Dusk Lumiris

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you can't be the angel you seem to be - izaiah l. silverstein
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ft. Izaiah L. Silverstein
Tu avais marché. Longuement marché. Jusqu'à ce que tes pieds brûlent, que ta respiration ne soit plus qu'un filament sifflant, que tes côtes te rappellent cet événement que tu passais ton temps à fuir. Ton corps entier n'était plus que douleur aiguë qui ne te dérangeait pas. Elle venait rappeler à la carcasse que tu étais que la vie coulait encore dans tes veines. Même si parfois, tu te disais que les choses auraient dû être autrement. Tu étais encore en vie. Pas lui. Son corps était en train de se décomposer enterrer six pieds sous terre et tu n'avais même pas eu la décence d'assister à son enterrement. C'était lui l'ange, ça n'avait jamais été ta personne et tu n'avais jamais tenté de le prétendre, bien au contraire, tu avais tout fait pour qu'il te laisse et ne t'approche pas. Il avait insisté et en avait payé le prix. Et il y avait eu cet enfant, dommage collatéral. Pourtant, à y penser, tu revoyais cette petite forme se battant pour respirer et ta gorge se serrait, les larmes venaient à tes yeux. Tu secouas la tête. La décision prise avait été la bonne. Jamais tu n'aurais été une mère pour lui. Seulement son bourreau. Tu avais bien fait de le laisser là.

Au bout d'un moment, tes jambes se dérobèrent et tu dus te rattraper in extremis à une borne d'incendie pour ne pas vraiment heurter le sol et ne pas empirer les blessures qui tentaient de se guérir seules. Fermer les yeux alors que tu te laissais glisser doucement sur le sol, le dos contre la borne d'incendie. L'égoïsme du monde ne te surprenait pas alors que tous ceux qui passaient ne s'attardaient même pas à ta personne. C'était le contraire même pour toutes les mères de famille. Au vue de tes vêtements déchirés qui laissaient voir de vilaines longues cicatrices sur ton dos et d'autres multiples sur ton corps, sans parler des traces d'aiguilles, les parents éloignaient les enfants de ta personne. Pourtant. Pourtant, jamais tu ne leur aurais fait du mal, c'étaient les seuls qui n'avaient pas à subir ta haine. On leur avait imposé de vivre et de penser. C'étaient les seuls qui en valaient la peine. Et ils te rappelaient ta soeur.

Les yeux fermés, les scènes composant ton passé se rejouaient. Coupée du monde, tu entendais les hurlements retenir dans cet endroit humide et sombre, et tu entendais de nouveau ton coeur battre à tes tempes, cette adrénaline qui avait pris tout le contrôle de ta personne et la détente poussée. Tu ne pouvais pas oublier. Ce n'était pas toi. Ça n'avait pas été ta personne, tu ne pouvais pas accepter que tu ais été l'initiatrice d'un tel acte. Ils t'avaient transformé en un monstre. Un monstre qui errait maintenant en cherchant une victime et en tentant d'épargner les autres de sa faim insatiable. Tu avais tellement mal, et ils étaient tous responsables de cette douleur brûlante, étouffante, si responsables qu'ils devaient payer et souffrir avec toi. Tu voulais leur infliger les lacérations qu'on t'avait imposé à ton âme, à ton coeur et ton corps, tu voulais leur infiltrer ce poison qui te torturait tous les jours, toutes les nuits. Que leur âme craigne la tombée de la nuit, ait une terrible panique des songes parce que les cauchemars reviennent. Tu voulais qu'ils craignent leur reflet dans les miroirs, parce qu'ils verraient alors le monstre qu'ils étaient devenus contre leur gré. Projeter ta vie en eux. Leur infliger tout ce qu'on t'avait fait subir. Parce que c'était tout ce qu'ils méritaient, tous.

Tu finis par ouvrir les yeux, tenter de te retirer des hurlements qui t'entouraient, qui te donnaient envie de sauter à la gorge du premier venu pour le faire taire, mais personne n'hurlait. Autour de toi, il n'y avait pas le moindre cri. Pas la moindre personne qui parlait moindrement trop fort. Les hurlements venaient d'ailleurs, de plus loin, d'un endroit profondément enfoui dans ta mémoire que tu ne pouvais pas faire taire. Tu pouvais entendre la voix de ta mère supplier cet homme de la laisser tranquille, de ne pas lui faire de mal. Tu pouvais entendre les supplications qui finissaient en suffocations. Tu pouvais. Tu ne voulais plus les entendre. Tes mains se posèrent contre tes oreilles, comme si le bruit était extérieur. Tu ne voulais plus les entendre. Tu te serais coupée les oreilles si ça avait pu être efficace. Si ça ne cessait pas, tu allais devenir folle. Ou peut-être que tu l'étais déjà. Tu n'en savais trop rien. Ça n'avait pas d'importance.

Inspirer. Longuement. Inspirer et expirer. Essayer de faire ce que Raziel t'avait dit de faire quand tout devenait trop intense, quand le monde dérapait, quand la réalité te fuyait et que le passé te rattrapait. Une pause, tu aurais tellement voulu une pause de ce qui te dévorait de l'intérieur, de cette haine, de cette rage à toute épreuve. Mais tu étais condamnée. À ne pas pouvoir te séparer de ce monstre qu'on avait fait de toi. Mais, au moins, les yeux perdus dans le vague, tu étais parvenue à les faire taire. Et tu n'étais maintenant rien de plus qu'une énième sdf qui ignorait le monde et était ignorée par le monde. C'était tout ce que tu méritais, après tout, et ça t'allait ainsi. Tu préférais qu'on ne fasse pas attention à toi, c'était bien plus simple à gérer. Tu devais seulement te gérer toi.

Tu finis par te relever et te traîner jusqu'à un banc plus loin. Toujours bien plus confortable que le sol. Asriel apparut alors, auparavant masqué dans tes cheveux blancs longs, comme attiré par une odeur que ton corps bien trop faible et fatigue, et ton esprit ailleurs, n'avaient pas capté. Un peu plus, dans cette route, un jeune homme s'était accroupi en laissant temporairement sur le sol un sandwich enveloppé pour refaire, sans doute, les lacets de ses chaussures. Tu suivis Asriel du regard quand le petit Statitik s'était décidé de descendre de ton épaule et se faufiler jusqu'à la nourriture pour la prendre dans ses crocs. Un paquet qui était plus gros que lui et le força à revenir vers toi en sautillant alors que tu l'attendais patiemment. Il ne t'était jamais venu à l'esprit de l'empêcher de commettre ce vol, non, tu n'en avais pas grand chose à faire qu'un être humain perdre son repas si ça te permettait de te nourrir.
mauvais souvenirs qui reviennent comme un thème, qu'est-ce que vous venez foutre à cette heure dans ma tête ?
cette putain de vie qui se crash trop souvent comme un test et je suis bien trop fier pour demander ne serait-ce qu'un peu d'aide
(c) TakeItEzy (Izaiah L. Silvērsteiń)
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YOU CAN'T BE THE ANGEL YOU SEEM TO BE
The only person you are destined to become is the person you decide to be.
Ton quart de bénévolat à l’hôpital commençait normalement dans deux trois heures.
Tu disais normalement, car tu avais décidé de te présenter en avance.
Anormalement en avance.

Depuis le petit jour, tu bossais sur une vidéo dont le montage te déplaisait particulièrement. Toi qui, normalement, avait un mode operandi assez passe partout et efficace, tu te retrouvais pour une énième fois avec le sentiment que quelque chose ne collait pas. Le résultat final, ou presque final, n’était pas assez dynamique, pas assez attrayant et, franchement, tu avais l’impression d’avoir fait la même vidéo, au mot près, que des dizaines de personnes avant toi. Et tu ne voulais pas devenir l’un de ceux-là. L’un de ces vidéastes amateurs incapable de sortir son épingle du lot et qui ressentait le besoin de surfer sur la même vague que l’internet pour cartonner.

PokéTube, ce n’était pas ton métier. Ce n’était qu’un passe-temps, qu’un moyen pour toi de t’exprimer librement sans craindre d’être écrasé par un vis-à-vis un peu trop agressif. Sur Pokétube, tu avais eu la chance de parler de la maladie, de ton quotidien, de tes craintes, de tes passions, de la photographie… Tu avais trouvé un auditoire, des gens prêts à t’écouter monologuer sur des sujets pour lesquels ils n’avaient véritablement que peu d’intérêt. Tu avais aussi réussi à insuffler un peu d’espoirs à des gens qui partageaient ta réalité et c’était un accomplissement qui n’avait aucune valeur monétaire. PokéTube n’était pas entré dans ta vie pour te faire accéder à la richesse et à la reconnaissance du plus grand nombre. Alors pourquoi ? Pourquoi te retrouvais-tu à faire ce que tous les autres faisaient mieux que toi ? Parce que tu n’avais plus d’idées ? Parce que parler de prévention du suicide, de la dépression, de la réalité d’un greffé et de la photographie ça ne suffisait plus ? À bien y penser, cette vidéo ne verrait sans doute jamais le jour. Mais si elle n’existait pas, alors qui savait quand serait ton premier éclat de génie ? Tu t’épuisais. Depuis ton arrivée à Lumiris, trois mois auparavant, tu n’avais rien posté… Ou presque. Tu avais fait une vidéo rapide pour montrer ton nouvel appartement, pour expliquer à tes abonnés que tu avais quitté ton Johto natal, qu’une nouvelle vie débutait pour toi et que tu avais besoin d’un peu de temps avant de leur revenir entièrement. Sauf que trois mois sur PokéTube, c’était long. C’était suffisant pour tomber dans l’oubli, pour perdre le neuf dixième d’une communauté qui n’avait, en réalité, que peu d’intérêt pour toi aussitôt que tu cessais de leur apporter le divertissement qu’ils réclamaient. Bientôt, ce serait la fin.

Si tu voulais continuer d’utiliser la plateforme pour t’exprimer, tu devais trouver un filon à exploiter.
Mais pas aujourd’hui visiblement.

Découragé, tu esquisses soudain une grimace d’inconfort quand tu sens quelque chose commencer à te fouetter le tibia à chaque pas. Détournant ton attention de la route, tu baisses légèrement les yeux pour mieux remarquer ton lacet défait. Tu soupires. Tu n’es pas spécialement en retard et, même si c’était le cas, un lacet défait n’est pas vraiment un gros obstacle à ta vie… Mais c’est embêtant quand même. Te penchant, tu déposes alors ton sandwich du jour (On t’avait fait savoir que d’attendre quotidiennement les restes de la cuisine pour manger n’était pas très sain) sur ta gauche puis tu t’attaques à refaire la boucle détachée de ton soulier. Sur ta droite, Agony ne t’accorde aucune attention. Fidèle à lui-même, il attend patiemment que tu sois prêt à marcher à nouveau pour … pour exister en fait. C’est aussi simple que cela avec Agony. Pas de mouvement, pas d’existence.

Néanmoins, les choses ne se passent pas totalement comme prévu. Une fois ton malheureux imprévu corrigé, tu t’apprêtes à reprendre ton sandwich lorsque tu remarques soudainement … qu’il n’est plus là. Surpris, tu jettes un œil rapide autour de toi puis tu redresses pour mieux faire le tour de toi-même. Aucune trace du sandwich. Agony, quant à lui, semble prendre conscience de ton désarroi puisqu’il se précipite brusquement derrière toi en sifflant. Tu cesses aussitôt ton manège, étonné de voir le pokémon réagir de la sorte. Curieux, tu lèves les yeux juste à temps pour voir une… très petite araignée bondir jusqu’à une jeune femme, traînant ton sandwich sur son sillage. Au contraire d’Agony, tu te détends aussitôt en remarquant la scène. Malheureusement, ton partenaire ne semble pas partager ton soulagement puisque celui-ci continue d’approcher le duo d’un air menaçant. Tu voudrais lui crier de se calmer, de prendre sur lui, que ce n’est pas si grave : ce n’est qu’un sandwich après tout! Mais les mots restent bloqués dans ta gorge devant cette attitude inhabituelle. Est-ce une sorte de combat pour le territoire ? Est-ce un truc d’araignées ? Ça réagit comment une araignée face à une congénère ? Pourquoi tu ne t’es jamais interrogé à ce sujet avant aujourd’hui ?

Et lorsque, enfin, tu trouves le courage de parler, tes yeux voient alors ce qu’ils ne pensaient jamais voir. Alors que quelques mètres, à peine, séparent ton pokémon du duo tu vois alors une … lumière émaner de ce premier ? Son corps entier se recouvre d’une douce lueur blanche carrément inhabituelle qui te force à plisser légèrement les paupières pour mieux y voir. Mais rien n’y fait. Les contours indéfinis de la lumière te prennent de court et que tu ne sais plus où jeter ton attention. Une part forte de toi n’y comprend plus rien. Et lorsque, enfin, tout ceci s’arrête, tu remarques enfin que Agony… n’est plus tout à fait le même. C’est l’élément déclencheur qu’il te faut pour enfin faire plus qu’un pas maladroit vers le trio improvisé.

- Agony ! Calme-toi !

Ton ami cesse sa progression, retourne sa toute nouvelle tête dans ta direction, te fixe d’un regard que tu lui reconnais bien malgré son changement soudain d’état. Soulagé, tu prends une grande inspiration puis te penches à sa hauteur afin de déposer une main sur son crâne, veillant tout de même à ne pas t'empaler la main sur la nouvelle beaucoup plus grande corne qui y trône.

- Bon sang tu m’as fait peur…

Tu aimerais lui reprocher son attitude, mais tu ne peux pas. Agony n’a jamais défendu quoi que ce soit te concernant. Il n’a jamais réagi comme ça, il n’a jamais montré de l’intérêt pour tes problèmes. Tout ça, c’est nouveau. Et l’idée qu’il ait été assez défensif pour … pour en évoluer (? C’est bien ça l’évolution ?) te sidère complètement. C’est si soudain, si nouveau, si inattendu !

- Je te prie de bien vouloir le pardonner… Ce n’est pas dans ses habitudes de réagir aussi… De réagir comme ça. Ça ne lui ressemble pas.

Tu adresses enfin un sourire et un regard à la jeune femme. Tu espères seulement que Agony ne lui a pas fait peur ou, pire, qu’il l’ait poussée à la défensive. Tu ne te le pardonnerais pas si le mauvais comportement de ton pokémon venait de créer des sentiments négatifs chez quelqu’un, un inconnu de surcroît.

C’est hors de l’ordinaire, loin de vos habitudes, loin de l’image que vous dégagez d’ordinaire.
Agony, sans même le savoir, vient d’expliquer pourquoi les gens craignent tant les pokémon insectes.
(c) TakeItEzy (Izaiah L. Silvērsteiń)
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ft. Izaiah L. Silverstein
Tu n’avais rien fait. Tu n’avais rien fait pour empêcher ton propre pokémon d’aller voler le petit sandwich de cet étranger qui s’était seulement penché pour refaire son lacet, qui n’avait, au final, strictement rien demandé de ce qui se produisait actuellement. Tu n’avais pas esquissé le moindre mouvement pour tenter de dissuader Asriel. Tu avais faim. Tu avais froid. Tu avais peur. Et la colère régnait dans ton cœur, paysage de glace et de flamme. Les extrêmes y trouvaient leur compte.

Te regarder aujourd’hui ne laissait pas croire que tu avais pu être une petite fille joyeuse, joueuse. Une petite fille heureuse et insouciante. Te regarder aujourd’hui ne laissait pas croire que tu avais pu être autre chose que la désolation que tu représentais. Que cette pauvre femme que tu étais. Parce que tu n’étais rien. Depuis un long moment, tu n’étais que des lambeaux, des morceaux de cœur arrachés gisant sur le sol dans une flaque poisseuse d’un sang coulant constamment. Mais tu ne faisais rien pour recoller les morceaux. À croire que la médiocrité était ce que tu préférais. C’était seulement que la souffrance était prévisible. Tu t’y accrochais. Parce que tu la connaissais. Tu étais sur un terrain connu, non pas miné comme celui du chemin du bonheur. C’était plus simple. Plus évident.

Asriel finit par te rejoindre et sauter sur tes jambes. Tu pris le sandwich dans tes mains et le caressas doucement. Asriel était la seule petite touche de couleur, de positif, dans cette existence que tu traînais, fardeau lourd pesant sur tes épaules. Et pourtant, jamais l’idée du suicide ne t’avait effleuré l’esprit, jamais l’idée de tout foutre en l’air, ta vie plus particulièrement, ne s’était arrêté dans tes pensées. Parfois, tu t’étais dit que ça aurait été plus simple de ne seulement plus exister, mais tu n’avais jamais un seul instant songer être l’initiatrice d’une telle pause. Tu avais seulement espéré qu’on te tire une balle en pleine tête. Parce que rejeter les torts sur les autres était toujours plus simple que de les assumer. C’était ce que tu faisais aujourd’hui encre. À la différence où, aujourd’hui, tu assumais. Tu assumais leur faire du tort, tu assumais qu’ils ne l’avaient pas demandé, tu assumais qu’ils n’avaient pas fait d’erreurs. Pas d’autres erreurs que celle de respirer, d’être potentiellement heureux. Tu t’étais auto-désignée comme le démon qui allait leur bouffer les quelques traces de joie qui pouvaient résider dans leur âme, comme le Skélénox qui allait les guider dans les bois les plus sombres de leur existence. Un labyrinthe dont personne ne sortait vivant. Intact, tout du moins. Parce qu’encore aujourd’hui, tu avais cette incroyable chance de respirer. Pas Raziel. Et alors ? Il l’avait cherché.

Il avait voulu t’aider. C’était la plus grande des erreurs, celle qu’il n’aurait jamais dû commettre et dont il a payé de sa propre existence. Enfin. Asriel s’était retourné vers la victime de son méfait tandis que tu prenais une bouchée dans ce sandwich qui avait très bon goût. Il savait choisir sa nourriture. Et tout aurait pu en finir là. L’étranger aurait pu repartir simplement et vous auriez vécu votre vie chacun de votre côté sans accrocs. Mais le Mimigal de cet inconnu n’avait pas voulu que ça se passe ainsi. Il avait décidé que tout en serait autrement. Asriel se campait sur tes genoux. Tendu au maximum. Alors que l’autre arachnide avait décidé de le pourchasser en sifflant. Asriel tremblait. Pourtant, il semblait bien décidé à te défendre jusqu’au bout malgré la peur qui prenait dans tout son corps devant cet autre insecte bien plus imposant que lui, bien plus en mesure de se battre. Asriel était adorable. Tu ne pouvais pas t’empêcher de le penser, mais tu te disais que le Mimigal cesserait son cirque bientôt, que ça ne pouvait pas aller aussi loin rien que pour un pauvre petit sandwich volé. Mais tu compris rapidement que tu avais entièrement et totalement tort parce que l’assaillant venait de s’enrouler d’une lumière blanche qui annonçait une évolution. Tu le savais seulement parce que le pokémon de ta sœur avait déjà évolué quand vous étiez plus jeunes. C’était un Caterpie. Enfin, là, c’était un Mimigal qui allait se transformer en un Ariados. Si tu ne te trompais pas. Tu ne connaissais pas les pokémons, tu ne cherchais même pas à les connaître. Disons seulement que tu étais beaucoup moins réticente à leur présence qu’à celle des humains.

Maintenant tout près de vous deux se trouvait un Ariados en colère qui s’apprêtait à attaquer ton Asriel qui se tenait toujours sur ses pattes, tendu, tremblant, et pourtant totalement décidé à combattre jusqu’au bout même si clairement, il ne connaissait que trop peu d’attaques pour faire le poids. Ce fut le déclencheur qui te fit recouvrir Asriel de ta main. Pour le protéger. Tu te fichais bien de te prendre une attaque. Tu ne laisserais pas cet autre pokémon attaquer le tien. C’était tout simplement hors de question. Mais le propriétaire de cette arachnide intervint finalement en lui clamant de se calmer, provoquant automatiquement une réaction de la part de l’Ariados. Ton regard accusateur regardait tous les gestes posés par ce jeune homme alors qu’il s’était penché pour poser une main sur la tête de l’Ariados alors que toi, tu découvrais lentement Asriel qui prenait une bouffée d’air. Ton Statitik ne tremblait plus, mais demeurait entièrement tendu et figé sur tes genoux. Et tu en voulais à l’Ariados de lui avoir ainsi fait peur. Tu en voulais au maître qui l’avait laissé faire.

Tu en voulais à la terre entière d’exister. Et ça revenait toujours sur cette haine terrible que tu vouais à chaque âme existante et frôlant ta propre personne. Chaque âme qui semblait penser pouvoir avoir un impact sur ta vie, te changer, faire en sorte que tu sois quelqu’un d’autre. Personne ne pouvait impacter ta pauvre vie, cette médiocrité dans laquelle tu vivais. Tes ailes étaient noires, tâchées, pourries tout comme ton cœur. Plus rien n’existait en toi et personne n’avait le pouvoir de changer les choses peu importe à quel point ils pensaient pouvoir. Et il avait le culot de s’excuser. De se justifier. Il n’aurait pas juste pu se taire et s’en aller ? La laisser en paix. Dans une fausse paix, tout compte fait. La douleur qui résonnait dans ses muscles, dans ses os, et les hurlements qu’elle entendait toujours en fond, comme une mélodie constante rythmant son existence. Oui, une fausse paix qui n’était rien de plus qu’un champ de bataille dans lequel elle s’était faite à l’idée d’y mourir.

Il avait intérêt de ne pas t’approcher, de ne pas faire plus de pas faire toi, de ne pas s’immiscer dans ta bulle. Qui était très grande, il fallait l’admettre. Tu le dévisageais. Tu n’avais toujours rien dit. Toujours rien fait. « Il a fait peur à Asriel. » Pas à toi. Mais à Asriel. Et c’était pire que tout. Ta voix avait retenti, froide, cruellement tranchante, accusatrice même. Tu n’allais certainement pas le pardonner. Tu n’allais pas l’excuser. Que ce soit dans ses habitudes ou non, le pokémon était fautif et avait terrorisé le tien. Pourquoi tu le pardonnerais ? Pour les beaux yeux de son maître ? Tu n’en avais strictement rien à faire de ses beaux yeux. Tu en voulais à l’Ariados. Tu lui reprochais son existence même. Mais tu ne l’avouerais jamais à voix haute. Pas tout de suite, du moins. « Pourquoi je le pardonnerais ? » Mais ça, tu pouvais le dire. Tu ne te demandais pas une seule seconde si le jeune homme allait être affecté par ce refus catégorique. En fait, tu le souhaitais presque. Qu’il le soit. « Il est beau, évolué. »Ça n’avait été qu’un murmure. Parce que tu aimais tout de même les pokémons. C’était un peu tout ce que tu aimais. Et il fallait dire qu’il était beau, Ariados. Tu espérais que ton petit Statitik évolue rapidement. Il serait fort et n’aurait plus peur.
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Tu n’avais rien à faire du sandwich. C’était deux tranches de pain parmi tant d’autres et elles n’avaient aucune valeur sentimentale ou vitale à tes yeux. L’abandonner aux mains de cette inconnue ne te dérangeait absolument pas... Alors pourquoi Agony n’avait-il pas été capable du même détachement ? Pourquoi avait-il senti le besoin de te défendre alors que lui et toi n’aviez jamais eu ce genre de relation fusionnelle ? À tes yeux, ça ne faisait aucun sens. C’était aussi absurde que s’il commençait à pleuvoir du sucre plutôt que de la pluie. Tu ne comprenais plus ton propre Pokémon et c’était, en toute bonne foi, un peu déroutant que de se dire qu’un compagnon de toujours pouvait encore prétendre à un effet de surprise... Heureusement, tu t’étais affairé à calmer le jeu. Tu n’avais pas laissé la surprise tourner au drame et tu avais posé une main sur sa tête dans l’espoir que ce soit suffisant, car si ce ne l’était pas, tu ne saurais pas quoi faire de plus.

Tu aurais aimé prendre un peu de ton temps pour expliquer au pokémon qu’un sandwich ne méritait pas une telle réaction, mais l’opportunité manquait. Pour la première fois de ta vie, ton araignée avait failli attaquer une autre bestiole de son espèce ainsi que sa dresseuse… Et ça, c’était beaucoup plus préoccupant que de lui offrir une morale à deux balles sur l’importance du partage. Surtout qu’au final, tu n’avais pas partagé, mais on t’avait volé. Même si le résultat final était le même, la méthode de procuration de l’objet et le consentement derrière était radicalement différent d’une technique à l’autre. Tu ne pouvais pas blâmer Agony pour son soutien. Il avait fait ce qu’il pensait être juste et il l’avait fait pour toi qui plus est. En quoi était-ce condamnable ? Cette situation, tu t’en mordais littéralement les doigts tellement tu n’étais pas préparé à y faire face. Toi, tu lui aurais volontiers donné ton sandwich… Mais pourquoi avait-il fallut que cette petite boule électrique décide pour toi ?

Un sourire timide aux lèvres, tu prends quelques secondes pour admirer l’individu à qui tu as à faire. Tu sais déjà que les choses risquent de mal tourner… Ce n’est pas défaitiste de ta part, mais plutôt réaliste. La douleur des gens, tu la sentais comme si c’était la tienne. Tu en avais vu des yeux, tu en avais admiré des regards criant de détresse. Derrière toute la colère, derrière tout le dégoût, tu avais appris à discerner les appels à l’aide comme personne ne le faisait. C’était la raison pour laquelle tu continuais, la raison pour laquelle tu t’accrochais aussi désespérément à ton bénévolat au centre hospitalier : cette douleur sourde, cette quête non-assumée d’une main tendue, elle te rejoignait ; elle t’appelait. Souvent, on t’avait dit que tu allais tôt ou tard t’y perdre. Souvent, on avait craint que leur mal être devienne le tien… Sauf que tu n’étais pas comme ça. Tu ne pouvais tout simplement pas supporter l’idée que des gens puissent ne pas apercevoir la valeur et la chance qu’ils avaient d’être vivants alors que d’autres mourraient sans jamais l’avoir demandé.

Ta propre vie avait failli être plus éphémère qu’une brise automnale… Et tu ne pouvais plus accepter de voir des gens emprunter consciemment le même chemin que le tien.
Cette vie méritait d’être vécue, même si les nuages obscurcissaient le soleil et que le froid saisissait les âmes égarées.

- Je suis profondément navré si ton pokémon a été effrayé… C’est ma faute, j’aurais dû me montrer plus vigilent. Ce ne serait pas arrivé si j’avais été plus attentif et réactif. Comment puis-je me faire pardonner ?

Tu savais parfaitement que ses accusations étaient insensées. T’accuser de la réaction disproportionnée d’Agony alors que c’était son araignée qui avait ouvert les hostilités, c’était aussi logique que d’accuser un propriétaire de se défendre contre un voleur ayant violé sa propriété… Mais toi, tu t’en fichais. Tu avais toujours été bon pour prendre sur toi les blâmes les plus incohérents du monde. Ça te ramenait à un quotidien bien rodé, à une situation que tu avais déjà connu à de multiples reprises par le passé ; les gens étaient rarement ravis de te parler. Te voir ramenait au visage du plus pitoyable des hommes son plus gros échec ; celui d’avoir survécu. Et personne ne voulait admirer au quotidien la gueule d’un petit blond beaucoup trop bavard et heureux quand les nuages annonçaient la tempête.

Cette jeune femme n’était pas différente.  

Gardant une distance raisonnable d’elle, tu admires en silence les cicatrices qui zèbrent son corps et que les lambeaux de tenues qu’elle porte dévoilent sans le moindre filtre. As-tu peur ? Non… Mais cela t’inquiétait. Tu étais inquiet de connaître les secrets qu’elle cachait, le chemin que ce corps lapidé avait pu emprunter par le passé. Ce n’était pas beau, ce n’était pas glorieux, mais c’était tristement humain. Cette vue te ramenait au corps martyrisé d’Ezekiel, au jour de votre rencontre ; les ecchymoses, le bandage qui recouvrait son poignet massacré, sa maigreur cadavérique. Les corps des gens qui souffraient parlait d’eux-mêmes… Et c’était ça le plus effrayant. C’était l’histoire qu’ils laissaient sous-entendre sans prononcer le moindre mot, c’était le témoignage aussi silencieux qu’effroyable dont ils étaient le centre. Ça ne te plaisait pas de savoir que le monde pouvait être mauvais et, pourtant, tu continuais de le côtoyer en pensant pouvoir y changer quelque chose. Tu étais naïf, Izaiah.

- Oui, je trouve aussi… Il faut dire que je ne m’attendais pas du tout à ça ce matin haha !

Tu savais que ton éclat de joie risquait d’être mal accueilli, mais tu t’en foutais. Personne ne pouvait t’empêcher d’être toi-même, d’être simple et aimable. Espérer trouver les mots pour te mettre hors de toi et te faire perdre cette candide douceur qui te caractérisait était peine perdue. La colère, ce n’était pas quelque chose qui te concernait.

Tu en avais déjà trop vu, trop entendu.
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Il aurait pu s’en aller, ne pas t’adresser de regard, ne pas détourner son attention sur ta personne, ça aurait été mieux, plus simple. Tu serais retournée à ton quotidien fade qui n’avait rien à envier à ceux des autres, mais c’était ce que tu connaissais et appréciais. Parce que c’était stable. Certain. Tu t’accrochais à ta haine virulente, elle était ta bouée dans cet océan dont tu te perdais, dans lequel tu manquais toujours de te noyer. Cette haine te permettait de survivre, de ne jamais lâcher, de ne jamais arrêter de respirer, de ne pas te couper, de ne pas te perdre et tu ne pouvais que t’y attacher, t’y accrocher, ce n’était même pas une question, seulement un fait. Un besoin. Un instinct. Comme l’enfant serrant son doudou pour s’endormir.

Heureusement, il avait cette décence, ce bon état d’esprit, pour tenir une distance entre lui et toi. Trop prêt, tu aurais perdu contrôle, tu aurais éclaté, tu serais devenue physiquement violente même parce que tu n’étais pas dans un état d’esprit où tu acceptais qu’on te frôle, qu’on entre dans ta bulle, encore moins quand le pokémon de la personne venait de manquer d’attaquer le tien, et de t’attaquer également par la même occasion. Les torts ? Tu les rejetais uniquement envers cet Ariados. Asriel n’avait rien fait de mal, non. Hors de question de l’admettre. Tout n’était que la faute de l’autre, de sa présence ici, de son malheureux sandwich qui était maintenant dans ta main, aucunement de la tienne. Tu n’avais aucun rôle dans tout ce qui venait de se produire, de se dérouler, non. Absolument aucun.

Et tu lui en voulais encore plus à lui de prendre tous les torts, d’accepter. De courber l’échine. D’être faible face à toi. Tu le détestais de ne pas prendre sa place, de ne pas poser le pied par terre, de ne pas te reprocher les gestes de ton pokémon qui avait démarré les hostilités. D’accepter ton venin, d’accepter d’être empoisonné. Comme Raziel l’avait fait. Rien de ce qu’il faisait n’était bon, n’était adéquat, il se trompait constamment. Il était là devant toi et c’était déjà une erreur. Tu voulais qu’il parte, mais il ne semblait pas décidé à te laisser tranquille. Toute cette haine vibrant en toi te poussa à lui lancer un regard noir, et si tes yeux avaient pu lancer des éclairs, il ne serait déjà plus de ce monde. Par chance, pour lui, ce n’était pas une capacité que tu possédais.

« T’peux foutre le camp, ce serait déjà un bon début. » marmonnas-tu plus pour toi-même que pour lui. Il s’attendait à quoi ? Qu’avec son attitude si faible et douce, tu te calmes, tu t’apaises ? C’était qu’il te connaissait bien mal. Et tout compte fait, il ne te connaissait pas du tout alors bon. Mais ce détail, tu ne t’en préoccupais drôlement pas. Tu détestais te justifier, tu ne le faisais jamais. Tu détestais aussi admettre que ton comportement n’ait pas de raison d’être, et tu ne le faisais pas plus. Tu existais et tu imposais aux autres ton poison. C’était bien mieux ainsi.

Cependant. Cependant, tu te devais d’admettre que le froid prenait, que le froid envahissait et que ça faisait drôlement mal aux blessures qui n’étaient point cicatrisées parce qu’elles ne dataient que de trop peu de temps. Et puis, l’hiver n’était plus très loin, le vent était glacial et tu n’aimais pas trop cette sensation qui t’envahissait. Alors tu te devais d’admettre que cet inconnu dont la présence te dérangeait hautement pouvait se révéler davantage utile que tu le pensais de prime abord. Tu haussas légèrement les épaules, comme capitulant. « P’t’être que tu pourrais m’acheter un café ? Ça me donnerait une raison de rester dans leur endroit de merde où faut consommer pour s’asseoir à une table. »

Asriel avait repris sa place sur ton épaule en observant l’Ariados d’un œil mauvais et inquiet. Il n’était pas de taille à se battre et n’avait clairement aucune confiance en le calme retrouvé de l’arachnide. Et tu ne pouvais qu’être en accord avec ta petite bestiole jaune fluo : tu ne faisais pas plus confiance en l’Ariados. Tu soupiras avant de te lever de ton banc et manger encore quelques bouchées du sandwich. « Surveilles-le mieux à l’avenir, m’forces pas à t’confirmer que t’es un mauvais maître. » ou l’art de dire quelque chose sans le dire forcément. Tu étais très douée dans cet art, fallait le dire. C’était amusant, d’ailleurs. Dire quelque chose en le détournant, souvent ça passait mieux, mais ça, ce n’était pas trop ton problème. À partir du moment où les paroles sortaient de ta bouche, c’était le problème de celui qui les entendait. « Bon, on y va, oui ou non ? » Oui, tu avais décidé qu’il avait accepté de te payer le café. Qu’il le veuille ou non, il te le devait.

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Tu étais beaucoup trop habitué d’encaisser Iza’.
Ce n’était pas sain d’essuyer les insultes comme des petites remarques routinières et de ne jamais t’en formaliser… Un jour, ça finirait forcément par te dévorer de l’intérieur. Combien de temps pourrais-tu supporter que l’on te méprise, que l’on rejette sur toi une haine qui ne t’était pas destiné ? À te porter garant de la souffrance de tout le monde, tu finirais par y abandonner ta propre santé. Tu n’étais pas un surhomme. Tu aimais te donner l’illusion d’être différent, d’être quelqu’un de solide… Mais tu ne t’étais jamais autant menti à toi-même. Tu n’appréciais pas être détesté pour des crimes que tu n’avais pas commis. C’était nocif, difficile à encaisser pour une estime aussi faible et fragile que la tienne… Tu gardais toujours la tête haute, supportant sans broncher, mais dans ta tête les choses ne se passaient pas toujours aussi bien qu’en apparence. Parfois, ça faisait mal d’accuser les insultes. Même si elles ne te regardaient pas, les mots étaient malgré tout dirigés vers toi.

Quand cette inconnue crachait son venin, c’était tes barrières qu’il consumait. Il s’en délectait, les brûlait jusqu’à y percer une brèche, jusqu’à t’atteindre directement. Ton bouclier n’était pas absolu, il finirait forcément par se fragiliser… Combien de temps pourrais-tu le tendre devant toi avant qu’il n’en reste que des cendres ? Les secondes s’égrenaient, son efficacité réduisait constamment un peu plus.

Lorsque la jeune femme t’invite à foutre le camp, tu hésites à tourner les talons et à accéder à sa demande. Tu aimes tendre des mains et aider les gens dans le besoin, mais tu n’es pas non plus le dindon de la farce. Des gens qui ne veulent pas s’aider, tu en fréquentes déjà au quotidien alors tu n’as pas absolument besoin d’allonger ta liste de petits protégés à ce point… Tu as déjà beaucoup donné de toi-même sans rien attendre en retour. Pour une fois, tu peux te permettre d’être faible, de ne pas vouloir de cela pour toi… Sauf que tu ne fais rien. L’idée de partir te brûle l’esprit, mais ton corps ne bouge pas. Abandonner, ce n’est pas dans ta nature. Tu connais assez le mécanisme d’autodéfense qui protège les gens dans le besoin pour ne pas tomber dans le piège qu’ils te tendent…

Tu ne pourrais pas la laisser ainsi. Les nuits étaient fraîches à ce temps-ci de l’année et avec le peu de vêtements couvrant son corps, tu craignais le pire pour elle.
Quand cesserais-tu de t’inquiéter pour tout le monde excepté toi, dis ?  Tu n’avais pas les moyens de subvenir au confort de quelqu’un. Tu n’étais pas un sain, tu devais arrêter de penser que tu étais redevable à la terre entière et que tu resterais là peu importe le traitement que l’on te réservait. On te croyait souvent plus naïf que bon et ce n’était pas pour rien : tu ressemblais davantage à un imbécile qu’à un gentilhomme.

Mais un café, c’est dans tes moyens si c’est pour laver ton affront, n’est-ce pas ?
Ton honneur est sauvé. L’inconnue que tu as sauvagement agressée a accepté que tu lui paies un café pour te faire pardonner de ton manque de délicatesse et de manières. Tu es un homme très chanceux dit donc ! Si tu avais été un peu plus farouche, tu n’aurais pas hésité à lui répliquer que le sandwich qu’elle t’avait lâchement volé était déjà un paiement suffisant… Mais tu n’étais pas comme ça. Encore une fois, la faiblesse suintait par tous les pores de ta peau et ça ne t’agaçait même pas d’être aussi mou. On te marchait dessus et tu l’acceptais parce que c’était le chemin le plus rapide vers le cœur des gens… Et parce que tu parvenais à te convaincre que tu savais reconnaître tes propres limites. Le jour où quelqu’un les franchirait, tu saurais lui mettre des barrières. N’est-ce pas ? La bonne blague.

Plongé dans tes pensées et dans tes incertitudes, tu regardes distraitement la jeune femme se lever en prenant une bouchée de ton sandwich. Conscients de ton égarement mental, tu secoues la tête juste à temps pour te prendre par la gueule un commentaire particulièrement acerbe sur Agony non loin de toi. Curieux, tu jettes un œil à ton pokémon. Il ne bouge plus, il est redevenu lui-même, mais dans une version dix fois plus grosse. Le migalos n’avait jamais été une grosse source d’ennui. C’était un pokémon effacé, une bête silencieuse qui détestait attirer l’attention sur lui… S’il avait réagi à ce vol, ce n’était pas par amusement, mais par instinct. Tu ne pouvais pas le blâmer pour ça. Normalement les gens ne le remarquaient même pas. Enfin, tu disais cela, mais tu ne pouvais plus miser sur ça à l’avenir. Une araignée d’un mètre se fondait beaucoup moins qu’une de cinquante centimètres.

- Sincèrement, je ne pense pas être un bon maître alors ça ne me dérangerait pas. Mais ne t’inquiète pas pour ça ; il ne fera plus rien de mal !

Tu étais un peu trop conscient. Conscients de ne rien être, de ne pas avoir les connaissances suffisantes pour t’indigner d’une insulte sur tes capacités à prendre soin d’un pokémon. Elle ne parviendrait pas à te blesser sur ce sujet : longtemps tu t’étais dit que tu aurais dû confier Agony à un refuge afin qu’il trouve un dresseur qui lui correspondait vraiment… Mais après cette mésaventure dans la quête du sandwich, ta perception des choses venait d’être complètement renversée. Et si, au fond, il n’était pas aussi malheureux que tu l’estimais depuis trois ans… ? Et s’il en avait quelque chose à faire de toi ? Tu ne savais pas quoi penser de tout cela. C’était trop.

- Oui, absolument. Je connais un café sympa pas loin d’ici, il est sur le chemin…

Puis, la regardant de la tête aux pieds, tu prends une grande inspiration.

- Ne prend pas ça pour de la pitié, mais tu veux mon manteau ? Sans vouloir te vexer, je ne pense pas qu’ils vont nous laisser entrer avec ton accoutrement…

Tu savais que le refus risquait d’être virulent, mais tu t’en foutais. T’étais prêt à encaisser sa haine. Tu étais toujours prêt à encaisser la haine de tout le monde… Pourquoi, putain, était-ce aussi normal pour toi ?

En silence, tu prends le chemin vers le café. À peine cinq minutes de marche vous séparent de votre destination. Sur votre passage, les regards se détournent et la curiosité s’élève comme un nuage au-dessus de vos têtes. Tu les ignores. Tu as l’habitude de traîner avec des gens plus… marginaux que toi. C’est quelque chose qui ne t’atteint pas et qui ne suffit plus à te rendre mal à l’aise.

Ouvrant la porte de l’établissement à l’inconnue, tu lui désignes alors le comptoir de commandes.

- Prend ce que tu désires… N’hésite pas si jamais mon sandwich n’a pas suffi à te rassasier.

Trop bon, trop con. Tu ne pourras jamais dire non à quelqu’un qui souffre. Tu ne pourras jamais imposer tes limites, mettre un frein à l’abus que tu peux subir. Tu es taillé dans ce bois, dans cette nécessité absolue de donner aux autres plus qu’à toi-même.
Alors qu’elle se gâte : ton cœur a une fois de plus gagné sur ton esprit.
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Sa faiblesse te répugnait, t’horrifiait. Tu avais envie de le secouer dans tous les sens, de lui hurler de se ressaisir, d’arrêter de faire le putain de sain qu’il n’était pas. Parce que personne ne pouvait être un sain. Tu voulais atteindre ses limites, les provoquer, les dépasser, mais surtout : les voir. Parce qu’il devait forcément avoir des limites à ne pas franchir. Il ne pouvait pas ne pas en avoir, ce n’était pas humain. Et ce n’était rien de plus qu’un pauvre être humain qui serait si facile de briser en plusieurs morceaux. Tu voulais le briser en plusieurs morceaux. Tu avais besoin de le briser, de voir son regard s’émietter. Tu avais besoin qu’il te hurle dessus, qu’il te remette à ta place.

Il n’avait rien fait de mal, ni même son pokémon. Asriel et toi étiez ici les seuls en faute, et pourtant, il prenait tout sur lui, il acceptait les accusations à tort que tu lui balançais sans broncher. Il pliait l’échine, acceptait son rôle de bourreau, alors qu’il n’était qu’une vulgaire victime dans tout ça et ça te mettait hors de toi. Tu ne supportais pas de le voir accepter comme ça tout ce que tu pouvais bien lui balancer sans même réagir, sans tiquer, sans te dire que tu exagérais, que tu allais trop loin. Tu avais besoin qu’il pose un pied à terre, qu’il s’impose, pas qu’il s’efface bordel ! Qu’il prenne de la place ! Il devait arrêter de jouer le sain, de se prendre pour un sain. Franchement, ça ne lui réussissait pas. Parce que ça ne devait qu’être un rôle, pas vrai ? Impossible de prendre autant sur soi pour vrai, sans jamais oser prendre sa place, exposer aux autres leurs torts. Impossible. Tu ne pouvais pas le concevoir.

Toi, tu étais une bombe. Tu prenais plus de place que ce qui te revenait, tu grugeais sur la place des autres, alors tu ne pouvais pas imaginer que d’autres personnes pouvaient ne pas prendre de place du tout, que des personnes pouvaient vraiment tout donner pour les autres sans penser à ce qu’ils perdaient, à leur propre cœur, leurs propres blessures. Non, ça ne te semblait aucunement logique et tu ne pouvais pas l’accepter. Alors tu voulais le voir réagir, jusqu’à même le voir te frapper. Mais s’il n’était même pas capable de te dire de fermer ta gueule parce qu’au final, il ne te devait rien et que sans ton Statitik, rien de tout ça ne serait arrivé, comment pourrait-il seulement être en mesure de te toucher d’une quelconque façon ?

Toi, tu serais capable de le frapper. Tu serais capable de le frapper pour le faire réagir, pour qu’il te repousse enfin, pour qu’il s’énerve, pour qu’il te dise des quatre vérités. Tu serais capable de le frapper pour provoquer une putain de réaction normale dans une telle situation. Mais non ! Il devait paraître angélique ! Il devait te faire chier à pavaner sa pseudo bonté devant tes yeux remplis de colère et de haine. Tu le détestais. Tu voulais qu’il te déteste autant que tu le faisais à son égard. Autant que tu le détestais. Pour sa présence, pour sa mollesse, pour cette faiblesse. Pour cette échine courbée comme si tu étais le loup Alpha et qu’il n’était qu’un loup de la meute se devant de t’obéir. Mais il ne te devait rien. Pas de sourire. Pas de douceur. Rien. Pas cette gentillesse bien trop imposée.

Tu ne le connaissais pas. Tu ne pouvais donc pas savoir s’il était vraiment un mauvais maître. Tu avais seulement cherché à l’atteindre, chercher à sans doute à le faire réagir. Ou seulement à le blesser. Parce que tu n’étais pas une sainte. Tu tentais en permanence de blesser ceux qui t’entouraient, de telle sorte à ce qu’ils ne s’approchent pas de toi, de telle sorte à ce qu’ils te laissent seuls. Parce que la solitude, tu pouvais la gérer. Mais pas la compagnie, pas la présence de personnes sur qui tu n’avais pas le moindre contrôle. Pas la présence de personnes qui pouvaient facilement te poignarder aussitôt le dos tourné. Tu refusais de prendre la chance qu’on te fasse du mal une fois de plus alors que tu pensais être en sécurité. Ainsi, tu choisissais la voie de la violence. Tu savais qu’on allait tenter de te blesser, parfois psychologiquement, mais surtout physiquement. Mais tu n’hésiterais pas à frapper en retour.

Mais lui, il ne frapperait pas. Il ne chercherait même pas à te renvoyer la balle de ta méchanceté. Il acceptait tes mots, ton venin, il acceptait de se faire empoisonner et tu ne parvenais pas à le comprendre. Ça te rendait folle. Mais bon, tu pouvais te dire qu’au moins, tu allais avoir un café et c’était toujours agréable un liquide chaud dans le froid qui prenait toute la place. Tu n’allais pas cracher sur la possibilité de boire quelque chose d’apaisant, et de te trouver dans une pièce réchauffée. « Parfait alors, allons-y ! » Bien sûr qu’il connaissait davantage la place que toi, tu venais d’arriver, tu ne savais même pas où tu te trouvais. Cette région t’était totalement inconnue.

Tu tournas légèrement la tête vers le jeune homme, ton regard toujours aussi glacial, la haine toujours aussi présente dans toutes les fibres de ton corps. Tu ne pouvais pas faire autrement. Un bouclier, une armure que tu portais jour après jour pour que jamais personne ne puisse voir qu’à l’intérieur, ce n’était qu’un champ de bataille, ce n’était que des cendres, des corps gisant ici et là, que ce n’était rien de beau, rien de merveilleux, et que la haine était majoritairement dirigée vers ta propre personne, vers l’adolescente naïve qui pensait que survivre seule dans ce monde était possible. « Sérieusement ? » C’était un fond de colère qui perçait dans ta voix, qui la rendait légèrement tremblante. « C’quoi ces humains qui ont peur d’un peu d’peau nue ? » Cynisme. Ta voix, si elle avait eu une couleur, aurait été clairement noire en cet instant présent. « Bon. Si c’est c’qui faut pour qu’j’puisse entrer, fine. Mais t’habitues pas à ce que j’capitule si facilement. » Tu avais froid. Tu mourrais de faim. Tu avais besoin de chaleur.
…. Tu avais besoin d’un ami. Mais ça, tu ne l’admettrais jamais.

Quand des regards curieux croisaient ton propre regard, tu ne lâchais pas. Jusqu’à les rendre mal-à-l’aise, jusqu’à ce qu’ils détournent le regard. Tu avais même vu une mère prendre son enfant par le bras, pour s’en aller plus loin. Coup au cœur. Mais extérieurement, rien ne demeurait que la haine la plus puissante. Comme toujours. Tu te calmais pas, de temps en temps ? Tu ne pouvais pas prendre une putain de pause parfois ? Non. Fallait toujours que tu sois aussi bornée dans ta rancœur. Son manteau sur le dos, tu entras dans le petit café et tu regardas le comptoir des commandes, figeant légèrement. Tu n’avais plus l’habitude de la civilisation. Tu n’avais plus l’habitude de faire les choses normalement, non. Tu avais appris à voler, à faire des méfaits, pour te nourrir, assurer ta survie. Et avec Raziel, c’était lui qui faisait tout. Alors tu te trouvais démunie. Tu ne comprenais pas la moitié des termes du menu parce qu’on ne t’avait pas scolarisée à partir de tes huit ans. IL ne voulait pas que tu sortes de peur que tu parles. Alors. Lire n’était pas ton fort.

« Tu commandes quoi habituellement, à manger ? » T’allais certainement pas admettre que tu n’étais pas en mesure de comprendre le plus gros du menu et que lire te prenait beaucoup de temps. Non. Hors de question d’afficher une faiblesse. Et s’il ne venait pas ici souvent, tu allais seulement commander une soupe, tout le monde avait des soupes. Tu prendrais la sécurité. C’était plus simple comme ça. « Et, pourquoi y’a plusieurs types de café ? C’est quoi la différence ? » Tu ne connais pas le monde. Tu as été enfermée, retirée de ce monde bien trop longtemps pour parvenir à le comprendre, à savoir ce qui le compose. Et tu regardais ailleurs, ne posais même plus ton regard sur ce jeune homme.


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Tu n’avais pas peur d’elle.
Une part de toi connaissait les revers de l’humanité avec trop de justesse pour t’en dégouter ou t’en inquiéter. Tu ne savais pas qui était cette jeune femme, mais ses mécanismes de défense coulaient sur ton dos comme sur celui d’un couaneton : tu n’y réagissais même pas. Tu ne savais pas si l’acerbité de ses mots était sincère ou si elle l’utilisait seulement pour se protéger, mais ça n’avait pas la moindre importance. Tu comptais encaisser, encore et encore tant que vos chemins ne se seraient pas séparés. Parce que tu avais pour vocation de ne jamais laisser tomber quelqu’un, de ne jamais rendre les coups que l’on offrait à ton visage et ton corps.
Et dire que tu ne connaissais même pas son nom… Tu étais beaucoup trop bon, Izaiah. Laisser une connaissance pourrie par la vie nous cracher dessus était une chose, laisser un parfait inconnu nous accuser de la faim dans le monde en était une autre… Mais pas pour toi. Parce que dans tes yeux à toi, l’égalité prenait racine dans nos relations avec les autres terriens. Il n’y avait pas plus d’inconnus que d’amis dans ton entourage ; tout le monde méritait le même respect ainsi que ta gentillesse ridicule. Ce n’était pas pour rien que beaucoup de gens se jouaient de toi comme d’un vulgaire pion, tu sais… Il suffisait de paraître seul et dans le besoin pour que tu cèdes à la manipulation de ce coeur si pur qui battait en toi. Tu étais ton ennemi juré, la première personne à te causer plus de tort que de bien… Et tu t’en moquais éperdument. Parce que toi, tu ne voyais rien de tout ça. Toi, tu écoutais ce que ton instinct te dictait et tu te réjouissais de chaque nouveau sourire né de tes agissements, de tes sacrifices. La vérité derrière, tu ne l’entendais pas. Tu te mettais des oeillères, imaginais que le billet de 100pokédollars offert à un sans-abri serait capable de lui offrir un repas plutôt qu’une bouteille d’alcool. Le déni te suffisait à voir la vie en rose. Il te rendait heureux et ça te réussissait bien, le bonheur, ça réglait tous tes problèmes de conscience.

La réaction de la jeune femme lorsque tu lui proposes ton manteau ne t’étonne pas ouvre mesure. Le morceau de vêtement dans une main, une moue amusée sur le visage, tu attends patiemment qu’elle mette un terme à son monologue, à ses faibles protestations d’usage, et qu’elle l’enfile. Tu ne peux pas vraiment dire que tu la connais… Mais sa manière de réagir négativement à tous tes mots ne t’est pas étrangère. Elle te rappelle Ezy, Ezy et sa certitude que les mois partagés ensemble n’évoquaient pas le début d’une amitié, Ezy et sa manière de refuser ton aide peu importe la situation, Ezy et son agressivité ridicule. Pour une fois dans ta vie, tu étais content de réaliser que le bleuté n’était pas à tes côtés pour cette rencontre houleuse. Autrement, tu n’imaginais même pas les étincelles qui auraient pu naître entre eux.
Pour aujourd’hui seulement, tu remerciais le Fitzgerald d’être où il était, peu importe ce que cela signifiait.

- Je n’espère rien de toi, je te rassure. Je n’ai simplement pas envie d’être viré du café parce qu’on voit de toi plus de peau que de vêtements…

Si elle ne voulait pas être prise en pitié, alors tu ne comptais pas la traiter comme une chose fragile. Tu étais capable de t’adapter, de cacher ta sympathie derrière un miroir plus intéressant aux yeux de ton interlocuteur. Ça, c’était l’hôpital qui t’avait appris à faire. Tu avais fini par comprendre que tout le monde ne voulait pas de ta gentillesse, de tes paroles mièvres et de tes encouragements… Pour certain, le fruit de leur indépendance et de leur force de caractère était un trésor qu’il ne fallait surtout pas souiller et si tu souhaitais te faire une place près d’eux, c’était à toi de t’adapter. Tout simplement. Cela ne les empêcherait pas de t’insulter et de te haïr, mais au moins ils n’auraient pas l’impression que tu te pensais supérieur à eux…

et ça, c’était une jolie corde à ton arc.

Dans la vraie vie, tu es simplement heureux de voir la jeune femme enfiler le manteau que tu lui tends. Avec des températures pareilles, même le cours des jours sont frisquets… Alors que dire de la matinée ou de la nuit ? Inconsciemment, tu sais déjà que tu ne comptes pas le lui réclamer à la fin de votre rencontre. Tête en l’air comme tu l’es, tu feras sans doute semblant de l’oublier ou peu importe, histoire de ne pas la froisser… Ça devrait beaucoup mieux passer ainsi.

En arrivant au café, tu décides de la laisser passer devant toi histoire qu’elle puisse prendre ce qui lui chante. Malheureusement, les choses ne se passent pas totalement comme tu l’avais imaginé et les deux questions qui s'enchaînent te prennent un peu au dépourvu. Intrigu, tu t’avances sur sa gauche avant de glisser tes mains dans les poches de ton pantalon. En silence, tu analyses un moment l’étendu du menu. Comme d’habitude ou pas ?

- Normalement je prend un croissant et un latté à la vanille… ou selon les saveurs printanières, je me permets un peu d'exotisme. Épices d’automne par exemple.

C’était la bonne période pour ça.

- Mais les sandwichs déjeuners sont un excellent choix si je peux me permettre. Un bon ami m’a longtemps recommandé celui au chorizo et je ne regrette pas de l’avoir écouté, c’est beaucoup plus “fun” qu’un simple croissant au beurre.

Iza, expert des Staribuck. Tu devrais sans doute te reconvertir dans la promotion de la chaîne de cafés plutôt que de perdre ton temps derrière un appareil photo. À cette idée, un sourire amusé vient éclairer ton visage ; tu serais un bien mauvais promoteur. Te connaissant, tu finirais toujours des affirmations par tout un cas de conditions et de remises en question qui finiraient par davantage décourager les gens qu’autre chose. Après tout, qui voulait vraiment entendre un vendeur dire “Je vous conseille un latté à la vanille… mais je comprendrais si ça ne vous plait pas, ce n’est pas forcément le truc de tout le monde. ;;”
Potentiel zéro.
Tu venais d’être renvoyé avant même d’avoir postulé, d’avoir imaginé à quoi pourrait ressembler une entrevue avec eux.

- La composition des mélanges. Par exemple, les lattés contiennent plus de lait que d’expresso, les mokas sont plus sucrés et sont fait avec du cappuccino, les cappuccinos, eux, ressemblent aux lattés, mais la mousse est pas mal plus crémeuse avec un goût sucré… Enfin tu vois un peu le genre, il y en a beaucoup trop pour tous les expliquer. Mais si ça ne te parle pas, il y a toujours les cafés réguliers si tu veux.

C’était, ma foi, tout à fait décousu. Tu avais bien fait de ne pas venir porter ton CV ici lorsqu’il avait fallu faire un choix de carrière. Au final, tu aurais peut-être dû demander à la jeune femme derrière le comptoir de s’y mettre plutôt que toi… Le résultat aurait été beaucoup plus clair et satisfaisant pour les oreilles de ton invité.
Mais bon, la vie en avait décidé autrement.
Prenant une grande inspiration, tu sors tes mains de tes poches puis tu t’avances vers l’employée et son comptoir.

- Je te prendrais un latté vanille format venti avec un sandwich déjeuner classique… Plus un moyen latté aux épices d’automne avec un croissant, s’il-te-plait. Au nom d'Izaiah. Avec un Z et un H à la toute fin.

Tu avais choisi pour elle, ce n’était pas pour mal faire.
Feeling, tout simplement.
Et puis, tu voulais lui faire découvrir les joies du menu et ne pas la voir se cantonner à un café deux laits deux sucres parce que l’immensité de la question faisait peur. Dans le meilleur des cas, elle admettrait que tu avais bon goût… et sinon, elle t’insulterait.

Tu n’étais pas à ça près, si ?
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Soudainement, tu n’avais plus rien de l’être ignoble reportant le blâme de tout ce qu’il avait provoqué sur la personne l’accompagnant. Soudainement, tu étais de nouveau l’enfant perdue qui avait prié si longtemps Arceus pour une rédemption (qui n’était point venue), dans le noir de sa chambre, lorsqu’elle entendait les hurlements de sa mère se répercuter sur les murs. Soudainement, tu étais redevenue l’enfant tremblante dans ses couvertures, entendant les pleurs de cette mère et les bruits de verres brisés. Tu étais de nouveau l’enfant incertaine du monde s’ouvrant à elle, cette jeune fille enfermée dans une maison, n’ayant plus le droit d’en sortir, cette petite fille aux yeux rougis par les pleurs et le manque de sommeil, par la peur et l’incertitude.
Difficile à croire qu’un jour tu fus un être doux, un être capable de s’intéresser aux autres, une personne capable de s’inquiéter pour quelqu’un d’être, capable de s’occuper des plus faibles, de s’occuper des plus jeunes. Tu t’étais occupée de cette petite sœur qu’on t’avait offert, de cette petite sœur qui était devenue ton monde et qu’on t’avait arraché pour te pousser dans les flammes de l’enfer.
Difficile à croire, en te regardant dans la vie de tous les jours, que tu aies pu être quelque chose que la haine que tu dégageais, que la rage brillant dans tes prunelles et dans ce corps malmené, ce corps si maigre et couturé de cicatrices témoignant d’une existence rude et cruelle qui t’avait transformé en un monstre dévorant les rêves et espoirs des petits et plus grands. Mais, fut un temps, tu avais été une petite fille perdue, aux espoirs insensés. Une petite fille tremblante dans un coin de sa chambre quand le monstre se présentait devant elle, une petite fille tentant d’échapper au monstre que la mère avait laissé entrer dans la maison.

Devant tant de choix, d’incertitudes, devant une vague d’inconfort, le feu de ta haine s’était éteint. On avait soufflé dessus, on avait laissé la pluie l’éteindre pour ne laisser que des braises attendant le bon coup de vent pour faire renaître l’incendie. Tes bras étaient venus se croiser sur ta poitrine dans une étrange tentative de réconfort, de protection. Protection contre l’ignorance que tu possédais concernant le monde qui t’entourait, cette ignorance qu’on t’avait obligé à avoir en te tenant éloigner de toutes les possibilités d’éducation durant ton enfance et ton adolescence, durant ta vie entière.

Distraitement, tu écoutais ce que ce jeune homme venait à te dire. Tu ne connaissais rien, ne comprenais rien. Tellement tu avais eu l’habitude de voler pour survivre quelques tranches de jambons par-ci, quelques petits morceaux de noix par-là, ta connaissance de la gastronomie frôlait le zéro. Tu connaissais, au moins, ce qu’était un croissant, mais tu ne pouvais pas imaginer ce qu’était un latte, ni même quel goût ça pourrait avoir. Tu te contentais toujours d’un café noir sans sucres. Le goût n’était pas le meilleur, il était suffisamment amer pour laisser quelques fois des grimaces se dessiner sur ton visage, mais la chaleur en valait la peine. Vivre dans la rue poussait à ne pas être difficile. Et puis, c’était une sécurité, une commande simple. Il ne te serait jamais venu en tête de commander un latte.
(Tu te contentais de ce que tu connaissais)

Tu avais tenté de suivre et démêler les explications de l’inconnu qui avait dû supporter la boule de rage que tu étais, qui avait plié sous tes accusations, qui s’était montré terriblement faible jusqu’à te donner envie de le secouer pour obtenir une quelconque réaction davantage brusque. Donc, y’avait de la mousse sucrée, et de la mousse moins sucrée, et quelque chose qui composait les cappuccinos et les cappuccinos étaient la base des mokas. Tu n’étais pas certaine de vraiment comprendre.
Tu n’avais pas réagi quand il s’était avancé pour commander à ta place. Tu étais figée. Incertaine de comment assimiler les informations. Il était davantage aisé pour un enfant d’apprendre qu’un adulte ayant traversé l’enfer pieds nus.

« C’est quoi, du chorizo ? Tu en as parlé tout à l’heure. » Ce fut la première phrase qui franchit tes lèvres quand tu t’étais finalement avancée pour le rejoindre et attendre la commande avec lui.
Il n’allait pas falloir qu’il s’habitue à cette accalmie. Quelques instants et le feu reprendrait. Tu haïssais laisser transparaître une quelconque faiblesse, tu savais si bien qu’on allait en profiter pour te détruire encore un peu plus, pour te planter un couteau dans le dos. Et celui-là serait sans aucun doute le premier avec ses faux airs d’ange. Comme si tu n’allais pas voir que ça ne cachait pas quelque chose. Tu avais que trop l’habitude de traîner avec des personnes qui attendaient qu’on leur fasse confiance pour trahir. Tu n’allais pas lui donner une occasion de pouvoir le faire.

« Ça a intérêt à être bon. » Tu reprenais de ta hargne, tu replongeais dans les flammes qui brûlaient ardemment dans tout ton être. Ça n’aurait pas été long, le moment de calme. Mais c’était toujours plus.. sécuritaire pour toi, cette rage que tu pouvais sentir rongeant tes os. Tu ne pouvais pas la contrôler, mais elle te permettait de survivre. Cette hargne était tout ce à quoi tu pouvais te raccrocher.
Tout ce qui te restait.

Quand la commande arriva, tu la pris sans demander à celui qui avait payé pour et tu t'étais dirigée vers une table vide assez éloignée de la porte pour te préserver du coup de vent froid qu'il y aurait moindrement quelqu'un allait entrer.  « J'espère que la place te va. Fin', pas que je me soucie de ton avis, mais bon. »
Allais-tu cesser un jour ce comportement ?
Sans doute pas.
Asriel sauta sur la table et s'approcha du sandwich dégageant une merveilleuse odeur. Tu le laissas en prendre une bouchée. Il semblait se régaler.
« Asriel approuve tes goûts, en tout cas. »

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Tu étais un éternel coupable.
Et quelque part, ça te plaisait. C’était sans doute une forme de masochisme en soit : être détesté et l’accepter… Mais c’était plus simple ainsi. Plus simple que la rébellion, plus simple que de lever les armes au nom d’une justice surfaite. Tu t’en foutais d’être vu comme un fléau. Ça ne t’atteignait pas, ça ne te parlait pas. Tu savais ce que tu valais. Et même si tu venais à apprendre que tout n’était que du feu, que le monde se porterait mieux en ton absence : quelle importance ? Tu étais là, c’était un fait, c’était indéniable. Tu ne comptais pas te soumettre aux mêmes bassesses d’esprit que les gens que tu t’évertuais à aider alors… Il faudrait faire avec. Tu ferais de ton mieux, continuerais d’aider en espérant ne pas nuire puis verrait ce que l’avenir en penserait.
Tu vivais simplement, Izaiah, en avais-tu conscience ? Jamais tu ne te prenais la tête, jamais tu ne t’énervais contre une réalité sur laquelle tu n’avais aucune emprise. Tu aimais être aimé, mais ne t’arrêtais pas à l’amour de tes pairs pour avancer. Tu avais été seul bien trop longtemps pour t’en soucier.
Tu avais passé la bague au doigt de la solitude, t’étais embrasé de son affection ardente, t’étais amouraché de sa passion silencieuse.
C’était la vie que tu menais, rien n’y changerait. Ton déménagement était encore trop récent pour que tu réalises à quel point il était bon d’être apprécié et de ne pas perdre les gens aussitôt qu’ils sortaient de l’hôpital.

Les relations durables -inatteignables- deviendraient bientôt ta drogue et ton salut… Mais pas aujourd’hui.
Pour aujourd’hui encore, tu parvenais à te convaincre que ce n’était pas grave si les gens partaient, s’ils se lassaient de toi ou s’ils te détestaient. Tu les comprenais, reconnaissais les mécanismes de défense qui dictaient leurs mots, agissais en silence en leur nom. Cette fille, dont le nom t’était toujours inconnu, était une parmi toutes les autres. C’était une âme écorchée par la dure vie, cette ennemie commune à tous ceux et celles qui n’avaient pas su l’apprivoiser.
Tu ne pouvais pas prétendre la connaître, mais ses vêtements en lambeaux et son regard hostile, embrasé, déchiré parlaient pour elle. Tu ne faisais qu’admirer les évidences.

- Une sorte de saucisson il me semble… À base de piments, excellent. Je te ferai essayer une prochaine fois, si ça t’intéresse.

Prochaine fois, prochaine fois de quoi ? Probablement que jamais vous vous ne vous reverriez. Une fois son repas terminé, la jeune femme allait sans doute disparaître dans la nature comme un animal sauvage en fuite face au chasseur. Tu ne pouvais pas garantir qu’elle allait prendre le temps de discuter avec toi, d’apprendre à te connaître (et vice versa) ou même qu’elle allait te remercier. Rien n’était moins garanti que les réactions d’une personne comme elle.
Et ça te suffisait.

- Je ne m’inquiète même pas. Si tu as réussi à apprécier le sandwich le plus crade et fade que l’humanité ait porté sur ses épaules, un jambon beurre quoi (t’avais manqué de temps pour penser à ta santé et tes papilles gustatives), alors je suis convaincu que tu vas être capable d’apprécier un sandwich déjeuner.

Tu ne manquais pas d’assurance, c’était peut-être un défaut. Mais quelle importance ? Le constat était bon et, surtout, très vrai. Tu avais préparé ton sandwich sans te prendre la tête histoire que ce soit vite terminé… Et voilà où ça vous avait mené.
Si un œuf, une galette de saucisse et du fromage l’interpellaient moins qu’une tranche de jambon callée sous deux tranches de pain beurrées, c’est ta vie que tu allais remettre en question. Sincèrement.

Lorsque ton nom est appelé, tu réagis à peine et laisse la demoiselle saisir son sandwich ainsi que son latté. Tu ne t’indignes pas du manque de délicatesse ou de la permission que tu aurais pu (dû ?) lui accorder pour se servir dans tes affaires.
Au fond, plus rien ne t’étonne.
Ce n’était péjoratif, c’est juste… Comme ça. La personne qui te fait face est facile à cerner ; ce genre de rage te rappelle celle de certains patients, elle te parle. Tu aurais aimé la comparer à Ezekiel, mais le constat n’était pas le même : lui aurait refusé ton aide puis t’aurait envoyé bouler. Il l’avait fait. Plus d’une fois.
Mais quelle que soit leur réaction respective, les deux ne manquaient pas de toupet lorsqu’il était temps de répliquer. Ils se ressemblaient, un peu. Dans la forme, moins dans le contenu ou dans la manière de l’appliquer. Voilà.

La talonnant jusqu’à une table, tu tires une chaise avec légèreté avant de t’y asseoir. La distance avec la porte te convenait. Puisque tu avais perdu ton manteau au combat, l’idée de te jeter dans les bras du froid ne t’enchantait pas particulièrement. Au moins, maintenant, c’était régler.

- C’est parfait !

Mais bon, ton avis, on s’en foutait.
Tu savais que ce n’était qu’une façade, que c’était le rôle qu’elle se donnait, le mur qu’elle construisait face à l’humanité.
Il te faudrait plus que quelques heures en sa compagnie pour réussir à la calmer… Mais c’était une durée et du temps que tu ne possédais pas. La blanche ne te le permettrait pas. Il n’y avait aucun risque pour que ça arrive. Aucun.

En voyant le … truc, l’araignée (Une sorte de Mimigal, en plus petit et plus jaune) sauter sur la table puis goûter au sandwich, tu ne peux retenir un léger sourire d’amusement. À tes pieds, Agony s’est couché, histoire de ne pas déranger. Mais tu sens son regard qui pèse sur vous, qui vous scrute en silence. Ça ne t’embête pas.
Enfin, pas trop.
Tu ne sais pas quel est son problème aujourd’hui ni d’où cette méfiance provient, mais elle est soudaine et inhabituelle. Tu ne sais pas comment l’apprivoiser, comment la gérer. C’est trop… C’est trop, tout simplement. Et si Agony devenait un pokémon dangereux…? Et s’il attaquait quelqu’un !? À cette idée, un frisson te parcourt.
Tu pourrais presque en pleurer. Presque.

- Heureux que ce soit validé !

Balances-tu avec entrain. Tu espérais que son avis rejoindrait le sien, sincèrement. Sinon, tu aurais l’air bien con. Mais bon, en dépit de son attitude agressive et de la dureté de ses mots, tu te doutais que ton vis-à-vis restait un être humain comme les autres.

- Alors, tu connais mon nom, mais je ne connais pas le tien. C’est pas très fair play, t’en penses quoi ?

Tu en pensais que tu allais sans doute te faire envoyer foutre. Dans trois, deux, un…

- Tu n’es pas obligée de me le dire. J’essaie juste de comprendre ce que tu foutais là-bas… Pas que je désire à tous prix me mêler de ce qui ne me regarde pas, mais ça m’interpelle sans doute plus que ça ne le devrait.

Admets-tu en baissant légèrement ton regard vers ton latté. Tu te sentais un brin gêné d’admettre que sa situation te préoccupait. Elle te couvrait d’insultes depuis la première seconde de votre rencontre et, comme un idiot, tu t’inquiétais de la savoir dans la rue depuis on-ne-sait-combien-de-temps.
Tu avais la main sur le cœur Iza, ce n’était plus une question depuis le temps, mais quand allais-tu arrêter de vouloir sauver la veuve et l’orphelin ?
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you're not an angel
ft. Izaiah L. Silverstein
Rejeter tes torts, tes fautes, sur le monde entier, sur ceux qui t’entouraient, était l’essence même de ta respiration.
Ce n’était jamais toi, la coupable. C’était le monde qui gravitait autour de ta personne qui l’était. Tu étais le résultat de leurs dires, le résultat de leurs vices, de leurs tourments. Tu étais le monstre qu’ils avaient construit, un par un, qu’ils avaient façonné. Le monstre des placards des enfants.
Une inspiration, une faute de plus de rejetée, une expiration, le monde qui quitte tes épaules. Tu n’avais jamais été celle qui acceptait d’être en faute. Celle qui acceptait d’être la raison du pourquoi rien ne venait à fonctionner. Tu n’étais pas le maillon faible. Tu n’étais pas la faiblesse. Si celui devant toi ne t’aimait pas, c’était qu’il ne faisait pas les efforts. (Mais qui pourrait bien t’aimer ?)

Cette façon que tu avais d’être provoquait ton malheur, ta misérable existence, t’envoyait dans les bas fond d’une vie que tu t’acharnais à mener sans rien changer. Ta personne même était la raison de toutes les explosions, tu étais la mine dans la vie des autres, celle qui explosait quand on relevait le pied. Et eux ? Des dommages collatéraux. Mais qu’en était-il réellement ? Tu n’étais pas inhumaine, Eleanore. Seulement détruite. Seulement en morceaux, morceaux acérés se levant contre toute forme menaçante. Et l’être humain en général l’était.
Rejeter tes torts sur les autres était l’essence même de ta respiration et ta perte à la fois.
Qui pourrait bien aimer le monstre que tu étais, qui pourrait bien aimer ce concentré de haine, de rage, cette bombe à retardement ? Personne. Tu ne comprendrais pas qu’on puisse véritablement s’attacher à toi, que l’on puisse désirer ta présence. Jamais ça ne viendrait faire de sens.

Et comme on ne pouvait pas t’aimer, tu n’allais pas les laisser t’approcher.
Tu allais te nourrir de leur douleur, de leur peur, tu allais te nourrir des tourments des autres pour grandir, pour les détruire à leur tour. Imposer dans leur regard la rage qui dévore le tien. Cette flamme immortelle qui brûle ton être seconde après seconde. Torture éternelle.
i want to watch you change from a butterfly and into chains
Tu n’avais désir que de les rendre aussi fous que toi. Désir de te vengeance au-delà des espérances, d’importer cette fragmentation dans toutes les âmes qui auraient eu le malheur de te croiser.
Izaiah n’allait pas y échapper, n’est-ce pas ? Tu ne comprenais pas pourquoi il s’était arrêté. Il aurait pu passer son chemin, après l’altercation, mais non. Il avait ployé les épaules, accepté ta présence, laisser ton poison s’inviter dans ses veines. Pourquoi ? Izaiah t’échappait. Tu ne parvenais pas à saisir ce qui l’animait, à croire en cette beauté, cette conscience angélique. Un démon devait bien se tapir à l’intérieur, quelque part. Et tu allais le pourchasser jusqu’à le créer.
Tu ne pus que froncer les sourcils suite à sa phrase. La prochaine fois de quoi ? Il ne pensait quand même pas être suffisamment intéressant pour que tu souhaites continuer de le voir, le revoir même ?  Il avait beaucoup trop d’assurance. « Quelle prochaine fois, Izaiah ? »
Quelle prochaine fois ? Tu ne comptais pas prolonger votre contact, tu ne comptais pas le laisse t’approcher. Avait-il cette douce illusion de pouvoir te connaître ? Il se trompait ouvertement, lourdement. Jamais il n’aurait le loisir de t’approcher. Tu allais le laisser en pièces avant qu’il n’effleure ne serait-ce que la surface de tes sombres pensées, de tes propres démons qui se mouvaient sous ton regard, à la vue de tous et pourtant, si impossible à atteindre.

Il allait se noyer bien avant de pouvoir comprendre ce qui se passait. Ton regard s’était posé sur Izaiah quand vous vous étiez assis, sans que tu n’aies répliqué sur sa phrase disant que si tu avais su apprécier le sandwich qui lui avait autrefois appartenu, il ne doutait pas que tu saurais aimer celui-ci. Parce que ce n’était pas à lui de décider ce qui était étonnant, ce qui ne l’était pas. Ce n’était pas à lui de décider tout simplement. Sur tout et rien, non, ce choix ne lui appartenait pas. Ça aussi, tu le lui avais volé à l’instant où il avait décidé de prolonger le contact avec ta personne et tu te promettais qu’un jour, il allait s’en mordre les doigts.
« Tant mieux. Parce qu’on n’aurait pas changé de place si ce n’avait pas été le cas. » Ton confort passait avant le sien. Ton confort passait avant celui des autres sur tous les plans (quel confort, très chère ? quel putain de confort pouvais-tu bien trouver dans cet univers où tout ce qui apparaissait de toi était une rage sans fin ?) Picotements dans tes veines. Haine dans le regard. La précédente faiblesse que tu avais eu, l’hésitation, l’effacement, n’existaient plus et il avait bien intérêt à ne pas le ramener sur le tapis ou tu te ferais un malin plaisir de lui montrer qu’une table, ça se mange. Et des insultes aussi. Même s’il ne semblait pas très réactif aux bousculades orales.

Tu n’avais rien d’un être humain, pas vrai ? Tu étais rythmée par la violence des hurlements résonnant dans ton esprit, hurlements que tu voulais faire taire, souvenirs que tu voulais noyer dans l’océan, brûler dans le plus grand feu de forêt n’ayant jamais existé. Tu n’étais que cette souffrance qui ne cessait de croître, encore. Et encore. Tu ne pourrais jamais te considérer comme un être humain, comme quelque chose d’aimable. T’étais détestable et t’allais le rester. Tu ne saurais même pas comment faire pour changer. Tu étais enchaînée dans la colère vibrante dans tout ton être.
Tu ne savais pas t’arrêter. Au fond, tu ne pouvais juste pas prendre une pause , tu ne pouvais pas souffler, et tu te détruisais tout en détruisant les autres, pièces par pièces, tu allais faire de cette planète un désert.
« Comme si je me souciais de ce qui fair play ou non. »

Ta voix tranchait. Elle tranchait toujours, représentatrice de la haine qui bouillonnait en toi. « Et t’es sûr que c’pas c’que tu désires ? C’l’impression que tu donnes actuellement ! »
Une pause. Quelques secondes. Une gorgée de café prise et une bouchée de sandwich avalée. « Eleanore. Mon prénom est Eleanore. » Une nouvelle gorgée de café. Tu devais admettre qu’il avait bon goût pour choisir la nourriture et le breuvage, mais tu ne prendrais jamais le temps de le dire. Ni même de le remercier. « Qu’est-ce que ça peut bien t’foutre à toi, où j’vis et pourquoi j’vis là ? J’parie que t’as ton appartement tout beau tout propre. Et ton confort. »
Tes yeux lançaient de nouveau des éclairs alors que tu le fixais. Tu ne pourrais jamais comprendre cette main tendue, tu ne pourrais jamais l’accepter sans.. la rejeter et l’abîmer de prime abord. C’était trop simple de vouloir t’aider. Trop simple de s’inquiéter pour toi. « Tu devrais pas t’contenter d’avoir tout ça, de l’argent, ta vie bien rangée et faire comme tout le monde : passer ton chemin ? »

Parce que quelque part, Izaiah avait toujours été tout ce que tu détestais.
Tout ce que tu fuyais.

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Tu ne t’essoufflais pas d’être toujours le dindon de la farce, le pauvre idiot à qui l’ont aurait pu faire porter tous les maux ?
Tu n’étais pas le coupable, le responsable des douleurs dont l’on t’accusait à défaut de trouver un monstre à qui faire cracher aveux et supplications. Et toi, comme un pauvre idiot, tu hochais la tête sans puiser en toi la force de protester contre cette injustice. C’était le prix à payer pour être en vie, non ?
Ouais, tu vivais et voilà ton châtiment pour avoir osé défier la mort. Tu n’avais pas de colonne et tu courbais respectueusement l’échine devant n’importe quel idiot criant un peu plus fort que toi. Tu n’étais pas un dur ni un courageux : tu étais un lâche qui croyait l’acte de passer l’éponge nécessaire pour être accepté. Tout simplement. Et le pire, dans tout ça, c’est que jamais tu n’allais prendre le choix de changer… Parce que tu étais bien dans cette situation, dans ce rôle de victime silencieuse. Il te permettait de survivre.  

Tu ne savais pas si un jour viendrait où ton chemin recroiserait celui de la jeune femme aux cheveux blancs et au regard de braise.
Tu ne savais pas non plus ce que tu lui avais fait ou quelle erreur tu avais commise pour qu’elle te traite avec un tel dédain… Au regard de vos dernières interactions, tu étais pourtant convaincu d’avoir désarmé tous les pièges et de n’avoir commis aucune faute, mais peut-être avais-tu une vision surfaite de la situation.
Tu évaluais mal ce qui s’était réellement passé. Tu lui avais peut-être mal répondu ? Ou peut-être qu’elle était juste comme ça. Tu en avais rencontré des gens qui ressentaient le besoin de se défendre en permanence, comme si leur survie dépendait de l’effort qu’ils déployaient à repousser les gens autour d’eux… Vous n’étiez pas très différents, juste complètement contraires.
Si diamétralement opposés et semblables à la fois.

Tu avais simplement haussé les épaules lorsqu’elle t’avait demandé « quelle prochaine fois ? » parce que, au fond, tu ne savais pas plus qu’elle. Il n’y aurait sans doute pas de prochaine fois. La jeune femme était de celles que l’on ne revoyait jamais une fois partie, pire qu’une insupportable bourrasque amenant au loin ton chapeau favori. (Même si tu ne portais jamais de chapeau) Tu avais souri, de ce sourire énigmatique qui ne veut rien dire et qui ne possède aucun sens véritable.
Un sourire, au plus simple de sa forme et sans grand artifice y greffer.
Vous vous étiez assis, elle avait râlé, tu avais fini par la cerner. La jeune femme n’était pas un mystère. Elle était calculée, programmée. Même si tu ignorais le combustible de sa colère, il s’agissait néanmoins d’un mécanisme assez simple et prévisible pour que ses paroles glissent sur ton dos avec la grâce de l’eau sur les plumes d’un couaneton.
Il te suffisait de sourire comme si rien ne t’atteignait et peut-être que viendrait un moment où elle comprendrait que l’acidité de son venin ne t’atteignait pas. Tu avais déjà rencontré des gens plus coriaces qu’elle, des gens qui avaient préféré joindre la parole aux actes et qui avaient laissé des séquelles irréversibles sur ton corps et ton esprit. Tant que l’inconnue ne levait pas la main sur toi, tu considérais être capable d’encaisser le plus gros de ses caprices.

Tu étais doux… Doux et imperturbable face aux cris de douleur qui gangrénaient le cœur des hommes.

- Interprète-le comme tu veux, mais on est en train de manger en tête-à-tête donc j’estime que le repas sera plus agréable en discutant qu’en se buttant au silence. T’en penses quoi ?

Puis elle répond enfin.
Eleanore. Et tu souris une fois de plus.
Tu es content qu’elle te dise qui elle est, heureux de pouvoir mettre un nom sur ce visage crispé et ces pupilles implacables. Eleanore.
Ce nom lui collait à la peau comme un manteau parfaitement ajusté. Tu étais convaincu qu’elle ne t’avait pas répondu n’importe quoi, que c’était là sa véritable identité. Eleanore.

Heureux, tu prends une grande inspiration en prenant une bouchée de ton croissant lorsqu’elle te relance sans ménagement ni trace de reconnaissance pour ta personne.
Elle te faisait penser à Ezy, à Ezy et sa colère imperturbable, impossible à calmer… Sauf qu’ils ne brillaient pas du même désespoir. Lui détestait l’homme parce que l’humanité n’avait plus voulu de lui, parce qu’il avait frôlé les étoiles et qu’elles avaient explosées devant lui. C’était différent pour elle. Tu ne connaissais pas son passé, les cicatrices qui striaient son cœur farouche, mais tu savais que ça n’avait rien à voir, que les deux n’étaient pas passé par les mêmes difficultés.
Pourtant, le résultat était sensiblement le même, au bout du compte. L’équation donnait le même résultat : une colère sourde aux résonnements logiques, une colère qui permettait de survivre et qui donnait sens à l’existence même.

- Je ne me le pardonnerais pas si je faisais juste passer mon chemin comme tout le monde.

Ta voix n’est qu’un murmure inassumé, une phrase arrachée à ton humanité. Tu pouvais, tu savais, une fois. Une fois tu pouvais passer tout droit, estimer que ce n’était pas de ton ressort, que d’autres étaient plus outillés que toi pour faire face à ce genre de … cas. Tu pouvais. Personne ne t’en voudrait… Excepté toi.
Tu ne serais plus capable de te tenir devant un miroir et de supporter ton regard dans la glace si tu devais abandonner quelqu’un, tourner les talons devant la misère d’un autre.

- Tu as raison, mais je ne te connais pas plus que tu ne me connais, alors cessons les « à priori ». Tu veux ?

À priori, Eleanore était santé, toi pas.
Elle avait grandi avec la quasi-certitude que son corps ne la trahirait pas à l’interne, qu’il n’était pas son propre ennemi. Elle en avait sûrement eu d’autres des ennemis, mais vos chemins étaient sans conteste très différents l’un de l’autre. Si vous voulez vous plaire dans la jalousie maladive et immature, le débat serait interminable.
Ça ne t’intéressait pas de tomber dans ce genre de caprice à savoir qui souffrait le plus, qui se faisait le plus chier à l’heure actuelle. (Eleanore ne devait rien à personne. Toi, tu devais justifier la raison pour laquelle tu vivais et ce à chaque jour.)

- Je cherche juste à comprendre… Pas parce que t’es spéciale, pas parce que tu fais plus pitié qu’un autre, mais juste parce que tu es là.

Tu prends une grande inspiration, incapable de trouver les mots justes pour expliquer ce que tu ressens au contact de tes yeux sur ce corps abîmé sous un manteau que tu avais été forcé de lui prêter.

- Et maintenant que tu es là, je ressens le besoin de t’aider, au moins un peu… Si tu le veux bien.

Tu complètes ta phrase en baissant légèrement les yeux et en attrapant ton croissant que tu t’empresses d’enfourner afin d’oublier le manque d’assurance qui te pèse sur les épaules. T’étais doué pour parler, beaucoup moins pour faire preuve d’une assurance à toute épreuve.

Tu redoutais un peu le retour de flammes, pour être entièrement honnête.
Mais tu n’abandonnerais pas. T’étais collant, c’était ta principale qualité, Iza.
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ft. Izaiah L. Silverstein
Rien n’expliquait pourquoi il était encore devant toi. Rien ne justifiait qu’il essuie d’un revers de la main toutes les paroles que tu avais pu lancer et qu’il supporte ton regard enflammé. Rien n’expliquait pourquoi sa gentillesse était à l’épreuve de ta haine. Et toi, pourquoi avais-tu accepté la main tendue pour continuer de la mordre au passage ? Tu ne possédais pas plus de logique que cette personne devant toi qui aurais dû prendre ses jambes à son cou face à toi. Ne pas s’arrêter, passer son chemin, s’en foutre de son putain de sandwich et ne jamais t’adresser la parole. Pourquoi ne l’avait-il pas fait ? Tu ne voulais rien savoir de son apparente bonté, de son bouille angélique. Non, tu voulais seulement la lacérer pour laisser voir les démons cachés.

Tu avais mordu de nouveau dans le sandwich et tu étais mentalement forcée d’admettre que le choix était bon, et que l’aliment était en mesure de satisfaire la douleur des crampes intestinales provenant de la faim. C’était agréable. Agréable de pouvoir te nourrir de nouveau, de croquer dans quelque chose autre qu’une vieille pomme trouvée dans les poubelles. Pomme bonne, on s’entend, mais dans les poubelles pareil. C’était incroyable à quel point les personnes pouvaient jeter des aliments qui se mangeaient encore. Aucun respect pour la nature et ensuite ils espéraient être respectés ? Ils pouvaient bien aller au diable. Tu les amènerais toi-même dans les flammes de l’Enfer si tu le pouvais.

Et tu l’avais regardé. Tu l’avais fixé en te demandant pourquoi diable était-il encore à t’affronter, à braver les intempéries de ta personnalité pour entreprendre une discussion houleuse avec ta personne. Était-il inconscient ou suicidaire ? Tu ne ferais qu’une bouchée de sa personne, tu en étais persuadée et tu voulais qu’il parte. Avec ses beaux airs, sa putain de bonté à dégueuler, et l’impression que tout pouvait être réglé d’un sourire qu’il te donnait. Clairement, sa présence t’était néfaste (ou tu la trouvais néfaste, plutôt). Les secondes passaient, les secondes s’écoulaient, et tu souhaitais parfois même planter un quelconque ustensile que tu pouvais voir sur les tables dans sa magnifique main pour détruire le beau tableau qu’il était. Mais tes pulsions de violences n’étaient pas assouvies alors que tes mains étaient occupées à prendre le sandwich ou le café étonnement bon.

Et son sourire. Son sourire que tu ne comprenais. Son sourire qui te faisait vriller. Pourquoi il souriait ? Des idées violentes, sanglantes, te passaient dans la tête. Pour effacer ce sourire qui s’était ancré dans son visage, sans aucun sens. Il n’y avait aucune raison de sourire actuellement, alors que tu lui renvoyais constamment une haine profonde qu’il encaissait. Le secouer. Le forcer à hurler.
Tu respiras profondément. Tu tremblais légèrement alors que tu te concentrais sur la nourriture, sur le café, alors que tu te concentrais sur Asriel qui mangeait avec toi, quelques petits morceaux que tu lui donnais. Tu aurais aimé que jamais sa voix ne vienne s’imposer dans l’atmosphère, tu aurais aimé qu’il se fasse oublier, qu’il ne tente pas de nouer un lien avec le monstre que tu étais. Parce que tu ne voulais rien savoir de lui parler, rien savoir de sa gentillesse. Oh non. Clairement rien.

Eleanore Anastasya Idrys. Nom que tu avais choisi, nom qui te collait à la peau, nom que tu respirais, que tu dégageais. C’était le prénom qui représentait qui tu étais devenue séparée de l’essence de ton sourire, lacérée par la misère du monde, détruite. C’était celle qu’on avait construite pierre par pierre avec la cruauté des hommes. Celle qui faisait face à Izaiah en essayant de contrôler la rage coulant dans les veines, ce besoin de lui faire payer son sourire, cette envie de lui faire comprendre toute la souffrance violente résonnant dans ton esprit, se répercutant sur les murs de ton cerveau pour que la douleur demeure bien vive. « Les A priori sont souvent vrais. » Toujours aussi froide. Tranchante. Tu attendais le moment où il allait se lever, décider que tu n’en valais pas la peine et partir. Tu attendais ce moment avec une impatience marquée parce que ce n’était que ce que tu voulais (pas vraiment).

« Il n’y a rien à comprendre. » S’il ne se le rentrait pas dans le crâne par lui-même, tu allais le faire. Il n’y avait rien à comprendre à ta situation, rien à comprendre à ta vie, à ton existence, aux battements effrénés de ton cœur malmené et déchiré de toutes parts. Rien à comprendre dans ton désespoir, dans ta haine, dans ta colère envers le monde entier, rien à comprendre dans ta farouche fureur, ton insupportable tendance à tenter de blesser tous ceux qui t’entourent, dans la bombe à retardement que tu étais. Rien à comprendre. Tu l’avais fixé, dévisagé. Sans retenue, sans discrétion, ton regard enflammé s’était planté dans le sien puis l’avait regardé de bas en haut comme un vulgaire insecte à écraser du bout du pied. « Rien à foutre. » Tu l’avais fixé, avec cette haine dans ton regard. Comme toujours. Haine qui effaçait la détresse vibrante en même temps que la colère. Détresse que personne ne devait remarquer, que personne ne devait entendre. Détresse qu’elle ne voulait même pas reconnaître elle-même. « J’en ai rien à foutre d’être aidée. »

Il aurait mieux faire de se détourner. Il aurait mieux fait de se lever. Tu espérais le voir se lever et s’en aller, baisser les bras devant toi, réaliser finalement que tu n’en valais pas la peine. Mais tu ne le connaissais pas encore, à ton plus grand malheur. « Tu serais mieux de garder ton énergie pour aider quelqu’un qui en vaut la peine. » Une nouvelle bouchée de ce sandwich. Quelque part, les mots que tu venais de prononcer d’une voix emplie de poison résonnaient douloureusement dans ton esprit. Quelqu’un qui en vaut la peine. Pas toi, parce que t’étais rien de plus qu’un déchet de la société qui ne valait même pas un regard. « Tu penses qu’ils laissent les gens dormir ici ? » Ce n’était qu’une pensée qui t’avait échappé alors que tu ne souhaitais pas retourner dans le froid de la rue pour une nouvelle nuit cruelle.
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YOU CAN'T BE THE ANGEL YOU SEEM TO BE
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Ta gentillesse ne connaissait pas de limite.
C’était une affirmation dont l’on pouvait désormais faire le constat. Le regard de feu d’Eleanore glissait sur ta peau comme l’eau sur les plumes d’un couaneton et même l’acidité de ses paroles ne parvenait pas à t’atteindre… Tu savais que tu en avais déjà vu d’autres, que le monde ne se limitait pas à la haine d’une seule personne et que ce n’était ni la première ni la dernière fois que l’on te détesterait pour n’avoir rien fait. Alors tu n’en faisais pas de cas.
Cela vous ferait plus de mal que de bien si tu venais à lui répondre sur le même ton ou à répondre aux hostilités… Dans le meilleur des cas, la jeune femme se détournerait de toi et, dans le pire, elle te sauterait au visage. Elle n’attendait que ça. Tu n’étais pas assez naïf pour te fermer les yeux face à la réalité : Eleanore n’avait qu’une envie, te voir perdre le contrôle. Ezekiel t’avait offert le même traitement, à une époque.
Tu ne comprenais pas l’origine d’un tel besoin, mais tu savais une chose : tu n’avais pas envie d’y adhérer et de tomber dans le piège. Ça ne te ressemblait pas, ce n’était pas toi. Les rares personnes qui t’avaient vu t’énerver résidaient à Johto et votre lien n’en était pas moins que sanguin.

Jamais tu ne faisais de témoins lorsque l’énervement montait… À la place, tu te cachais dans ta chambre et tu hurlais jusqu’à pas d’heures, la tête bien enfoncée dans ton oreiller afin que personne ne t’entende… Mais, inutile de le cacher, ce n’était pas arrivé depuis une éternité. Tu étais un peu au-dessus de tout ça désormais, non ? Un peu trop bien, un peu trop parfait pour que les émotions primitives qui avaient l’habitude de gangréner le cœur des hommes t’atteignent à ton tour. Tu t’étais élevé, tu avais dépassé le stade « d’être humain ». Tu étais : GodIza. (Godzilla lololol) Ou pas. Non, définitivement pas.

Bref.

Voyant qu’elle ne compte pas coopérer, tu décides de ne pas insister… Enfin, pas directement. À la place, tu termines les miettes de ton croissant puis tu reprends une gorgée de ton latté en soutenant son regard sans broncher. Tu l’écoutes répliquer, refuser, protester.
Son vocabulaire est limité, mais elle connaît bien le terme « Rien à foutre » qu’elle te répète au moins deux fois en l’espace de quelques secondes afin de bien mettre l’emphase sur le fait qu’elle en a vraiment rien à foutre de ta gentillesse inégalée. Tu ne l’atteins pas Iza… Et ce n’est pas vraiment ta faute.

Tu supposes qu’Eleanore est ainsi, qu’elle doit s’armer du même caractère avec quiconque croisant sa route… Après tout, ce ne serait pas logique de t’en vouloir personnellement. Jusqu’à présent, tu avais offert un sans-faute. Ce n’était pas pour te vanter -jamais l’idée de le faire ne t’aurait traversé l’esprit-, mais tu estimais avoir agi correctement vis-à-vis elle… Tous les pièges dans lesquelles tu tombais parfois quand tu étais distrait, tu les avais habilement évités. Concrètement, elle n’avait aucune autre raison de t’en vouloir que d’exister.
Sauf que ça, tu n’y pouvais rien malheureusement. Tu n’avais pas d’emprise sur la durée de ta vie, sur ton souffle qui ne finissait plus de se répéter à rythme régulier. Il faudrait composer avec : tu étais vivant. Et si elle te détestait pour ça, eh bien tant pis.

- C’est gentil de ta part de vouloir laisser la chance à quelqu’un d’autre… Mais mon choix est déjà fait.

Tu savais que ça n’allait pas lui plaire. Ce n’était pas de la provocation en soi, mais un partage en bonne et due forme : ta décision était prise. Si elle ne se levait pas et si elle ne quittait pas immédiatement les yeux, alors tu continuerais de vouloir l’aider.
On t’accusait souvent d’être trop tenace, trop collant et, surtout, beaucoup trop intrusif… Mais tu ne savais pas faire autrement. C’était la seule manière dont tu savais faire les choses. Les gens te rejetaient beaucoup trop souvent pour que tu baisses la tête et courbe l’échine au premier refus… Si tel avait été ton choix, tu n’aurais jamais rien accompli et tes années de bénévolat se seraient toutes révélées vaines.
Tu ne te le serais pas pardonné.

L’entendant te demander si la place accepte de laisser les gens y dormir, tu ne peux t’empêcher de soupirer bruyamment. Est-ce une blague ? Fermant les yeux quelques secondes, tu te masses l’arête du nez avec précision. Tu réfléchis et cela se voit au léger froncement de tes sourcils.
Est-ce vraiment une bonne idée ? Non. Définitivement pas… Même que, de toutes les idées qui t’ont traversé l’esprit de ton vivant, c’est probablement la pire.

- Non, je doute sincèrement qu’ils laissent les sans-abris passer la nuit ici…

Mais tu connaissais un endroit. En dépit des doutes qui parcourent ton esprit et qui t’oppose leurs dernières résistances, tu connais un endroit.
Abandonnant ton combat contre la raison, tu ouvres ton téléphone afin de regarder l’heure. Une heure s’était déjà écoulée. Il te restait donc encore une heure et demie avant le début de ton quart de bénévolat… Mais ça, Eleanore ne le savait pas. Et elle ne le saurait pas.
Saisissant papier crayon, tu gribouilles ton adresse sur le coin d’un napkin puis tu le glisses à la jeune femme.

- Je dois aller travailler, on m’attend à l’hôpital… Mais voici mon adresse. Les clés de l’appartement sont dans la poche droite de mon manteau. Ce n’est pas très loin d’ici tu verras… Et c’est au premier étage.

Malgré ta détermination et la certitude que c’est la chose à faire, tu ne peux t’empêcher de sentir ton cœur s’emballer légèrement.
Laisser entrer un parfait inconnu dans ton appartement alors que tu es au boulot n’est pas dans tes habitudes et tu ne vas pas t’en cacher. C’est stressant.
Ce l’est d’autant plus lorsque l’on prend conscience que l’inconnu est sans-abri et manifestement hostile à ton existence. C’est un sacré bon plan que t’as là, mon Iza. Si tu reviens pour découvrir la disparition de ton PC et de ton matériel de photographie, tu n’auras que tes larmes pour pleurer et que toi-même à haïr.

- Je serais de retour dans cinq ou six heures… Tu n’as qu’à m’y attendre. Tu peux fouiller dans le frigo ou faire une sieste si tu en as envie.

Ou voler le plus gros de ma vie.
Mais ça, tu te le gardes bien de le préciser. Si tu veux que ça marche, tu dois au moins lui renvoyer l’illusion d’une confiance aveugle… Quitte à paraître pour le plus con des mecs. Si elle vient à se douter que tu n’es pas totalement à l’aise avec sa présence chez toi, elle risquerait de se braquer ou, pire, de passer à l’action.
Après tout, pourquoi vouloir faire plaisir à quelqu’un qui nous étiquette depuis le premier jour ?
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Pouvait-on seulement espérer une quelconque once de gentillesse de ta part ?
C’était dur d’y croire alors que tu fusillais cet inconnu qui avait accepté chaque tort que tu lui avais balancé, qui avait plié échine et s’était laissé empoisonné par ton violent venin. Dur de croire que tu étais capable d’une quelconque douceur, d’un altruisme. Tu n’en étais même pas convaincue toi-même. Tu n’étais rien de plus qu’une boule de haine désormais, rien de plus qu’un concentré de colère que tu ne savais même pas gérer.
Alors il t’était impossible de comprendre les motivations de la gentillesse sans limites de cette personne, de cet inconnu, de cet « Ange » qui n’en était pas un. Oh que non, tu n’avais pas confiance en cette bonté mielleuse qui ne pouvait que cacher une vipère derrière. Tu pourrais presque tenter de tendre l’oreille pour entendre le sifflement qui ne venait pas. Et tu ne savais pas ce qu’il attendait de toi, mais clairement, tu n’allais pas baisser les bras, abaisser ta vigilance, non. Pas du tout. Hors de question tout simplement.

Une nouvelle gorgée de café, ton regard qui ne le quittait pas, ton regard qui ne pouvait pas se poser autre part que sur cette personne. Ne pas baisser sa garde, n’est-ce pas ? Tu n’y arriverais jamais, à baisser ta garde. Et tu ne le désirais pas, non plus. Asriel, sur la table, continuait de manger les miettes de ta sandwich qui tombaient, bien satisfait de pouvoir manger quelque chose qui possédait véritablement du goût.
Et après avoir parlé, tu attendais. Tu attendais de voir la réaction d’Izaiah, tout en te contrôlant un minimum, en chassant les idées qui pouvaient te passer par la tête, ces envies de violences, ces pulsions si brusques et puissantes que tu avais tant de difficulté à réfréner, qui faisaient écho au bruit de détonation que tu pouvais si souvent entendre alors même que tu étais loin, loin de ce lieu où l’enfer sur terre résidait.

Et tes ongles s’enfoncèrent dans la paume de ta paume quand il eut le culot de dire que c’était gentil de vouloir laisser la place à quelqu’un d’autre. T’en avais rien à foutre des autres, de laisser ta place, de faire un bon geste. Tu n’voulais juste pas de son aide, était-ce si compliqué à comprendre ? T’en avais pas envie, tu voulais pas de sa présence, ses faux-semblants, sa bonté bien trop propre pour réellement l’être. Tu ne voulais rien savoir de lui tout simplement. Alors pourquoi il venait s’acharner ? Tu voulais… tu voulais. Tu ne savais pas. Les désirs, les images, tout se bousculait dans ton esprit, tu étais submergée, tu ne savais pas comment gérer. Tu avais presque le sentiment que ta poitrine possédait un poids bien trop lourd pour que tu puisses respirer correctement, que le monde autour de vous vous regardait, jugeait. Qu’ils le regardaient, affirmaient que son initiative était ridicule. Tu pouvais les voir qui vous regardaient quand tu posais ton regard sur eux. Clignement des paupières et ils sont en pleine discussion de leur côté. Sans doute même que jamais ils n’avaient pris connaissance de votre existence.

« Ce n’est pas de la gentillesse. » Tu refusais qu’il mette ça sur le compte de quelque chose dont tu ne savais aucunement faire preuve. Regard enflammé qui se pose dans son regard alors que tu prends une nouvelle bouchée de ton sandwich. Tu mâches. Tu avales. Et tu craches ton venin de nouveau. « Et ton choix est stupide. » Aussi stupide que la personne qui le faisait. Après tout, il fallait être stupide pour décider de passer son temps avec quelqu’un comme toi. Stupide pour t’accorder de l’attention. S T U P I D E. Parce que tu ne méritais rien de tout ça. Tu étais un monstre, une meurtrière. Tu méritais la poussière, l’absence de reconnaissance. Et ça te convenait très bien. Tu ne voulais rien de plus que cette place qui t’était destinée, et tu désirais y entraîner le plus de personnes pour ne pas être enterrée seule.

Tu haussas les épaules quand il se décida de nouveau à parler, ne le comprenant toujours pas. Cette personne était un énergumène incompréhensible, un extraterrestre qui ne parlait clairement pas le même langage que ta personne et ça commençait clairement à t’agacer, te déranger. Tu voulais lui foutre des baffes pour qu’il se réveille et qu’il foute le camp parce que ça aurait tellement plus de sens que d’insister. De chercher à t’aider. Quelle drôle d’idée, t’aider. Tu en aurais ris. Et tu avais haussé les épaules. « Tant pis, je dormirais dehors. »

Mais Izaiah avait décidé autrement. Tu avais haussé un sourcil en attrapant le morceau de papier. C’était décidé. Il n’était pas seulement stupide, mais totalement taré et inconscient. Tu avais regardé brièvement le morceau en voyant les chiffres, les lettres, comprenant rapidement que c’était une adresse et quand il s’exprima de nouveau, ce fut une étrange grimace dont on ne pouvait déterminer l’émotion. « Tu es… » Ta voix était toujours froide, toujours venimeuse, ça ne changeait pas. Tu ne changeais pas. Tu n’étais pas capable de changement. « Fou. » Et la colère qui bouillonnait dans tes veines reprenant de plus belle. « Tu réfléchis parfois ou t’as juste pas de cerveau ? Laissez rentrer une parfaite inconnue dans ta maison et puis quoi encore ? Tu vas aller proposer ton appart’ à ceux qui sortent d’prison ? » Tu ne le comprenais pas. Et moins tu le comprenais, plus tu t’énervais. Tu avais fermé ta main, le papier bien au milieu, tandis que de l’autre main tu prenais une gorgée de ce latte. « J’en ai rien à foutre de ton appart’, il doit être à ton niveau. J’suis ben mieux dehors, moi. J’foutrais pas mes pieds dedans.»

Haine qui brillait dans ton regard. Tu mordais la main qui se tendait. Tu étais un chat sauvage incapable de comprendre la gentillesse après avoir été battue par les anciens maîtres. Serait-ce possible de t’apprivoiser ? Toi, tu n’y pensais même pas. Tu te laissais guider par ta rage, sans admettre que l’idée d’un appartement chaud était si douce et accueillante… Et vous saviez tous les deux que malgré ton refus catégorique, on allait te retrouver sur son divan à son retour, dans un sommeil mouvementé. « Tu es inconscient. » Ta voix toujours aussi froide. Tu ne le comprenais pas et cette phrase revenait alors que tu le fixais si violemment. Heureusement que tu n’avais pas de lasers dans les yeux.

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Tu n’avais rien à te prouver et rien à prouver au monde entier.
Tu ne le faisais pas pour que l’on te remercie ou, pire encore, que l’on t’adule. Tu le faisais parce que tu ressentais en toi la nécessité de le faire, c’était aussi bête que cela. Tu ne te considérais pas con ni naïf… C’était trop facile de rejeter le poids de tes décisions sur une absence de compréhension ou sur un désir ridicule de croire à la bonté de tous et chacun. Ce n’était pas parce que tu voyais plus souvent la lune que sa face cachée que tu en ignorais l’existence… Tu te refusais juste d’y croire.
Les gens n’étaient pas noirs ou blancs. Ils étaient plus nuancés que cela. Beaucoup plus même… À tes yeux, il n’existait, en ce monde, personne de fondamentalement mauvais : que des âmes blessées ou torturées qui ne savaient plus quel chemin emprunter pour rejoindre la surface.

C’était peut-être une manière un peu trop jolie de voir les choses… Peut-être qu’arriverait un jour où tu regretterais misérablement d’avoir cru envers et contre tous. Les lunettes roses que tu portais au quotidien et qui filtraient le noir des cœurs ne pouvait pas avoir que du positif après tout… Un jour, ça ferait mal.
Mais pas aujourd’hui.
Ce n’était pas le bon moment et, à quelque part, tu continuais de croire qu’un chien qui aboyait aussi fort ne pouvait pas mordre. Eleanore était un amat de haine et de colère… Mais elle ne savait définitivement pas comment l’extérioriser. Son silence t’aurait cent fois plus effrayé que le venin qu’elle produisait et qui gangrénait peu à peu les barrières érigées entre elles et toi.

Nullement impressionné, tu l’écoutes préciser que ce n’est pas de la gentillesse et que ton choix est stupide. Tu hausses doucement les épaules sans en perdre ton sourire : peut-être. Peut-être qu’elle avait raison depuis le début, peut-être que tu t’acharnais sur un combat qui ne menait pas d’être mené…
Mais ce combat, contre toutes attentes, était devenu le tien. Toi qui étais, d’ordinaire, assez mauvais joueur, tu te surprenais pour la première fois à ne pas vouloir perdre face à l’adversaire… Quel qu’en soit le prix, tu voulais garder la tête haute et ne pas être rabaissé plus bas que terre.
Cette guerre silencieuse entre toi et Eleanore frisait sans doute le ridicule, mais elle avait lieu d’être et d’exister.
Tu en étais convaincu.

Pour toi, il n’était pas question qu’elle retourne à la rue.
Personne ne méritait cela. Quelles que soient les décisions prises ou les erreurs commises, dormir au creux d’une ruelle n’était pas un moyen acceptable de traiter un être humain… Ce n’était pas juste d’en arriver là et tu ne comptais plus le nombre de patients que tu avais croisé et qui t’avaient confié leur retour imminent à la rue.
Jamais tu n’avais réagi… Jamais tu n’avais pu réagir, mais il était temps d’en changer. Tant pis si ça ne lui plaisait pas, tant pis ce n’était pas le traitement qu’elle avait espéré recevoir de ta part.

Tant pis si Eleanore ne vivait que de haine et de colère, si elle n’acceptait sur elle que les blâmes et le dégoût.
Tu refusais devenir l’un de ceux-là.
Tu refusais de te regarder dans la glace ce soir en te disant que, une fois de plus, tu avais lamentablement échoué au pied du succès.

- Peut-être bien…

Murmures-tu lorsqu’elle te traite de fou. Nullement surpris, tu soutiens son regard sans en démordre, sans même baisser les yeux. Tu gardes la tête haute et l’esprit clair : tu es prêt à encaisser tout ce qu’elle a de mieux et de pire à te dire.
Tu ne comptais pas te justifier. Tu ne comptais pas lui expliquer le bien fondé de tes démarches ni la réflexion qui s’était frayée un chemin dans ton esprit… Au fond de toi, tu savais que Eleanore était mieux que ça. Mieux que ce qu’elle laissait transparaître, mieux que le gris dans ses yeux.

Mais ce genre de chose ne se disait pas plus qu’il ne s’admettait à demi-mots.
Ce n’était pas rationnel de croire ainsi, ce n’était pas logique de tenir de tels propos… Et à quelque part, même toi tu n’étais pas certain que ce soit fondamentalement humain de croire ainsi en son prochain.

Sans rien ajouter de plus, tu acceptes les reproches et la dureté de ses propos. Tu peines à ne pas baisser les yeux, à ne pas laisser la honte te submerger… Mais tu sais que cette guerre est la tienne et que tu n’entends pas à une défaite.
C’est bien la seule certitude qui puisse te permettre de garder le menton haut et l’esprit assez fort pour ne pas rougir de honte.

Tu es inconscient, c’est vrai. Mais il est trop tard pour faire machine arrière. Dans ta tête, le scénario est déjà écrit et peaufiné : tu ne changeras pas d’avis. Ainsi, tu te contentes de hausser légèrement les épaules sans soulever ou prendre la peine de répondre à cet effluve de violence et de haine.

- Ce n’est pas très loin d’ici, tu devrais pouvoir trouver sans trop te fouler…

Puis, attrapant tes propres déchets et te relevant, tu fais un pas vers la poubelle la plus près afin d’y jeter ton gobelet vide ainsi que le sac contenant ton feu croissant.
Tu n’as plus tellement le cœur à rire, mais tu ne peux pas te permettre de lui montrer la faiblesse qui suinte de tous les pores de ta peau. L’orgueil fait des miracles. Pourquoi ne pas l’avoir rencontré plus tôt ?

Jetant un œil à Agony non loin de toi (tu l’avais presque oublié tant il était silencieux), tu lui adresses un sourire un peu crispé avant de t’éloigner vers la sortie.
Tu devais partir avant de changer d’idée ou avant de regretter quoi que ce soit.

- Essaie de ne pas fermer à clé en arrivant, ce serait bien que je puisse rentrer… On se dit à tout à l’heure donc ! Tu n’auras qu’à déposer mon manteau sur les crochets à l’entrée, tu devrais les reconnaître sans trop de mal.

Puis, sans même attendre qu’elle ait terminé son sandwich et sans même vérifier si le message est bien passé, tu tournes les talons et franchit la porte menant sur l’extérieur.
Tu devais respirer.
Heureusement, il te restait encore quelques minutes de marche à effectuer avant d’atteindre l’hôpital… Tu pourrais au moins en profiter pour souffler un peu.
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