Quelque chose dans l’expression de Even, dans son regard, changea. Comme si cette haine, ce rejet intense laissait place à un sentiment plus laconique. Plus distant. Il m’avait semblé comprendre qu’il n’aimait pas l’endroit, mais il niait cela. Que pouvait-il donc ressentir de si complexe envers cet endroit si beau ? J’avais beau mettre cela en opposition avec ce que je ressentais pour le studio, cela ne correspondait donc peut-être pas ? Toujours était-il que je sentais son appréhension, et je le voyais penser. S’enfoncer dans son passé. Alors, je lui lançais une petite pique, destinée à détendre l’atmosphère. Rien de bien méchant. Et fort heureusement, il semble bien le prendre, à rire comme cela. Voir mon interlocuteur rire de cette façon me permet à moi aussi de me détendre, laissant mon sourire paraitre sur mon visage plus ouvertement. Ce n’était peut-être pas si mal que ça de faire de nouvelles rencontres ? Ou peut-être était-ce une occasion unique ? Toujours était-il que la situation était bien plus agréable maintenant, la conversation avançant doucement. Nos mots engageant la réponse de l’autre.

« C’est apaisant maintenant que la nature a réussi à s’adapter à la folie d’un seul homme. » Sa réponse à ma remarque avait eu le don d’attirer mon attention, et surtout, mes interrogations. Que voulait-il dire par cela ? Peut-être voulait-il parler des raisons qui avaient mené l’endroit que l’on m’avait décrit comme chaud à devenir un vrai congélateur ? Je haussais un sourcil, intrigué, attendant la suite de ses explications avec une curiosité non feinte, et même ouvertement exprimée.

« Je… Je vois. C’est donc pour ça qu’il neige ici… », j’attrapais une poignée de poudreuse, « Comment peut-on faire ça ? Ce n’est pas une estrade, on ne change pas le décor lorsqu’il ne nous convient pas… Surtout lorsque les conséquences touchent à bien plus que l’on ne peut contrôler. »

Je grinçais des dents en pensant à tout ce que les pokémons des environs avaient dû vivre. Je lançais un regard sombre à la neige, en m’imaginant le possible faciès de l’inconscient qui s’était pris pour dieu, avant de tenter de m’apaiser. En soit, le cours de l’histoire avait toujours été modifié par l’homme, et ce n’était qu’une autre marque de son existence sur le monde. Ce n’était qu’une autre preuve de l’idiotie humaine. Et pourtant, j’avais beau me répéter cela, je ne pouvais m’empêcher de m’imaginer ce que j’aurais vécu si cela c’était passé là d’où je venais.

« C’est assez poétique en soi… Une si belle vue, née d’un si grand mal. C’est un bon résumé de la vie. De l’humanité je pense même. Malgré nos erreurs, on arrive toujours à trouver du positif dans le futur non ? », je repensais à ce qui m’était arrivé, un petit sourire nostalgique se formant sur mes lèvres, « N’est pas le but du changement que de le surpasser pour évoluer ? On est un peu des pokémons dans ce sens-là ! »

Je rigolais un peu, m’imaginant une forme évoluée de Even, avec encore plus de cheveux, et de tatouages, mais ne fit aucune remarque à ce propos. En parlant de pokémon, je tournais mon regard vers la direction où j’avais vu Tama disparaitre quelques secondes plus tôt… Où étaient-ils donc passés tous les trois ?

Honnêtement, lorsque ça c’était passé, j’étais a peu prêt sure que Kuroki allait me tuer. Pour vous expliquer, en glissant le bas de la pente, je m’étais pris un rocher de plein fouet, fort heureusement, je n’avais personne sur mon dos, mes deux copains me suivant un peu plus haut. Par contre, le rocher, lui, il avait pas vraiment apprécié. Se levant de colère, un gigantesque serpent de roche se leva devant moi, faisant exploser la couche de neige le couvrant en une bourrasque glacée… Brrrr, même avec mon chauffage interne, je l’avais senti passer le coup de froid. ET CA, C’ETAIT NON. Enfin, je me serais énervée si j’avais pas : 1. Les copains derrière. 2. Kuroki loin de moi. 3. Un serpent-rocher géant surplombé d’un pingouin bleu surfant sur sa tête. Alors comme tout pokémon sensé… Je remontais le plus vite possible la pente, en criant aux deux autres d’aller retrouver nos dresseurs. Ah ça, j'allais me faire tuer par Kuroki. Mais bon, j'aurais le temps d'y réfléchir plus tard.

A peine je m’inquiétais pour Tama, que je la vis revenir. En vo-lant. Je venais littéralement de voir ma petite Chamallot se faire projeter dans les airs, comme une peluche, pour atterrir dans un tas de neige non loin, dans un "SHPROUF" très doux. « TAMA ? », je criais, ma voix brisée par le choc. Mon cœur venait de faire un bond, tellement j’étais stressé par ce qui pouvait lui être arrivé, même si le bruit ne laissait paraitre rien de grave. Les deux pokémons de Even arrivaient peu de temps après, poursuivis par un Onix, puis finalement, par un Tiplouf se faisant projeter du crâne de ce même Onix. Et lui aussi, atterrit dans le tas de neige de Tama. Oubliant complétement Even, je me jetais sur Tama, qui se relevait en soufflant de l’air chaud. Voir Kuroki me faisait chaud au cœur, mais surtout, j’étais encore furax. D’OU IL M’AVAIT JETE EN L’AIR COMME CA ? Sa colère, malgré son regard aussi doux que d’habitude, me rassurait, alors que je pouvais voir qu'elle allait plutôt bien. Par contre, je regardais le Tiplouf a côté, qui semblait aussi furax qu’elle, envers la même cible, lorsqu’une idée germa dans mon esprit.

« L’ennemi de mon ennemi est mon ami non ? », murmurais-je, « Tu voudrais pas devenir mon ami pour qu’on combatte le tas de roche, petit pokémon ? »

Sans bien plus attendre sa réponse, j’attrapais une pokéball et la lançais sur lui. Autant en profiter pour me faire de nouveaux camarades !

Action:

Je n’avais jamais capturé un seul pokémon. Ni vu une capture. J’avais lu à ce propos évidemment, mais c’était la première fois que je voyais le phénomène se dérouler sous mes yeux. La ball, rouge et blanche, fit un arc de cercle très serré en l’air, pour aller s’abattre sur le Tiplouf en face de moi, distant d’a peine une dizaine de centimètres. CLAC. Un éclair rouge fusa, l’entrainant à l’intérieur de la construction humaine, qui se referma et se mit à se secouer dans la neige. Clic. Clac. Clic. Clac. … … … Hein ? Elle ne bougeait plus ? Hésitant, j’attrapais la ball avec une main hésitante, tremblante tant par le froid présent que la tension tordant mon cœur. Elle était un peu chaude au toucher… Je l’ouvrais alors, un petit sourire timide présent sur mon visage, alors que le même éclair rouge que précédemment libéra le Tiplouf de la ball.

Pourquoi je les avais rejoint ? Aucune autre raison que de me battre contre l’Onix. Je ne m’attendais pas a cette étrange sensation, mais ce n’était pas désagréable, comme si mon esprit était mis au repos, comme si j’allais dormir. Je me retournais vers mon nouveau maitre, et  contractais mes nageoires, essayant de lui montrer ma force.

« On va se battre maintenant ? », lui dis-je, prêt à en découdre.
« Moi, c’est Kuroki. Si tu veux y aller, je suis derrière toi ! »

Kuroki. Très joli nom. Valide comme étant celui de mon maitre. Mais j’avais plus important à faire… Enfin, j’aurais crû avoir plus important a faire.
Alors que mon Tiplouf se préparait à aller combattre, on fut tout les deux arrêtés par la même image. Celle d’un Onix volant, complétement à la merci de l’étrange pokémon aux côtés de Even. L’image était tellement impromptue et ridicule, que je pouvais seulement laisser ma machoire pendre bêtement, les yeux grands ouverts, à l’image de mon nouveau camarade. Je sentais un peu de pitié envers le pauvre serpent de roches et de peur envers mon interlocuteur du moment. Qui s’approchait justement.

« T… Tout va bien ici, oui… Mais lui, ça va aller ? », dis-je en pointant l’Onix du doigt, « T’es quoi ? Une sorte de super dresseur ou quoi ? Ça fait peur ! »

Je prenais une pose en mimant une peur intense, avec mon pitoyable jeu d’acteur. C’était trop tentant que d’essayer de taquiner Mr.Pellicules, alors que mon esprit se reportait sur le nouveau venu de mon équipe. J’étais extrêmement heureux d’avoir réussi ma première capture, du premier coup, mais j’étais en même temps un peu inquiet de ce que je devais faire avec ce nouveau venu… Je regardais Even et ses nombreux camarades.

« Dis… Je me suis jamais posé cette question, je me suis jamais trop attardé sur quoi faire de Tama mais… Avec cette nouvelle addition à mon équipe, je pense qu’il va falloir que je trouve de quoi les occuper, mais je me sens pas tellement de faire des grands combats… Y’aurait quelque chose de plus artistique dans la région ? »