Ce matin, tu t'étais levée. Comme à peu près à chaque matin, d'ailleurs. C'était le principe même d'un réveil - mais bref, tu t'étais levée, et comme à chaque jour, tes cheveux étaient en bataille. Tu avais déambulé jusqu'à ta salle de bain, histoire de remettre un peu d'ordre dans ta chevelure argentée. Tu te remémorais ta petite soeur, Vai'ata, qui avait héritée de ta couleur de cheveux, elle aussi. La majorité des Ehu-kai arboraient une couleur chocolatée sur le crâne, mais vous, vous étiez les moutons noirs - ou blancs ? - capillaires.

Pour ton petit déjeuner, tu avais mangé une omelette. Avec des champignons. Très importants les champignons ! Est-ce qu'il y a vraiment des gens en deux-mille-vingt-et-un qui mangent des omelettes sans champignons ? Si c'était le cas, tu les jugeais. Fort. Parce que tu aimais juger, mais c'était affectif - un peu, ça dépendait des gens, en fait. Genre Mana'arii, tu le jugeais, mais tu l'aimais. Vaheana tu ne la jugeais pas, parce que vous étiez trop similaires, ce serait comme te juger toi-même, et ce serait bizarre. Tu n'étais pas méchante Eva'nii, c'était même tout le contraire, mais sans l'expliquer, tu aimais te donner un air. Un air inaccessible, et visiblement, les bitchs sont inaccessibles.

Bien. Tu avais le ventre plein, ta chevelure ne ressemblait plus à une scène de crime, et tu avais nourris ton monstre. Pour info, ton monstre, c'était Kaya'Miwa. Elle était agressive et un peu misanthrope sur les bords, ta Héricendre. Mais c'était encore pire lorsqu'elle n'avait pas mangée, tu ne pouvais clairement pas la laisser se balader dans la nature dans cet état.

Tu avais pour idée de prendre un bol d'air aujourd'hui - te promener dans les alentours d'Artiesta pour y découvrir de nouveaux coins, de nouvelles rues, des endroits inexplorés ; tu n'avais pas pris le temps de simplement profiter d'une marche de santé, depuis un petit moment. Tu te disais que cela pouvait faire du bien à ton Pokémon, aussi. Mais également, tu te demandais si Kaya' ne se sentait pas seule, parfois. Peut-être que si elle avait un copain avec qui s'amuser lorsque tu travaillais, ou lorsque tu batifolais, ou lorsque tu - bref, peut-être qu'un second Pokémon dans ton équipe serait à envisager. Tu commençais à te prendre au jeu de dresseuse, tu aimais bien ce rôle, mais tu n'avais pas beaucoup d'expérience, si ce n'était la théorie que tout le monde connaissait déjà. Tu avais envie d'apprendre à entraîner des bébêtes. Tu aimais les challenges. Et Kaya'Miwa, c'était un véritable challenge. C'était sans doute le pire challenge que tu pouvais avoir en tant que dresseuse débutante mais franchement ? Ça te dérangeait pas, tu aimais ça. Et puis, vous aviez un bon lien malgré son caractère de merde.

En parlant de la créature, vous aviez à peine franchi le pas de la porte que Kaya' t'avait ramené un objet non identifié. Ça ressemblait à un bout de papier, le coin était brûlé ; sans doute à cause de la chaleur to-rri-de de Kaya'. Curieuse, tu l'avais pris dans tes mains, et tu avais vite réalisé qu'il ne s'agissait pas d'un simple bout de papier ; c'était une photo. Un polaroid, plus précisément. Vous savez, ce genre de cliché vintage. La photo était floue, mais tu semblais y apercevoir un chantier. Un chantier avec des caméras, des flashs ; cela semblait provenir du tournage d'un film.

Une minute ! Cet endroit me dit un truc, je suis presque certaine d'avoir entendu parler d'un chantier abandonné dans le coin. Kaya', on va voir ?

Avait-elle le choix sachant que tu étais déjà en train de gambader en direction de votre future destination complètement improvisée ?
La bonne réponse était : bien sûr que noooon.
Mais de toute façon, Kaya' te suivait dans toutes tes péripéties, dangereuses ou pas, idiotes ou pas, peu importe, elle te suivait. Elle faisait souvent la moue, mais c'était son côté tsundere, tu le savais. Donc t'avais aucun scrupule.

Ce polaroid t'avait intrigué. Tu avais bien dit avoir entendu parler d'un chantier abandonné. Or, sur la photo, le chantier était bel et bien en activité, avec du matériel et des gens qui travaillaient. Cette photo, elle ne datait pas d'hier. Pourquoi s'était-elle retrouvée près de ton domicile ?
Tu voulais en avoir le coeur net, parce que y avait un truc pas net. Mais même si ça semblait pas net, toi, tu allais voir net. Net.

Le chantier abandonné se dresse devant vos yeux ébahis ; en effet, il se trouve qu'il ne se passe... strictement rien, ici. Logique, puisque c'était le principe d'un chantier abandonné. Décevant., te dis-tu, mais après quelques secondes d'attention, tu remarques une petite activité. Ce n'était pas ce que tu imaginais, genre vraiment pas, mais c'était mieux que rien. Il y avait un Opermine au loin, ce Pokémon pas très beau et chromatique qui déplaçait des pierres. Il tentait de se construire... un abri ?
Tu ne comprenais pas ses motivations, mais une chose était sûre - il n'apparaissait pas sur le polaroid que tu avais trouvé. Du coup, cet Opermine n'était pas la clé de tout ce mystère.

Hey, p'tit bonhomme ! Tu t'avançais de la créature, avec Kaya'Miwa qui grognait un peu plus fort à chaque pas franchis. Tu roulais les yeux, tout en riant. Incorrigible petite bête, décidément, toi qui songeait à lui capturer un futur camarade, tu allais reconsidérer la question ; sinon, tu allais te retrouver avec une marre de sang chez toi, causée par ta Cyndaquil. Ce n'était pas l'objectif désiré. Qu'est-ce que tu fais, t'essayes de te construire une maison ? J'doute que ce chantier soit le meilleur endroit que tu puisses trouver... Tu t'étais approché de la pile de pierres et, à ta grande surprise, il y avait quelque chose à l'intérieur. C'était un carré blanc, semblable à celui qui sommeillait dans ta poche en ce moment même ; un second polaroid.

AH ! Tu essayais de cacher les preuves, hmmmmm... Je le savais.
Tu fusillais du regard l'Opermine, qui te regardait comme si tu étais une demeurée. Ce que tu étais très probablement, d'ailleurs, mais passons. Tu avais ramassé la photographie vintage afin de l'analyser. Elle était légèrement différente de celle que tu avais trouvé près de chez toi, mais ton énorme cerveau avait directement compris quelque chose ; en les mettant côte à côte, les polaroids se complétaient, comme un puzzle.

De fil en aiguille, tu comprenais que tu allais devoir trouver plusieurs polaroids afin de compléter le dit puzzle. Clairement, ces photos n'étaient pas là par hasard ; il y avait quelque chose de louche avec ce chantier. Et toi, Eva'nii, tu allais comprendre ce qui s'était passé ici.

Le dernier qui me ramène un Polaroid est un Galifeu mouillé !
Évidemment, l'Opermine traître participait.
La provocation, ça fonctionnait sur n'importe qui. Et surtout sur Kaya' qui était déjà en train de retourner l'endroit à l'envers...