J'étais lessivé. Je sortais d'une journée de shooting à Port-Corail, profitant des dernières lueurs estivales. Sofia, ma photographe, m'en avait fait bavé pour me plier aux exigences toujours plus fortes de mes managers. Diamante, ma Goupix et nouvelle partenaire, avait été mise à rude épreuve. Egalement, elle avait dû aussi me réchauffer comme ils ne pouvaient s'empêcher de me mettre à moitié à poil alors que les degrés chutaient - j'allais choper un gros rhume si cela continuait, c'était sûr. Pour le côté mer, ils avaient aussi voulu inclure Impa, ma Sepiatop, à leurs projets où j'en étais le parfait pantin. Par ce biais, je réussis même à intégrer mon partenaire de jeu, malgré qu'ils persistaient à ne pas le trouver assez canon pour l'intégrer.
Bref, je restais splendide et mes Pokémons reluisaient de notre beauté, nous allions encore faire un carton, j'avais confiance. Par contre, pour la suite, j'en avais légèrement moins.

Mon séjour dans la péninsule se prolongeait jusqu'à Mirawen. Les plaines épurées et la plage de ce côté-ci seraient intéressants, avant dernière escale avant le dernier post de shooting qui serait au sein des Grottes Mystiques. Je ne savais pas que cette ville calme, vivant dans l'ombre de la ville portuaire, avait un quelconque potentiel, mais je faisais confiance aux directives. Après tout, même Sofia m'avait assuré que j'allais m'éclater à Mirawen alors si Sofia le disait, cela voulait dire que c'était vrai !

L'agence m'avait pris un AirBnB et je m'y rendis avec mes valises, même le taxi ne m'y emmena pas juste devant, mes managers préférant me faire marcher pour la forme comme ils savaient que je n'avais pas le temps de faire trop de sport dans ce voyage professionnel - ils savaient tellement me parler aussi.

Skurro perché sur mon épaule, comme à son habitude, moi tirant ma valise, j'approchais alors de la colline et non loin de l'habitation indiquée par l'application de géolocalisation de mon Motisphone, sous la pluie et le tonnerre à l'horizon. Une maison blanche, immense, m'attendait mais... elle me paraissait... je ne savais pas comment dire, quelque chose m'intimait de ne pas entrer. Était-ce le début d'un film d'horreur ? Le temps exécrable, la maison qui avait l'air abandonné, au milieu de nulle part ?
Mon coeur manqua un battement et mes jambes frémirent, avant que je reprenne mon courage à deux mains. Je n'allais pas avoir peur d'une maison, surtout pas devant Skurro, je devais me montrer digne de lui et de toutes les femmes en détresse que je sauverai.
Je sortais mon Motisphone et entrais le numéro de l'un de mes managers, l'air sûr de moi tandis que je sortais la clé que l'on m'avait confié en m'avançant vers la porte.

—  Oui, Ezran ? On est d'accord que ce n'est pas la maison blanche qui m'a l'air abandonné ? Hein... hein ? Ce n'est pas elle, on est d'accord ? Ce n'est qu'une blague que vous vouliez me faire. Allez... c'est obligé. Donnez-moi la vraie adresse maintenant que je suis paumé dans la nature et que j'ai porté ma valise jusqu'à perpette. Allez, allez... Est-ce que je pourrais avoir une réponse ? J'en ai un peu marre de parler tout seul.

Hélas, sa réponse me fit froid dans le dos. Au même moment, la clé entrait dans la serrure... Je tournais dans les deux sens et je finis par ouvrir la porte. Mes managers me rirent au nez en fond me confirmant alors qu'ils me faisaient bien une petite blague mais que tranquille, l'intérieur était mieux que l'extérieur, que je ne devais pas m'en faire.

Il raccrocha et me laissais penaud tandis que la porte s'ouvrit et la gêne m'anima. Wow, que c'était vieux et peu attrayant comme décor. Par réflexe, je refermais la porte d'entrée et visitais la maison jusqu'à ce que je trouve une chambre. Si le décor paraissait flippant, il n'y avait rien de vraiment étrange ici, à première vue, si ce n'était que la maison était vieillotte et demandait sérieusement d'être rénover. Tout faisait un bruit monstre à chaque pas ou toucher.
Mais quelle ne fut pas ma surprise de voir quelqu'un d'autre dans la maison, alors que je parlais à haute voix, comme si j'étais tout seul... mais en fait, mes managers avaient été encore plus sadiques. Cette maison pouvait être louée par plusieurs personnes, il y avait plusieurs chambres. Je lançais un regard sur la jeune femme aux longs cheveux ténébreux.

—  Euh... bonjour. On a réservé une des chambres pour moi. En vue du nombre de chambre, j'imagine que c'est une chambre que l'on m'a loué et pas la maison complète. Bonjour l'intimité.

Ma voix s'emmêlait entre mon arrogance habituelle et la crainte que me faisait ressentir l'ambiance émanant de la maison blanche. J'entrais dans l'une des chambres et commençais à m'installer tout à fait normalement comme je le faisais dans n'importe quel lieu. Enfin, je n'allais pas tout sortir, je préférais que tout soit accessible si je tenais à partir. Flemme de reperdre encore une valise, j'avais déjà tant perdu à cause de la tempête lors du Camp des Pulsars.
J'entendis un petit bruit dans ma salle de bain privé. Instinctivement, j'agrippais Skurro dans mes bras, lui-même ayant déjà tendu les bras. Je compris vite que c'était le savon que j'avais brièvement utilisé pour me laver les mains qui avait... glissé par terre. Je l'avais sûrement mal mis.
Toutefois, j'étais piqué par la curiosité. Dans ma chambre, je ne pouvais m'empêcher l'impression d'être observé. L'instinct de survie me disait que coopérer était une meilleure idée plutôt que de paraître de suite antipathique. Enfin, que dis-je, j'étais très sympathique, juste meilleur que tout le monde haha.

Donc je sortais de la pièce pour venir à la rencontre de la jeune femme... que je trouvais étrange. Elle n'était pas ici pour véritablement dormir, ou du moins s'installer et vivre comme tout le monde. Vraiment trop bizarre, mais soit. Je tirais mon meilleur sourire, faisant en sorte d'être le plus chaleureux possible et je m'élançais, flamboyant.

— Bonjour, excuse-moi pour mon entrée tout à l'heure. C'est juste que l'endroit me met mal à l'aise un peu. Moi c'est Caleb et ce petit Capumain, c'est Skurro, mon partenaire de jeu - ou d'infortune selon la situation. Tu sais où on est là ? J'ai juste l'impression de subir une mauvaise blague...

Dans ma dernière phrase, je crachais mon venin et exprimais un profond mépris.
Finalement, ce n'était peut-être pas une si mauvaise chose de ne pas être seul en ces sombres lieux. Au contraire, mon instinct de survie me disait que j'avais nettement plus de chance de survivre avec elle. Elle paraissait... savoir y faire. Puis, ensemble, on est plus fort, non ?

Hum... cela ne me disait rien qui vaille. Tout semblait être le décor parfait d'un film d'horreur. Je n'appréciais pas vraiment la tournure des événements, je n'appréciais pas cette décision de mes managers. Parti m'installer dans l'une des chambres de l'étonnante maison, je croisais alors celle qui deviendrait ma colocataire de cette nuit.
Tout semblait nous opposés, rien que la raison de notre venue différait. A entendre ses dires, je devais être ridicule. En réponse, elle se présenta.

—  Enchanté Tsukiyomi. J'espère pouvoir bientôt rencontrer Légion haha. Un tour... dans la maison ? Mais, il n'a pas la frousse de se balader seul ici ? Regarde-moi Skurro, lui, il ne s'y oserait même pas !

Cet amour des Pokémon masquait mon mépris pour les êtres humains. En guise d'illustration à mes dires, mon Capumain se serra encore plus profondément à mon cou. Ensuite, elle m'avouait alors, bien timidement, que cette maison était supposément hantée et qu'elle était déterminée à prouver que tout ceci n'était qu'une mascarade. Cela me rassurait quelque peu, premièrement parce qu'elle avait l'air de s'y connaître et, deuxièmement, parce je n'allais pas être seul à subir les manèges de ce cirque funeste.

—  Oooh... une maison hantée ?! Mais on ne m'avait pas prévenu ! (Ma voix devenait légèrement plus aigu, malgré ma vaine tentative de masquer mon inquiétude. Heureusement, mes pensées ne firent qu'un tour et la colère remplaça cette crainte :)  Alors... mon instinct ne m'avait pas trompé. C'était bien volontaire. Une mauvaise blague de leur part. Je n'aurais jamais dû atterrir dans ce genre d'endroits.

Ma voix était plus calme, presque murmurée, d'un air sournois ou d'un velours liquide, comme si je préparais minutieusement ma prochaine vengeance dans mon esprit. Mon regard était dans le vide, noir, mon corps détourné de son interlocutrice, avant de revenir à moi. Mon sourire esquissé et vicieux apparaissant légèrement, la vitalité chaleureuse aussi bénéfique qu'empoisonnée revenant dans mes yeux, je la regardais en sortant mon téléphone.

—  Pas de réseau ? C'est étrange. Mon Motisphone m'indique que j'ai du réseau. Qu'une barre, parfois deux. Guère suffisant pour un appel ou autre chose de puissant, ou du moins que cela prendra du temps, mais peut-être que l'on pourrait en avoir besoin.

Sur ces mots, une bourrasque de vent amplifia le grincement sur les murs et une porte menant à l'étage inférieur s'ouvrit brusquement... et sans attendre, un grand bruit retentit au rez-de-chaussée, attirant l'attention de la jeune brune.

J'allais tout de même terminer de m'installer dans ma chambre lorsqu'elle me prévint qu'un Poltergeist s'amusait à déplacer nos objets... rassurant, comme tout ici finalement.

—  Eh bien... tant que ces choses ne font que déplacer, moi ça me va ! lançais-je comme tentative d'humour.

Très vite fait, je réarrangeais ma chambre. Ensuite, un regard envers Skurro me disait que nous avions la même idée. Cela faisait un petit temps que je n'avais pas entendu Tsukiyomi, cela m'inquiétait quelque peu et surtout, avouons-le... je ne devais pas la laisser toute seule. On ne laissait pas une femme en détresse toute seule !

Je filais, le plus, silencieusement possible par crainte que la maison ne m'entende tout en pressant le pas dans les escaliers. Je me permis une blague douteuse.

— Sinon Tsuki, peut-être que ta chambre est plus confortable. Peut-être qu'on pourrait se rassurer mutuellement cette nuit !

Comme un contre coup du destin, pour ce sous-entendu qui se voulait subtile, je crus bien que l'on venait me faire un croche-patte... mais je devais juste être pas très doué et que l'atmosphère me faisait perdre en vigilance. Sueur froide, je repris une certaine prudence, redevenant tranquille sur les derniers étages.

Sur les dernières marches, je remarquais rapidement qu'un cadre était tombé, déjà en train d'être remis par la jeune femme, et... la lumière qui flashait au fur et à mesure que la tempête faisait rage.

La lumière peinait tellement qu'elle finit par s'arrêter et nous plonger entièrement dans le noir, sous le bruissement de l'orage et, comme faible lumière, les éclairs qui zébraient l'intérieur. Je m'étais crispé, dans l'incapacité de bouger, ma main sur la rembarde, mes pieds ancrés dans les deux dernières marches. Fort heureusement, la lumière réapparut - mais je ne savais pas pour combien de temps.

Et... quelque chose me chagrinait. J'avais l'impression que tout avait changé, l'atmosphère aussi... plus lugubre et une aura malfaisante était apparue. Je n'arrivais pas à la voir, mais elle infestait les lieux. Elle était là, aussi, derrière Tsukiyomi, enveloppée dans un nuage de ténèbres. Je ne savais pas comment l'avertir que quelque chose était apparue et je craignais que cette chose continue à faire sauter la lumière et, ce, de manière irrémédiable.

— Psssssssst ! Psssssssst !

Ne sachant si cela marcherait sans attirer l'attention, je préférais envoyer mon seul réconfort à sa rencontre. Skurro me lâcha avec regret et marcha sur les murs et contourna l'aura malfaisante tandis que je commençais à doucement retirer ces débris de peur qui m'empêchait de bouger et reculais petit à petit. Je priais du plus profond de mon être que la lumière ne s'éteigne pas de nouveau.

Quelle blague. Quelle bien mauvaise blague. Je n'avais pas à être ici et je me retrouvais à jouer à SOS Chasseurs de Spectres, alors que je n'en avais ni l'intention ni l'envie actuellement. D'accord, si cela me permettait peut-être d'avoir une fille dans mon lit, je ne dirais pas non mais cela voulait dire que j'allais devoir faire le bonhomme pendant un certain temps puisque... la comédie avait assez duré et que nous étions désormais en plein œil du cyclone.

Oui... les êtres qui habitaient cette maison avait cessé de nous taquiner, dorénavant, ils jouaient vraiment. La lumière s'était éteinte alors que j'avais envoyé Skurro prévenir ma colocataire d'une nuit, et comme un petit enfant, je m'étais recroquevillé sur ma marche d'escalier.

Nous allumions la lumière de nos téléphones - par fierté, je me relevais - et elle me prévint alors de l'arrivée de son Pokémon. Pour signaler sa présence, il fit un petit grésillement informatique, comme il n'était autre qu'un Porygon. Il avait failli me surprendre... Des éclairs jaillirent et éclairèrent le couloir, ma vue périphérique crut apercevoir une silhouette et des rires d'enfant retentirent.
Je venais de me mordre comme un malade les lèvres pour ne pas crier et je venais de faire genre un échauffement pour ne pas me crisper donner l'impression que j'avais peur. J'allais devoir survivre à cette nuit et cela allait être plus compliqué que prévu. Mon Capumain revint sur mon épaule et sa présence me rassura immédiatement. Je ravalais ma salive, il n'avait pas fait absence de ma peur mais j'arrivais mieux à la contrôler de le savoir au plus près de moi.

Tuskiyomi me proposa alors d'enquêter ensemble sur cette maison, semblant en avoir marre qu'on s'amuse à lui faire peur. En plus, elle me proposait de rester ensemble par prudence... J'allais pouvoir jouer au mâle virile protecteur alors que je n'avais qu'une envie, celle de me réfugier sous la couette jusqu'au petit matin. Mais... arriverais-je à dormir jusqu'à là ? Les êtres animant cette maison me laisseraient-ils fermé les yeux ?

— Oui tu as raison. Nous devons découvrir ce qu'il se passe ici. Marre de ces choses qui se paient nos têtes. Nous savons tous que se séparer n'est jamais une excellente idée dans les films d'horreur. Nous trouverons bien quelque chose.

Je commençais à investiguer au rez-de-chaussée. Mes mains rasaient les murs, mes pieds frôlaient le sol, dans l'objectif de découvrir je ne savais trop quoi, une trappe, une pièce cachée, un placard caché qui contiendrait des éléments cinématographiques capables d'orchestrer une Maison hantée ou... oh oui ! J'avais une idée.

— Dans les films, ils aiment bien mettre des passages secrets dans les bibliothèques. Il faut trouver le bon livre, le faire glisser et hop ! En vrai, je pense que je tiens quelque chose ! lançais-je avec malice.

Les événements paranormaux s'étaient faits plus calmes depuis. Pourtant, depuis que la lumière s'était éteinte définitivement, je me sentais observé. Je croyais apercevoir des ombres, plutôt petites, proches du sol, par le biais de ma vision périphérique. Quelques portes grinçaient mais je commençais à trouver cela habituel, presque agréable, comme un rythme qui nous permettait de ne pas finir fou dans un silence interdit, accompagné des éclairs.

Je n'avais pas proposé d'aller remettre le courant car je mettais la main à couper que le compteur se trouvait forcément à la cave et... vous croyez vraiment que j'irais ? Même pas en rêve ! Ou alors, ça sera sur le dos de mon Métang ou rien, quitte à détruire la baraque dans le déplacement !

Je m'amusais à ouvrir les placards, la plupart étant vides ou occupé par quelques objets du quotidien. Cependant, lorsque j'en ouvris un, avec deux étranges points rouges sur le fond - très drôle de déco -, je découvris une boîte remplie de lampes torches.

J'en pris quelques unes et les allumais, envoyant des faisceaux lumineux dans le reste de la pièce. Elles m'avaient l'air de marcher.

— Ooooh coool ! Des lampes, nous pourrons économiser la batterie de nos téléphones comme ça.

Je les éteignais pour n'en conserver qu'une que je rallumais seulement dans le placard. Et là, une forme étrange, ressemblant vaguement à  un Pikachu, me regarda de ses étranges yeux rouges. Il ne cria pas ou alors j'eus l'impression qu'il hurlait en chuchotant et ma lampe s'éteignit. Je tressaillis, lâchant malgré moi un cri si peu virile, car elle ne s'allumait plus. Je m'excitais dessus, en silence, même si mes gestes répétés et désespérés ne devaient pas la tromper.

J'en pris alors une autre qui marchait parfaitement et il n'y avait plus personne dans le placard.

— Regarde, cela fera l'affaire. Nous pouvons nous en faire un stock. C'est étrange d'avoir une réserve aussi conséquente de lampes torches... Suspect, hein ? lançais-je, satisfait, sans aucune trace de peur dans la voix.