Enfin.
Enfin.
Enfin !

Après avoir erré pendant une bonne semaine, Kiana avait du mal à y croire. Devant ses yeux s’étendait son but inatteignable : Artiesta. La ville où habitait sa sœur. Fini la galère à laver ses vêtements dans une blanchisserie d’hôtel, à surveiller ses arrières la nuit en espérant trouver une chambre avant qu’on ne s’en prenne à elle (des restes de sa première soirée à Sunyra), à compter la monnaie qu’il lui restait avant la grève de la faim.
Enfin elle était arrivée.

Enfin presque. Disons que la jeune femme était dans la bonne ville cette fois-ci, maintenant il lui fallait trouver l’appartement de Vai’ata. Vu la taille de la métropole et son don en orientation, ce n’était pas encore gagné. Pour ne pas aider le soleil était déjà couché : ce serait quand même triste de dormir à l’hôtel alors qu’elle était si près.
Ce qui la rassurait, c’est qu’Artiesta semblait pleine de vie la nuit. Les bâtiments aux formes étranges étaient parés de mille néons, et les rues étaient animées d’un esprit festif - comme si, sous les feux des lumières artificielles, elle pouvait enfin s’éveiller.
C’était nouveau, pour notre insulaire, cette douce frénésie nocturne ; nouveau et grisant.

Son pas était légèrement dansant lorsqu’elle s'élança à l’encontre de la ville - après un sms envoyé à Isaac pour tenir promesse. Petit à petit les airs de musique - les basses qui s’échappaient par les portes comme les guitares grattées par des artistes de rue - et l’euphorie bon enfant la gagnèrent. Kiana s’arrêta plusieurs fois pour écouter un concert sauvage, esquisser quelques pas avec des inconnus, ou simplement observer une énième bizarrerie.
Perdue sa concentration (retour à l’errance curieuse).

Finalement ses déambulations la menèrent devant un établissement d’un genre inédit pour elle : immense et intriguant se tenait devant elle le casino.
La brunette ne put s’empêcher de s’arrêter. Elle en avait déjà entendu parler évidemment, mais n’en avait jamais vu en vrai. C’était encore plus impressionnant ! Les jets d’eau, les jeux de lumière, les voitures de luxe qui se succédaient à l’entrée… Sans parler de ceux qui en sortaient. Ils étaient tous magnifiques, tirés à quatre épingles, et donnaient leurs clés au voiturier comme si c’était normal.
Un monde à part, indéniablement. Qui la laissait un peu rêveuse.
Comment c’était, à l’intérieur ?

Kiana ne sait pas combien de temps elle resta là, à regarder la valse des joueurs. Mais elle était persuadée que tout cela n’était pas à sa portée. Une autre nuit, peut-être - ou une autre vie.

Elle n’avait même pas réalisé que quelqu’un s’était arrêté à son niveau. Pourtant la personne en question ne passait pas inaperçue : de longs cheveux roses, une énergie débordante, et une aura qui ne laissait pas indifférent.
“Salut !! Moi c’est Béa ! Tu veux jouer à la loto avec moi ?! On peut devenir riche !”
Kiana battit des cils plusieurs fois en fixant l’inconnue, sa surprise plus qu’apparente. Puis son regard fit l’aller-retour entre leurs mains désormais jointes et ce visage rayonnant. Que pasa dans la casa wtf.

Même elle n’était pas aussi spontanée, ou plutôt ne l’était plus : Kiana avait appris à ses dépends qu’agir sans réfléchir pouvait nuire. Pourtant elle ne pouvait nier que cette animation permanente, cette manière de foncer à toute blinde vers l’inconnu lui manquait. Et elle ne pouvait oublier tout le bien que ça faisait. L’excitation grisante, l’émerveillement d’expériences inattendues, le bonheur de se sentir vivant - c’est beaucoup plus que des poumons remplis, que des muscles qui répondent. C’est avoir le souffle coupé, sentir tout son corps frissonner.

Elle le savait, Kiana : vivre ce n’est pas se contenter d’exister. Et à cet instant elle s’en souvint (ça lui revenait comme un boomerang). Le choc fit battre son cœur plus vite. Il aurait été facile, dès lors, d’envier cette personne pour qui tout semblait si simple. De la rejeter pour ce qu’elle représentait - tout ce qui lui manquait actuellement. Mais tu n’étais pas là pour ça, n’est-ce pas ? La brunette était justement là pour sortir d’un quotidien dans lequel elle s’était enlisée. Pour remplir sa cage thoracique d’autre chose que d’oxygène, avant d’oublier - il lui fallait de l’émotion, des sensations. Quelque chose d’authentique. Elle mourrait d’envie de vivre.

Et quelque chose lui disait que c’était la même chose pour sa vis à vis, mais qu’à son inverse, elle n’avait pas attendu qu’on la prenne par le bras ni qu’on lui donne la permission. C’était un rien, comme une bouffée d’air frais qui la poussait légèrement en avant ; mais ça suffit à Kiana pour se sentir plus libre. Quand un murmure nous promet des instants inoubliables, pourquoi résister à l’appel ?
Il suffit de s’en donner le droit.

Alors elle serra les doigts de Béa autour des siens, en lui adressant un grand sourire. “Moi c’est Kiana, enchantée ! Je viens avec plaisir, ça a l’air tellement fun !”
Cette fois-ci c’est la Nova qui prit les devants, elle se mit à courir en tenant sa nouvelle complice par la main.

Une fois arrivées devant l’entrée du casino cependant, les choses se compliquèrent. “Je me demande s’ils nous laisseront rentrer comme ça…” L’une comme l’autre était en haillons, comparé à ceux qui franchissaient les portes. Mais dans son état d’esprit actuel, pour notre insulaire, il n’y avait pas de problème. Uniquement des solutions.
L’idée qui lui vint était terriblement folle, mais de son point de vue c’était du génie. Se tournant vivement vers Béa, elle s’exclama “Il doit y avoir une entrée de service ! Je pense qu’on devrait passer par là.”
Totalement folle, donc. Kiana Ehu-Kai, élue pire James Bond girl de l’histoire.

À peine étais-tu arrive en ville que tu devais faire l’intéressante. Ne savais-tu pas te faire discret, mignon et même effacé par moment ? Non, tu voulais toujours avoir l’attention sur toi et ce, peu importe le moyen… Même si pour ça, cela terminait souvent mal. Très mal même selon la situation et où tu t’attirais des ennuis. Et pourtant ? Cela ne t’arrêtait pas.
TU avais besoin de rencontrer des gens, d’expérimenter. Tu voulais mordre à pleine dents dans la vie et ce, peu importe les risques possible ! La vie était bien trop courte déjà, tu devais en profiter.  Et tu commençais en approchant cette jolie brunette au teint basanée que tu trouvais pires qu’adorable !
Sans même réfléchir, tu t’étais imposé à elle, tu avais attrapé ses mains, violant ainsi son intimité, alors que tu forçais ta présence sur la sienne.

Et elle dans tout cela ?
Elle te fixait. D’abord toi. Puis vos mains. Puis toi encore.
En retour, tu lui souris de la plus adorables des façons. Tu ne vois pas où tu agis mal et tu veux être son amie. Elle ne semblait pas te repousser, c’était déjà bon signe pour toi !
Mais en réalisant un manque total de communication, voilà que tu inclinais la tête… Et si elle était muette ? ou même sourde en fait ! Tu n’avais pas pensé à cette hypothèse. Si bien que tu réfléchissais comment mieux communiquer avec elle…  Enfin, c’était le plan avant de sentir ses mains serrer les tiennes et te prendre le plus adorable des sourires en retour ! Mais elle était pire qu’adorable en fait cette métisse !

« Kiana ?! Mowh c’est trop adorable ! »
Tu avais l’impression que tu allais chialer tant que cette fille était une bouffée de fraicheur pour toi en fait. Et en plus elle était partante pour le casino, trop bien ! Mieux encore, elle t’attirait même vers l’entrée du bâtiment si envoutant. Ou du moins avant de figer et te faire remarquer un truc… Vous n’étiez aucunement vêtue pour ce genre d’endroit, en effet…
« O-oh… »
Tu fixais un moment ta jupette, regrettant de ne pas avoir une garde-robe un tantinet plus soigné… Mais pas le temps de te plaindre, voilà que la belle Kiana semblait avoir une superbe idée pour entrer malgré tout !
« Ooooh bonne idée, allons voir !»

Cette fois, ce fut ton tour de lui prendre la main et la guider vers le derrière du bâtiment, veillant surtout à ne pas trop attirer l’attention avec ta nouvelle meilleure amie. Heureusement, l’endroit était tranquille, voir même désert en passant derrière le casino… Oh et la porte de service semblait entre-ouverte ! Tu ne réfléchis pas deux fois, tu resserres ta main sur celle de Kiana, te dirigeant vers l’entrée qui donnait accès à un couloir… Oh et à la cuisine !
« … Et maintenant…? » Soufflais-tu à ton amie.

- Ah ce n’est pas trop tôt ! C’est vous les nouvelles que Matilda nous envoies ?!
… Me dites pas qu’elle a oubliée de vous refiler votre uniforme ? Eh merde…

« Eh ? »

- Bon, on va faire ça vite, donnez-moi vos prénoms et je vous envoie dans la salle du personnel pour vos préparer. Vous avez quinze minutes de retard, vous savez les filles ?

« Pa-pardon, on s’est perdues en court de route et…. Oh ! Moi c’est Béa ! … Béa.. trice !
Et elle s’est Kiara ! »
Tu paniquais un peu, ta main se resserrais sur celle de ton amie alors que la jeune femme fouillait ses feuilles.
- Béatrice, c’est bon… Mais Kiara n’est pas sur la liste…. Bah tant pis. On a besoin de mains d’œuvres ce soir !
Et toi qui pensais pouvoir t’en sauver…!

Un vent de liberté soufflait près du casino, avec Béa et Kiana en son centre. Elles ne se connaissaient ni d’Eve ni d’Adam mais ça viendrait, non ? D’abord il fallait profiter de l’instant. On ne vit qu’une fois après tout (autant commettre toutes les folies qui nous viennent).

Kiana ne savait pas du tout où cette histoire allait les mener, mais déjà ce qu’elle s’amusait ! Béa avait une bonne humeur et une insouciance contagieuses, qui la faisait oublier son errance des jours passés ainsi que son objectif (l’appartement de sa sœur). Et en plus, elle dégageait beaucoup de chaleur. “Kiana ?! Mowh c’est trop adorable !” La concernée rit légèrement, un peu embarrassée (mais ça faisait toujours plaisir à entendre). “Merci, c’est gentil.”

Les présentations terminées, il était temps de se lancer dans l’action ! Ses yeux pétillaient tandis qu’elles contournaient le casino pour trouver la porte de service : c’était comme dans les films. Sauf qu’elles n’étaient pas des agents secrets donc que logiquement, personne n’allait les canarder. Donc en fait c’était encore mieux que dans les films (cqfd).

Nos deux protagonistes parvinrent à infiltrer discrètement le bâtiment, elles longeaient désormais le mur en se tenant la main. Il leur fallait désormais réfléchir à la suite du plan. Béa était sans doute d’accord puisqu’elle murmura “… Et maintenant…?” Kiana fronça légèrement les sourcils. Que faire ?

Elle était en pleine réflexion lorsqu’une femme (sans doute une responsable du personnel) leur tomba dessus. Notre insulaire sursauta comme jamais en l’entendant. On est déjà découvertes ? Oh non ! Leur petite mission était tellement drôle, ce serait dommage de s’arrêter si tôt.
Heureusement, la situation tourna plutôt à leur avantage. Elle remercia intérieurement Béa d’avoir été si réactive.

Tout à coup les voici dans la fameuse salle du personnel, avec chacune une tenue sous le bras. Les choses se déroulaient très vite, rien n’était prévisible : c’était terriblement exaltant. Kiana ne put s’empêcher de rire quand l’employée les laissa seules pour se changer. “Elle t’a cru ! C’est beaucoup trop drôle, j’adore.” Elle adressa ensuite à Béa un sourire complice. “Je sais pas toi, mais je trouve qu’on gère.”

Jusque-là tout allait bien, donc ? Peut-être, en tout cas la brunette se sentait en confiance quand elle observa de plus près sa tenue.
Bug.
Ok, c'était une tenue de danseuse ou de croupière déjà ?

Se tournant vers sa comparse, Kiana remarqua que leurs uniformes n’étaient pas les mêmes, mais que les deux étaient... Particuliers. Elle déglutit bruyamment. “Bon… Je crois qu’on a pas le choix si on veut continuer.”
Cette soirée n’était décidément pas banale.

Elles n’avaient pas leur place dans ce casino, c’était sans doute une grosse bourde de leur part que de s’infiltrer par la petite porte. Et si on les attrapait ? Qu’elles se prenaient une amende pour avoir pénétré dans une propriété privée ? Ou atterrissaient en prison ? Leur curiosité pouvait leur coûter cher.
Mais au pire elles s’en soucieraient plus tard, quand la situation l’exigera. (parce que leur curiosité pouvait aussi leur rapporter gros : des souvenirs inestimables, un changement).

Kiana ne pensait pas avoir autant de culot. Et que dire de sa complice, Béa ? Est-ce qu’elles le faisaient parce qu’elles étaient ensemble, ou bien est-ce que chacune aurait pu tenter l’expérience seule ? Sans doute qu’elles se poussaient l’une l’autre parce que même si ces demoiselles étaient téméraires, à deux ça faisait quand même moins peur (et ça rendait tout plus marrant).

Mais maintenant qu’elles étaient dans les vestiaires, des tenues olé-olé sous le bras, tout paraissait soudain plus réel à notre insulaire. Elle sentit son rythme cardiaque augmenter sous l’effet de l’adrénaline. Par Arceus, elles s’apprêtaient à se faire passer pour des employées. Ne restait plus qu’à prier pour qu’on ne lui demande pas de battre les cartes, Kiana ferait tomber tout le paquet quinze fois. A la limite, lancer la bille de la roulette devait être dans ses cordes…

Enfin d’abord, il fallait donc exposer un peu plus de peau. Cet aspect-là ne la dérangeait pas forcément, la brunette avait passé beaucoup de temps en bikini à Alola. Ce qui la déstabilisait un peu c’est plus le côté suggestif des uniformes. Il faudrait juste s’y faire, sans doute.
Béa de son côté n’hésita pas un instant : elle avait déjà commencé à se déshabiller et choisit immédiatement la tenue la plus révélatrice, avant de filer en cabine. Kiana trottina un peu derrière en lançant “Attends, te sens pas forcée…” mais ça n’eut aucun effet. Elle contempla un instant le rideau avant de tourner les talons. Est-ce que sa complice avait fait exprès… ?

Ne voulant pas perdre trop de temps là-dessus, elle partit se changer à son tour. Les deux agentes en herbe se retrouvèrent quelques minutes plus tard, fin prêtes. La nova observa Béa avant de commenter en souriant “Wow, ça te va bien ! Ils n’y verront que du feu.”
Elle s’approcha ensuite pour passer un bras sous celui de sa nouvelle amie. “Allez, c’est parti.” Souffla-t-elle déterminée.

C’est ainsi que nos protagonistes firent leur premier pas dans le monde du casino. En arrivant dans la salle principale Kiana ne put s’empêcher de regarder tout autour la bouche ouverte, ébahie. C’était grand et brillant et tout respirait la fortune-
La contemplation prit fin quand la femme de tantôt arriva comme une bourrasque sur elles. “Eh ben c’est pas trop tôt ! Vous n’avez pas intérêt à lambiner ce soir mesdemoiselles, on a du pain sur la planche. Allez voir aux tables de craps si vous pouvez servir à boire à nos clients. Filez !”

Sans même vérifier qu’elles suivaient ses instructions (cette personne devait être trop habituée à ce qu’on l’écoute) la voilà qui repartait aussi rapidement qu’elle était venue. La métisse resta figée quelques secondes avant de se tourner vers Béa. “On devrait faire ce qu’elle dit pour le moment, j’imagine ? Sinon on va nous suspecter.” Haussement d’épaules. “Tu as déjà fait du service ?”
Autant en apprendre plus sur sa comparse du soir, pour fêter leur rencontre ! Et puis elle avait l'air gentille et drôle.

Elles se dirigèrent donc vers le coin craps et prirent les commandes des clients, mais alors qu'elles s'en allaient les quérir, un agent de sécurité les intercepta. Il leur fit un peu la morale et leur expliqua de plus s'infiltrer en douce ou se faire passer pour des employés (apparemment il était seul au courant car personne d'autre n'était dans la salle des caméras à ce moment)(heureusement pour leurs peaux).
Ensuite il les raccompagna gentiment vers la sortie où elles se quittèrent en bons termes ; mais Kiana ne sut jamais ce qu'il advint de Béa, elle s'évapora dans la nature - ça s'inquiéta d'ailleurs un moment.
Leur rencontre fût brève et palpitante.