Nous étions seuls ; seuls face à la nature, face à la faune et à la flore sauvage entre les deux îles. Ici, l'humain n'avait pas encore pris toute la place. À vrai dire le seul humain dans la place, il était bien petit dans l'immensité bleue qui l'entourait. Pourtant, même si j'étais minuscule au milieu de l'océan, je ne perdais pas mon objectif de vue : la côte de Port-Corail était encore loin, mais je pouvais l'apercevoir à l'horizon. Elle était floue pourtant je savais que chaque battement de jambes et que chaque plongée que faisait mon bras dans l'eau me rapprochaient un petit peu plus de mon objectif.

C'était un défi particulièrement ardu que nous nous étions lancé : si pour Mustébouée il s'agissait là d’un challenge raisonnable, j'avais par contre besoin d'aller chercher toute l'énergie dont je disposais pour arriver au bout de la traversée. Ne pas épuiser toutes mes ressources trop rapidement, sous peine de me retrouver éreinté et incapable d’avancer, perdu au milieu de nulle part. Alors je nageais à mon rythme, quitte à frustrer parfois mon ami bien plus à l’aise dans l’eau, capable d'aller bien plus vite.

Je savais que ça n’était pas grave pour lui. Il était tellement heureux de m’amener avec lui à l’aventure. Quand nous étions dans l’eau, nous n’avions pas besoin de parler pour communiquer. Je voyais les regards qu’il jetait vers moi, pour s’assurer que je parvenais à suivre le rythme, je comprenais les mouvements qu’il faisait pour se placer dans la meilleure posture possible par rapport aux mouvements de l'eau et que le courant nous porte. Lorsque je commençais à fatiguer, à ralentir le rythme ou à perdre mon énergie, je le sentais venir à côté de moi, frôler ma peau pour que je sente sa présence et reprenne confiance en moi. Et alors, je savais que nous pouvions y arriver ! Je savais qu’il serait fier de moi quand nous arriverions sur cette plage encore lointaine.

Toutefois, malgré tout ce que j’étais prêt à donner pour parvenir au bout de cette épreuve, nous savions qu’il serait nécessaire que je prenne un moment pour m’arrêter, le temps de reposer mes bras, mes jambes et mon dos mais aussi et surtout de manger pour reprendre des forces et me désaltérer. J’avais beau être immergé depuis le début de la journée, le soleil frappait sans cesse sur ma peau et l’exercice me faisait suer : si je ne buvais pas d’eau potable de la journée et bien cela signerait la fin de notre voyage.

C’était pour cela qu’avant de partir j’avais bien pris soin de repérer, grâce au réseau Dusk, s’il n’y avait pas un large rocher ou une petite île sur laquelle prendre une courte pause. Afin de ne pas trop en profiter pour échapper au défi, nous nous étions promis que la pause ne durerait pas plus d’une heure. Le problème, c’était que le minuscule caillou désert que nous avions vu sur la carte ne semblait toujours pas se profiler alors que nous devrions l’avoir croisé depuis longtemps…

Avais-je surestimé mes capacités ? Nous étions-trompé de chemin ? Je n’en avais aucune idée mais j’étais de plus en plus inquiet. Je ne pouvais m’empêcher d’y penser et à chaque fois que je brassais l’eau derrière moi, je me demandais si nous n’avions pas déjà dépassé le point de relais. Ça ne sentait pas bon … Mustébouée lui, continuait, il faisait toujours attention à moi mais semblait trop déterminé à parvenir au bout de son aventure que pour vouloir faire demi-tour ou partir en éclairage aux alentours.

Tant pis, il fallait continuer, en espérant tomber sur un coup de chance… Je sentais mes bras tétanisés par l’effort et mes respirations être de plus en plus saccadées : j’avais besoin de sortir ma tête de l’eau de plus en plus souvent pour ne pas sombrer. Il fallait que je m’arrête maintenant.

Rouchon l’avait compris lui aussi, il se plaça sous mon épaule avant de regonfler la bouée qu’il avait autour du cou pour maintenir la tête hors de l’eau en soutenant mon corps. Son aide était précieuse : je pouvais enfin relâcher la pression dans mes jambes et laisser pendre mon bras. Je laissais aussi flotter le sac étanche que j’avais emporté avec moi pour en sortir une boisson énergisante et une barre protéinée. Un repas qui n’était pas sain mais qui avait le mérite d’être facile à digérer pour pouvoir poursuivre mon effort plus tard.

Le problème était là : je n’avais pas un repos réel ; ou du moins pas aussi efficace que ce que nous avions prévu et je ne m’étais pas entraîné assez que pour faire la traverser d’une traite. Bien sûr, j’avais Mustébouée avec moi et il avait encore beaucoup d’énergie : il n’avait aucune difficulté à nager des heures durant mais pourrait-il le faire en soutenant mon poids ? Je le voyais regarder autour de nous : il n’avait pas besoin de me dire le moindre mot pour que je comprenne le problème. Il était rarement aussi sérieux, cela signifiait une seule chose : la présence d'un potentiel danger. Perdu ici, loin de toute côte, nous étions à la merci de n’importe quel pokémon affamé ; si nous étions épuisés, nous étions des proies particulièrement faciles et alléchantes. Valait-il mieux se remettre en route ou prolonger encore un peu notre escale d’infortune ? Et si nous repartions : laquelle des deux berges était la plus proche ? Sans même qu'il y ait de labyrinthe, la mer capricieuse nous avait perdu...

S’il était terrifiant d’imaginer que le danger pouvait venir de n’importe où autour de nous, il n’était pas plus rassurant de voir une paire d’yeux s’interrompre avant de disparaître sous la surface de l’eau sombre. Moi qui espérais que cela signifiait que nous n’avions probablement pas dérangé ce pokémon, la panique qui s’était emparée de Rouchon m’avait fait penser que j’étais bien loin de la réalité…

Je n’avais pas reconnu la créature qui nous avait repérés mais elle terrifiait Rouchon, c’était indéniable, ce dernier essayait tant bien que mal de m’emmener avec lui loin de cette terrifiante vision mais, malgré l’aide que je tentais de lui apporter, je restais un poids mort : nous étions trop lents. Beaucoup trop lents. Et quand un appendice caoutchouteux serra fermement ma cheville, c’était bien trop tard pour m’en rendre compte. Mon cri fut rapidement étouffé par l’eau autour de ma bouche, je n’avais pas beaucoup d’oxygène et la panique ne m’aidait pas à en garder plus.

J’essayais de chasser la bête qui s’était attaquée à moi en secouant mon pied autant que possible mais cela ne faisait que l’encourager à raffermir sa prise. Nous étions dans son élément et il n’en était pas à son coup d’essai : il avait déjà attrapé des proies bien plus coriace et s’en était repu. C’était ainsi qu’allait la vie : les forts mangeaient les faibles et cette fois-ci, je n’étais pas du bon côté de la chaîne alimentaires.

Mon autre jambe avait valsé vers sa tête, j’essayais de le gêner pour qu’il relâche enfin mon mollet mais mon mouvement manquait de vivacité. Freiné par l’eau, mon coup manquait clairement de puissance et lui avait surtout offert l’occasion d’avoir un nouvel avantage sur moi. Désormais, il avait refermé ses tentacules tout autour de moi pour paralyser mes deux jambes mais aussi mes bras. Il avait huit membres et moi quatre, il pouvait respirer sous l’eau et moi, je sentais que l’air commençait à manquer. D’autant qu’en plus de la célèbre Octoprise qu’il refermait autour de moi, il utilisait ses tentacules pour me porter une étreinte et me pousser à l’asphyxie encore plus rapidement.
La surface était loin, et elle n’était même pas synonyme de salvation, même si je parvenais à remonter, il serait bien trop complexe d’échapper à un pokémon qui nageait bien plus vite que moi. Heureusement que je pouvais compter sur Rouchon, qui faisait de son mieux pour le forcer à se détacher de moi : il frappait, griffait et mordait le Krakos qui encaissait sans broncher. Je vis mon Mustébouée hésiter un instant… Il avait peur d’y aller trop fort, que le Krakos ne décide d’en finir encore plus vite avec moi en brisant mes os avant de se retourner vers lui. S’il y allait, alors il fallait y aller fort mais ne risquait-il pas de me toucher moi aussi ?

Krakos avait profiter du doute pour envoyer un coup de poing vers son visage, heureusement esquivé par l’aquabelette agile. Tant pis : puisque ses assauts précédents n’avaient rien donné, il se décida à lancer un double Sonicboom, un avec chacune de ses queues en espérant que sa cible n’esquive pas l’assaut. En effet, s’il le voyait venir, les deux ondes sonores m’auraient percuté de plein fouet.
Bien qu’elles atteignissent leur cible mais n’eurent pas l’effet escompté : le prédateur voulait son repas et un morceau de chair humaine était gracieusement offert au menu. La prise était tenace et je commençais à manquer d’énergie pour me débattre.

Un impact, bien plus puissant nous propulsa alors en direction de la surface, pas assez que pour me permettre de respirer mais suffisamment pour que je puisse voir la lumière là-haut. Je sentais aussi que mes mains et mon pied droit avaient été libérés, c’était encore insuffisant mais j’avais espoir. Je me débattais, je faisais de mon mieux pour sortir la tête de l’eau, j’avais besoin d’air, à tout prix !
Un second choc, tout aussi puissant que le premier m’aida à nouveau et, je sentis que j’étais proche de pouvoir me libérer. Je sentais que, de l’autre côté du tentacule, le Krakos se démenait mais privé de l’un de ses membres il ne pouvait pas tenir la distance face à son assaillant. C’était le moment ou jamais, je retirais ma jambe de toutes mes forces, avec une grimace de douleur. J’avais enfin réussi à échapper à sa poigne puissante mais le craquement que j’avais entendu était douloureux, presque autant que la chaleur qui avait envahit ma cheville dans la seconde qui avait suivi.

Pas le temps de me plaindre, je remontais à la surface, pour rechercher de grandes goulées d’air. Mon cœur et mes tempes battaient, j’avais le souffle court et ma cage thoracique se soulevait et se rabaissait rapidement. Je n’étais pas en état de m’enfuir bien loin et, plus que tout, je me refusais à laisser Rouchon continuer de se battre seul. Il avait été valeureux mais contre un tel tas de muscles, il manquait d’entraînement !

Alors je regardais en bas, pour constater que le duel était encore loin d’être fini : le Krakos envoyait ses nuées de coups droit vers sa cible qui était loin de ressembler à mon compagnon roux. C’était un insecte aquatique tout aussi terrifiant qui se tenait face au lutteur : il utilisait l’armure formée par son propre corps pour amortir le choc et attendait de voir une faille dans la posture de son adversaire pour fondre sur lui : ses assauts étaient moins nombreux mais plus efficaces et terriblement effrayants : de ses griffes acérées, il parvenait à transpercer la chair de son opposant et l’affaiblissait petit à petit.
C’était un spectacle à la fois violent et hypnotisant : une opposition entre deux styles de combat dont je ne pouvais prédire le vainqueur. Krakos ne m’avait relâché que parce que Sarmuraï qui l’avait surpris était une menace trop dangereuse… C’était la rivalité entre ces deux combattants qui m’avait permis d’échapper à un destin tragique.

La patte rousse qui m’entraîna loin du lieu de la bataille me tira de mon ébahissement. Je n’arrivais pas à imaginer la chance que j’avais eu de survivre à cette attaque. Mais quelque soit le vainqueur entre Sarmuraï et Krakos, il valait mieux que nous ne soyons plus dans les parages pour y assister, sous peine de finir en repas de victoire…

Ma cheville me faisait terriblement mal, nous n’avions pas pu prendre vraiment un moment pour nous arrêter et il nous restait au moins un tier du chemin à parcourir. Nous étions épuisés, nous avions fait un détour et nous étions seuls au milieu de l’océan. Bilan : je m’en voulais terriblement d’avoir pris la décision de partir en mer.

HRP :

Pardon, je lance le dès chroma :/

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'Chromatique' :

Mètre après mètre, nous mettions de la distance entre les deux duellistes et nous. Notre avancée avait pris un retard considérable : mon pied blessé me forçait à ralentir le rythme et je ne parvenais pas à faire mes battements de jambes sans laisser échapper des jurons. Résultats, nous devions nager tête hors de l’eau, propulsés par la double-queue de Rouchon, que j’aidais avec quelques mouvements de brasse de la jambe et de mon bras libre, l’autre était passé autour de son cou pour m’accrocher à lui.
Après ces péripéties, c’était évident, nous ne pourrions pas arriver avant le tomber de la nuit : la course du soleil avait déjà bien avancée et il avait déjà dépassé son zénith. Ses rayons se reflétaient sur le miroir aqueux, il m’en éblouissait presque mais je n’étais plus à cela près. Il nous restait encore tant à faire pour enfin pouvoir nous arrêter.

« Mus Mus … Mustébouée »

Il continuait de me parler, pour me rassurer et m’encourager à ne pas baisser les bras. Sa voix était rassurante, elle me réconfortait et me poussai à rester conscient. En effet, entre la douleur et le soleil qui frappait sur ma tête, je sentais que cette dernière commençait à tourner et je voyais des tâches blanches devant les yeux. Il avait pris le risque d’un nouvel arrêt, pour que je puisse attraper la bouteille d’eau dans mon sac. J’avais beau être au milieu de l’eau, je mourrais de soif.

Et puis ce petit arrêt m’avais permis de jeter un œil à ma cheville. Bien qu’immergée dans l’eau froide, cela ne l’avait pas empêchée de gonfler à vue d’œil, l’articulation avait presque doublé de volume et, en posant ma main dessus, je sentais que c’était brûlant…

Trop occupé à tenter de ne pas paniquer à et à réfléchir à la stratégie à adopter pour arriver jusqu’à une berge, je n’avais pas vraiment prêté attention à l’instectoïde dans son coquillage d’acier qui était passé à côté de nous, Rouchon non plus, il préférait rester attentif au cas où un vrai danger se présentait pendant que je reprenais mon souffle.

HRP:

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'Chromatique' :

Aucun risque en vue heureusement, si ce n’était l’épuisement qui allait finir par nous guetter. Combien de temps l’adrénaline me maintiendrait-elle en forme ? Tant pis, il fallait faire encore quelques sacrifices, une mauvaise décision nous forçait à en prendre d’autres : il n’y avait aucun bon choix : continuer c’était prendre le risque de ne jamais arriver au bout et s’arrêter, c’était prendre celui de ne pas repartir du tout … Je pestai contre moi-même : je me sentais aussi stupide qu’impuissant. Rouchon aussi était frustré, il aurait voulu pouvoir me protéger et ruminait la scène entre les deux monstres marins qu’il avait de se contenter de regarder comme spectateur ou presque.

À défaut d’être un grand combattant, ce que je ne comptais pas lui reprocher, il était par contre un pokémon plutôt malin et avec l’œil vif. Il avait compris que non loin, il y avait un banc de sable moins profond, presque au niveau de la surface et m’y emmena, à pleine vitesse, quitte à finir à bout de souffle une fois dessus. Je pus enfin prendre le temps de poser mes fesses sur la terre presque ferme et de reposer mes jambes pour évaluer les dégâts causés par le puissant tentacule du Krakos en colère. Je n’étais pas médecin, mais les choses n’allaient pas bien : je n’étais pas près de reprendre la course à pied !

Comme pour me donner raison, un petit Krabby était à la traine derrière ses amis. Lui aussi s’était blessé ? Il fallait qu’il reste fort et courageux : ses congénères n’avaient pas la gentillesse du Mustébouée à mes côtés et ils poursuivaient leur traversée de la mer en laissant l’un d’eux prendre de plus en plus de distance. Je me sentais exactement comme lui : incapable de donner plus pour rejoindre ceux qui pourraient m’aider, mais virtuellement mort si je restais seul et immobile.

Allez, courage petit Krabby, reprends tes forces et montre-leur que tu es capable d’y parvenir !

HRP:

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'Chromatique' :

Vue de l’extérieur, l’image devait être amusante : le petit Krabby en difficulté, observé par un humain bien plus grand et puis, derrière ce même humain, en réalité lui aussi en difficulté, une gigantesque créature mythique qui l’observait, exactement comme il avait regardé le petit pokémon. Il regarda vers moi, puis vers le petit crabe avant de l’aider à rejoindre ses petits amis.

Le panier était à nouveau au grand complet et il avait retourné son regard de gentil dragon vers le duo étrange que nous formions Mustébouée et moi. Un petit bonhomme tout épuisé, un autre tout cassé, on ne payait pas vraiment de mine. Il voyait bien que quelque chose n’allait pas et que nous étions dans un mauvais état. Il nous regarda longuement, et nous, nous lui rendions la pareille. Le géant moustachu avait l’air encore à moitié endormi, comme s’il avait dormi un siècle entier avant de descendre des cieux, comme par hasard pile à cet endroit, là où nous avions besoin de lui.

C’était une créature mythique, que je n’avais vu qu’en image dans les livres pour enfants et dans les contes. Plus petit, j’aurais rêvé de grimper en haut d’une montagne pour aller jouer avec un Draïeul et tenter de passer mes mains dans sa fourrure blanche qui avait l’air d’être plus cotonneuse que les nuages eux-mêmes et puis écouter toutes les histoires qu’un si vieux pokémon devait avoir à raconter aux enfants.

Pourtant aujourd’hui, je n’avais pas vraiment la tête à ça. J’avais conscience de la chance que j’avais mais je n’avais pas vraiment envie d’entendre des histoires maintenant… Ni de me blottir dans ses bras. À vrai dire, je voulais surtout rentrer chez moi et dormir. Au moment où je pensais cela, le dragon ouvrit sa gueule et, alors que je pensais entendre s’en échapper une voix caverneuse ou un grondement, ce fut plutôt une espèce de ronronnement, beaucoup plus doux que ce à quoi je m’attendais et après … après … Après Je ne sais plus. Après, je suis sombré dans un profond sommeil et Rouchon aussi je crois.
Fais de beaux rêves mon copain.