- HRP:
Plic, ploc, plic, ploc, plic… Plus le temps passait, plus le gouttement de l’eau sur la pierre semblait fort, jusqu’à devenir assourdissant. Moira ignorait si ces gouttes provenaient du ciel, chassées par le vent à travers la petite lucarne, ou de ses propres vêtements dégoulinants, et elle n’avait ni l’envie ni l’énergie de bouger pour vérifier. Assise dans un coin de la pièce sombre, recroquevillée sur elle-même, elle tentait tant bien que mal de lutter contre le froid qui lui transperçait les os. Et pourtant, avant longtemps, elle savait qu’elle risquait d’avoir chaud… très chaud.
* * *
« Sorcière ! Sorcière ! »
En entendant les cris, Moira n’avait pas réalisé, n’avait même pas imaginé que c’était contre elle qu’ils étaient dirigés. Oh, bien sûr, elle avait entendu des voyageurs de passage raconter que c’était l’escalade dans les villes, que les accusations d’hérésie et de sorcellerie pleuvaient et entrainaient des sentences aussi rapides que fatales. Mais c’étaient des histoires lointaines, des folies de citadins qui ne prendraient jamais dans son calme hameau.
« Sorcière ! Sorcière ! »
Tout le monde la connaissait dans le village. Elle y était née, y avait grandi, s’y était mariée et, bien trop tôt à son goût, y avait enterré son mari prématurément défunt. Elle avait soigné la toux de l’un et la jambe cassée de l’autre, veillé mourants et convalescents, offert réconfort aux proches éplorés. Elle avait aidé à naitre la moitié de ceux qui scandaient désormais cette accusation mortelle.
« Sorcière ! Sorcière ! »
Ils avaient ouvert sa porte si violemment qu’elle avait claqué contre le mur et fait trembler la maison. Ils s’étaient saisis d’elle, faisant choir à terre l’onguent qu’elle était en train de préparer, et l’auraient trainée hors de chez elle si ses pieds n’avaient pas machinalement suivi le mouvement. Ils lui avaient posé une litanie de questions, toutes plus absurdes les unes que les autres, sans vraiment écouter ses réponses. Et elle, elle s’était à peine débattue, d’abord trop hébétée par la scène surréaliste au centre de laquelle elle se trouvait, puis trop occupée à clamer son innocence aussi haut et fort qu’elle le pouvait. Mais une surdité collective semblait tout d’un coup frapper ses voisins, ses amis, sa famille, et ceux qui ne hurlaient pas le poing levé détournaient le regard — par peur, par gêne, ou un mélange des deux.
* * *
Plic, ploc, plic, ploc, plic… Le bruit de l’eau avait remplacé les hurlements depuis une éternité, semblait-il. Elle avait maintenu son innocence jusqu’au bout, envers et contre tout, car une confession aurait signé son arrêt de mort. Elle ignorait que continuer à nier mènerait finalement au même résultat, seulement avec un plus long interrogatoire à la clef. Et maintenant, dans la solitude de sa prison, elle cherchait à comprendre sans y arriver. Comment en était-elle arrivée là ? Pourquoi ? Cela était et restait un mystère.
Ploc.