« C’est intéressant comme idée, ça ! »

La petite lixy restait aux pieds de Leonard. Elle commença à frotter sa frimousse contre sa jambe.

« C’est clairement une voie à explorer. Mais ça ne suffira pas. Je prends tout simplement le cas d’Esmeralda, la staross qui m’accompagne tout le temps. Je suis quasiment certain qu’il n’y a aucun cerveau derrière l’apparence physique que nous voyons. »

Leonard reprit Illumination dans ses bras. Si elle se frottait contre lui, c’est qu’elle demandait de l’attention. Mais sitôt qu’elle revint danses bras, coupé du sol et de la liberté de marcher où elle voulait quand elle voulait : elle recommença à se débattre dans ses bras.

« Je sens que tu ne vas pas être une femelle facile, toi. Ah ah, ce n’est pas grave. Voilà, je te repose par terre. »

Illumination fit quelques pas pour s’éloigner de Leonard et partir en exploration. A l’échelle d’un humain, la salle était petite. Mais à l’échelle d’un bébé pokemon, ce devait déjà être une aventure.

« Stella et Marius qui sont les deux êtres qui forment l’exagide. Le cas est encore plus significatif. Une épée et un bouclier animés par des forces d’outre-tombe, faute de meilleure terme. Il n’y a rien d’organique dans cette espèce. Et pourtant, elle est clairement en possession de moyens intellectuels. »

« Ne te prends pas la tête comme ça. »

Leonard n’avait pu s’empêcher de sourire en voyant Iris s’engluer dans des hypothèses et des contre-hypothèses toute seule.

« Je souris mais je ne me moque pas de toi. Je suis juste amusé de voir que tu te prends au jeu. Et je dois avouer que ça me fait plaisir ! »

Illumination s’éloignait mais les yeux de Leonard ne la quittaient plus. Elle était désormais sous sa responsabilité et c’était une tâche qu’il prenait au sérieux. Il avait la responsabilité de cette vie. C’était une tâche à ne pas sous-estimer.

« Un métalosse, tu as dit ? J’ai lu quelque chose une fois. Sur le Réseau probablement. Attends, laisse-moi me souvenir avant que je ne dise une bêtise. Oui, voilà. J’avais lu qu’un métalosse était la fusion de deux métangs. Et que chaque métang était déjà la fusion de deux terhals. C’est vrai ? Parce que cet article concluait que cette race de pokemon était très intéressante car possessive de quatre cerveaux. Tu as déjà pu confirmer cette intelligence qui doit être époustouflante ? »

Le retour de l’expression de curiosité de l’Eclipse ! Même Illumination venait de repasser en seconde position dans ses priorités.

« Ne soupire pas. »

Leonard posa la main sur l’épaule d’Iris.

« Même quand nous nous trompons, nous progressons. Car toute erreur est une voie que nous savons qu’il ne faut pas emprunter. Ça diminue le nombre de trajets possible et nous rapproche forcément de la solution ! »

Son raisonnement était peut-être simpliste. Mais le ton et le sourire de Leonard attestaient clairement qu’il y croyait dur comme fer. C’était une de ses forces. Une conviction qui allait même au-delà des improbabilités.

« Je crois sincèrement que ton métalosse pourrait nous être d’une grande aide. Vraiment ! Imagine. Un seul être qui se coordonne parfaitement avec quatre cerveaux. S’il n’y a pas là l’évidente volonté de communiquer malgré les différences, autant que j’abandonne tout de suite notre Projet, tu ne crois pas ? »

Ses yeux se baissèrent vers la lixy à la robe chromatique. Une idée passa rapidement dans sa tête. Elle était à peine un brouillon mais Leonard se sentit la volonté de la dévoiler à voix haute :

« Et si ton métalosse s’associait à Illumination ? Je me demande quel genre de résultats ça pourrait donner… »

Son esprit commençait déjà à chercher comment lier les capacités propres des deux pokemons. Peut-être que c’était une impasse. Peut-être. Mais comme il l’avait dit : même les erreurs permettent de progresser.

*Une association de deux pokemons ? Ce sera ça l’idée importante ? *

Leonard sourit aux dernières questions d’Iris comme s’il était un vieux sage qui était satisfait de l’éveil de son élève. Une image qui était passée rapidement dans sa tête mais qui était fausse. Lui aussi était un élève sur le chemin des connaissances. Mais l’idée d’un jour de donner en héritage ses connaissances lui faisait plaisir. C’était même une façon de donner sens à sa vie, en fait.

« C’est vrai que ce sont des questions basiques. Dans la même catégorie, je pourrais te poser celle-ci : pourquoi deux et deux font quatre ? »

Ses souvenirs s’en allèrent dans la période de sa vie où il apprenait à signer pour communiquer avec Camille. Puis la suite où ils avaient dû donner une variante à ce langage gestuel pour l’adapter à la morphologie de l’étoile rigide. Un projet excitant dont il était encore très fier aujourd’hui !

« Honnêtement, je n’ai pas encore les réponses à ces questions. Car elle s’applique également aux humains. Après tout, est-ce qu’on voit vraiment la même couleur orange dans les yeux d’Illumination ? Comment fait-on pour s’accorder à dire qu’on ressent tous les deux de la joie alors que ce sont des sentiments personnels et non quantifiables par des procédés scientifiques ? »

Son discours avait de quoi dérouté. Le grand chercheur à la tête d’un projet révolutionnaire qui annonçait à quel point leur manque de connaissances était un abime sans fond.

« La Communication au sens large est une Enigme insoluble : ah ah ! Et nous sommes tous les deux fous de vouloir y apporter une réponse. »

Fou, peut-être. Mais motivé : à fond ! Preuve en était de ce pouce dressé vers le plafond en direction d’Iris.

« Ce n’est ni bête ni indiscret. »

Pourquoi ça l’aurait été ? Leonard ne comprenait pas. Aucune question n’était bête car c’était grâce à elle qu’on en apprenait toujours plus. Et il ne voyait pas pourquoi indiscret. Après tout, il n’était pas question de nudité ou de problème personnel.

« Elle s’est intéressée au projet. Au début en tout cas. Mais, honnêtement, je ne suis pas certain que ça l’intéressait. Je pense qu’elle l’a fait parce que nous avons liés nos deux vies. Mais cette troisième vie que nous avons créé tous les deux est devenu plus important que mon rêve de communication inter-espèces. »

Oui, vraiment, après avoir donné la réponse Leonard ne voyait rien de bête ou d’indiscret dans la question d’Iris.

« Je repense à ton métalosse. Tu accepterais qu’il soit relié à une machine pour une expérimentation ? Mon idée n’est pas réfléchie et je la lance comme elle me vient. Mais, en gros, je pense à le brancher à un ordinateur via une prise USB. Quelque chose dans le genre. »

*Et s’il fallait modifier le corps du métalosse pour lui ajouter un accessoire pour le brancher en USB. Je pourrais le faire ? Ou est-ce que je tombe déjà dans le piège du savant fou qui ne voit plus les limites morales ? *

« Je me doute que les métalosses ne sont pas équipés en USB. »

Grand sourire parce que ça ressemblait quand même à une bonne plaisanterie après coup.

Puis l’humeur changea du tout au tout. Un visage bien plus sérieux. Et trop de sérieux sur le visage toujours souriant de Leonard devenait en quelque sorte effrayant.

« Cette idée m’a fait réaliser une chose : la frontière entre innovation et hérésie est fine. Je ne vais pas te le cacher, une partie de moi voyait déjà un métalosse disséquer et améliorer via la technologie humaine. Un peu comme un cyborg, tu vois ? »

Leonard n’était pas fier. Pourtant… pourtant la perspective d’évolution restait intéressante. C’était la première fois que Leonard se trouvait sur une telle frontière. Devant un tel abime dans lequel plongé se révélait tellement attirant…

Il en résulta que le regard de Leonard alla dans le vague. L’Eclipse était en position mentale d’équilibre. Son esprit pas tout à fait convaincu qu’il fallait abandonner tout de suite l’évolution 2.0 du métalosse…

L’expression horrifiée d’Iris était la confirmation des craintes qui avaient traversé ses pensées. Leonard était allé trop loin. Cette idée qu’il avait énoncée : c’était celle d’un savant fou qu’il fallait à tout prix combattre.

« Pardon, Iris. Bien sûr que je ne souhaite faire de mal à aucun pokemon. C’est juste que… »

Comme tout être humain, Leonard avait une facette sombre. Et il découvrait que selon la situation, il était facile de faire ressortir les mauvais côtés et de les justifier. Le pire ? L’idée ne voulait pas s’enfuir de sa conscience. Elle restait dans un coin de sa tête, attendant le moment de faiblesse où elle pourrait ressortir.

« Oui oui, ton idée est bonne. Je ne peux pas te confirmer tes termes car je ne suis pas un Eclipse de laboratoire. Je suis plutôt du genre à randonner toute la semaine et à chercher des Pierres aux propriétés spéciales et des trésors oubliés. »

Chasser les mauvaises ondes ! Faire revenir la bonne humeur et les sourires. C’était ça le plus important. Donc Leonard sourit. Un vrai sourire chaleureux qui ne trahissait pas du tout l’idée de savant fou émise quelques instants auparavant.

« Je sais ce qu’il faut que je fasse. Ecrire un message sur le Réseau et expliquer notre idée sur des forums. Avec un peu de chance, un ou une curieuse qui passera par là sera intéressée par le sujet et y répondra avec les termes techniques qui nous manquent. En parallèle, on pourrait également se rendre au Laboratoire et leur demander si le projet est faisable. Voire si quelqu’un travaille déjà sur un sujet identique ? Qu’est-ce que tu en penses ? »

Leonard a un petit rire amusé.

« Tu t’attendais à ce que les réponses tombent dans nos mains rapidement ? Non, ne t’inquiète pas. C’est tout à fait normal. La science avance à coup de nombreux essais et expérimentations. L’objectif étant de changer un seul paramètre à la fois pour éliminer/corriger un problème petit à petit. »

Il s’accroupit pour donner une caresse sur la tête d’Illumination qui était revenu voir l’humain qu’elle avait choisi.

« Donc oui, on a fini pour aujourd’hui. Je m’occuperais de lancer une recherche sur le Réseau et je vérifierais les réponses régulièrement. Ne t’en fais pas pour ça. Toi, occupe-toi bien de ton métalosse. »

Prenant la lixy chromatique dans ses bras, cette dernière prétexta de se débattre au début pour montrer qu’elle était un pokemon indépendant. Mais très vite elle profita des marques d’attention que lui donnait Leonard.

« Si tu veux bien, je te propose de continuer à visiter ta pension ? »