C’est fou de voir à quel point le monde se résume parfois à très peu de choses.
Présentement, le monde de Ryoma est fait de cris enragés, de coups, de bruits de chairs qui s'entrechoquent et d’une odeur mélangeant alcool et sueur. Aussi vaste que puisse être l'univers, celui du Yakuza se résume actuellement à ce ring de combat. Tout ne se résume qu'à quelques petites choses particulières
Plus rien ne compte si ce n'est son adversaire qui le rue de coups.
Mais, étrangement, cela lui convient. Ici les règles sont simples : c'est frapper ou être frappé. Il n'y a pas de traître à chercher, pas d'actes impardonnables à essayer de comprendre, pas de morts à pleurer, pas de souvenirs qui s'immiscent et tronquent la réalité, rappel funeste et perpétuel de tout ce qu'il a perdu.
Non, ici il n'y a que la violence. Le monde de Ryoma se résume à la violence et ça lui convient très bien. Car la violence lui offre une trêve, un moment de répit ou la peine se tait. Il ne reste que la douleur. Mais cette douleur-ci lui rappelle qu'il est bel et bien vivant. La violence est une vieille amie qui l'accompagne depuis toujours. Elle a toujours été présente, jusque dans ses plus lointains souvenirs. Elle était déjà là dans son plus ancien souvenir d'enfance. C'est flou. Il se souvient d' éclat de voix, de bris de verre et du bruit sifflant et cinglant d'une gifle. Les protagonistes lui apparaissent tels des ombres. Était-ce ses parents ? Des inconnus Il n'a jamais su. Il ne se souvient pas mais la violence était là et elle ne l'a pas quitté depuis. Tantôt ennemie, tantôt amie. S'il n'en est pas un fervent adorateur, si elle est souvent la dernière option à laquelle il recourt, Ryoma à tout de même appris à l'apprécier.
C'est grâce à cette violence que son histoire avec les Imagawa à commencer. Grâce à elle qu'il a trouvé une famille, un but à donner à sa vie. C'est en partie grâce à la violence qu'il a rencontré la seule femme qu'il aura jamais aimé.
Et c'est grâce à la violence qu'il accomplira son devoir et vengera les siens.
Car si Ryoma combat ce soir ce n'est pas pour la somme d'argent non-négligeable qu'on lui a promis. Ce n'est pas non plus par amour du combat mais pour attirer l'attention d'un homme.
Lestat Burton.
Riche excentrique, propriétaire du casino de Nemerya, roi des requins dans cet océan qu'est la pègre. Son nom n'a cessé de jaillir des bouches que Ryoma à interroger. Si des informations qu'il veut, s'il doit retrouver quelqu'un, c'est Lestat Burton qu'il lui faut. Sauf que ce n'est pas un homme que l'on approche aussi facilement. On lui a proposé de combattre. Si Ryoma bat le Champion en titre, il pourra certainement approcher l'organisateur de ces combats undergrounds. Pourquoi pas ? Cela lui avait bien réussi avec les Imagawa. Et puis, ce n'est pas comme si Ryoma avait d'autres alternatives.
Mais la chose s'avère bien plus ardue que prévu. Ryoma est un bon cogneur mais il est loin d'être un boxeur. Son adversaire le domine complètement, que ce soit en termes d'expérience ou de stature. Grand, massif, peau d'ébène. Il ne lui manque plus qu'une paire de bras supplémentaire pour ressembler parfaitement à un Mackogneur. A côté, Ryoma paraît frêle malgré sa bonne condition physique. Il prend un nouveau coup, en plein visage et s'effondre au sol. Le monde tourne un instant alors qu'il essaie de se redresser. Peut-être devrait-il rester au sol…
- Tu encaisses bien, le Kantonais. Il faut laisser ce qui est, tu fais un bon sac de frappe !
Ryoma ne répond pas. Toutes ses forces sont mobilisées pour faire bouger ses muscles, pour forcer son corps à se redresser. L'autre à raison, il sait très bien encaisser c'est ce qu'il fait de mieux. Si seulement il avait son sabre…
* Une ouverture, c'est tout ce dont j'ai besoin *
Arceus semble entendre la prière de l'homme tatoué de la tête aux pieds. Son adversaire - se croyant déjà vainqueur - lui tourne le dos, salue la foule.
Grave erreur.
Mu par l'énergie du désespoir, Ryoma se redresse d'un bond et se hisse sur le dos du champion en titre, ses bras se serrant fermement autour du cou de ce dernier. La scène peut sembler cocasse. Elle évoque vaguement un Dodoala accroché à sa bûchette mais, loin de rire, le public semble extatique. La foule se lève et crie de plus belle, chacun encourage son favori. Le retournement de situation est inattendu et des plus marquants. Bien que son visage se tord sous l'effort qu'il déploie pour rester accroché à cette montagne de muscles qui se débat comme un Bourrinos enragé, Ryoma est satisfait. Son but n'est pas de gagner mais de marquer les esprits et, sur ce point, il est complément gagnant. Sa hargne et sa capacité hors norme à encaisser des coups aussi puissants qu'un coup de massue lui ont permis de marquer les spectateurs. Mais l'attention d'un seul l'intéresse. Il espère que cela suffira car il sait qu'il ne sortira pas vainqueur de ce combat.
La violence. Tu la côtoyais tous les jours, d’aussi loin que tu te souvenais. Tu en étais infecté depuis ta plus tendre enfance. Si elle était une maladie, tu contribuais égoïstement à cette épidémie. Elle faisait tellement partie de ta vie qu’elle ne te faisait plus rien. La violence ne te dégoûtait plus, ne te dérangeait plus, ne t’effrayait plus. Parce que de toute façon, tes mains étaient souillées de sang, sans que tu ne saches réellement s’il s’agissait du tien ou de celui de tous ces gens dont tu avais abusé de la confiance. N’oublie pas, tu es le résultat d’une vie de silence et de secrets. Le chef d’œuvre d’une mère narcissique, d’un emploi dangereux, d’un ex petit ami douteux et de manies autodestructrices, qui avaient moulé Lestat Burton. On te décrivait comme un riche excentrique ennuyé, mais on sait, toi et moi, que lorsqu’on se met à creuser, on trouve des trésors enfouis. Et plus l’on creuse, plus ça devient sombre. Et plus ça devient sombre, plus ça devient dangereux.
Alors, pourquoi es-tu aussi convoité, Lestat Burton ? Tu ne portes pas ton cœur sur la main. Tu n’es pas sympathique, ni agréable. Tu ne cherches pas à te faire aimer et pourtant tu as le monde à tes pieds… Plutôt, tu forces le monde à se courber en ton sens, et si les choses ne vont pas comme toi tu veux, tu frappes là où ça fait mal, et où on s’y attend le moins. Tu étais probablement plus troublé que tes démons. Peut-on te blâmer de ne jamais avoir connu la douceur ? La douceur ne t’aurait pas amené tout ce que tu possèdes en ce moment. Ton terrain de jeu, Nemerya, endroit que tu connais comme le fond de ta poche car tu as déjà moisi dans la majorité de ses quartiers les moins fréquentables. Ton casino. Ta fortune. Ton réseau, que tu construis lentement grâce à tes informateurs et ta facilité à accéder à de sombres sources qui contient de sombres secrets. Si ton monde s’assombrit à chacun de tes anniversaires, tu trouves pourtant à briller. Autant rendre la noirceur un minimum amusante, si tu devais vivre dedans, non ?
Même si tu connaissais la violence, qu’elle ne te faisait ni chaud ni froid, tu n’étais pas violent. Pourtant, un bon spectacle menait toujours un bon combat. Et si on t’invitait à des événements, tu y allais parce que tu y voyais un intérêt, ou pour faire bonne figure. Mais bien honnêtement, tu aurais préféré être chez toi plutôt que de t’ennuyer au milieu d’une foule un peu trop bruyante pour ton anxiété sociale, à regarder deux hommes se taper dessus comme des sauvages. Surtout qu’il y en avait un clairement en avantage de taille et de poids sur l’autre. Si tu prenais appui contre le bar, c’était pour soupirer. Prada te manquait.
Tu demandais à la barmaid un refill de ce qu’elle n’aurait pas de difficulté à concocter comme breuvage. Tu ne buvais pas si souvent, mais tu allais avoir besoin d’un petit remontant pour endurer ta migraine et l’odeur écoeurante de ces lieux. Et si la rouquine t’avait amené un verre de rhum and coke, tu souriais légèrement. Ta présence en ce bar avait-elle autant marqué le staff, pour que même des années plus tard, on se rappelait de qui tu étais ? Pourtant, tu n’étais plus avec Elijah. C’était une boisson que tu partageais strictement avec lui.
Tu retrouvais ta place parmi la foule aux côtés de ton homme de main, les yeux rivés sur le ring alors que tu te penchais pour lui adresser la parole.
J’ai raté quelque chose d’intéressant ?
« Pas spécialement. Le Kantonais se fait narguer et tapocher depuis ‘t’à l’heure. »
Hm. Donc rien.
Tu soupirais alors que tu venais prendre une première gorgée de ta boisson. Et, comme si ce n’était qu’une fin un peu trop prévisible, la loi du plus fort voulait que le plus gros l’emporte. Tu venais pencher la tête sur le côté, comme… Déçu ? Tu t’attendais à un bon spectacle, pas une fin prévisible. Enfin. C’était jusqu’à ce que Frankenstein ne renaisse de ses cendres et agrippe le gros boxeur qui avait crié victoire trop vite. Ça devenait soudainement un peu plus intéressant, et Tyson à tes côtés semblait estomaqué par le retournement de situation. Toi ? Oui, aussi. C’était ce que tu espérais, et comme à l’habitude, ta satisfaction passait au-delà de n’importe quelle émotion que tu ressentais. Et pour être satisfait, tu l’étais. Au diable s’il remportait, ça, c’était du spectacle.
Bien, bien…
Tu venais terminer ton verre presque d’une traite que tu venais glisser une clope entre tes lèvres pour l’allumer et tirer longuement dessus. Comme si tu réfléchissais un peu, le temps que tu assistes à la fin de ce combat barbaresque entre une brute épaisse et un homme intelligent.
Je n’ai jamais vu cet homme à Nemerya.
Tu te doutais assez vite que s’il se donnait autant, c’était pour toi. Que c’était pour ton attention qu’il se faisait taper dessus. Voulait-il te prouver quelque chose ? Voulait-il travailler pour toi ? Était-il envoyé par quelqu’un d’autre ? Tu ne le savais pas encore, mais la situation ne t’était pas complètement étrangère. Si tu étais en terrain inconnu, te savoir encore moindrement en contrôle te rassurait énormément. Tu détournais le regard vers Tyson, tes yeux au reflet aussi brutal que la lame d’un couteau.
Emmène-le moi.
Tyson comprenait ce que tu avais compris. De toute façon, si tu lui adressais ces yeux sombres, il savait qu’il avait généralement intérêt à t’obéir. Même s’il avait l’avantage de taille et de force sur toi, ça ne voulait rien dire, la plupart du temps tu avais le dernier mot. C’était dans un soupir que dès le combat terminé et le vainqueur annoncé, ton homme de main s’était éclipsé vers le ring pour faire sûr d’aller chercher le colis et le ramener à destination, à toi. Il ne fallait pas indéfiniment faire aller ses méninges pour comprendre les intentions de cet homme qui recherchait désespérément à te marquer. Tu avais compris son appel, et tu avais connecté les points. Oh, ce n’était pas lui qui était vainqueur, mais s’il s’approchait de toi, tu l’invitais à s’asseoir à tes côtés au bar.
Impressionnant. J’aurais presque cru que vous gagneriez…
Tu faisais glisser un verre de rhum and coke en sa direction. Un premier pour lui, un deuxième pour toi. Et le silence planait entre vous deux l’espace d’un instant.
Qu'est-ce qui vous amène en Nemerya ?
(c) TakeItEzy & Ellumya
Ryoma Takahashi
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La foule est complètement en délire alors que le Kantonnais s’accroche au colosse à la peau d’ébène avec une énergie qui le surprend lui-même. Il comprend un peu mieux l’attrait que peut avoir ces combats pour certains, maintenant qu’il est lui-même galvanisé par les cris exaltés des spectateurs.
Il s’accroche. De toutes ses forces. L’autre grogne, jure, le griffe alors qu’il tente d’attraper Ryoma. C’est plus violent qu’un rodéo sur un Bourrinos enragé. Le Champion en titre se jette dans les grilles du ring, roule au sol mais Ryoma tient bon et, pendant un instant, il ose croire qu’il a une chance de gagner. Ce n’est pas son objectif mais il reste humain. Et la victoire fait toujours du bien à l’égo, même quand on est d’un naturel humble. Mais cet espoir de victoire n’est que pure chimère. La dure réalité attrape violemment Ryoma en même temps que les énormes paluches de l’autre combattant qui l’abbat violemment au sol. Le challenger n’a même pas compris ce qu’il s’est passé. Il n’a même pas le temps de se poser la question qu’un poing le percute violemment.
Ce sera une victoire par KO.
Ryoma n’a pas perdu connaissance mais il s’en est fallu de peu, et s’il arrive se redresser c’est seulement grâce à la force titanesque de son adversaire qui vient l’aider à sortir du ring une fois le combat fini.
- Ahaha ! C’était épique ! Il faudra remettre ça mon pote !
La tape qu’il met dans le dos de Ryoma menace de lui décrocher un poumon. Il se contente de lever le pouce, plussoyant ainsi une éventualité qui n’arrivera certainement jamais. On l’attend à la sortie du ring. Les gars qui l’ont amené ici, majoritairement, quelques spectateurs visiblement sous le charme de la performance ainsi qu’une autre montagne de muscles. Sa seule présence suffit à mettre ses contacts mal à l’aise, et quelque chose dit au Yakuza que cela n’a rien à voir avec sa stature ou son air patibulaire.
- Il veut que tu l’accompagnes. Vient souffler à l’oreille de Ryoma l’un des gars qui l’a entraîné ici. - Comme ça ?
Pour seule réponse, on lui lance un essuie-éponge et un peignoir. Oui, il ira rencontrer Lestat Burton “comme ça”, en short de combat et la tête pleine de sang et d’ecchymoses. Faut croire que c’est une homme qu’on ne fait pas attendre.
Burton est moins impressionnant que ce que Ryoma le pensait. Le Kantonnais serait presque déçu mais il sait qu’il ne faut pas juger un livre à sa couverture. Lui-même ne paie pas de mine et pourtant il était l’un des hommes les plus redoutés de Céladopole, fut une époque. Son regard sombre s’attarde un instant sur son hôte. Il est jeune, bien plus jeune que lui, ce qui l’incite à se méfier. Oh, ce n’est pas que Ryoma dénigre la jeunesse mais si l’éphèbe a réussi à se hisser aussi haut à si jeune âge cela ne veut dire qu’une chose : il est dangereux.
A quel point ? C’est ce qu’il reste à découvrir…
- Qui a dit que j’étais complètement perdant ? Lance Ryoma à l'altercation de Burton.
Son visage reste neutre mais une lueur amusée danse un instant dans son regard alors que ses mots laissent - pas si - indirectement comprendre que la victoire n’était pas son objectif premier. Mais ça, le maître des lieux semble bien l’avoir compris.
Malgré que le jeune homme l’ait invité à s’asseoir, le Yakuza reste debout encore un instant, avisant le verre d’alcool que l’autre fait glisser vers lui. L’alcool ne se partage pas avec n’importe qui chez les Yakuzas. On boit avec les alliés et les amis, les gens de confiance. Et puis,il n’aime pas ce genre d’alcool…
Mais un vieux proverbe venant d’une contrée très lointaine dit “A Rome, fais comme les Romains”, n’est-ce pas ? Aussi le Kantonnais finit-il par s’asseoir aux côtés de Burton avant de prendre une rasade de rhum coke tandis que ce dernier lui demande ce qu’il amène Ryoma dans ces contrées. Ainsi il est déjà au courant… Il n’a pas volé sa réputation.
“Et qu’est-ce qui vous fait croire que je viens seulement d’arriver ?”
Ryoma aurait pu dire quelque chose comme cela, joué aux désintéressé pour masquer sa faiblesse, pour masquer le fait , qu’en ces terres, il est complètement démunis. Sans clan, sans alliés, sans fortune et sans réputation. Mais il est avant tout un homme droit et honnête. Aussi ne prend-t-il pas par quatre chemins.
- Un fantôme. La rage qui l’envahit tandis qu’il pense à Nakamura est encore plus âcre que le goût de l’alcool qui déferle dans sa bouche. J’ai entendu dire que si on cherchait des informations ou une personne, c'était vers vous qu’il fallait se diriger. Seriez-vous intéressé par une chasse aux fantômes ?
Non, Ryoma n’aime pas y aller par quatre chemins mais ça ne veut pas dire qu’il est contre un peu de suspens…
Non. Tu n’avais rien d’intimidant. Tu étais jeune, tu étais maigre, tu n’avais pas l’air particulièrement vivant si l’on pouvait te décrire ainsi. Ça ne te faisait rien ce que l’on pensait de toi, car s’il abaissait leur garde lorsqu’ils faisaient face à toi, c’était tout à ton avantage. Tu ne jouais jamais selon les règles, et c’était ce qui rendait les choses excitantes. C’était difficile de se monter contre toi, car tu étais imprévisible. Sa réponse à ta remarque était la bonne. C’était ce à quoi tu t’attendais et ça te plaisait; et tu ne lui adressais que l’honneur d’un gloussement, qui exprimait à la fois ta surprise et ton contentement. Tu remarquais qu’il ne s’assoyait pas et qu’il n’acceptait pas ce verre que tu lui offrais, et ça te surprenait un peu. Tu observais chacune des manies et habitudes de cet homme pire qu’attentivement, et ça ne faisait que confirmer ce que tu croyais, et ce que tu avais soumis comme hypothèse à ton homme de main. Cet homme ne venait pas de Nemerya, tu irais jusqu’à dire qu’il venait d’une autre région. Qu’est-ce qui te faisait croire ça ? Tu connaissais presque tout le monde au noir, Lestat. Le casino était un point chaud très fréquenté par les criminels de Nemerya. Soit cela, ou ils travaillaient pour toi. Et si cet homme, qui participait à ces combats en sachant qu’il n’avait presqu’aucune chance de gagner contre une telle brute ? À voir son allure, même s’il était actuellement mal en point, tu te doutais qu’il ne soit aussi suicidaire que toi-même tu l’étais. Donc oui. Tu savais. Et il savait que tu savais. Tu prenais une gorgée de ta boisson, c’était pour l’écouter répondre à ta question fatidique, qui ne manquait pas à venir te soutirer un petit soupir, alors que tu haussais un sourcil. C’était donc des informations, qu’il voulait ?
Il était vrai que tu avais des yeux et des oreilles partout en Lumiris, voire même jusqu’au sein des autorités. Les gens n’étaient pas bien compliqués à corrompre, et tu savais combler de sombres désirs. C’était ce qui te rendait dangereux; tu avais les pieds dans le bain. Tu étais surpris qu’il ait fait des pieds et des mains pour t’atteindre, plutôt que d’utiliser la solution simple et passer par Madelyn. La dévotion savait toujours accrocher ta curiosité.
Hmmm…
Tu faisais impatiemment taper le bout de tes doigts contre la table, signe que tu réfléchissais. C’était toujours difficile de prendre des décisions sur une personne qui t’était étrangère sans faire de background check. Tu relevais tes yeux argentés vers l’homme qui se trouvait devant toi, alors que tu le scrutais un peu du regard, avant de le regarder directement dans les portes de l’âme.
Les rumeurs vous ont dit vrai.
À voir ce qu’il avait à t’apporter, cet homme. S’il avait entendu parler de toi, cela voulait dire que vous aviez des fréquentations similaires. Les dires sur toi étaient cependant plutôt mitigés; aussi positifs que négatifs. Tu te méfiais tout de même, et tu essayais de tirer un peu plus d’informations pour comprendre ce qui était vraiment derrière ses motivations. Mais s’il cherchait la trace de quelqu’un qui était décédé ou disparu…
Ça ne devrait pas être trop difficile, dépendant du pétrin dans lequel votre fantôme s’est mis.
Mais bien sûr, Lestat, tu restes une crapule qui profite des autres. Et tandis que tu souriais en coin, tu laissais légèrement tomber ta tête sur le côté, d’un air interrogateur.
Mais dites-moi, qu’est-ce que cela m’apporte de vous aider ? Parce que jusqu’à présent… Vous êtes seulement un étranger sur mon terrain de jeu.
C’était ta façon à toi de dire que tu étais ouvert à la négociation et de lui demander de confirmer son identité. S’il ne te répondait pas, tu chercherais sans doute toi-même. Vous deviez conclure un marché pour que tu puisses lui rendre service; tu n’as jamais été un bon samaritain qui aide les autres pour le plaisir de le faire. Non. Tu étais Lestat Burton : le sauveur de certains et l’antéchrist d’autres. C’était à lui de décider de ce qui allait en advenir de votre alliance.
(c) TakeItEzy & Ellumya
Ryoma Takahashi
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Ryoma arque un sourcil. L’autre homme semble… déçu ? S’attendait-il à autre chose ? Peut-être. Qui sait ? Le Yakuza en tire une certaine satisfaction. C’est une bonne chose s’il a pu susciter l’intérêt de Burton à ce point.
Car Burton peut devenir le pivot dans ses plans de vengeance et de renaissance.
Ryoma est loin d’être dupe. Seul,n’arrivera à rien, que ce soit pour retrouver ce traître de Nakamura ou pour faire renaître le clan de ses cendres. Il a besoin d’aide, de fonds et de quelqu’un qui connaît parfaitement les dessous de Lumuris. Et Lestat Burton semble être le candidat parfait. Encore faut-il qu’il soit compétent et digne d’une certaine confiance. Mais ça, le Kantonnais ne le saura pas tant qu’il n’aura pas traité un minimum avec lui.
Leurs regards se croisent. L’un comme l’autre se scrutent et se jaugent. Si les personne n’a encore parlé marché, les négociation ont d’ores et déjà.
Le plus jeune confirme les dires de l’aîné, lui affirmant qu’il est tout à fait possible de retrouver l’homme qu’il cherche. Ryoma reste toujours impassible, fixe un point du bar et grimace alors qu’il prend une nouvelle gorgée de son cocktail. Vraiment, ce type de boisson n’est pas pour lui.
- Mais dites-moi, qu’est-ce que cela m’apporte de vous aider ? Parce que jusqu’à présent… Vous êtes seulement un étranger sur mon terrain de jeu.
* Nous y voilà… *
C’est maintenant que les négociations débutent réellement. Maintenant qu’il lui faut tirer son épingle du jeu pour tenter de séduire le roi de la pègre de Nemerya. Sauf que ce n’est réellement pas le fort de Ryoma. Il est trop honnête, trop droit pour ce genre de manœuvre. Peut-être aurait-il dû écouter Hida et laisser le vieil homme l’accompagner, il est bien plus habile pour marchander. Mais il fallait quelqu’un pour veiller sur le jeune maître et Hida se fait trop vieux pour pouvoir affronter le danger de face.
Il n’est plus question pour Ryoma de perdre qui que ce soit de son clan.
- Que savez-vous des Yakuza, Mr Burton ? Répondre à une question par une autre question, ça commence déjà mal, n’est-ce pas ? Ryoma fixe son verre durant ce lapse de temps. Ce n’est pas une bonne idée de commencer par là mais maintenant qu’il a commencé autant continuer. Vraiment, il aurait dû laisser Hida l’accompagner… Nous sommes issus d’une longue tradition qui remonte à des temps presque immémoriaux. Continue le Kantonnais, donnant indirectement quelques informations éparses sur qui il est. On nous compare souvent à de simples malfrats mais nous sommes plus que cela. Nous avons un code reposant sur la loyauté, l’honneur et la justice.
Le bois du bar tangue un instant sous ses yeux sombres. Effet de l’alcool ? Peut-être un peu mais ce sont surtout ses vieux fantômes qui reviennent le hanter au moment le moins opportun, comme toujours.
Assis en Seiza, je fixe le sol. C’est le silence autour de moi. Et pourtant tous les membres du clan étaient présents. Je suis assis à côté de l’Oyabun. Je viens de lui prêter allégeance. Sa voix résonne, rompant le silence de la salle de rituel.
- Te voilà devenu un membre de la Famille, Ryoma. Et en cette qualité, voici les préceptes que tu te dois de respecter : Tu n’offenseras pas les bons citoyens, tu ne prendras pas la femme du voisin, tu ne voleras pas l’organisation et tu lui seras toujours fidèle , tu devras obéissance et respect à tes supérieurs, tu accepteras de mourir pour l’Oyabun ou de faire de la prison pour lui, tu ne devras parler du groupe à quiconque, en prison tu ne diras rien et il ne t’es pas permis de tuer ceux ne faisant pas partie de la pègre.
Mon regard est resté fixé sur Nakamura, tout au long du discours. C’est lui mon témoin. Hida est celui du chef. Une fois le discours fini, je hoche respectueusement la tête, signalant que je m’engage à respecter ces dix lois qui sont les nôtres.
Le savait-il déjà à l’époque ? Nakamura savait-il déjà qu’il allait mettre à bat tous ces préceptes ?
- Quiconque va à l'encontre de ce code est un homme mort. Continue Ryoma, comme si tout allait bien. Celui que je cherche a bafoué le code, il a trahi notre famille et il mérite d’être châtié en conséquence. Sa main se resserre instinctivement autour de son verre, seule preuve de la rage qui l’envahit à chaque fois qu’il pense à Nakamura ou évoque son nom ou sa personne. Je vais être honnête, je n’ai pas grand chose à offrir. Lance Ryoma alors que son regard sombre et déterminé croise celui de Lestat. Je n’ai ni fonds, ni ressources pour l’instant et encore moins d’homme. Je n’ai que ma lame et mes poings à offrir en échange. Du moins… pour l’instant. Mais un Yakuza paie toujours ses dettes, il sait se rendre utile envers ses alliés et n’oublie jamais les services qui lui ont été rendus. Si vous êtes prêt à faire ce pari, je peux vous offrir la collaboration de tout un groupe organisé, à l’avenir. Et si je ne tiens pas parole, alors vous pourrez avoir ma tête. Il se redresse, bois d’une traite le reste de son verre et fixe Burton dans les yeux.
- Mon nom est Ryoma Takahashi. Je suis un Yakuza sans Famille. J’ai besoin d’aide pour retrouver le traître qui a décimé les miens et faire renaître le clan de ses cendres.
Décidément, Hida aurait dû l'accompagner. Il n’est vraiment pas doué pour ce genre de manoeuvre…
Alors que tu avais laissé une ouverture à ce Ryoma, celui-ci savait te régaler, peut-être pas de la façon dont tu voulais exactement. Si, habituellement, les membres de la pègre avaient tendance à sembler désespérés pour leur attirer tes belles faveurs, ce Kantonnais ne manquait pas à te prendre de court. Il était… honnête. Sans doute trop honnête. Mais bon. C’était une façon de jouer, de mettre toutes ses cartes sur la table au premier tour. C’était une curieuse façon qui te plaisait, parce que tu pouvais voir au-travers de ton adversaire. Et alors qu’il vidait son sac, toi, tu prenais appui sur ton coude et tu l’écoutais, avec un sourire attentif qui se dessinait contre ton gré. Et pendant qu’il parlait, tu débattais des possibilités dans ta tête. Mais tu ne connaissais pas cet homme, et si toi tu ne le connaissais pas… Les chances que d’autres personnes en Nemerya le connaissent étaient assez, pour ne pas dire, maigres.
Un Yakuza, vraiment ?
Tu cachais souvent que tu avais fait affaire avec un duo de Yakuza dans ton jeune temps. Enfin, jeune… Tu as à peine trente ans, tu es encore jeune. Mais tu étais encore plus jeune lorsque tu vendais de la drogue, et que tu agissais sous le nom d’un autre homme. Quand tu n’étais qu’un pion sur l’échiquier. Et honnêtement ? Tu ne t’étais jamais senti autant en sécurité qu’avec ces hommes à tes côtés. Ils étaient droits, disciplinés, et ils avaient fait leur travail rapidement, efficacement. Mais tu haussais les épaules. Tu avais du respect pour les organisations de ce genre. Toi, de ton côté, tu avais tendance à intimider et forcer les gens à se plier à toi. Même si tu étais fragile. Comme quoi il ne faut pas juger un livre par sa couverture, non ?
Tu ne rajoutais rien à ton commentaire, parce que tu voulais comprendre où cet homme voulait venir. Tu ne lui avais pas demandé ses raisons, mais visiblement, c’était une affaire à régler entre eux. Tu ferais le messager pour traquer cet homme. Donc, il y en a un qui voulait la tête de l’autre, une violation du code d’honneur. Oh. Tu sentais un sourire satisfait se dessiner sur tes lèvres. Serais-tu en train de perdre la tête et devenir sadique, Lestat ? Le malheur des autres semble t’aider à te motiver. Mais voilà que le Yakuza te soulignait qu’il n’avait rien à t’offrir en échange de tes services. Pas d’hommes, pas de ressources, ni d’argent. Tu t’en fichais, à vrai dire, de l’argent. Tu en avais tellement que tu ne savais plus quoi en faire. Alors, il se mettait à désespérément négocier, et ça te plaisait. Tu faisais ce qu’il te demandait. Et en échange, soit tu aurais de ton côté un groupe de Yakuza, ou tu pourrais avoir la tête de ce Ryoma. Tu ne fis que réfléchir l’espace d’un instant.
Intéressant. Il faut dire que vous savez négocier… Gros. Vous êtes certain de ce que vous mettez sur la table ?
Il en était certain. Et il savait sans doute que toi, tu aimais les risques. Tu aimais un bon spectacle, une grosse récompense. Il mettait beaucoup de sa confiance en toi, ce qui était flatteur. Tu voyais dans son regard, son regard sombre, qui ne fuyait pas tes mirettes argentées fatiguées, qu’il était sérieux et prêt à tout pour retrouver ce traitre et honorer son clan. Même s’associer à l’abominable Lestat Burton, le roi des requins. Il se présentait enfin. Ryoma Takahashi, qui n’avait visiblement plus rien. Tu as déjà été à cet endroit, toi aussi. Tu n’avais plus rien, et tu devais repartir à neuf. Compter sur une crapule pour te relever…
Quel cas intriguant… sifflais-tu, d’une voix plus douce.
Tu n’avais pas besoin de faire semblant de réfléchir.
J’aime les paris, et je les gagne toujours. Marché conclus, dans ce cas !
Ce n’était jamais trop difficile de te convaincre lorsqu’on avait les bons arguments. Et ce Ryoma, il les avait, les bons arguments. Et puis, un petit défi, ça ne te ferait pas de tord. Tu avais une main pleine de ressources pour traquer n’importe qui et mettre la main sur n’importe qui. Alors ? Même si c’était difficile de trouver cet homme, ça avait pour but d’être assez divertissant, dans un sens.
Vous avez un délais, monsieur Takahashi ? Enfin… Si vous voulez discuter des détails…
Tu regardais autour de toi et tu fronçais légèrement les sourcils.
Nous devrions le faire dans un endroit où les murs n’ont pas d’oreilles.
Tu finissais ton verre presque d’une traite que tu te relevais. Tu avais pour habitude de te faire très bref dans tes premières approches, et ça t’allait bien ainsi.
Venez me rencontrer demain à exactement 14h au casino de Nemerya, vous serez escorté par mon assistante et nous pourrons discuter de votre cas plus sérieusement et plus convenablement. Préparez toutes les informations dont vous pouvez penser; j’ai besoin de tous les détails possibles sur cet homme.
Ton bureau serait nettement plus approprié pour parler de ce genre de cas qu’un bar miteux grouillant de criminels, non ? Et puis, tu ne voudrais pas qu’on abatte ta cible avant que tu ne puisses la traquer, non ? Ce serait une grossière erreur de débutant.
Si vous êtes en retard, cela remettrait en considération votre sérieux; j’assumerai donc que notre entente n’a plus lieu et je prétendrai que la discussion de ce soir n’a jamais eu lieu. Je vous dis donc à demain, monsieur Takahashi. Reposez-vous, vous avez l’air d’en avoir besoin…
Et c’était sur ces derniers mots que tu t’éclipsais après l’avoir brièvement salué, non sans être suivi par ton homme de main, à une certaine distance.
[ . . . ]
Tu n’étais pas particulièrement plongé dans la paperasse aujourd’hui. Tu faisais le payroll de tes employés du casino, et c’était ta première tâche de la journée. Tu avais un rendez-vous à 14h pile, et tu l’attendais impatiemment. 13h45. Tu t’étais réveillé plus tôt que d’habitude afin d’être plus présentable pour cette rencontre. Oh, tu n’allais pas discuter d’un cas de recherches lorsque ça faisait seulement 15 minutes que tu étais réveillé, non ? Tu pris une gorgée rapide de ton café alors que tu écrasais ta énième cigarette de la journée dans ton cendrier, les yeux rivés sur l’horloge. Et une fois que 14h tapait, comme prévu, tu entendais toquer à la porte. Et tu souriais.
Entrez.
Ta conjointe avait donc ouvert la porte pour permettre au Yakuza d’entrer en ton bureau, non sans vous souhaiter une bonne rencontre, avant de la refermer derrière lui.
Ah, monsieur Takahashi. Quel plaisir de voir que notre accord tient toujours la route ! Vous semblez en meilleur état qu’hier.
Tu lui faisais à nouveau signe de prendre place sur le siège devant toi, et tu venais le regarder directement dans les yeux.
Donc ? Qu’avez-vous à me dire sur cette personne ? Si je désire que vous ameniez des précisions, je demanderai au fur et à mesure.
Tu étais prêt à prendre des notes. Des notes papiers. Tu ne faisais pas confiance aux ordinateurs et aux téléphones avec de telles informations. Et ainsi, toute ton attention était dirigée vers ce Ryoma.
(c) TakeItEzy & Ellumya
Ryoma Takahashi
Dresseur·euse Nova
Messages : 62 Née le : 09/09/1986 Age : 37 Région : Kanto - Céladopole Pokédollars : 1000 Stardust : 305 Stardust utilisés : 25 Equipe pokemon :
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Il n’observe pas Burton, tout le temps que dure son discours. Non, Ryoma est perdu dans ses pensées, aveuglé par ses vieux fantômes alors qu’il conte son histoire à Lestat. Mais s’il ne le regarde pas, c'est également un peu par pudeur. Le Yakuza a terriblement conscience de sa vulnérabilité actuelle - et on ne va pas se mentir, c’est désagréable - mais il ne compte pas jouer l’homme fier et indépendant. Non, l’honnêteté prime avant tout pour le Kantonnais, même si cela doit se faire au détriment de sa personne. Il est ainsi, juste et honnête.
Tellement honnête qu’il avoue à son comparse de la soirée qu’il n’a rien à lui offrir en échange de ses services. Il peut juste lui faire des promesses. Mais cette fois-ci, Ryoma fixe Burton droit dans les yeux car un homme ne se débine pas quand il a une telle demande à faire. C'est du moins ce que l’on lui a appris.
Le Yakuza ne sait pas trop comment il doit interpréter le sourire du parrain de Nemerya. Est-ce de l’amusement ? Ryoma peut le comprendre. Il arrive avec rien et demande tout, il y a de quoi rire… De la satisfaction ? Peut-être mais la raison échappe complètement au Kantonnais, dans ce cas. Enfin les intentions de Lestat se dévoilent et, au plus grand étonnement de Ryoma, elles semblent être en sa faveur.
- On ne peut plus sûr. Confirme-t-il tandis que Burton lui demande s’il est certain de ce qu’il met en gage.
Il n’a pas grand chose mais il est prêt à mettre en jeu la seule chose qui a encore un tant soit peu de valeur. Et s’il doit échouer et périr, ainsi soit-il. Il se pliera au code sans sourciller et offrira lui-même à Lestat.
Les derniers détails se peaufinent rapidement, les deux hommes se donnent rendez-vous le lendemain au Casino de Nemerya. Enfin, c’est surtout le benjamin qui prend l’initiative. Lainé, lui, est toujours un peu abasourdi par le fait que l’autre ait accepté aussi vite sa requête.
Bien que l’entretien avec Burton fut relativement bref, la nuit de Ryoma fut courte. Et pourtant, la fatigue et le sommeil ne l'avaient pas boudé, cette fois. Mais il lui avait fallu faire un compte-rendu à son Oyabun, lequel n’était guère enchanté d’être ainsi mis sur la touche.
- A quoi bon être l’Oyabun si ce n’est pas moi qui m’occupe de ces tâches-là ?! - Ce n’est pas ce que votre père aurait vou.. - Mais il n’est plus là ! Ce n’est pas à ses ordres à lui que tu dois te plier mais aux miens. Tu es mon bras droit et… - Et en tant que tel, je me dois de vous protéger. Quand je serai certain que Burton est digne de confiance, je vous mènerai lui, soyez-en sûre Oyabun.
Parfois, Ryoma oublie qu’il n’a plus à faire à un enfant mais à un homme presque fait. Non, le materner et éloigner son jeune maître de la voie qu’il a choisi n’est pas une solution.Mais en tant que bras droit, Ryoma a aussi le devoir de le protéger et tant qu’il ne sera pas sûr que Lestat Burton est un homme à qui il peut se fier, il ne mènera pas son Oyabun à lui…
***
Il arrive un peu en avance par rapport à ce qui était prévu, juste assez pour avoir le temps de s'empoisonner à coup de nicotine dans une rue adjacente à celle du casino. Certains passants se retrouvent sur Ryoma mais ce dernier n’y porte pas attention. Il sait qu’il a une horrible dégaine. Si ses lunettes de soleil cachent le coquard à l'œil, elle ne cache pas la lèvre fendue et le pansement sur la pommette ouverte. Il a beau être tiré à quatre épingle comme à son habitude, son allure du jour n’est guère rassurante, si bien que la réceptionniste hésite à le laisser entrer malgré qu’il dise être là expressément sur la demande du propriétaire des lieux.
La dame décide de faire appel à plus gradée qu’elle et c’est un visage familier qui se présente à Ryoma.
- Mademoiselle Lodge. Salue le Yakuza alors qu’il s’incline.
Ceci explique cela. Il s’était bien demandé pourquoi la jeune étoile de Lumiris logeait dans un casino. Il commence à comprendre un peu maintenant. Trempe-t-elle dans les mêmes affaires que Burton - à qui elle semble être affilée -, mystère. Mais cela importe peu au Kantonnais.
- Takahashi, suffira, Monsieur Burton. Lance Ryoma après avoir salué Lestat. Il s’installe sur la siège désigné par son hôte et enlève ses lunettes, lui laissant admirer son œil bouffi et garni d’une belle ecchymose. Disons que j’ai connu pire… Le gérant du casino ne perd pas de temps et se pare de quoi écrire. Ryoma hoche de la tête approuvant silencieusement le comportement et signalant qu’il est d’accord pour s’y mettre de suite. Il ignore toujours s’il peut faire confiance au jeune homme mais il a l’air consciencieux, c’est déjà cela. Il se nomme Nakamura Masao. Explique le Yakuza alors qu’il semble chercher quelque chose dans la poche intérieure de sa veste. Il en ressort une photo. Elle semble dater un peu sans être non plus extrêmement vieille. Dessus des hommes, une bonne vingtaine. Le noyau des Imagawa-gumi. Ryoma pointe le visage d’un homme situé juste à côté de lui. Un homme somme toute banal d’apparence, semblant avoir une quarantaine bien tassée. C’est une photo qui a été prise il y a une dizaine d'années de cela mais il n’avait guère changé à l’exception de quelques rides. Le silence plane un instant alors que Ryoma ravale la rage qui le secoue intérieurement.
Le noyau principal de la famille comportait une vingtaine d’hommes puissants. Il y avait tout autant de jeunes recrues. Sans parler des pokémons… Ryoma ne comprend toujours pas comment Nakamura s’y est pris pour décimer tout le clan, même avec l’aide du Towa-kai, cela relève de l’exploit…
- C’est une homme intelligent. Il aura certainement falsifié son identité. Pour ce qui est de son rapport avec le crime, je n’ai malheureusement aucune piste. Tout ce qu’on a réussi à obtenir comme information à Kanto, c’est qu’il s’est fait aider pour fuir ici. Il ne doit pas avoir énormément changé. Comme chaque Yakuza, il possède plusieurs tatouages. C’est à peu près tout ce qui me vient à l’esprit actuellement mais si vous avez des questions, n’hésitez pas. Je me rends bien compte que ça fait peu pour retrouver un homme…
Le silence plane de nouveau alors que Ryoma laisse le temps à Lestat de prendre note si l’envie lui prend. Son regard sombre se balade un peu dans la pièce. Bien vite, un détail lui saute aux yeux.
- Dites-moi ? Vous recevez souvent des étrangers pour de telles affaires sans protection ?
C’est rare que Ryoma fasse preuve d’une curiosité frisant presque l'indiscrétion mais ça l'interpelle réellement. Vu l'activité de Lestat, c'est étonnant de ne voir aucun garde dans son bureau. Ça le rend très vulnérable. Si celui qui lui voudrait du mal ne sortirait certainement pas vivant d’ici, ça ne l'empêcherait pas de tuer Burton…
- Vous faîtes une cible facile, ainsi… Ajoute Ryoma tandis que son regard se plante dans celui de son interlocuteur; toujours aussi inexpressif que d’accoutumée.
Bien évidemment que Madelyn pataugeait dans tes mesquineries. Pas au même niveau que toi, par contre. Si elle était en surface, tu t’arrangeais pour qu’elle garde la tête en-dehors de l’eau et qu’elle n’aille pas trop profond. Car lorsque c’est profond, c’est sombre. Et si c’est sombre, il n’y a qu’une personne comme ta Madelyn Lodge pour t’attirer plus d’ennuis que tu ne pouvais déjà en avoir.
Ta nouvelle rencontre entrait pour finalement retirer ses lunettes; dévoilant les bribes de sa performance d’hier pour t’impressionner. Ce genre de dévotion, tu l’avais déjà vue, mais tu n’avais rien d’un sadique; c’était juste une technique pour se rendre à un grand homme sans risquer de se faire refuser. Il te corrigeait sur son nom, tu gardais cette information dans un coin de ta tête; il était vrai que les Kantonais avaient une façon différente des Lumiriens à se présenter.
Vous étiez prêts à commencer cette dite consultation que tu possédais quelques renseignements; la personne que tu recherchais porterait le nom légal de Nakamura Masao, mais aurait falsifié son identité, comme la plupart des criminels fugitifs à Lumiris (sauf toi). Il t’avait montré une simple photo; tu n’avais jamais vu cet homme, ni quelqu’un qui pourrait lui ressembler. Tu fronçais un peu les sourcils.
« Des signes distinctifs comme des cicatrices ? Si vous connaissez le nom de la personne l’ayant aidé, ou la source de ses faux papiers, il serait facile de remonter jusqu’à lui. »
Chose certaine, ce n’était pas toi qui l’avais aidé, car ce nom et ce cas ne te disaient strictement rien. Ryoma ajoutait comme détail qu’il possédait plusieurs tatouages, que tu demandais de décrire brièvement alors que tu prenais des notes. Tu réfléchissais alors qu’une seule question brûlait tes lèvres.
« Et pour que vous le désiriez mort… Dites-moi, quels squelettes cet homme cache-t-il dans son placard ? »
Tu prenais si sagement des notes sans rien dire, tu écoutais chaque précision que le Yakuza t’apportait de l’oreille la plus attentive. Chacune de tes interactions était calculée; tu n’allais sans doute pas dévoiler tes sources ni révéler ce qui se cachait sous la manche de l’infameux Lestat Burton. Tu portais sur tes maigres épaules le poids de la pègre de la grande ville de Nemerya, et tu ne pouvais pas dire si c’était impressionnant ou pathétique. Dans tous les cas, c’était intimidant. Car tu avais beaucoup d’hommes sous la main, directement comme indirectement, qui travaillaient pour toi. Des hommes en qui tu pouvais avoir confiance. Mais Ryoma te glissait une remarque qui venait attirer ton attention. Une remarque qui te faisait subitement arrêter d’écrire tes notes, que tu relevais lentement les yeux sur lui. Venant plonger directement ton regard argenté dans ses portes de l’âme, forçant presque ce contact visuel avec lui alors que tu sentais un malin sourire caresser tes lèvres.
« Oh ? Mais quelle vilaine curiosité vient vous piquer là, Takahashi ? »
Tu te redressais légèrement, alors que tu le scrutais des yeux. De haut en bas, de bas en haut. Et tu haussais un sourcil.
« Une cible facile, oui. Qui l’aurait cru qu’il serait aussi facile de m’avoir, hein ? »
Tu venais ouvrir ton paquet pour glisser la précieuse source de ta plus urgente addiction entre tes lèvres, que tu en proposais une à ton nouveau collègue temporaire, ton nouveau client, tu ne savais plus trop comment appeler ce genre de relation professionnelle. Et tu venais allumer la tienne, que tu redéposais ton paquet sur ton bureau bien rangé.
« Si vous m’abattez, votre victoire se ferait courte, de toute façon. Et puis, il y a des signes qui ne mentent pas, Takahashi… »
Tu tirais une latte sur ta cigarette que tu penchais doucement la tête sur le côté, un peu plus décontracté. Oh, tu étais bien à l’aise en ton terrain de jeu, le roi de la montagne.
« Vous n’avez pas d’armes, pas d’hommes, pas d’argent. Et même si vous mentiez, impossible de traîner une arme ou une bombe sous une silhouette aussi maigre. Un couteau ? Si vous en portiez un, on vous l’aurait confisqué à l’entrée du casino. Du poison ? Bonne chance pour me faire avaler quoique ce soit. Votre seul et dernier recours pour mettre fin à mes jours serait donc une arme blanche improvisée ou de m’étrangler, dans les deux cas, ce serait beaucoup trop long pour que l’un de mes hommes ne le remarque pas… Et puis… »
Tu ne pouvais t’empêcher de ricaner doucement.
« Si cette l’idée de m’étrangler a traversé votre esprit, je penserais presque que vous êtes en train de flirter avec moi ! »
Quand allait-il comprendre que la menace à ta vie ne te faisait ni chaud ni froid ? Que cette manie de te mettre en danger, à la merci de ces étrangers qui voulaient régler leurs comptes avec toi, n’était qu’un pur délire masochiste qui te permettait de ressentir quelque chose ? Quand allait-il réaliser que Lestat Burton n’était pas seulement le roi de la pègre, non. Il était également un esprit tordu par beaucoup, beaucoup de choses qui l’avaient marqué et… changé. Tu avais changé. Et certains pourraient même dire que tu étais devenu fou. Peut-être que tu l’étais, chacun son truc, à la fin de la journée. Mais chose que tu n’étais pas, c’était une cible facile, car à la fin de la journée, chacun de tes coups et déplacements était prévu et calculé. Et tu avais assez analysé ce Ryoma Takahashi pour comprendre son pattern.
« Allez-y. Tentez-le, si vous êtes aussi suicidaire que moi. »
Tu le fixais. Longuement. Dans les yeux, en attendant le moindre de ses mouvements. Tu te faisais oppressant, et pourtant, tu restais immobile. Vous vous faisiez face, et au bout d’un moment, lorsque tu remarquais que Ryoma n’avait pas la moindre hésitation ni même la moindre once de folie, la moindre illumination à l’idée de te voir baigner dans ton sang, tu ricanais doucement.
« C’est ce que je me disais. Vous êtes un étranger, mais je connais les types comme vous. »
Après, tu en avais vues de toutes les couleurs. Tu pouvais te relaxer légèrement, que tu t’appuyais contre le dossier de ta chaise. Prada venait difficilement se glisser au-travers de la chatière qui séparait ton bureau du couloir, avant de s’avancer vers toi et prendre place contre tes genoux. Oh, elle était massive, ta Chaffreux. Mais dans sa tête, elle était toujours une petite Chaglam élégante, et tu ne pouvais pas la blâmer de ne pas s’habituer à ces changements. Tu venais caresser ses oreilles poilues, en t’empoisonnant une dernière fois avant d’écraser ton mégot dans le cendrier.
« Bref… »
Les doux ronrons de Prada venaient t’attendrir un peu.
« Comme je disais et notais, je pense que ce sera possible. Si j’arrive à trouver sa nouvelle identité déjà, je pourrai le retrouver en un rien de temps, je sais où chercher. Par contre, si la montre joue contre moi, c’est à cet instant qu’il se peut que les résultats ne viennent pas… »
Tu regardais le peu de notes que tu avais prises et tu fronçais les sourcils.
« Je tenterai de me faire efficace, mais étant donné le peu de détails que je possède, on peut parler de plusieurs semaines… Voire plusieurs mois. À vous de voir, Takahashi, si vous possédez cette patience, ce genre d’affaires peut se révéler frustrant. »
Plus Ryoma dépeint le portrait de Nakamura et plus il se dit que la tâche de Burton consistera à chercher une aiguille dans une botte de foin. L’espace d’un instant, il doute lui-même que ça soit réellement réalisable, mais l’autre n’émet aucun commentaire à ce sujet et redouble même de questions. Le Yakuza y répond docilement, décrivant les tatouages de Masao avec une précision presque terrifiante.
- Aucun. Répond-t-il à la question des squelettes dans le placard. C’est un Yakuza. S’il n’a pas marché sur le chemin de la bonté et de la justice, Nakamura n’a jamais rien eu à cacher, pas que je sache du moins. Je le désire mort parce qu’il a souillé l’honneur du clan, parce qu’il m’a tout prix. Et à ce sujet, je ne le veux pas mort mais vivant. Vivant et en état de subir mon courroux.
Ryoma n’est certes pas en position de négocier mais c’est pourtant un point non traitable, selon lui. Il est le seul à pouvoir punir Nakamura. Ce sera lui et personne d’autre.
Et puis vient sa question, à lui.
C’est une question innocente, sortie de la bouche d’un homme qui est loin de l’être. Une question qui va prêter à confusion, Ryoma le sait. Malgré cela, il n’a pas pu s’en empêcher, pour une raison qu’il ignore. Ce n’est pas par un malin plaisir d’intimider Burton, ce n'est pas dans son style et puis, l’homme au cheveux clairs ne lui donne pas l’impression d’être une personne que l’on intimide si facilement.
C’est juste arrivé, comme ça, de manière complètement impulsive, parce que ce sont des pratiques qui sont complètement inconnues du Kantonnais et qui lui semblent improbables et incohérentes. Jamais encore il n’avait vu un chef de pègre recevoir un parfait inconnu sans garde dans la pièce.
La remarque semble amuser le roi des requins, en tout cas. Ryoma soutient son regard alors qu’il l’ausculte sous toutes ses coutures. Il en fait presque de même tandis qu’il cherche à décrypter les émotions du plus jeune. Il n'a pas l'air de se sentir menacé ou d’être offusqué. Tout ce que Ryoma arrive à percevoir, c’est de l’amusement et ça le dépasse complètement. Cet homme tient-il seulement à sa vie ? Il ne donne pas cette impression au Yakuza mais ce dernier ne juge pas. Lui non plus n’accorde que très peu de crédit à sa propre existence mais ses raisons sont à des lieues de celle de Burton, ça il en a la certitude.
Le Kantonnais écoute tranquillement le Lumirien lui exposer toutes les options possibles pour l’avoir et l’échec de ces dernières. Y a-t-il quiproquo ? Ryoma n’en est pas certain. Burton lui donne plutôt l’impression de se jouer de la situation plutôt que de croire réellement aux sous-entendus entraînés par la question de Ryoma. Ce qui n’empêche pas ce dernier de se redresser alors que le maître des lieux l’invite à passer à l’action. L’homme sombre fait un pas un avant, se penche sur le bureau, laisse son regard sombre se planter dans celui de son vis-à-vis alors que son visage est à moins d’un centimètre du sien.
- Je pourrais tout aussi bien vous brisez la nuque. J’en ai la force et ca serait pour facile que d’essayer de vous tuer par asphyxie. Lance-t-il d’un ton neutre alors qu’il approche une main de son propre visage et cale une cigarette entre ses lèvres avant de venir l’allumer à celle qui repose dans le bec de Burton.
A quel drôle de jeu est-il en train de se livrer ? Ca ne lui ressemble pourtant pas de jouer ainsi des doubles sens et de la provocation. Burton a une mauvaise influence… C’est comme s’il avait réveillé quelque chose en Ryoma, quelque chose d’endormi depuis des lustres.
Mais le Yakuza reste sage et se contente simplement de se rasseoir une fois son numéro fini, arquant un sourcil alors que son interlocuteur affirme connaître les hommes dans son genre. Un léger rire échappe au principal concerné.
- Permettez-moi d’en douter. Lance l’homme aux cernes avant de s’empoisonner d’une bouffée de nicotine.
De l’orgueil ? Un peu, oui… Ryoma doit bien l’avouer, Lestat a piqué son orgueil en le jugeant prévisible et incapable de le tuer. Après tout, il appartenait à l’un des plus puissants groupes criminels de Kanto, il était autrefois craint dans tout Céladopole, la seule mention de son nom suffisait à faire trembler les hommes les plus braves. Mais ce qui chiffonne Ryoma dans les mots du baron de la pègre nemeryenne ce n’est pas tant qu’il remette en question ses faculté à tuer quelqu’un que le fait qu’il prétende le connaître. Comment un parfait inconnu pourrait-il le connaître alors que lui-même a du mal à sonder qui il est aujourd’hui. Les choses étaient simplement autrefois. Il était un membre loyal du clan Imagawa, un Lieutenant fidèle, un chef avisé, un grand frère attentionné, un amant dévoué. Et aujourd’hui…
Aujourd’hui Ryoma ne sait plus qui il est. Il a simplement l'impression d’être une coquille vide. Alors non, un inconnu ne peut pas prétendre le connaître quand lui-même ne se reconnaît plus.
Heureusement Burton a assez de finesse et de délicatesse que pour retourner à leur sujet initial alors qu’un énorme Chaffreux vient le rejoindre.
- Vous n’êtes pas si seul que cela, finalement. Lance le Kantonnais, mettant un point final à ce drôle de jeu qu’il avait lancé avec son étrange question. Pour ce qui est du temps, faites à votre aise. J’ai toute la vie pour cueillir ce traître, je ne vis plus que pour ça à vrai dire. Le silence règne un instant avant qu’il ne le perturbe de nouveau. Quelles seront les contreparties ?
Il y en aura. Ryoma a au moins la certitude de cela. On obtient rien sans rien, après tout. Et même si Lestat s’est montré charitable hier, le criminel doute fort qu’il lui offre ses services à titre gracieux.
Plus il te parlait, plus il te plaisait, ce Yakuza. Sa nonchalance, et son côté imprévisible, mystérieux… Oh, toi qui étais si confiant, toi qui te pensais au-dessus de tout, qui pensais l’avoir déjà complètement cerné… Tu te trompais. Toi qui voulais le troubler, il venait se joindre à ta mascarade en te prouvant qu’il était tout aussi tordu que toi. Il était si proche de toi, et pourtant, tu ne flanchais pas. Au contraire, tu verrouillais le contact visuel que tu sentais ce sourire dépravé déformer ton expression. Ah. Pourquoi ça te faisait ressentir quelque chose, cette façon indirecte de te menacer ? Tu avais tellement envie, à cet instant même, de sentir ses mains contre ton maigre cou alors que tout ce que tu voyais, c’était son expression vide de tout ressentiment. Tu en frissonnerais presque.
La violence, c’était ce qui te rendait tout chose. (Une réaction traumatique, peut-être ?)
Bon, tes cartes étaient sur la table, il avait vu un de tes points faibles. Peut-être étais-tu une mauvaise influence, peut-être que cette étrange tension entre vous à cet instant même vous corromprait lentement dans une relation étrange, le futur le dira. À voir si vous travaillez de façon rapprochée. Qui sait. (Ton petit numéro avec Madelyn ne trompait personne.)
Il allumait sa cigarette grâce à la tienne que ton cœur sautait un battement, alors que tu soufflais. Ne t’emballe pas trop vite Lestat, qui sait maintenant de quoi cet interlocuteur était capable. Quelle étrange lueur s’allumait en ton regard, alors qu’il se perdait dans les sombres mirettes du Kantonais…
« Les choses que je vous laisserais me faire... »
Et c’était sous ces simples quelques mots qui avaient un si sale impact pourtant, que tu mettais fin à ton freakshow en brisant le contact visuel pour reprendre le vif du sujet. Vous étiez dérangés par ta majesté Chaffreux qui miaulait comme une vieille porte de grange mal huilée alors qu’elle tentait tant bien que mal de passer outre cette chatière devenue trop petite pour elle. Ryoma te disait que tu n’étais pas si seul que ça, il disait quelque chose de censé, alors que Prada venait faire des biscuits contre tes maigres cuisses, avant de confortablement s’installer en miche de pain et ronronner. Oh ? Comment ne pas remarquer que tu étais un amoureux des félins ? Entre l’arbre à chat qui a connu de meilleurs jours dans le coin de ton bureau, le hamac suspendu dans lequel roupillait ton Lixy chromatique, la chatière et les divers pompons et jouets qui traînaient dans les racoins de la pièce, sans parler de ceux qui étaient perdus sous le bureau, merci Prada… Bon. Tu n’avais pas que des chats, tu avais aussi Balenciaga et Coco, mais ils n’étaient pas au bureau, aujourd’hui. Ils préféraient rester chez toi.
« On est jamais seul si on possède une ombre. »
Un regard malcommode que Prada lançait à ton invité avant de bâiller, soulignant son indifférence face à lui. Elle ne voulait que ton attention à toi, comme d’habitude, c’était un gros matou pire que détestable.
Ryoma te rassurait que le temps ne jouerait pas contre toi, tant mieux. Tu voulais lui ramener cet homme, et tu voulais lui ramener le bon. Tu en serais certain. Il te demandait les contreparties, tu avais bien sûr pris le temps de dormir là-dessus pour calculer ton coup. C’était un travail assez imposant qu’il te demandait de faire, alors…
« J’ai besoin d’un homme pour infiltrer Lodge Inc. »
Tu admirais chacun des traits de ton interlocuteur, comme pour te dresser un véritable portrait du personnage, maintenant que tu t'étais calmé de ces arrières pensées qui te corrompaient.
« Vous n’êtes pas le seul dont ma mort a caressé l’esprit, Takahashi. Robert Lodge a une dent contre moi, et il sait très bien qu’il ne peut pas faire grand-chose. J’ai reçu une visite agréable d’un mercenaire, le jeune m’a garanti qu’il gagnerait du temps. Mais vous savez… Il serait bien naïf de croire le premier étranger venu… »
Ton regard s’assombrissait, tant que tu le relevais vers le Yakuza. Ah, tu ne devais pas trop le regarder longtemps, histoire d’éviter une scène aux conclusions moins préférables, comme ce petit jeu auquel vous veniez tout juste de mettre fin.
« Je veux que vous deveniez le bras droit du vieux Lodge et que vous me rameniez des infos. Sur lui et sur son mercenaire, surtout. Oh, et bien sûr, tâchez de rester discret et en vie, surtout. Ce serait du gâchis qu’un homme comme vous se fasse avoir par un homme comme Robert… »
Oh, pas que tu doutais des compétences du Yakuza, non. Ce brin de folie partagée auquel tu avais participé plus tôt te prouvait que tu avais sous-estimé Ryoma, et il avait énormément remonté dans ta considération. Tu voulais donc lui accorder une clémence et le prévenir de certaines choses. Certaines choses étant son mercenaire, qui était un puissant dresseur que tu avais pu entrevoir. Tu ne connaissais pas encore totalement l’identité du garçon aux cheveux foncés et aux yeux d’océan, ceux qui te rappelaient ton Gregory. Mais tu savais qu’il devait être pris avec une certaine précaution, et tu observais tout mouvement dans les réseaux de tueur à gages via des informateurs, dans l’espoir d’avoir un renseignement. Cependant, le vieux Lodge savait se faire prudent, et la seule façon d’avoir des comptes-rendus de ses desseins ne serait qu’à l’interne. Robert connaissait tous tes hommes. Mais à Nemerya, ou même à Lumiris, si toi tu ne le connaissais pas, peut-être ne connaissait-on pas Ryoma. Là était une opportunité en or de piéger Robert Lodge en le prenant à son propre jeu. Œil pour œil, dent pour dent. Mais pour ça, il fallait se faire prudent. Et avec un homme comme Ryoma Takahashi… Le résultat pouvait se faire intéressant. Vous vous échangerez donc des faveurs presqu’impossibles. Des faveurs que vous ne pourriez pas accomplir l’un sans l’autre, sans doute. Tu venais doucement tapoter le bout de tes doigts contre ton bureau.
« Les bons comptes font les bons amis, Takahashi. Et si j’échoue à ma demande… Brisez-moi la nuque, ou privez-moi de mon souffle ? »
Ce n’est pas dans ses habitudes de jouer avec le feu de la sorte. Ryoma est un homme prudent et mesuré, un homme qui ne se laisse jamais dominer par ses émotions - si bien que certains chez les Imagawa le pensaient dénué de toute émotivité - et, pourtant, c’est bien par impulsivité qu’il se joint au petit jeu de Burton.
Ce dernier ne le sait pas mais il vient de réaliser un exploit jamais accompli par quiconque jusqu’alors. Il a réussi à provoquer Ryoma et à le faire réagir en conséquence. Personne n’y était arrivé avant ça, pas même sa tendre Kaori pourtant passée maîtresse dans l’art de mettre son petit monde hors de soi. Pourquoi lui ? Ryoma ne sait pas. Quelque chose chez Lestat semble faire écho à une autre chose qui, elle, est profondément endormie chez le yakuza. Lui qui est vide depuis si longtemps se retrouve secoué par quelque chose de vivace, un sentiment - certes quelque peu malsain - qui remue tout son être et lui donne l’impression de vivre de nouveau.
Envahissant sans vergogne l’espace vital du Lumirien pour allumer sa cigarette, l’ex-détenu attend. Ses yeux sombres et vides sont plantés dans ceux de son vis-à-vis, guettant sa réaction. Va-t-il être secoué par la même sensation que lui ? C’est un sourire qui lui est retourné, un de ces sourires qui n’a rien d’adorable, un de ces sourires qui peut dégoûter ou mettre mal à l’aise. Un sourire qui satisfait pourtant le Kantonais même si son regard morne et fatigué ne laisse rien transparaître, du moins jusqu’à ce que l’autre prenne la parole. L’homme à la chevelure sombre hausse un sourcil, faisant mine de ne pas comprendre où veut en venir le plus jeune. Mais il comprend très bien où veut en venir Lestat et la lueur fugace qui passe dans ses yeux sombres et cernés ne trompe pas.
L’invitation n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd…
Mais chasser le naturel et il revient au grand galop, n’est-ce pas ? Aussi le yakuza reprend-t-il rapidement contenance et s’écarte de Burton avant de se laisser tomber dans son siège. La tête posée sur le dossier du fauteuil, il s’interroge sur ce qu’il vient de se passer tandis qu’il tire une bouffée de nicotine et fixe le plafond.
Une folie passagère. Rien qui ne se reproduira jamais. C’est sa conclusion.
Peut-être que oui, peut-être que non. Ce n’est pas quelque chose sur laquelle Ryoma a une emprise, malheureusement.
Mais pour l’heure, il préfère délaisser ces frasques malsaines auxquelles il vient de se livrer et se concentrer sur l’objet de sa venue. Il est grand temps de parler de prix, car il y en a toujours un n’est-ce pas ? Ryoma s’attend à tout. Burton est après tout en position de pouvoir. Quoiqu’il puisse demander, le yakuza se verra forcé de s’y plier s’il veut mener ses propres plans à termes. Il s’attendait certes à tout mais certainement pas à cette demande. Si la société Lodge INC lui est complètement inconnue, le nom de famille, lui, ne l’est pas. Le parrain de la pègre de Nemerya ne lui a pas encore expliqué de quoi il en retourne précisément que Ryoma sait déjà qu’il ne va pas apprécier ce qui va suivre. Parce que ce Robert est forcément affilié à Madelyn Lodge n’est-ce pas ?
Madelyn Lodge… S’il y a bien une personne de laquelle Ryoma désire se tenir bien loin, c’est bien de cette blonde impétueuse au caractère bien trempé. Il n’a rien contre la jeune femme mais il n’aime pas la façon dont le fantôme de Kaori danse autour d’elle, il deteste le fait de retrouver certains mots de son aimée dans la bouche de cette diva à la chevelure d’or, il execre le fait que la fille Lodge et la fille Imagawa se ressemble tant, tels de parfats reflets que seul physique oppose.
Ryoma s’était promis de ne plus cotoyer la jeune femme - après lui avoir servi de chauffeur pour une journée - par craindre de flancher en sa présence. Il s’était juré de se tenir bien loin d’elle mais encore une fois, le destin semble trouvé un malin plaisir à le torturer. Soit… Si c’est le prix à payer pour accomplir sa vengeance, il s’y pliera.
- Ne vous tracassez pas pour moi, je ne compte pas mourir avant que vous ayez accompli votre part du marché. Lance Ryoma, affirmant indirectement qu’il accèdera à la requête de son commanditaire.
Il est assez confiant. Son dossier a été effacé, son identité en partie falsifiée couplé à ses allures des plus banales et sa nonchalance habituelle, personne ne devrait le soupçonner de quoique ce soit. Mais quelques variables inconnues demeurent. Il s’apprête à demander quelques précisions à Lestat mais ce dernier le prend de court, affirmant que s’il ne respecte sa part du marché, Ryoma n’aura qu’à mettre ses précédentes menaces à exécutions.
- Vous avez de drôles de penchant, Mr. Burton. Lance le Kantonais d’un air morne tandis qu’il laisse son coude reposer sur le bras du fauteuil et se sert de sa main comme appui pour sa tête. Mais je ne manquerais pas de m’exécuter si vous manquez à votre parole. De la même manière que je vous ai promis ma tête si je ne tenais pas ma propre promesse. C’est une question d’honneur, n’est-ce pas ?
Qui espère-t-il tromper avec son excuse idiote ? S’il est vrai que l’honneur a une place prépondérante dans sa vie, ce n’est certainement pas cette valeur qui le motivera à mettre ses pseudos-menaces à exécutions. Mais les excuses sont faites pour s’en servir non ?
- Je vais cependant avoir besoin de quelques précisions, je pense. Notamment concernant ce fameux mercenaire ou encore à propos de Miss Lodge. A quel point est-elle impliquée dans cette affaire et quel est son lien avec ce Robert ?
Non, Ryoma ne cache nullement le fait qu’il connaît la jeune femme. A quoi bon ? Si Burton est aussi efficace que ce qui se dit, il finira par savoir que Ryoma a servi de chauffeur à la demoiselle. Et puis, le Kantonais n’a rien à cacher, du moins pas à ce sujet.
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