11 Décembre 2007.
C’est une journée d’école. Encore une. Mais ce n’est pas un problème, la jeune élève aime l’école. Elle a pas mal d’amis, quoiqu’elle doute que c’en soient réellement, c’est sans doute plutôt des moutons qui ont choisi un camp. Parce que la classe est scindée en deux parts : La sienne, et celle de Jules. Et malgré ce qu’on pourrait penser, Jules et elle se ressemblent beaucoup. Ils ont tous les deux été désignés naturellement comme chefs parce que leur ambition était évidente, parce qu’ils sont prêts à tout pour prouver qu’ils sont meilleurs que les autres, parce qu’une fois qu’on a prouvé notre valeur, on est accepté dans l’équipe, parce que leurs équipes respectives sont soudées et solidaires, parce qu’ils ont des valeurs et des principes qu’ils tiennent et soutiennent. Même si évidemment, ils n’ont que sept ans à ce moment-là et ces principes se développent plus tard dans leur histoire, mais ces qualités et traits étaient déjà bien là à l’époque.
Intellectuellement en revanche, c’est l’opposé complet. Jules était plutôt du genre à ne rien écouter en classe et ne chercher que les embrouilles et prouver qu’il est la plus grande tête brûlée à toute la classe, alors que la jeune leader était très attentive en classe de primaire, trop consciente que chez elle elle n’apprendrait rien de ce qu’est la vie. Personne n’a été là pour lui apprendre à faire ses lacets ou boutonner sa blouse, alors personne ne serait là pour lui apprendre à lire ou comment reconnaître un pokémon dangereux d’un pokémon docile. C’est une fille intelligente, elle a compris que l’école est importante et qu’elle doit être attentive pour s’en sortir. Déjà à 7 ans, ses parents sont pour elle le modèle à ne pas reproduire.
Mais ce soir là, le 11 Décembre, alors qu’elle rentrait tranquillement chez elle, ses petits pieds se prenants à chaque pas dans la neige crasseuse et glissante sous ses semelles, une silhouette se dessine devant elle, sortant de l’une des innombrables petites rues de ce quartier absolument inapproprié pour une petite fille de seulement sept ans. Elle relève les yeux vers cette ombre, déjà rejointe par deux autres. En écartant les courtes mais trop longues mèches de sa frange, elle reconnaît sans mal Jules et ses deux meilleurs amis, ses acolytes. L’arrêt qu’elle avait marqué à l’approche de la silhouette inconnue se révèle alors inutile et elle reprend sa marche, jugeant très peu intéressant d’accorder son temps à un être aussi peu digne de son attention que Jules. Elle ne lui accorde pas un mot et plus un œil en le dépassant. Il la retient au passage par un bras, visiblement vexé d’être traité ainsi par une fille, et la repousse au-devant de lui pour la regarder. “Pour qui tu te prends, l’intello ?? Quand je suis en face de toi, tu me regardes, t’as toujours pas compris ça ?
- Et toi t’as visiblement toujours pas compris que personne ne te considérera jamais comme tu veux ? T’es pas un tyran, Julius, t’es juste un crétin au milieu d’une banlieue qui fait du mal à une fille. Tu te crois puissant ? Mais de combien de jours t’as eu besoin pour préparer cette rencontre, hein ? Même pas capable de me faire face tout seul ! T’es qu’un lâche, Julius, un lâche et un crétin ! Mais ça, t’es trop idiot pour t’en rendre compte ! Si t’es si courageux, viens te battre, Abrutus !!!”
Et cette dernière phrase précisément ne plaît pas du tout à Jules. Elle voit ses petits poings d’enfant se serrer avant qu’il n’attrape le col de sa veste. Un petit rictus de contentement se dessine alors sur les lèvres de la jeune fille. Tant que ses mains sont occupées avec son vêtement, il ne peut pas se défendre, et elle a très bien compris quels sont les points sensibles du corps humain, et particulièrement celui des garçons. Elle envoie donc son pied de toutes ses forces entre les jambes bien écartées (pour montrer sa dominance masculine de la situation) du garçon se la lâche pour se lier de douleur. La jeune fille se positionne alors à côté du garçon et attrape le tissu de son dos à deux mains et le tire violemment vers l’avant. Privé de son équilibre, Jules tombe vers l’avant, le nez dans une flaque de neige fondue, alors que la gagnante lui assène un dernier petit coup de pied symbolique. Les deux autres n’osent rien faire, de peur de mécontenter leur chef sans doute, et finissent par s’en aller quand leur camarade se tourne vers eux en haussant les sourcils. Ne reste que Julius qui se relève en la traitant de tous les noms, partant de démon en passant par malade mental en terminant sur un mot qu’elle ne comprend pas, mais entend souvent à la maison. Tout ce qu’elle comprend, c’est “Sale hop!” mais elle est bien consciente que l’insulte est bien plus agressive que de se faire traiter de hop…
"Je suis Lilith. Et tu ne mérites pas mon attention." La vainqueur se retourne simplement et reprend sa route comme si rien ne s’était passé. Abrutus ne mérite pas qu’elle perde son temps et gaspille plus sa salive qu’elle ne le fait déjà. La ville entière n’a pas besoin de savoir qu’elle est plus forte que lui. Ce qu’elle veut, c’est gagner le respect des gens qui sont derrière elle, pas de ceux qui lui font face.


20 Octobre 2009.
Bientôt neuf ans. Et elle attend ça avec impatience. Neuf ans, ça ne veut rien dire pourtant. Mais c’est un anniversaire, et à son anniversaire, elle a toujours un cadeau de la part de son grand-père. A ses huit ans, il lui a offert une pokéball. Elle ne l’a jamais utilisée, n’a jamais eu l’occasion d’attraper un pokémon. Qu’est ce qu’elle en aurait fait de toute façon ? Ses parents l’auraient remis à la rue ou tué, parce qu’une bouche en plus à nourrir, c’est de trop pour leur petite famille. Il n’aurait attiré que des problèmes. Pourtant elle garde toujours le pokéball sur elle. C’est un peu son porte chance. Et puis on ne sait jamais, un jour un pokémon voudra peut-être devenir son ami ?
Aujourd’hui, elle est en vacances scolaires, elle peut faire ce qu’elle veut puisque ses parents travaillent tous les deux. Alors elle est partie se balader, peut-être retrouver les autres, au skateparc pourquoi pas. Elle a son skate son le bras, il fait sec et pas trop froid, alors c’est parfait pour aller faire quelques figures. Elle est loin d’être une pro, mais en tout cas elle est plus douée que tous les garçons de là-bas, alors ça lui plait. Mais quand elle arrive, personne n’est sur son skate, ils sont tous en haut des modules et lancent des déchets sur quelque chose qui aboie en dessous. Elle ne voit rien,
et s’approche donc en courant. Ils sont effrayés par un simple chien ? Quels être ridicules que les garçons, franchement ! Elle roule des yeux en passant sous la barrière du skate parc pour se retrouver devant un Rocabot qui grogne sur ses camarades riders et qui ne semble pas l’avoir vue. Un moment de panique la prend. Que faire ? Laisser les crétins du haut se débrouiller avec lui ? Mais le pokémon ne s’est sans doute pas énervé comme ça sans une bonne raison. Elle pourrait aussi le chasser, ou en tout cas essayer, parce que le canidé n’a probablement aucun mal contre elle… Ou alors…
Ou alors elle pourrait le capturer. Le capturer et en faire son pokémon. Elle aurait alors un coup d’avance sur Jules et sur n’importe qui voulant faire croire qu’il est plus fort et plus puissant qu’elle. Mais elle n’a aucune idée de la manière dont on capture réellement un pokémon. La seule image qu’elle a, c’est ce dessin animé débile ou le personnage principal réussit tout ce qu’il entreprend. Elle, elle sait que ça ne se passe pas comme ça. Jamais. On imagine toujours ce qu’on aimerait, mais rarement ce qu’on aimerait voir se produire. Alors elle avance vers le Rocabot. De toute façon, a-t-elle beaucoup à perdre ? Elle avance et l'interpelle. Elle ne jettera pas son unique pokéball sur un pokémon sans savoir quelles chances elle a de l’attraper. Mais ce pokémon, elle l’attrapera. Rien que pour le respect que les crétins du haut lui accorderont.
“Hé toi ! Oui toi le Rocabot !” Écoutez, quand on ne sait pas comment interpeller un pokémon, on fait comme on peut. Mais ça marche, figurez vous. Le canidé se tourne d’un quart pour la regarder avancer vers lui. Elle fixe ses yeux dans les siens, et l’animal n'aboie plus, il grogne simplement. La jeune fille est sérieuse comme elle ne l’a jamais été, ses sourcils sont froncés alors qu’elle s’arrête à seulement quelques pas du rocabot. C’est une lutte. Elle le comprend rapidement. Le premier qui lâchera le contact, le premier qui montrera une marque de faiblesse perdra et sera à la merci de l’autre. Elle pourrait mourir ici. Si elle faiblit, il pourrait lui sauter à la gorge et la tuer. Mais elle ne faiblira pas. Elle n’a pas le droit. Des gens comptent sur elle. Si elle meurt aujourd'hui, la partie de l’école qui l’a désignée comme digne de confiance périra sous Jules. Et elle ne se pardonnerait jamais une telle chose. Cette seule pensée la fait avancer d’un pas dont elle n’a pas conscience. Elle entre dans l’espace du Rocabot qui couine et se recule de quelques pas en couchant la partie avant de son corps. La jeune leader comprend alors : c’est le moment de lancer sa pokéball. Maintenant ou ce sera sans doute trop tard. Alors elle glisse une main dans la banane accrochée autour de ses hanches et lance la pokéball sur le pokémon à moins d’un mètre d’elle. S’ensuit un petit stress dû à la réalisation que c’est la seule pokéball dont elle dispose, que si le rocabot s’enfuit, elle sera ridicule. Alors elle ferme les yeux et prie, pour ce que ça vaut.Quand elle rouvre les yeux, c’est parce que des soupirs rassurés se font entendre d’en haut du module. Alors elle avance vers la boule rouge et blanche fermée, silencieuse mais qui semble pourtant respirer. Un pokémon est à l'intérieur, et ce simple fait donne une tout autre valeur à l’objet. Un petit sourire en coin, fière, elle ramasse le rocabot et lève la main au-dessus de sa tête, face aux hôtages. “Je suis Lilith. Et vous n’avez rien à craindre.”


02 Juin 2015.
“Je n’y retournerai pas.”
Sa décision est prise. L’école lui a appris tout ce qu’il était intéressant de savoir. Elle a autre chose à faire de son temps que de le passer à apprendre des choses qui ne servent qu’à ceux qui ont une chance de se sortir des quartiers pauvres. Elle sait, la jeune lycéenne, que jamais elle n’aura un métier comme vétérinaire, comme médecin… Elle n’y est pas destinée. Ce qu’il faut maintenant, c’est qu’elle trouve un travail, ou une source de revenus en tout cas. Elle n’a pas d’autre choix. De toute façon, elle ne va plus en cours. Plus personne ne va plus en cours. Jules est toujours là, Jules a trouvé un pokémon, peu importe comment il a fait, quand il a appris qu’elle en avait un, il a tout fait pour en avoir un aussi. Mais c’était peine perdue. Les gens avaient déjà commencé à quitter les rangs du garçon pour s’allier à la fille. Mais le fait qu’ils n’aillent plus en cours n’est pas forcément une mauvaise chose pour elle. Les deux anciens leaders de classe se retrouvent régulièrement au skate parc improvisé Arène pokémon. Ils s’y battent, lui pour essayer de la battre, elle pour rappeler aux spectateurs qui est maîtresse de l’endroit. Qui est meilleure que n'importe qui.
“Et comment feras-tu, sans argent ? Ne crois pas qu’on accepteras que tu restes ici sans rien faire et sans rapporter de l’argent au foyer.”
C’est cette phrase qui lui a donné l’idée. Tout part de là, et elle devrait sans doute remercier ses parents pour ça, mais elle ne remettra jamais un pied dans cet appartement.
Ce soir du 02 Juin 2015, un combat pokémon entre Jules et elle était organisé. Mais puisque c’est si fréquent, et qu’elle est toujours aussi sûre de gagner, pourquoi ne pas faire d’une pierre deux coups ?
Avec deux amis estimés, la jeune combattante organise alors une prise de paris : si elle gagne, elle remportera une petite somme d’argent non négligeable.

“Prêts ? Combattez !”
En réalité, ces combats ne se déroulent pas vraiment comme un combat pokémons d’arène officielle. C'est-à-dire que les dresseurs n’ont que plus ou moins leur importance dans le combat. Les pokémons n’ont qu’un objectif : l’emporter, peu importe les moyens. Les capacités ont leur rôle à jouer, bien évidemment, mais les crocs et les griffes, les coups non officiels sont tolérés. Et si un pokémon est sur le point de mourir… et bien personne d’autre que son dresseur ne sera là pour se mettre au travers du coup fatal. Et cette dangerosité, ce risque, c’est ce qui dresse les poils sur les bras de la combattante alors que la cloche est sonnée. Alors que son Abaddon se jète sur le César de Jules, un caninos enragé et complètement idiot. Comme quoi, tel maître, tel pokémon…
Abaddon commence par un jet de sable, et charge le pokémon feu en face, désorienté. Il devrait pourtant apprendre de ses erreurs et esquiver, le rocabot commence presque toujours ses combats de cette manière. En tout cas contre César, tellement simple à duper… Mais la dresseuse ne va pas s’en plaindre, elle sourit en observant le combat, le pokémon de type roche reculer après son attaque, l’autre se redresser en couinant. Rocabot s’ébroue, fier de son attaque et des cris contents de la petite foule autours. Le combat se passe correctement, seulement quelques poils brûlés pour Abaddon et une patte foulée contre un pokémon mis K.O. par une nouvelle et dernière charge.
Sous les cris de joie et de déception des spectateurs présents, la jeune combattante descend de son module pour se placer à côté de son pokémon et lève le poing en regardant les spectateurs, un petit sourire au coin des lèvres. Elle a gagné. Et elle ne compte pas s’arrêter maintenant. Une fois le bruit de la foule atténué, elle se décide à prendre la parole. Tout le monde doit savoir qui elle est. “Je m’appelle Lilith. Et ceci est la première victoire d'une longue série.”


15 Janvier 2017.
Deux ans que la jeune femme est partie de chez ses parents. En réalité, après ce combat marquant le début de sa carrière de combattante clandestine, elle n’est pas retournée chez elle, a trouvé un squat dans une rue plus basse encore et y a installé le peu qu’elle possédait.
“Tout est prêt ?”
Ça en a l’air en tout cas. Ils ont failli se faire prendre plus d’une fois. Même les quartiers pauvres de Voltapolis sont sujets à des contrôles de police. Même dans les quartiers pauvres, des gens sont prêts à appeler la police quand ce genre de réunion est prévu. Ca fait partie du métier, a priori. Le risque, elle aime ça. Les combats, aussi. Mais le nec plus ultra, c’est le regard de ceux qui regardent. Ce n’est même pas l’argent. C’est vraiment cette sensation de puissance, ce respect palpable à son encontre quand elle se tient debout avec Abaddon sur le ring, quand elle sort du ring et qu’elle sent toujours les regards sur son dos. C’est ce qu’elle cherche, la raison pour laquelle elle continue de risquer son argent, et peut-être parfois sa vie en se rendant dans ce genre d’endroit. Quelques fois elle doit se battre avec ses poings en sortant du ring, parce qu’elle porte trop d’argent sur elle, même si ce n’est fondamentalement pas beaucoup pour n’importe qui vivant dans le centre ville, ici dans les quartiers pauvres, quelques pokédollars représentent déjà une grosse somme. Heureusement, ses entrevues avec Jules au lycée, et même quelques fois au-delà du scolaire lui ont appris comment survivre et se défaire d’une situation mal engagée.

“Tout est prêt.”
Cette fois-ci, elle ne combat pas. En tout cas pas en premier. Ce soir il y a des pokémons anormaux parmi les combattants. Ce soir, certains seront dopés. Et Abaddon à jeun ne fait pas le poids contre un pokémon drogué. Alors elle est arbitre, monte sur le ring avec son tee-shirt rouge court et son pantalon noir taille basse, et lève le bras pour indiquer aux combattants de se concentrer. Elle jette un œil au malosse à sa droite, laisse son regard traîner sur la queue de l’aquali à sa gauche. Entraîner un Aquali dans un tel environnement… C’est presque une honte, mais en même temps… L’étincelle de folie qui hurle dans son regard lui prouve qu’il n’est pas dans son état normal. Que les écailles bleues ne sont qu’un charme : les spectateurs voteront pour son adversaire, alors s’il gagne, il emportera encore plus. L’arbitre relève les yeux vers chaque dresseur avant de hurler aux combattants de combattre, et elle court et sort du ring alors que les bêtes se rentrent sauvagement dedans, oubliant presque leur nature pour se transformer en monstres.
Si elle ne combat jamais avec un pokémon boosté ? Oh que si. Mais ces substances coûtent cher, et elle n’a pas tous les soirs les moyens de s’offrir ce qu’elle désire. Alors pas ce soir. Et Abaddon a déjà combattu sous drogues ce mois-ci, et ce genre de produits est la chose la plus négative qu’on puisse trouver à donner à un pokémon. Alors elle n’en abuse pas, choisit cette fois-ci de parier sur l’Aquali. Il gagnera.
Peu souvent la jeune dresseuse se trompe. Quelques billets de plus en poche, elle remonte sur scène pour annoncer le prochain combat. “Viktor et son Herbizarre contre Jason et Katty le Delkitty !” un instant se passe ou elle échange des regards avec les deux combattants, puis, comme en aparté : “Promettez-nous quelques frissons, d’accord ?” Son petit sourire en coin ne la quitte pas alors qu’elle abat son poing levé sur sa cuisse et s’écarte tranquillement du sable.


30 Août 2019.
Les travaux battent leur plein. Cette expression est peut-être un peu lourde alors qu’elle est la seule à effectuer ces-dits travaux, rejointe de temps en temps par quelques hommes ayant flairé le bon moyen de se faire de l’argent facile. Elle a surtout eu besoin d’aide pour réparer la toiture. Les poutres du bâtiments étaient -dieu merci- toujours en place et en bon état, ne serait que le revêtement à refaire. Refaire l’isolation sonore complète de l’ensemble et c’est sans doute ce qui lui a coûté le plus, et nettoyer l’intérieur. Les équipements, pour l'instant, ils n’en ont pas besoin. Quelques cordes et piquets de fer trouvés dans des poubelles seront suffisants pour délimiter les terrains. Et puis étant donné que des combats ont lieu très régulièrement déjà ici alors que rien n’est prêt, les combattants laissent en général quelques babioles pour aider. Tout le monde attend la rénovation complète de l’établissement. Tout le monde est pour son idée, tout le monde rêve de pouvoir venir régulièrement dans cet endroit qui promet d’être aussi incroyable que leurs réunions clandestines en pleines rues des quartiers mal-famés. Le seul problème, c’est toujours la police qui continue de patrouiller dans leur périmètre d’action et se doute de quelque chose. Ils ne laisseront pas s’ouvrir à Voltapolis un endroit tel que les Cercles promettent d’être. Pourtant ça ne l’arrête pas, elle continue les travaux, les terminera quoi qu’il lui en coute. Les gens sont de son côté maintenant, ils ont compris qu’elle ne gagne pas de l’argent que pour elle, mais qu’elle cherche aussi à améliorer la vie des sans foyers de ses rues. Ces rues sur lesquelles elle semble régner, petit à petit. Sur lesquelles elle veille, en tout cas. Elle n’est pas la police des bas-quartiers, non. Elle en est plutôt l’arbitre qui fixe les règles de chaque conflit, et promet de créer un lieu où chaque mésentente pourra rapporter de l’argent à n’importe qui, et être réglée par des règles qui leur parlent, sans prison au bout du chemin, sans arrestation et sans amende.
Alors elle travaille, parce que ce pour quoi elle se bat en vaut la peine. Pour les autres, et pour elle. Les regards qu’on lui adresse, et non plus qu’on lui jette, n’ont plus la même saveur qu’avant, et elle ne rebrousserait chemin pour rien au monde. Ce projet, c’est le projet de sa vie. De son avenir... Et elle ne troquerait cet avenir pour aucun autre.


03 Juillet 2020.
Dans cette robe de poison, sur ces talons hauts et sous le rouge de ses lèvres bien plus profond que n’importe quelle semelle Louboutin, Lilith avance, jumelle de la tritox qui marche à ses côtés. Ce soir, elle a décidé d’attacher ses cheveux en un gros chignon à la désinvolture réfléchie. Seules quelques mèches choisies tombent de chaque côté de ses yeux aux cils relevés de mascara. Ce soir, elle ouvre officiellement son établissement, qui prendra naturellement le nom que les gens lui ont déjà donné : Les Cercles.
Elle marche dans des rues qui au fil des jours, des semaines et des années sont devenues siennes. Tout lui y est permis, et les quelques améliorations qui ont été faites ces dernières années ont été possibles grâce à son financement. Les gens la portent haut dans leur estime, et elle représente sans doute leur seul espoir que le quartier reprenne de la splendeur. Le scandale de la centrale n’est pourtant pas vieux, mais les gens quittent déjà la ville, et les policiers sont occupés à des endroits plus intéressants que les quartiers pauvres, ce qui a laissé tout le loisir du monde aux combattants de terminer les derniers détails. Et ce soir, ils fêtent l’ouverture. Alors elle a décidé de marquer le coup.
Oui, ce soir elle est belle.
Ce soir, elle ne se saliera pas.

Elle entend la musique avant même d’arriver, amplifiée comme toujours par les deux ramboums d’un gars venant déjà depuis quelques années pour vendre sa drogue humaine et pokémon. L’isolation a été refaite pourtant, et heureusement. Peut-être pas avec les meilleurs matériaux de la région, mais c’est toujours mieux que ça n’a été. Elle ouvre finalement les portes pour se retrouver face à une foule qui n’a pas attendu son arrivée pour s’installer. Les gradins sont déjà plein de spectateurs impatients, alors elle s’approche, franchit les quelques marches qui permettent de monter sur le cercle principal, et attend simplement que son adversaire la rejoigne en observant la foule silencieuse. Même les basses des Ramboums se calment soudainement pour lui laisser la place. Elle ne prend que quelques instants pour s’imbiber de cette sensation de puissance pour laquelle elle se perdrait volontiers, puis rouvre les yeux, les laisse glisser sur les hommes et les femmes présentes et leurs pokémons, sur les combats à venir. Des cotes ont été fixées pour réguler un peu les jeux, pour les rendre plus intéressants. Les mises des perdants lui reviennent et elle en distribue une part aux parieurs vainqueurs, suivant les cotes. Le reste vient dans sa poche, pour l’amélioration de l’établissement et du quartier. Amélioration dans son sens, bien sûr. Elle ne rendra pas à cette ville sa splendeur d’autrefois. Elle ne brillera plus des lumières du luxe. Bientôt ces Bas-Quartiers seront le centre-ville d’une cité reconnue comme celle de Lilith de Voltapolis et brûlante de tous les brasiers qu’elle y créera.
“Je m’appelle Lilith. Et cet établissement m’appartient.” S’ensuivit le premier combat de la soirée entre Lilith et celui qu’elle ne considère plus depuis longtemps comme son ennemi : Jules.
Un combat aux couleurs d'un avenir splendide.