Leur barbarie était ta dernière raison d’exister, ton seul rempart contre ces idées un peu trop sombres pour être explicitées… Au travers ces monstres confondant souffrance et réjouissance, tu avais l’impression que tout ceci avait un sens. Que les innombrables échecs n’étaient peut-être pas que le fruit de la malignité du destin… Et si ta place, en fin de compte, ne se trouvait pas dans la lumière qui guidait l’humanité? Et si, ce monde, tu étais destiné à le pourrir depuis l’ombre?
Parfois, tu te surprenais à y croire – ou à vouloir y croire. Mais tu te mentais certainement à toi-même lorsque tu prétendais avoir apprivoisé la colère qui te gangrenait.
Balayant la sauvagerie du moment de tes prunelles gorgées d’indifférence, tu pousses un soupir à t’en fendre l’âme. La musique couvre le grondement guttural des bêtes dans le ring, mais rien n’efface la férocité qui anime leurs pupilles et pour laquelle tant de gens se sont déplacés. La soirée bat son plein et tu en es le roi. Le roi des idiots – d’une horde de monstres cachés derrière des traits humains.
Qu’est-ce que tu aimerais que Meira soit là pour admirer le fruit de ton labeur, le rejeton déformé de ta colère. Tu rêverais de voir son visage se décomposer devant l’horreur de ton existence et que, enfin, on reconnaisse l’erreur qui été commise lorsque qu’elles ont oser te détrôner. Ô, Emil, que ne donnerais-tu pas pour que son intouchable personne traverse la porte de l’établissement en ce moment même… ?
C’est trop long… Les gens vont s’impatienter. Donnez une protein au Charizard qu’on en finisse. Indifférent à la sécurité des Pokémons qui combattent dans son ring, ta voix est froide et tranchante comme une lame de rasoir. Autour de toi, personne n’ose te contredire. Personne n’ose s’élever contre ta sinistre volonté. Tu parles et ils obéissent. Ce sont les règles de la cage et la raison pour laquelle les lieux ne cèdent pas à l’anarchie malgré l’ambiance électrique qui règne en ce taudis. Dans ce monde, tu n’acceptes pas la compétition. Quiconque tend à s’élever est aussitôt remplacé comme le vulgaire pion qu’il est et, au final, seuls les fidèles les plus aveuglés peuvent prétendre à une place à tes côtés… Dans le royaume que tu as construit de tes mains, la trahison n’a pas sa place. Jamais plus tu ne seras détrôné.
Quelques minutes plus tard, en voyant le scolipede s’écrouler, tu lâches un sourire suffisant. La foule s’anime, les hurlements redoublent d’intensité… Mais les véritables gagnants restent ceux qui ont parié sur la victoire du Charizard et qui, une fois plus, partiront les poches pleines et l’âme souillée. Toi, tu dormiras bien… Mais eux, accepteront-ils de vivre avec le poids de leur péché lorsque leurs yeux croiseront ceux de leur insupportable marmaille? Lorsqu’ils reviendront à leur innocente petite vie familiale?
Du haut de la mezzanine, tu n’as que faire des problèmes des monstres qui grouillent ici-bas. Et des larmes de honte qui noircirons bientôt leurs joues lorsque la vérité éclatera…
Quel est le prochain combat? Mismagius contre Exploud, monsieur.
Fronçant légèrement les sourcils, tu nourris le silence de tes interrogations. Quelque chose ne va pas.
Les capacités de type Normal et Spectre sont inefficaces entre elles… Qui est l’idiot qui a autorisé cet affrontement?, craches-tu soudainement.
Aucune réponse. Aucune. Réponse.
Incapable de te satisfaire d’un tel silence, tes doigts se crispent contre la rambarde te séparant du vide. Répondez-moi! Explosion volcanique à l’impulsivité alarmante. Tu as toujours eu du mal à te contrôler, à calmer tes éclats de verre tranchant… C'est Rabi monsieur... Les dents serrées par la rage, tu te contentes d’acquiescer face à la balance. L’incompétence te dégoûte, il en a toujours été. Tu es Emil; privilégié par la vie, capable de réussir où tant d’autres ont échoué… Et tu attends de ton entourage qu’il se montre digne de ton talent. Veillez à ce qu’il ne commette plus jamais la même erreur et administrez un calcium au Mismagius., déclares-tu alors que tes yeux suivent l’agitation des deux adversaires derrière les portes closes.
Tu n’accepteras pas deux fois la bêtise d’un abruti et corrigeras toi-même le fruit indécent de sa connerie.
« I guess we, sometimes, get to face our worst nightmares. »
Atlas niv.50
Arakne niv.50
Herculesniv.20
Prométhée niv.5
??? niv.0
??? niv.0
Un capuchon pour être encore plus ténébreux que je ne l’étais, des vêtements amples pour passer inaperçus, un sourire mensonger pour cacher le sérieux de ma démarche. J’étais tout équipé, tout désigné pour ce déploiement. Si tant été qu’il en avait été un. Je n’avais rien à faire ici. Je n’avais rien à faire à Voltapolis, mais j’avais la tête dure. J’étais têtu. Et ça m’allait de croire que je pouvais, à moi seul, démanteler l’entièreté du tuyau qu’on nous avait filé. Utopie était l’idée de me dire que d’un simple « Police ! » bien placé, bien fort, tous ramperaient contre les murs et se rendraient. Ça ne devait pas être si populaire que ça les combats clandestins, non ? Et je n’aurais jamais senti que j’avais autant tort qu’à l’instant où j’entrai dans La Cage. Il y avait foule. Il y avait excitation. Il y avait fureur. Des hommes, des femmes. Des vieux, des jeunes. Mon regard se promenait étudiant les traits de ceux qui s’enjaillaient des mises au tapis des différents Pokémons. Et moi, incrédule, je regardais ça. Moi, incrédule, j’absorbais. Rien à voir avec une quelconque sensibilité, ça faisait partie de mon métier d’être confrontés aux dures réalités des uns et aux activités illégales des autres. Et pourtant, je ne pouvais m’empêcher de me sentir petit. Petit au milieu d’une foule monstre que j’avais cru pouvoir maîtriser seul. Je n’y arriverais pas. Pour une fois, je ravalais mon égo, je restais discret. Je me laissais intimidé par le climat excentrique qui régnait en ces lieux. Je regardais. J’écoutais. Je décodais. J’assistais, impuissant, au déchaînement des Pokémons, à ces choses qu’on forçait dans leur code, allant jusqu’à s’interposer dans les combats pour les inégaliser.
Et la foule en redemandait. Ils étaient tous là pour le spectacle. Ou pour les paris ouverts.
Ils étaient tous là à scander des noms comme des bêtes et je me tenais dans cette foule, semi-droit, tendant de faire avaler à quiconque m’interpellait que je n’étais qu’un junky cherchant une nouvelle seringue à user. Je n’arriverais à rien en me montrant de toute façon. Au mieux, je décrédibiliserais l’entièreté du mandat que je tentais d’obtenir. Je ne pouvais rien prendre, rien photographier, seulement observer et mémoriser, trouver des noms, des organisateurs… de quoi créer un dossier suffisamment solide pour que mon chef accepte d’accorder un mandat de perquisitions.
Et je n’avais pas ça. Pas jusque-là.
Et il y avait ça. « Quel est le prochain combat ? » Cette voix. Elle m’était familière. D’où ? Si je m’en souvenais c’est qu’elle m’avait marqué, mais sa source sur la mezzanine m’était impossible à reconnaître. Ça ne pouvait pas être celui que je pensais. Ça ne pouvait qu’être une coïncidence si je pensais la reconnaître. Et je n’arrivais pas à être certain.
Déambulant vers un homme qui récoltait les paris, traînant des pieds pour ne pas griller ma couverture. « Toi. J’veux combattre. J’ai un Donphan. » sifflais-je en reniflant un coup comme si j’avais été un cocaïnomane cherchant les moyens d’acheter sa prochaine dose. J’ignorais s’il était si facile de me tailler une place dans le stade. Mais j’essayais. L’homme se moqua et me tourna le dos. J’avais essayé.
Je souris.
Tant pis. J’étais plein de ressources. Le premier conseil que l’on donnait à un policier sous couverture : sois discret, ne fais rien qui attire les regards. Parfait. Je déployai la gorge. Je m’emplis les poumons d’air et j’hurlai. Aussi fort que je pus. On se retourna vers moi. Je commençais à courir vers le grillage. « Je veux combattre ! » hurlais-je. « Toi la tafiole en haut ! Laisse-moi me battre. » ordonnais-je. Tant pis pour les principes, il me fallait des preuves. Il me fallait ces choses qu’ils donnaient aux Pokémons. Il fallait que je m’approche de ce sommet. Il fallait que je trouve un moyen et cette impulsion désespérée était la seule solution que j’eus pu trouver. « T’as peur que j’vous éclate ? C’est ça ? » Mon capuchon tomba. Il aurait suffi qu’une personne que j’aurais intercepté une fois en uniforme pour que l’on me reconnaisse.
Il aurait suffi qu’une personne me connaisse pour que tombe les masques. Police ! qu’ils auraient crié.
Mais ils ne se seraient pas rangé contre les murs.
Il y avait de ces mots si durs, de ces colères aux revers si acides, si dévorants, que même les hurlements gutturaux, véritables déferlantes d’animosité bestiale, ne pouvaient les traduire.
Tu sais, Emil, s’il existait une censure réelle aux voix déchaînées par amertume, on ne t’entendrait plus. Derrière le rideau sonore recouvrant les intonations de ta colère, tu cesserais complètement d’exister. Et tout ça pour quoi? Pour te venger? Pour mieux graver l’idiotie de la ligue en tant que vérité indéniable? Pourquoi? Que gagnait-on à vivre de cette manière? ((rien.)) Depuis ta défaite contre Naia, ta vie se décomposait dans l’insignifiance et tu n’en voyais plus la fin. Vivre de cette manière n’était pas un choix, c’était une conséquence. Conséquence de tes erreurs et de ta faiblesse navrante. Tu n’étais pas heureux. On ne pouvait pas connaître le bonheur lorsque chaque jour était une torture, lorsque le rire des enfants se perdait en complaisance et que l’éclat dans leurs yeux attisait son aigreur. On ne pouvait pas connaître le bonheur quand on avait consciemment fait le choix d’arrêter de le chercher.
Alors, pourquoi?
Du haut de ton trône, tu attends. Tu attends que le combat cesse, que le Mismagius ramasse les honneurs que tu lui as cédé.
Tu n’es pas insensible à la tension limite électrique qui traverse La Cage, qui t’atteint même au sommet du monde. Le brouhaha provoqué par les rires gras et les hurlements bestiaux – incitatifs clairs à l’hostilité – laisse difficilement impassible, mais, contrairement à eux tous, tu es habitué. C’est ton monde. Celui que tu as créé. ((de tes mains et de ta haine.)) La soirée est normale, presque assommante…
Jusqu’à son irruption toute en bruyance. Pion que tes yeux caressent à peine en premier lieu, son agitation finit néanmoins par attirer ton attention. Doucement, tu fronces les sourcils en analysant la source de cet indicible émoi ici-bas, à tes pieds. Gardant le silence, tu admires l’inconscient d’un œil mauvais en écoutant ses hurlements mis en lumière par le silence qui gagne les tranchées de ton cachot. Cachés dans ton ombre, tes employés ne tardent pas à s’agiter, prêts à intervenir dès que tu leur en ferra le signe. Signe qui ne vient pas. D’aussi haut, tu peux même croiser le regard attentif de certains d’entre eux qui, à proximité du trouble-fête, se sont imperceptiblement tendus. Malheureusement, ton attention n’est pas dirigé vers eux.
Mais vers lui. Vers cet animal aux limites de la stupidité… Dont le capuchon, une fois tombé, ne tarde pas à trahir l’identité.
Sentant ton cœur s’affranchir d’un battement, il te faut retourner mer et terre pour ne pas céder à la surprise. Les lèvres pincées, tu réponds enfin au tenant de la provocation lorsque, d’un geste sec, tu intimes et forces le calme derrière toi. Il n’est pas question qu’il t’échappe ou que vous vous couvriez de ridicule. Pas question de lui donner ce que, de force, il est venu chercher.
Faites-le venir à mon bureau… De force, s’il le faut., siffles-tu sans considération pour l’ambiance qui incendiait la salle jusque-là. Au pire, tu le sais, un peu de colère refoulée les fera exploser. Ces gens sont des monstres qui ont consciemment abandonné leur humanité… Tu ne leur dois rien. Pour eux, tu n’es qu’un prétexte et, pour toi, ils ne sont qu’une fraction de ta vengeance.
D’un geste habitué, tu saisis plutôt ta canne en t’éloignant de ton point d’observation. Il en va de ta réputation de garder un calme insondable devant tes hommes, mais, dans l’intimité, cette froideur est à des lieux de l’effroi qui t’a traversé lorsque tes yeux se sont posés sur cette pétrifiante apparition. Sidéré, tu ne sais plus quoi ressentir. Abandonné à une solitude aux minutes comptées, tu fixes un point quelconque de ton bureau en imaginant la suite des événements. Ton instinct jongle entre les émotions:la colère, le désarroi, la honte, la peur… Car même si tu n’es plus que l’ombre de tes heures de gloire, il y a des actions que l’histoire n’efface pas. ((Des mensonges, des trahisons.))
Tu n’étais pas préparé à sentir le sol s’effondrer ni à devoir affronter ton passé.
C’est une chimère, ça ne peut être vrai et, pourtant, voyant ta porte s’entrouvrir timidement, tu ne peux t’empêcher d’éclater avant même d’avoir congédié les indésirables qui l’escortent: Mais à quoi tu joues!?, voix vibrante ((cassée)) d’une émotion qui n’avait jusqu’alors jamais tranché ton indifférence.
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« Laissez-moi ! Je sais marcher. » J’avais répété cette phrase déjà une dizaine de fois. J’étas comme ces criminels que j’arrêtais constamment. Je me débattais, je scandais mon innocence, je tentais de frapper les hommes qui me retenaient. Je n’avais rien fait. C’était un fait. Et pourtant, le manque de tendresse de leur caresse me laissait croire que j’avais commis le pire des crimes. Demander un combat dans une arène clandestine était-il si grave ? Avais-je démoli le code et la crédibilité du patron dès l’instant où j’avais hurlé ? Dès l’instant où je l’avais insulté. Pour moi, ces mots étaient lourds de sens. Pour eux, pour ces brutes, c’était du vocabulaire quotidien, un slang irrespectueux qu’ils utilisaient sans égard aux communautés qu’il affectait. Mis à part leur patron visiblement, s’il me faisait traîner dans les profondeurs du lieu avec tellement de poigne. J’étais l’ennemi public numéro un. Et puis ils me forçaient à avancer, plus je voyais ma porte de sortie s’éloigner. Plus je me sentais pris au piège. M’avait-on reconnu ? Savait-on qui j’étais ? Avais-je été négligeant ? Avais-je laissé mon insolence triompher à tel point que j’attirais les pires ennuis que je pouvais imaginer ? Après tout, un criminel restait un criminel.
Au bout d’un corridor, dans un dédale de tôle, il y avait cette porte. Au bout d’un corridor à l’ambiance bestiale mise de l’avant par la diffusion des matchs en cours, il y avait ce mot que je parvenais à lire malgré mes cris. « Champion ». Je souris. « S’il voulait m’défier, on aurait pu faire ça dans la cage. J’vous jure ce mec. C’qui au juste ? » Les gorilles restèrent silencieux. Ils se contentèrent de continuer leur chemin. Ils se contentèrent de continuer de me pousser vers ce qui s’apparentait à mon purgatoire. L’endroit où je ferais face à mon jugement. Je restais froid. Stoïque. Calme. Je tâchais de ne pas broncher. Je tâchais d’avancer le dos droit, résistant peu, résigné.
Il n’y avait plus rien que je puisse faire.
La porte grinça. Ou était-ce sa voix ? Cette voix qui m’évoquait des souvenirs desquels je ne voulais visiblement rien savoir. Elle m’évoquait quelque chose. Il fallut une dernière poussée et je compris. Mon regard se posa sur son visage. Mon dos entier fut parcouru d’un énorme frisson. Mon ventre se laissa gagner par une crampe insurmontable. Je me retournai. « Ouvrez la porte ! J’veux rien avoir à faire avec lui. » hurlais-je à plein poumon espérant tuer l’engouement qui faisait vibrer le bâtiment, espérant que l’on m’entende. Espérant presque percé les tympans de cet homme. Espérant lui déchirer du thorax le peu d’humanité et de cœur qu’il pouvait lui rester.
La porte ne s’ouvrit plus. Retenue ? Bloquée ? Tirée par les baraqués pour que je ne sorte pas tant que leur « champion » n’en aurait pas décidé autrement. Je posai le front sur le fer froid de la seule issue. « D’où tu t’permets ? J’veux pas t’voir. » lâchai-je à demi-voix. Vaincu. Le moral à terre. L’entièreté de mon corps tremblant, réagissant à la douleur que je lui infligeais en enfonçant mes ongles dans la paume de ma main. « T’as décidé qu’il était plus assez lui aussi ? T’en as eu marre de lui aussi ? Crétin. T’es vraiment un con en fait. » Sans cœur. Parjure. Putain. Menteur. Manipulateur. Traître. Imbécile… il y avait bien des mots qui qualifiaient cet homme en mon âme. Il y avait bien des mots qui décrivaient l’exécrable créature qui se tenait derrière moi, aucun n’était positif. À une époque, il eut été doux. À une époque, il eut été talentueux. À une époque, il eut été une personne que j’admirais. Mais il s’était assuré de détruire la moindre once d’humanité avec laquelle j’avais pu le voir.
Emil. L’homme de mes cauchemars. L’homme qui m’avait tellement fait de mal que j’avais ressenti le besoin de blesser les miens. Je ne valais pas leur amour. Pas plus que je ne valais le sien s’il avait cru nécessaire d’aller courir d’autres jupons.
« J’veux pas t’parler. J’fais c’que j’veux d’ma vie, ça t'concerne pas. Ordonne aux deux montagnes qui doivent te servir d’amants de m’ouvrir. J’veux pas rester ici. »
« Et la paix avec le passé, Léandre ? T’en fais quoi ? » Tant pis. Tant pis pour la résilience et la miséricorde. Je n’étais pas un dieu. Je n’avais pas besoin de m’agenouiller et d’écouter. Je n’avais pas besoin d’entendre ses mots. Je n’avais pas besoin qu’il me manipule à nouveau. Pas ici. Pas maintenant. Pas alors que je commençais à aller mieux. Pas alors que j’oubliais tout juste Narcisse. Pas alors que j’avais enfin pu le remplacer une fois. J’étais entêté. Il le savait. Je ne changerais pas d’idée.
Et pourtant. Je n’ouvrais pas. Je n’essayais même pas. Comme si j’avais voulu des excuses. Comme si j’avais manqué de force. Non… c’est de volonté que je manquais. Il avait toujours été le point faible qui me faisait courbé l’échine et me tourner en dérision. « T’es un cœur tendre, Léandre. Accepte-le. » Foutaises. Foutaises, foutaises, foutaises, foutaises ! J’étais faible, bête, au mieux, une cible de laquelle il était facile de se jouer. Mais son jeu… ces mots qu’il avait pu me dire dans le passé, ces manies qu’il avait, ces gestes qu’il posait pour séduire… je les connaissais maintenant. Et j’étais plus fort maintenant, je saurais résister.
J’aurais pu le croire, n’eut été de cette sensation que ma gorge se nouait de l’intérieur pour mieux m’étrangler. Ses pouvoirs étaient tel qu’il me tuait sans même me toucher. « Laisse-moi. » maugréai-je en réprimant le raz-de-marée de colère qui me prenait de l’intérieur.