L'astrologie avait toujours attisé un sentiment de curiosité en toi. Depuis ton plus jeune âge, tu observais les étoiles, tu essayais de les comprendre – elles semblaient t'appeler. Il paraît que les étoiles ont beaucoup à raconter, beaucoup à dire. Il paraît que les étoiles te connaissent, te comprennent. Elles peuvent te permettre de te découvrir. Tu ne t'étais jamais arrêté à plus loin que la beauté de ces lumières célestes – les alignements astrales te paraissaient trop complexes pour que tu puisses réellement t'y pencher. Mais ta curiosité avait un sentiment doux-amer d'inachevé. Cette impression t'obsédait d'autant plus depuis que Iara était entré dans ta vie. Lui non plus, tu ne le comprenais pas et pourtant, un lien fort vous unissait. Vous sembliez vous comprendre dans vos incompréhensions ; et votre chemin commun ne faisait que commencer.

On dit que le ciel était dessiné, et toi Helia, toi qui n'avait jamais eu la chance de te découvrir en tant que personne – toi qui tentait, encore aujourd'hui, de devenir quelqu'un de bien, de devenir... quelqu'un, tout simplement – de te forger une personnalité, d'apprendre à connaître tes préférences – toi qui pouvait enfin vivre librement. Tu te sentais prête à te plonger dans cet univers qu'était l'astrologie – tu voulais en savoir plus, tu voulais comprendre ou du moins, essayer de comprendre. Petite chose intriguée, jeune personne émerveillée.

Sur un coup de tête, tu avais contacté un astrologue – il était doué dans son domaine, il pouvait t'aider. Tu te lançais dans cette expérience en ayant que le flou pour te transporter, tu avançais dans la brume ; une brume épaisse mais agréable. Elle était douce comme une brise, fraîche comme une faible pluie un matin de printemps, mais tu n'y voyais rien. Tu étais à la fois effrayée et surexcitée. D'ailleurs, ce dénommé Ludwig avait accepté de te rencontrer dans ta ville portuaire. Tu aurais voulu aller le rejoindre – tu n'aimais pas que les gens se déplacent pour toi, en réalité, tu culpabilisais. Mais tu avais passé une semaine entière à faire de l'overtime, tu avais dû remplacer une collègue malade et, toi Helia, incapable de dire non, tu n'avais pas eu le moindre congé jusqu'à aujourd'hui. Enfin, tu pouvais souffler. Mais les nuits précédentes avaient été difficiles, tu n'avais pas eu le luxe de rêver, le sommeil n'étant ni assez profond, ni assez tenace pour te permettre d'exprimer un seul « j'ai bien dormi » – tes nuits étaient courtes et tes journées étaient longues. Tes paupières étaient lourdes et sans café, tu ne tenais pas la journée. Tu ne tenais même pas l'heure, pour ainsi dire la vérité. Et pourtant... pourtant. Si tu avais pu, tu te serais déplacée. Tu aurais voulu te déplacer.

Sans grande surprise, tu étais à l'avance. Tu n'avais jamais le moindre retard, parce que tu voulais éviter toutes mauvaises premières impressions à ton sujet. Rien que le fait d'y penser te faisait frémir ; non pas de joie, mais bien de peur. Tu ne voulais pas que l'on te perçoive mal...
Tu avais déjà pris un café en attendant l'astrologue – tu t'étais donné la permission, parce que tu ne voulais pas t'endormir sans pouvoir te contrôler devant lui. Ce serait une honte sans pareille... Tu comptais boire plus d'une boisson, dans tous les cas ; elles ne seraient pas de trop.

Tu avais levé les yeux, et il était là. C'est ce que tu pensais... Tu ne l'avais encore jamais vu, mais c'était ainsi que tu l'avais imaginé. Il fallait dire que les photos postées sur les réseaux sociaux aidaient beaucoup lors de la reconnaissance d'une personne inconnue. Tu t'étais levée à l'entente de ton prénom, et tu lui souriais.

« C'est bien moi, oui ! Je suis ravie de vous rencontrer, Ludwig... »

Évidemment qu'il pouvait s'asseoir. Tu avais hoché la tête sans attendre, en lui présentant la chaise devant toi. Tu étais un peux nerveuse, sans savoir pourquoi. Certains diront qu'il était naturel pour la plupart des gens d'appréhender les nouvelles rencontres, qu'elles soient professionnelles ou non... Et c'était bien vrai. Tu n'avais jamais vraiment demandé les services de qui que ce soit de manière officielle, tu te sentais intimidée. Tu te sentais toute petite, comme un poisson dans l'océan.

« Je vais bien, et vous alors ? J'espère que vous n'avez pas eu trop de difficulté à trouver le café ? Ce n'est pas celui auquel je vais d'habitude, mais il est plus simple à repérer... Je ne voulais pas vous rendre la tâche trop difficile... Je ne savais pas si vous connaissiez bien Port-Corail et ses alentours. »

Il était plus loin que ton café habituel, mais c'était un consensus raisonnable, sachant que tu avais évité un voyage beaucoup plus long.
Mais Helia, tu parlais peut-être un peu trop. Tu n'avais pas besoin de te justifier et pourtant, tu ressentais le besoin de le faire. Ce n'était pas nouveau, tu ressentais toujours le besoin de le faire.

« Bien sûr, prenez tout votre temps pour manger ! Je ne suis pas pressée, de toute façon. J'ai congé aujourd'hui. »

Tu ne te serais pas permise de prendre un rendez-vous pour une consultation alors que tu devais travailler la journée même. Cela t'aurait ajouté un stress en plus, et ce n'était pas bon pour toi, de paniquer... Tu étais déjà suffisamment anxieuse au quotidien.

Ludwig n'était pas venu seul. Il avait un Pokémon avec lui ; une jeune Chlorobule désirant assister à la consultation. Elle était adorable, cette petite plante. Tu lui avais adressé un doux sourire avant d'agiter la main dans sa direction. « Bonjour à toi, Sonate ! Ça ne me gêne absolument pas que tu restes avec nous. J'ai moi-même des Pokémons présents aujourd'hui. Par exemple, Iar– » Un regard à gauche, puis un à droite et... Ah. Iara n'était pas visible depuis ta place. Tu n'avais aucune idée d'où il se trouvait, mais le connaissant, il était sans doute en train de faire le tour du café... Histoire de visiter, de partir en reconnaissance ; enfin, il allait sans doute revenir bientôt.

« Hum... Sinon, j'ai aussi Calypso qui m'accompagne. C'est la jeune Otarlette qui s'amuse à tenir en équilibre sur le dossier de ma chaise depuis tout à l'heure. »

La créature acrobate, à l'écoute de son nom, avait arrêté son spectacle, maintenant qu'on l'avait remarqué. Calypso était incroyablement agile... Honnêtement, tu ne savais pas comment elle faisait. Elle aimait se donner en spectacle. Honnêtement ? Ce Pokémon était un rayon de soleil, elle rendait l'atmosphère positive et sa présence te faisait du bien.

« Je pense que... Je vais en profiter pour me commander un autre café. Je ne voudrais pas que la fatigue ait raison de moi lors d'un moment aussi important ! »

La main devant la bouche, un rictus rieur, tu t'en moquais mais c'était une situation qui te préoccupait réellement. Aujourd'hui, tu avais besoin d'une double dose de carburant. Ton porte-feuille allait peut-être en souffrir, mais ta grosse semaine de travail allait vite régler le problème, lors de ta paie. Alors... tu savais que tu pouvais te permettre ce surplus de caféine.

« Vraiment ? Je suis heureuse que vous aimiez la ville. »

Tu souriais à Ludwig tout en approchant ta main de Sonate qui, elle-même, s'était avancée vers toi. C'était la première fois qu'un Pokémon appartenant à un autre dresseur te démontrait autant d'intérêt. Bien sûr, tu avais un bon lien avec les Pokémons en général... Mais la jeune Chlorobule n'avait pas la moindre méfiance, et elle s'était même permise de te toucher les cheveux. Tu ne savais pas ce que cela signifiait, mais tu ne pouvais t'empêcher de ricaner tant le geste était mignon... et innocent.

Au moment où vos commandes étaient arrivées, ton Starmie avait finalement décidé de montrer le bout de son nez – enfin, le bout de son joyau. Il avait même tiré une chaise libre pour avoir sa propre chaise à lui... Tu ne savais pas comment il avait réussi, puisqu'il ne possédait pas de bras. Mais avec Iara, seul l'impossible était impossible.
Il était cependant un peu trop petit pour la chaise, et seul ses trois branches les plus hautes dépassaient de la table. Calypso s'était ensuite perchée sur le dossier, et maintenant, le duo de Pokémons aquatiques était prêt à écouter la consultation.

« Je ne sais plus quoi faire de vous... »

Tu te grattais la tête, tout en terminant ta seconde tasse de café. Tu supposais que si tes compagnons n'avaient pas le droit de prendre cette chaise en otage, un employé viendra les avertir. En attendant, il y avait peu de clients dans le café, alors... Ça passait, n'est-ce pas ?

Et quel timing ! Maintenant que tout le monde était prêt, Ludwig l'était également. Tu étais ravie qu'il passe un bon moment. Parfois, tu avais peur de faire la conversation – et si tu étais barbante, ou si tu en disais un peu trop sur ta vie ? Parfois, tu ne réfléchissais pas avant de parler et tu te confiais trop. Parfois, tes discussions pouvaient sembler monotones. Parler de la pluie et du beau temps, ce n'était pas pour tout le monde... Heureusement, Ludwig semblait à l'aise de discuter. Tu étais rassurée. Même si tu étais timide, tu n'aimais pas les longs silence. Tu refusais de laisser un quelconque malaise s'infiltrer.

« Je suis... Enfin. Nous sommes prêts ! »

Tu jetais un coup d'oeil en direction de tes deux amis bleutés.
Tu ne savais pas ce à quoi allait ressembler cette consultation ; tu étais d'une fébrilité presque palpable. Sans trop savoir pourquoi, ni les raisons qui se rattachaient à cette appréhension. Tu ne savais même pas ce que tu attendais et peut-être allais-tu même avoir du mal à saisir les informations. Mais tu avais hâte d'essayer.

Ludwig te disait, tout d'abord, que ton heure de naissance était spéciale. En effet, tu étais née à 4:44 du matin. Tu t'en rappelais, parce que cette combinaison de chiffres t'avait particulièrement marquée. Ce n'était évidemment pas ta mère qui te l'avais apprise – tu avais fait cette découverte par toi-même, alors que tu étais tombée sur ton certificat de naissance – le bout de papier traînait parmi une pile d'affaires et... et, tu avais lu tes informations. Tu étais très petite, lors de ta naissance. Et tu étais née à 4:44 du matin, un un neuf mars.
Un angel number... Tu ne savais pas ce que cela signifiait. Apparemment, ce chiffre pouvait t'amener un message spirituel. Tu l'attendais encore à ce jour, ce message... Mais au moins, l'heure de ta venue en ce monde était positive. Ludwig semblait déjà te connaître, alors que vous veniez à peine de vous rencontrer. Tu étais du genre analyste et observatrice, mais tu ne pouvais pas saisir une personne en moins d'une heure, non plus... C'était donc ça, un astrologue ?

« Oui, je... enfin. J'aime beaucoup aider les gens... » Souvent au détriment de toi-même. « Je n'aime pas quand les gens souffrent. » Parce que tu ne voulais pas qu'ils ressentent ce que toi, tu as ressenti.
Tu ne voulais pas que cette douleur que tu avais jadis connu, et celle que tu connais malheureusement toujours, se rendent jusqu'à ceux qui ne le méritaient pas. Et dans ta petite tête fragile, personne ne le méritait.

La question de ton interlocuteur t'avait prise par surprise. Parce que... tu n'avais aucunement réfléchis à ce que tu attendais, ni même à ce que tu voulais entendre. C'était ta curiosité qui t'avait poussé à prendre ce rendez-vous ; ce sentiment d'inachevé – tu avais autrefois frôlé l'astrologie du bout des doigts sans pour autant t'y rendre, et tu voulais connaître cet univers. Tu voulais te connaître parmi les étoiles et les cieux.

« Je n'attends rien en particulier. Vous savez, Ludwig... J'ai souvent été intriguée par l'astrologie, mais je ne m'y connais que très peu. J'ai du mal à me trouver en tant que personne, parce que... » Non... tu ne voulais pas parler en détails de ton passé. Ce n'était pas le moment. Pas maintenant. « Pour diverses raisons. J'ai du mal à savoir qui je suis réellement. Peut-être que... j'apprendrai à mettre des mots sur certaines choses, grâce à vous. »

Était-ce la réponse qu'il attendait de ta part ? Attendait-il une réponse en particulier ou se devait-il simplement de la poser ? Est-ce que certaines personnes s'intéressaient à l'astrologie pour les mauvaises raisons ? Était-ce seulement possible ?
Tu aurais aimé lui poser tout un tas de questions, mais... Ce n'était pas ton moment, Helia. C'était lui qui devait te guider. Si tu avais des interrogations, tu allais devoir les garder pour la fin.