’elle était effrayée. C’était normal et tu pouvais comprendre.