Cette ficelle invisible que je me dois de préserver Impatient, le Lougaroc ne cessait de gigoter alors que j’essayais désespérément de l’équiper de son harnais. Certes, ce n’était pas un vulgaire Voltoutou destiné à donner la patte et demander un susucre, mais tout de même… Animal sauvage ou pas, il était mon compagnon pour une aventure de plus, et force d’expérience, je savais que l’équipement contenu dans les sacoches de son harnais pouvait s’avérer utile. Étant déjà plus que chargé, je ne pouvais que confier le surplus de notre matériel à mon cabot insolent. Dans une plainte surjouée, Yukan avait refermé avec une lenteur théâtrale sa gueule sur l’une de mes mains. Menace inefficace… J’avais soupiré. Il avait remué la queue, m’arrachant un sourire. Malgré le temps et son évolution, Yukan restait toujours le même, au fond. J’avais doucement retiré ma main de sa bouche pour lui caresser doucement la tête, profitant sournoisement de cet instant de complicité pour fermer la dernière sangle du harnais. Comprenant la supercherie, le Lougaroc avait poussé un aboiement mécontent. La journée promettait déjà d’être fatigante…
Parfaitement équipé pour l’occasion, ayant sans la moindre gêne profité de l’argent de la guilde pour parfaire mon matériel d’exploration, je m’étais senti l’âme d’aller ne pas risquer ma peau dans une caverne située non loin de la ville de Feranium. Lieu de culte d’un Pokémon qui n’existait que dans l’imagination collective, l’endroit semblait valoir le détour. Même si j’appréciais découvrir de nouveaux endroits, parcourir de nouveaux chemins aux paysages uniques, voir le monde et vivre sa grandeur, j’avais surtout besoin d’une petite journée de complicité avec mon fidèle loup. Ces derniers mois, je m’étais tant focalisé sur l’entraînement de mes dragons, notamment d’Akuro, que le Lougaroc avait recommencé à pousser des appels au crépuscule, dans l’espoir de rencontrer un congénère et de combler une solitude crissante. J’ignorais si je m’en étais rendu compte à temps… Mais l’enthousiaste du Pokémon Roche, à l’idée d’explorer cette caverne, me rassurait sur le fait qu’il n’était peut-être pas encore trop tard pour renouer notre lien.:copyright:️ 2981 12289 0
Dusk
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cette ficelle invisible que je me dois de préserver | akari
Les cavernes sont paisibles. La saison, encore fraîche, dissuade les touristes : seuls les plus aguerris s'aventurent par ici à cette période de l'année. La fonte des neiges les plus solides et les couches de verglas qui se forment sur la roche n'encouragent pas les explorateurs inexpérimentés à tenter l'aventure. Ils attendent la sécurité des beaux jours. Alors, toi… Tu as la chance d'avoir la voie libre ; la caverne presque pour toi tout seul. Il faudra attendre un peu avant d'atteindre les murs prétendument sacrés qui renferment le semblant d'autel dressé en l'honneur d'un légendaire disparu… Mais, au moins, la route est tranquille.
Plus on s'enfonce dans les caverne, et plus elles sont belles ; les routes sont parfois sinueuses et s'ouvrent sur des précipices, et l'on entend de l'eau couler loin en dessous. Quelquefois, le plafond s'ouvre sur une brèche qui permet à la lumière d'entrer. De çà, de là, on croirait discerner des pierres précieuses dans les murs, dont on saisit un éclat ou deux du coin de l'œil, fugaces et volatiles. Autant dire que des voyous, équipés du bon matériel, pourraient aisément s'enrichir.
Mais toi, tu es là pour d'autres choses, pas vrai ? Qu'en dis-tu si je te dis que tu es en train de t'écarter des chemins principaux et que, si elles avaient l'air parfaitement solides vus de loin, les allées que tu empruntes sont instables ? Est-ce que tu les sens, les roches qui tremblent à votre passage ? Est-ce que tu les entends, les rocailles qui s'en vont se fracasser en contre-bas ? Et, là, le sol derrière vous n'est-il pas en train de se fissurer ?
Cette ficelle invisible que je me dois de préserverDès l’entrée de la caverne, le Lougaroc ne pouvait plus contenir son excitation, sautillant sur place, tournant sur lui-même, tant il était impatient de découvrir ce nouvel endroit. Il avait poussé quelques aboiements, l’écho lui avait répondu. Se prenant au jeu, la queue remuant de plaisir, Yukan s’était disputé avec la caverne, échangeant une série de grognements et de menaces sonores. Je lui avais alors fait signe de ne pas me donner mal à la tête alors que n’avions même pas encore posé le pied à l’intérieur de la grotte...
La saison était froide et déconseillée aux randonneurs prudents et aux explorateurs en herbes, ce qui m’offrait presque l’endroit rien que pour moi et mon loup enjoué. Même si je n’appréciais guère qu’on me sorte de mon immersion à coups de « Salut ! » aussi amicaux qu'intrusifs, qu’il n’y ait absolument personne représentait un risque supplémentaire, celui qu’en cas de détresse, ma voix ne parvienne jusqu’à personne. Derrière son air de chien content, Yukan restait un loup de type Roche bien conscient des dangers dissimulés dans l’ombre des cavernes, que les plus sages de son espèce se garderaient de visiter. Mais si le Lougaroc m’avait suivi dans mon périple insensé, c’était bien parce qu’il aimait l’aventure comme le voyage sans fin dans lequel je l’avais embarqué. Dans une meute, sagement établi dans les plaines rocheuses, Yukan se serait ennuyé comme un rat mort, j’en étais certain.
La pierre était glissante et brillante sous l'éclat de ma lampe torche. Détestant l'eau, Yukan préférait les sentiers de terre et de caillasse, soulevant parfois les babines pour grogner de mécontentement lorsqu'il entendait le chant discret d'un cours d'eau que je n'arrivais pas à localiser dans la pénombre. Suivant mon guide, j'observais l'endroit avec intérêt, parcourant les parois rocheuses du halo lumineux de ma lampe pour y voir briller les reflets d'une eau ayant trouvé des petites failles dans la pierre, comme quelques minéraux qui scintillaient comme des pierres précieuses.
Le soupir de mon partenaire à quatre pattes m'avait alerté. Ses épaules étaient basses, sa truffe pointait vers le sol sans y prêter la moindre attention, le bout de sa queue manquait d'effleurer la poussière. Le Lougaroc s'ennuyait. Le chemin qu'il avait choisi d'emprunter était bel et bien le plus fiable, j'en étais certain parce qu'il s'agissait de celui que les visiteurs empruntent lors des saisons chaudes, mais cette sureté transformait notre petite aventure en une simple balade touriste. Ni lui, ni moi, n'étions de vulgaires touristes. D'une manière presque désintéressée, je m'étais arrêté, désignant d'un doigt deux précipices encadrant un petit passage étroit qui s'enfonçait dans une cavité creusée dans la roche. Certes, en m'écartant ainsi des chemins principaux, je risquais de passer à côté des reliques glorifiant la légende d'un Pokémon n'ayant probablement jamais existé, mais le Lougaroc existait bel et bien, quant à lui. Cette exploration comptait réellement pour mon partenaire. Je refusais qu'il puisse s'y ennuyer.
Abandonnant sa mine abattue, le loup avait retrouvé un réel intérêt pour l'expédition, avançant avec prudence sur cette petite allée instable s'élevant au-dessus d'un lac souterrain dont l'eau paraissait noire dans la pénombre. Si je faisais confiance à mon Pokémon, son type Roche lui offrant une véritable connaissance naturelle du terrain, je faisais en sorte de toujours garder son harnais dans mon champ de vision, de sorte à le saisir rapidement si le loup venait à glisser par mégarde. Après la traversée du petit chemin, j'avais dû courber l'échine pour entrer dans la cavité souterraine, laquelle abritait un chemin descendant en une demi-pente vers les profondeurs de ce que je pensais être une cave abritant le fameux lac souterrain que j'avais précédemment entre-aperçu.
Tout ne s'était pas passé comme prévu... Yukan avait émis quelques plaintes sonores, peu confortable à l'idée de progresser davantage sur ce chemin. J'avais illuminé la voie, la jugeant plutôt stable malgré les revendications de mon fidèle cabot. Comme le loup traînait un peu le pas, j'avais pris les devants, le dépassant avant de... Je m'étais subitement arrêté pour tendre l'oreille. Était-ce le bruit de l'eau ruisselante ? Hum, non... Rien d'aussi rassurant. J'avais serré les lèvres, lançant un regard incertain au Lougaroc qui me rendit le même. Ce qu'on entendait, c'était les fracas de rocailles chutant pour se fracasser contre leurs sœurs ainées en contre-bas. Yukan s'était subitement jetés à mon côté, alors que la lueur de ma lampe éclairait la progression de fissure sur le sentier de pierre déjà parcouru. Nous n'étions aucunement sur la terre ferme, mais sur un pont de pierre qui, sous le poids imprévus de deux visiteurs, risquait de s'écrouler d'un instant à l'autre !
Conscient de mon erreur, bien qu'un peu tardivement, je m'en étais remis au Lougaroc. Une patte après l'autre, le loup était repassé devant avec toute la lenteur qu'on doit à la prudence. Sa posture était basse, ses oreilles en alertes redressées et son museau proche du sol. Mon partenaire analysait la roche, l'écoutait, la sentait. Il utilisait toutes les connaissances de son type et tous ses sens aiguisés pour anticiper l'inévitable. Lorsqu'une partie du chemin s'écroula subitement dans mon dos, un réflexe m'avait ordonné de courir, mais la gueule du loup s'était refermée sur mon vêtement, m'invitant à m'immobiliser. Le passage derrière-nous n'existait plus, seul un précipice nous invitait à nous jeter dans ses ténèbres. Comme si rien ne s'était passé, le Lougaroc avait ensuite repris la marche, plus lent, mais semblant plus serein. J'avais alors compris que le pire était derrière-nous.
Cette mésaventure passée, Yukan n'avait pas tardé à retrouver la sécurité d'un autre chemin, lequel nous avait amené de galeries en galeries jusqu'à déboucher sur un espace dégagé où le toit rocheux avait laissé place à un ciel bleu rappelant la douceur et la bienveillance de la véritable lumière, celle de l'astre du jour. Alors que le loup gambadait joyeusement sur l'herbe audacieuse ayant réussi à pousser dans cet environnement rocailleux, j'avais aperçu sur ma droite le chemin principal, celui réservé aux touristes. Je m'étais alors dit, qu'au moins pour le retour, j'accepterais de n'être qu'un vulgaire touriste ayant peur de s'égarer sur le mauvais chemin... Considérant que Yukan méritait bien une récompense, j'avais sorti quelques friandises pour canins de mon sac, récupérant alors toute l'attention de ce curieux animal, situé entre le chiot insolent et le noble loup.:copyright:️ 2981 12289 0
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