Leonard était en sueurs. Le plan initial était de porter sa petite Ange dans une sorte d’écharpe porte-bébé. Et de laisser son gros sac à dos (avec ses affaires d’Eclipse ET les affaires d’Ange) à la responsabilité du lucario.

Mickey… Le pokemon qui ne s’épuise jamais au passif de kelptomane. Le pokemon qui a besoin de courir et de faire des saltos. Impossible de confier une telle tâche de portage à Mickey. Leonard avait donc récupéré le sac à dos.

Il s’était donc présenté en sueurs à la pension d’Iris comme prévu. Il attendait que quelqu’un lui ouvre (vienne le chercher ? je ne sais pas à quoi ressemble l’entrée de la pension) et baissa les yeux sur sa petite Ange. Elle avait les cheveux violets de sa maman et semblait avoir hérité du calme de son papa.

*En tout cas, elle dort. *

Aujourd’hui, le programme était de visiter la pension d’Iris comme ils l’avaient tous deux programmé il y a deux jours de ça chez les Sextant/Alambra. Deux jours qui étaient passés rapidement. Son énergie partagée entre son projet de Machine et sa nouvelle vie de famille.

*Mais je ne regrette rien. Je suis fatigué mais je ne regrette rien. *

Effectivement, Leonard bailla et présentait des débuts de cerne. Entre les nuits d’Ange et les courtes nuits de recherche sur le Réseau : Leonard trouvait difficilement un rythme pour se reposer convenablement.

« Bien que l’Eclipse en moi soit excité au plus haut point, mes parents m’ont bien éduqué. Ce sera donc un thé pour commencer, s’il te plaît. »

Leonard baissa les yeux. Ange dormait toujours profondément. C’était une bonne nouvelle.

« Puis, pour tout te dire, me poser quelques minutes et m’asseoir ne sera pas de refus. Mickey a beau être un super pokemon, il n’en reste pas moins un hyperactif incapable de rester en place. »

Le lucario incriminé se retourna après avoir effectué un énième salto arrière. Un regard noir de Leonard le fusilla sur place. Mickey baissa la tête, sa façon de s’excuser. Encore. Mais… Leonard lui sourit. Ce qui était un problème. Il ne parvenait pas à être dur avec sa famille. Et il craignait de ne pas être assez sévère le jour où il le faudrait avec Ange.

« Et toi alors, ça va ? Je trouve qu’il y a quelque chose sur ton visage qui me rappelle le mien ce matin dans la glace de la salle de bain. Je sais ! Une impression de fatigue. Tu dors bien la nuit ? »

Leonard vit le lucario et le gallame se rapprocher. Il était très curieux de savoir qui allait épuiser l’autre. Ou pire ! Est-ce que les deux allaient combiner leur énergie pour être encore plus… énergique ?

*On verra avec l’avancée de cette journée. Il y a d’autres choses à penser pour le moment. *

« Tu devrais prendre le temps de dormir. S’il le faut, je t’enverrais des SMS le soir : ah ah ! Quoique… vu la tête que j’ai, je ne suis pas en droit de te dire une telle chose. »

Iris faisait l’exposé de ses préparations. Leonard était ravi qu’elle y mette autant de sérieux. Pourtant, il n’allait pas pouvoir dire oui à tout juste pour lui faire plaisir. Ange était un petit être humain qui requérait mille précautions. La petite Ange était encore bien fragile.

« C’est vraiment gentil ce que tu as préparé, Iris. Mais je vais devoir te poser une ou deux questions qui vont peut-être mettre à mal ta préparation. D’avance, désolé. »

Leonard vérifia une énième fois qu’Ange dormait bien. Elle eut un petit mouvement mais ce n’était rien. Elle rêvait et devait probablement courir gaiement ou voler dans le ciel avec le géant roucarnage de son papy.

« Est-ce qu’il y a des barreaux autour de ton lit ? Parce qu’il ne faudrait pas qu’Ange tombe. J’ai prévu une paire de talkie-walkie dans mon sac. Si c’est assez sur pour elle, je l’y laisserai et la surveillerais à distance. Et… je dois te demander. C’est quoi l’œuf sur tes jambes ? »

« J’aime bien l’idée qu’Ange soit au centre de ton nid douillet. Je te fais confiance, je l’y laisserais tout à l’heure. Je demanderais également à Gael de veiller sur elle. En plus de parler avec elle si besoin, il servira à la caler. »

Se rendant dans le salon, Leonard eut une impression de déjà-vu. La table préparée lui faisait penser à la sienne. Aux siennes, au pluriel. Parce qu’il avait accueilli plus d’une personne suite au message qu’il avait laissé sur le Réseau. Leonard remercia donc Iris de ses efforts et du contenu sur sa table. Une fois installé, et après avoir observé rapidement les environs de la pièce, il se concentra de nouveau sur son interlocutrice.

« Après avoir bu notre thé, je serai curieux de rendre visite à cet œuf dans l’incubateur. Si c’est possible, bien entendu. »

Leonard hésitait à parler de suite de leur Projet commun. La politesse voudrait qu’ils prennent le temps de converser de tout et de rien autour de ce thé sucré qui allait les réchauffer de l’intérieur. Mais la perspective d’être entouré d’autant de pokemons et de personnes bienveillantes à leur égard lançait tout doucement la machine qu’était sa tête.

« Iris. Est-ce qu’il se passe quelque chose de particulier quand un pokemon sort de son œuf ? Le premier contact avec un être humain ou un pokemon est déterminant pour son évolution ? »

Leonard but une gorgée de son thé.

« C’est intéressant comme anecdote. »

Dans sa tête, les images de la sidérella s’occupant des œufs et des bébés pokemons tournaient en boucle. Il voulait aller voir tout ça.

Leonard but une gorgée de son thé puis une deuxième avant de reposer la tasse.

« J’aimerais beaucoup aller voir la salle où les pokemons découvrent le monde. Les voir apprendre à marcher ou voler doit être magique. En plus de ça, je me dis qu’il se passe surement des événements uniques. C’est la première fois que le bébé pokemon avance tout seul. Ca doit être plein de premières fois. Comme la première fois qu’il communiquer avec un autre pokemon ou humain. Je pense que ça va être une expérience formatrice ! »

L’excitation montait. Il but ce qui restait dans sa tasse en cul-sec. La chaleur grimpa vite dans sa gorge. Il en résulta une grimace.

Leonard était content de passer du temps avec Iris. Elle avait cette même joie et cette même volonté que lui. Gare aux dépressifs ! Ils ne le resteraient pas longtemps s’ils s’approchaient du duo.

Le thé se termine et les deux se lèvent pour aller visiter la chambre de la petite Ange. Leonard sourit en découvrant le lit aménagé. Il y dépose son enfant avec d’infinis précautions et ajoute un petit commentaire :

« On dirait vraiment un nid. C’est mignon. »

Leonard appelle Gael hors de sa pokeball. Le boskara apparait après le faisceau rouge. Il s’approche rapidement de l’enfant humain. Ce n’est pas la première fois qu’il s’occupe de la petite. Il pose son museau sur la tête de l’enfant. Cette dernière, toujours en train de dormir, posa sa petite main sur la tête du pokemon. Elle sourit alors qu’elle dort.

« Je compte sur toi, Gael. Je laisse le talkie-walkie à côté. Juste au cas où. »

Leonard donne une caresse à Gael. Puis il dépose un bisou sur la joue d’Ange. Il se relève enfin et se rapproche d’Iris.

« Je suis prêt. Allons voir les bébés pokemons ! »

« Ne t’inquiète pas, Iris. Je sais que tu essaies de tout faire bien et que tu ne t’en fiches pas de ma petite Ange. Pour preuve, tu lui as préparé un nid parfaitement sécurisant. »

Est-ce qu’Iris s’inquiétait plus pour sa fille que Leonard ? Ça y ressemblait et ça faisait sourire Leonard. C’était agréable de ne pas être le seul à devenir paranoïaque pour protéger une petite vie qui avait besoin de quelqu’un pour survivre. Avant de devenir autonome. Avant de ramener des garçons à la maison. Des problèmes ?...

Finalement, voilà qu’ils arrivent à la pièce où se trouvent les œufs. Mais ils continuent leur chemin pour aller dans l’autre pièce où les bébés pokemons apprennent les premières choses. Marcher. Voler. Ou encore grogner pour se tirer des attentions de la sidérella. Certains sont déjà rebelles à leur âge et cherchent déjà à quitter la structure familiale. C’est rigolo.

« Waouh. Ce lixy est magnifique ! »

Leonard s’agenouilla pour se mettre au même niveau que le pokemon chromatique. Tout le reste ne comptait plus. Il était dans l’observation. Le lixy cherchait à marcher mais semblait avoir des difficultés à rester sur ses petites pattes. Mais… les chutes ne lui faisaient pas peur et il se relevait à chaque fois. Leonard comprit alors quel était la nature du grognement. Ce n’était pas de la colère envers la sidérella. C’était envers lui-même pour sa propre faiblesse. Ce pokemon chromatique semblait posséder une sacrée dose de motivation ! Il ne se laisserait pas abattre par la vie et les emmerdes qui tenteraient d’entraver son chemin.

Totalement absorbé par le spectacle du bébé pokemon livrant bataille contre la vie, il en avait oublié la politesse la plus élémentaire et avait éclipsé Iris de son esprit…

« Oui, pardon, quoi ? »

Iris venait de tirer Leonard de son observation du lixy.

« Pardon, j’étais absorbé par ce lixy. Tu vas peut-être trouver ça idiot mais j’ai été absorbé par ses couleurs. Comme si je regardais le ciel, l’univers même. Et que ce grand espace et cet immense vide m’attirait vers lui. »

Leonard se releva. Il se sentait gêné d’être « parti » comme ça. Ce n’était pas de bonnes manières pour quelqu’un qui visitait et-

« Tu as dit qu’il n’a pas de famille ? »

Les mots d’Iris venaient seulement de passer dans son conscient. Son cœur trop bon ne pouvait accepter ce fait. Il se rendait également compte que ce n’était peut-être pas une bonne idée de visiter une pension. Il comprenait également pourquoi il n’avait pas pu en ouvrir une. Trop gentil, il acceptait toute la misère du monde. Trop bon, il cherchait à aider quiconque en avait besoin.

« Personne n’a cherché à lui donner de l’amour à cette petite boule de poils pleine de volonté ? »

« Oui. C’est vrai qu’il est magnifique. »

Mais il n’était pas là pour ça. Le sujet principal était la Machine et comment utiliser la pension d’Iris pour enrichir le Projet. Leonard commença alors à faire quelques pas dans la pièce, les bras croisés et un doigt venant ensuite tapoter son menton.

*Les bébés pokemons. Les bébés pokemons. Qu’est-ce qu’ils peuvent m’apprendre ? Qu’est-ce qu’ils ont à offrir ? Ils sont encore innocents. Ils ont zéro expérience. Ils ont donc un regard totalement différent. Que voient-ils ? *

Leonard finit par s’accroupir et observer un bébé evoli. Le pokemon typique qui contenait en lui-même une myriade de possibilités d’évolution. Leonard trouvait cette espèce fascinante. Et aujourd’hui, il avait la chance d’en voir un nouveau-né.

Derrière lui, un autre pokemon l’observait. Un bébé lixy chromatique qui se désintéressait de Sidérella. Péniblement, il tentait de marcher sans tomber pour se rapprocher de Leonard. Mais l’Eclipse ne se rendait pas compte de ce qu’il se passait : plongé dans ses réflexions.

« Iris. Je suis désolé. Je dois t’avouer que pour le moment, mon esprit ne trouve aucune nouvelle piste. Et je ne sais même pas quelle question te poser. Pour toi, tout c’est ton normal. Tu ne dois plus avoir ce regard qui se pose sur les nouveautés intéressantes. A moins que je me trompe ? »

« Ah ! Pardon, je ne voulais pas te mettre mal à l’aise ! »

Leonard se tourna vers Iris et agita ses mains devant lui comme si le geste pouvait dissiper le malentendu. Il réalisa alors pourquoi elle lui parlait du lixy qui… se trouvait maintenant tout près de lui.

Il ne l’avait même pas entendu arriver.

« Est-ce que c’est moi qui a un coup de cœur pour ce lixy ou lui ? »

Leonard s’accroupit tout en souriant à Iris et au pokemon chromatique. Ses couleurs et sa volonté était hypnotisantes pour l’Eclipse. Dans sa tête, une voix lui disait que sa famille était déjà assez grande comme ça. Cette même voix lui disait qu’il y avait la petite Ange à s’occuper. Mais… il savait également qu’il repartirait de cette pension avec ce lixy. Il sourit de nouveau. Il ne servait plus à rien de lutter.

« En fait, je ne suis pas désolé de te faire douter. C’est quelque chose d’important. Je veux dire, remettre en question ce qu’on connait, ce qu’on a l’habitude de voir et faire. Parfois, on s’est tellement habitué à quelque chose, qu’on ne se rend plus compte. Je vais te donner un exemple très simple et pas du tout lié à notre Projet commun. »

La main de Leonard s’approcha du lixy. Le pokemon baissa la tête, en posture de se défendre s’il y avait une attaque. Leonard arrêta son geste mais laissa sa main non loin de la tête du lixy.

« Tous les jours le soleil se lève. Tous les jours il se couche. Jusque-là tu es d’accord avec moi ? Mais as-tu remarqué les couleurs que le soleil donne à l’île quand il se lève et se couche ? As-tu pris le temps dernièrement de redécouvrir ces quelques minutes éphémères où tous les décors que l’on connait si bien sont auréolés de cette lumière orange ? »

Un petit choc. Le lixy s’était rapproché de la main de Leonard et cherchait à en vouloir plus. Leonard sourit et put ainsi lui donner la première caresse.

« Mon nouvel enfant ? »

Leonard n’avait pas tout de suite compris. Iris parlait du lixy.

« Je crois que je vais être obligé : ah ah ! »

La petite queue en forme d’étoile bougeait de gauche à droite. Il était heureux de recevoir des caresses de l’humain.

« La Machine va devoir attendre. Je suis désolé, Iris. Je ne pensais pas faire ce genre de découverte en venait visiter ta pension. »

Ses doigts venaient gratter en-dessous son menton maintenant. Les yeux du lixy se fermaient de bonheur et il faisait de petits bruits mignons.

« Je ne sais pas comment ça se passe. Mais s’il y a des choses à payer ou d’autres formalités à remplir, je le ferai. »

« Ça a l’air simple. Je m’attendais à des complications administratives. Et je n’aime pas ça. »

Sidérella tenta de caresser le dos du lixy. Mais ce dernier se courba pour éviter le contact. Il tourna la tête et grogna.

« Hey ! Pourquoi tu fais la tête ? Chut. S’il te plaît. Elle était gentille avec toi avant que je n’arrive. »

Avec l’expression de son visage, Leonard s’excusa auprès de Sidérella. Ça le peinait, bien sûr. Mais ça lui procurait également une forme de joie. Car le comportement du pokemon chromatique témoignait du lien qui était en train de se former entre eux deux. Leonard lui caressa alors son pelage magnifique et les grognements cessèrent très vite.

« Il va falloir que je te trouve un nom, petit bonhomme. »

Fronçant les sourcils, l’Eclipse se rendit compte qu’il faisait peut-être erreur.

« A moins que tu sois une demoiselle ? Iris, tu connais la réponse ? »

Leonard dut retirer sa main soudainement à cause d’une douleur. De minuscules arcs électriques sautaient dans le pelage du lixy. Une façon pour le pokemon de témoigner d’une émotion ?

*De l’électricité ? Ça me fait penser à un ordinateur. Et donc à la Machine. Est-ce que… est-ce que je tiendrais une piste ? *

C’était donc une femelle. Et elle semblait vouloir essayer de lui communiquer quelque chose.

« Je me demande si les petits éclairs qui la parcourent sont une forme de communication. De là à dire que c’est le coup de foudre entre elle et moi : ah ah ! »

Une douleur égale une information. Non, ce n’était pas une bonne formule. Un courant électrique égale une information spécifique. Ça, c’était mieux. Un ordinateur. Ça devait fonctionner comme ça. Avec de l’électricité et des informations.

La prenant avec ses deux mains en-dessous ses pattes, Leonard rapprocha la bouille du lixy de son propre visage.

« Je crois que tu vas pouvoir m’aider à créer ma Machine, toi. »

Elle aimait bien Leonard mais n’aimait pas être privé de sa liberté à marcher. Elle se débattait déjà.

« Je te repose, voilà. C’est mieux ? »

*Electrique. Lumière. Idées. Illumination ? *

Une chaîne de pensées venait de baptiser la lixy chromatique.

« Je crois que tu vas t’appeler Illumination, toi. Illumi en diminutif est mignon, je trouve. »