Tes pas résonnaient toutes les nuits, tes bras entouraient sa personne quand les hurlements se faisaient entendre - à deux, vous essayiez d’apprendre à vivre dans une existence qui vous avait malmenés, déchirés. Et jamais cette étreinte ne se briserait - parce qu’il avait besoin de toi autant que tu avais besoin de lui. Parce que vous n’étiez plus seuls dans vos cauchemars, et vos démons se mélangeaient dans un océan que vous partagiez.  
Tu avais accepté de t’échouer dans son appartement; de quitter Sunyra et sa verdure pour le paisible de Mirawen - au café aussi près qu’il l’était du refuge que tu avais construit. Tu avais accepté de rejoindre son appartement pour espérer un jour peut-être que votre quotidien s'adoucirait.

Café dans lequel tu te trouvais, tes doigts survolant le clavier et ton regard posé sur l’écran - dans une existence presque vaine. Tu ne savais pas ce que tu cherchais, recherchais - tu ne savais pas ce que tu attendais. Le temps s’écoulait et tu pouvais entendre les grains de sable tomber. Tu étais venue ici quand Izaiah était parti de l’appartement pour une raison que tu ignorais. Il avait sans aucun doute quelque chose à faire, mais tu ne pouvais supporter la solitude de l’appartement - tu ne pouvais supporter la solitude tout simplement, maintenant. Et pourtant, tu étais seule dans la foule.
Toujours seule dans la foule.

(Verre brisé et coeur éclaté - violence au bout des doigts, et ouragan dévastateur, tempête violente dévastant tout sur son passage; tornade destructrice. Verre brisé et le bruit sous les chaussures, crissant, hurlant - se débattre dans les bras de sa propre étreinte; parce qu’il n’y  a rien de plus dangereux et de plus limitant que sa propre personne
Yeux injectés de sang, nuits éternelles et hiver qui n’en finit plus - même quand le soleil se lève, les saisons sont figées. Indescriptible fureur battant au rythme de son coeur en milles morceaux, en cendres; et contrairement au phénix, jamais elle n’a pu renaître des cendres qu’elle a créée.)
Et aujourd’hui - tu respires, tu respires dans ce café, les écouteurs diffusant une musique, t’entourant d’une ambiance calme, et pourtant si douloureuse. Nostalgie au coeur, mélancolie à l’âme - te débattant dans des souvenirs que tu ne voulais pas. Souvenirs terriblement épuisants qui prenaient, qui traînaient, qui descendaient dans des abysses dont tu ne parlais jamais. Parce que fallait pas en parler - jamais en discuter, toujours les taire, les noyer, les peindre en milliers de couleurs pour masquer la noirceur d’un regard.

Tu t’étais levée quand tu avais remarqué que ton café était vide - toi qui ne vivais que de cette boisson; ignorant les vertiges, ignorant les étourdissements - ignorant les signaux d’un corps ayant une difficulté marquée à suivre le rythme. Tu t’étais avancée dans cette ligne, attendant patiemment ton tour pour commander - respirant. Respirant doucement, respirant attentivement. Respirant. Pour ne pas s’emballer. Tu avais enlevé tes écouteurs quand tu avais remarqué une jeune femme aux cheveux bleus - presque ton reflet - te héler et tes lèvres s’étaient étirés en un doux sourire.

« Tous les jours. » Tu venais ici tous les jours, parfois même plus d’une fois par jour - c’était un inévitable arrêt dans ta routine, quand tu passais devant. Tu avais posé ton regard sur le menu avant de te tourner de nouveau vers cette étrangère qui semblait si délicate.
Tu n’avais pas hésité une seule seconde sur ce que tu allais faire - pas même un seul instant quand tu l’avais entendu se murmurer à elle-même ses inquiétudes. « Eh bien… » Tu avais souri en lui faisant signe d’attendre parce que c’était à ton tour de commander. Tu t’étais approchée du comptoir en lui jetant un regard attendri. « Bonjour ! Je vais vous prendre deux venti marron praliné avec lait écrémé, un avec crème fouettée et un sans, s’il vous plaît. » Tu payas puis te retournas vers la jeune femme de nouveau. Parce que c’était ton café préféré de la saison et que la crème fouettée allait ajouter suffisamment de sucre pour que son premier café soit apprécié. « Viens, on va attendre nos cafés ! » Tu lui fis signe de te suivre alors que tu te déplaçais là où vous deviez aller attendre que votre commande soit prête.

on s’est connu le temps de plaire
aux exigences qu’on s’est créés, mais on s’y perd

Il y avait d’elle une douceur touchante, une douceur apaisante. Il y avait d’elle une aura qui te donnait envie de l’entourer de tes bras pour lui dire que jamais elle n’aurait à craindre qu’on se moque d’elle. Qu’on s’en prenne à elle. Il y avait tout près d’elle une tendresse que tu ne pouvais décrire - tu ne pouvais pas mettre des mots dessus et pourtant; tu voulais qu’elle préserve ce qui se dégage, ce qui te berce, ce qui marque son regard de quelques étoiles merveilleuses qui ne devraient jamais s’éteindre.

Cosmog avait sorti sa tête de derrière tes cheveux pour voir à qui tu parlais - se démarquant légèrement quelques instants avant de se cacher de nouveau. D’une amie que tu avais rencontré quand tu venais d’arriver à Lumiris, tu avais récupéré deux pokémons (chromatiques) - et tu en avais pris soin en tenant régulièrement au courant Kisara de leur état. Elle était partie de Lumiris et tu l’avais serré dans tes bras en lui disant qu’elle allait te manquer - tu avais tellement perdu, dans cet endroit, tu avais tellement perdu dans ton monde entier et tu avais eu le sentiment de perdre ton coeur devant Caël et la rancune qui avait brillé dans son regard, devant Kisara qui s’en allait, tu avais eu l’impression que l’on te déchirait.
Auprès d’elle, sa douceur semblait te bercer, elle semblait presque te tendre une main pour que tu l’attrapes, que tu la pousses à préserver tout ce qui venait à la caractériser. Qu’elle soit une amie en devenir ou une étrangère qui allait le rester, tu souhaitais apposer dans son quotidien quelques étincelles d’une joie - comme tu savais si bien le faire. Le bien-être des autres avait toujours été important, et tu savais mieux que quiconque qu’un geste - aussi banal pouvait-il apparaître - pouvait sauver une vie.

Tu avais souri. Tu avais souri quand tu l’avais vu qui brillait, quand tu avais vu son regard qui brillait - qui étincelait, quand les étoiles dans ses yeux semblaient être ravivées en te rejoignant alors que tu attendais la commande que tu avais placée. Tu avais souri parce qu’elle était magnifique, ainsi.  Et quand la question s’envole autour de vous et frappe tes oreilles, la réponse s’échappe d’elle-même sans même que tu aies le temps d’y penser, d’y réfléchir. « Pour ton sourire. » Pour le sourire qui devait étirer ses lèvres, pour le sourire qui devait étinceler dans son regard, qui devait se communiquer dans ses yeux - pour un sourire que tu avais l’impression qui n’apparaissait pas souvent, pas assez sincèrement, dans un regard qui n’en serait qu’encore plus joli, qu’encore plus doux lorsqu’il s’y placerait.

Pour un sourire qui se cachait tout au fond d’elle - un sourire que tu voulais voir, que tu voulais entretenir - pour un sourire qui méritait de s’afficher au monde entier. Un sourire auquel tu tenais sans même la connaître, parce qu’elle était douce, parce qu’elle semblait presque fragile - pour son sourire qui devait briller.
de tes bras je m’arracherais tout doucement;
et c’est la réalité qui m’attend

« Je sais. » Tu n’étais pas obligée - et tu ne t’étais pas du tout sentie obligée. Tu l’avais fait parce que tu avais eu envie de le faire, parce que tu avais senti que ça la ferait sourire, que ça lui ferait du bien, parce qu’elle méritait un peu de gentillesse, un peu de bonté de quelqu’un, même si tu ne la connaissais pas. Parce que tu voulais - un jour - vraiment la voir sourire. Sur tes lèvres s’était étiré un doux sourire alors que tu secouais la tête. « Non, tu ne me dois rien. Je n’ai pas payé ton café pour que tu m’en repayes un après. » Tu ne fonctionnais pas ainsi, toi. Tu agissais par bonté, non pas pour qu’on fasse preuve de bonté envers toi après coup. Tu lui avais payé un café, c’est tout. Tu ne voulais pas qu’elle se sente obligée de te rendre quelque chose. Tu ne voulais pas. Tu ne voulais pas. « Je suis enchantée également Hélia, moi c’est Lys. »

On t’appelait pour que tu ailles prendre la commande et tu t’étais approchée pour attraper les deux gobelets de café en te retournant vers elle, lui tendant le sien. Lorsqu’elle l’eût pris, tu avais souri de nouveau en la regardant. « C’est un venti latte marron praliné. »  
C’est vrai que c’était un nom compliqué à retenir, un nom compliqué à apprendre. Tu ne pouvais pas lui en vouloir de ne pas l’avoir retenu du premier coup. Tu avais jeté un coup d’oeil à ta table où traînait Peter - Peter le Chenipan comme disait la petite fille qui l’avait ramené au refuge parce que ses parents refusaient qu’elle le garde. Ils avaient une phobie des insectes. Mais elle revenait souvent au refuge et elle avait fondu en larmes de reconnaissance quand tu lui avais dit que tu l’avais gardé pour t’assurer qu’elle puisse le revoir - et parce que tu aimais les pokémon insecte.
Et le sourire que tu avais attendu sur ses lèvres était présent - un doux sourire et tu lui avais souri en retour en lui faisant signe de te suivre. « Je ne dois pas laisser mon ordinateur et mon pokémon seul trop longtemps. Tu fais quoi dans la vie, Hélia ? » Tu voulais en apprendre plus sur elle.

nos coeurs sont restés
dans cette mer

Parfois, tu espérais être un mirage. Un fantôme qui s’efface lorsqu’on souffle un peu trop fort en sa direction, la flamme vacillante d’une chandelle incapable de demeurer allumée lors des tempêtes. Mais tu étais davantage le phare délabré et instable qui s’acharnait pourtant toujours à éclairer l’océan pour les bateaux - les empêcher de se perdre.
Tu ne la connaissais pas. Tu ne savais d’elle que son prénom et son ignorance dans l’univers du café - univers que tu connaissais presque sous le bout des doigts parce que tu aimais tellement le café. Parce que ça constituait une partie si importante de ton existence désormais. Tu ne la connaissais pas, mais tu n’avais pas besoin de connaître quelqu’un pour lui tendre la main. Quelque instant, lui apporter quelques fragments de douceur et un sourire. Un sourire doux, un sourire tendre - un sourire qui ne veut rien dire d’autre que “tout va bien aller” pour quelques secondes, quelques minutes. L’instant d’une rencontre, être le phare d’une étrangère qui portait un nom lui allant à merveille.

« Je pense bien être réelle. » Tu étais composée de multiples cellules, d’organes qui fonctionnaient, tu étais composée de tissus et de systèmes variés qui avaient tous pour but la survie de ton corps, les battements continus de ton coeur. « Si je suis un rêve, toi aussi tu l’es. » Et tu allais t’accrocher à son apparition pour quelques instants volés d’une mélancolie qui faisait écho à la tienne. De cette douceur qui se dégageait d’elle et que tu ne visais qu’à préserver, tu ne pouvais t’empêcher de vouloir également en profiter un peu. Sans mauvaises intentions, sans arrière-pensée, simplement discuter et voler encore quelques minutes d’un temps sans doute trop précieux pour t’être indéfiniment accordé.

Un rapide coup d’oeil à ta main pour t’indiquer que tout ceci était bel et bien réel - et la déception n’en serait que plus douloureuse quand elle allait s’en aller, quand elle allait avoir d’autres choses bien plus intéressantes à faire que de t’écouter parler. Que de traîner avec toi, dans ce café.
Sur ton visage, un doux sourire alors que tu l’écoutais qui essayait de se souvenir de la commande et tu avais haussé les épaules. Elle était bien trop gentille pour ce monde et tu craignais que d’autres tentent d’en profiter; que d’autres la brisent en milles morceaux que tu aurais à réparer - quitte à t’y couper. Ça ne t’effrayait pas. Tu n’avais jamais eu peur de te blesser si tu avais la certitude que ça pouvait apaiser les tourments de quelqu’un d’autre - surtout si cette personne comptait pour toi. Izaiah, par exemple, tu mettrais toute ta vie en suspens pour lui venir en aide et lui retirer un peu de poids de son épaule.

« C’est d’accord. Je te l’écrirais, pour ne pas que tu oublies. Il me faudra juste ton numéro.. si tu veux me le donner ? » Parce qu’elle était tout à fait en droit de refuser. Vous veniez tout juste de vous rencontrer, de vous connaître, de faire connaissance. Tu ne donnais pas ton numéro à n’importe qui - sans doute que c’était également son cas. Pour autant, si elle voulait te le rembourser, ce café (et tu espérais sincèrement qu’elle oublie), il fallait qu’elle puisse te rejoindre, non ? Enfin, il te semblait. C’était le fil de réflexion que tu suivais.

« Souhaiter apprendre est un grand pas vers la connaissance. Il y a tellement de ressources disponibles et tu peux toujours me poser des questions ! » Parce que le départ de tout était le désir d’en savoir plus. Elle partait du bon pied, c’était ce que tu ne pouvais t’empêcher de te dire alors que tu marchais en direction de ta table et que tu flattais le dessus de la tête de Peter, ce Caterpie aux couleurs particulières - et quelques peu effrayantes même. Un Caterpie noir, ça ne courrait pas les forêts. « Comment s’appelle ton frère ? En quoi consiste ton travail ? Tu l’as rencontré comment ton Lapras ? » Tu souriais doucement - tu étais curieuse, mais tu ne pouvais pas t’en empêcher. Tu désirais sincèrement en savoir plus sur Helia et la meilleure façon de le faire était de poser des questions sur elle.

« Ne t’en fais pas pour Cosmog, c’est le truc qui se cache dans mes cheveux. C’est un Mimikyu très craintif qui se cache… de pas mal tout le monde. » Et que Kisara avait laissé à tes bons soins en étant persuadée que tu étais la mieux placée pour en prendre soin. Tu avais posé ton gobelet sur la table avant de ranger les papiers. Tu te disais que vous pourriez vous promener. Il faisait relativement doux dehors, autant en profiter, non ? « Je tiens un refuge à Sunyra et je travaille aussi au centre pokémon. Mes journées sont souvent très chargées, mais j’ai l’habitude de vivre ainsi. Mais j’aime bien parfois prendre mes moments dans les Staribucks. Le café est un peu une passion. » Tu avais ri doucement, mais en voulant attraper tes crayons, tu ne vis pas ton sac un peu plus loin - le faisant voler au sol. S’habituer à un champ de vision réduit était très complexe… et tu ne pouvais oublier les questions des enfants dans les bus.
« J’ai beaucoup de pokémons qui m’appartiennent, mais souvent ils restent au refuge. J’ai une Ribombee sur moi et une Ponyta de Galar, je pourrais les sortir dehors, si tu veux ? Elles sont gentilles. J’ai deux Umbreons qui sont restés au refuge pour surveiller un nouveau pokémon qui est arrivé et qui est vraiment mal en point. Mon nouveau Leafeon a tendance à… faire des coups bas dans le refuge alors… ils le tiennent un peu tranquille. » Tu avais légèrement haussé les épaules en te penchant pour ranger tes papiers, soupirant. Voltapolis avait tellement pris - n’avait strictement rien redonné.

i’ll take your hand
and make it right

did you love but never learn ? 

Des milles et unes pensées, de milles et uns souvenirs, de quelques douleurs prenant au coeur, quelques douleurs prenant à l'âme - tenter de les chasser de gorgées de café, goût réconfortant ne chassant pas les nuages un peu trop sombres, ne chassant pas la nuit installée depuis trop longtemps.
Tu avais aimé, tu avais aimé à en perdre haleine, tu avais aimé à en perdre le nord, à perdre de vue qui tu étais, à perdre de vue qui il était - tu avais aimé à paniquer, à voir son départ même les yeux ouverts, tu avais aimé à en provoquer les catastrophes parce que c'était toujours comme ça. C'était toujours plus simple.

Aimer à tout perdre, à te perdre, à le perdre; aimer à t'essouffler, aimer, encore - toujours, aimer pour ne jamais rien avoir en retour, aimer et quand, doucement, la toxicité s'efface, la rechercher pour s'empoisonner volonté.
Parce qu'il paraît qu'on accepte que l'amour que l'on pense mériter et toi, toi, tu ne mérites rien, pas vrai ? Rien que la souffrance, rien que le désespoir, rien que l'absence, que le froid dans un lit qui l'a toujours été depuis son départ, depuis qu'elle ne faisait plus partie de ta vie.

Mais aujourd'hui, dans un quotidien bousculé, dans un quotidien épuisant, épuisé, il y avait elle. Il y avait cette rencontre imprévue, incertaine - cette rencontre que tu n'avais pas pu voir venir, que tu n'avais pas senti, au détour de quelques travaux, de quelques mots, quelques espoirs. Il y avait cette jeune femme qui t'entourait alors de la douceur qui l'englobait, qu'elle dégageait et tu pensais. Oui, tu pensais que tu pouvais te laisser aller un peu; que tu pouvais accepter un peu de cette douceur pour apaiser les blessures encore ouvertes, encore saignantes - encore beaucoup trop douloureuses.

did you find it hard to breathe ?

De ta main assurée et pourtant, hésitante, hésitante de se rapprocher de quelqu'un - hésitante dans la crainte de la blessure, d'effacer un sourire qui ne devrait que revenir sur ce visage tellement magnifique quand il l'aborde - tu avais rentré le numéro dans ton téléphone et tu avais automatiquement envoyé un message pour qu'elle puisse avoir ton numéro.

Et tu avais souri.
Mais ton sourire était triste; ton sourire était fatigué - ton sourire n'avait jamais été autrement que d'une douceur fade, une douceur épuisée. Mais devant Helia, il te semblait, il te semblait soudainement peut-être pouvoir respirer un peu.

Était-elle là, quand Lumiris avait perdu sa lumière ? Était-elle dans les décombres d'une centrale qui avait tant servi et qu'on avait décidé de détruire ? Avait-elle ressenti la panique, cette impression que jamais elle allait en ressentir ? Le froid avait-il pris toute la place, alors que les pièges se multipliaient un après les autres ?
Non, tu avais été seule avec Vincent à subir ce que les natifs avaient subi - et doucement, lentement, une certaine haine envers Hestia, envers Mistral, avait envahi tes veines. Vous étiez tous venus ici pour pouvoir respirer - non pas pour voir vos espoirs consumés.

did you cry so much that you can barely see ?

« Avec plaisir. » Tu serais bien heureuse de voir la photo d'elle et son frère; découvrir un monde le monde qui l'entoure, le monde qui est présent pour elle. Ton oeil - le survivant - s'était accroché sur le sourire des deux, ils étaient magnifiques, ensemble.  « Vous êtes magnifiques. Ce doit être amusant de le taquiner ! »
Mais tu avais aussi vu autre chose. Les vestiges de quelques idées noires. Tu avais arraché ton oeil à cette contemplation quelques instants, quelques secondes, pour l'observer elle. Puis, tu avais regardé de nouveau. « Je comprends... » Sur ton corps, milles et unes cicatrices similaires, milles tentatives échouées d'un coeur ne devant plus battre- et tu comprenais. Tu comprenais l'espoir, le désespoir; tu comprenais que l'on puisse s'éteindre en silence, tu comprenais. « Merci. » Et encore une fois, Helia ne comprendrait sans doute pas. Mais tu la remerciais (d'être encore en vie aujourd'hui).

Et tu l'avais écouté. Tu l'avais écouté de son travail à l'aquarium, travail qui te semblait bien passionnant et elle était douce, elle était apaisante, elle était là. Il t'était difficile parfois d'imaginer que certaines personnes auraient pu ne jamais l'être. Que tu aurais pu ne plus l'être.
« C'est merveilleux comme travail ! Et ce devait être vraiment adorable de voir ce Lapras sortir de son oeuf. Je viendrais peut-être, un jour, faire un tour quand tu travailles. Comme ça je serais sûre que le tour sera vraiment agréable. Dis-moi, qu'est-ce que Namaka veut dire ? » Parce que tu te doutais que le pokémon avait un nom avec une signification. Ou peut-être que ça ne voulait rien dire et dans ce cas, ce ne serait pas grave non plus.

Ton sourire s'était décidé sur ton visage. « Exactement ! C'était le pokémon d'une amie, mais en partant, elle me l'a confié. Je pense que certains Mimikyu veulent se démarquer, je ne suis pas certaine, c'est quand même particulier, je pensais faire des recherches à ce sujet. » Tu avais fini par suspendre à tes lèvres les paroles qui auraient pu continuer de se faire entendre. Tu ne pensais pas qu'Helia puisse être intéressée par tout le côté des recherches, de la génétique et du comportement de tes pokémons et tu ne voulais pas la déranger.

Tu avais regardé Helia, toujours avec ton sourire, toujours doucement. Tu avais pris une carte de visite dans tes trucs que tu avais rapidement rangé dans ton sac pour la lui tendre.  « Tu y retrouveras l'adresse sur la carte, écris-moi avant de faire un tour et je te le présenterais ! » Tu serais ravie de lui montrer ton refuge, de lui permettre de rencontrer tous les pokémons que tu soignais, tous les pokémons que tu aimais, que tu aidais. Lui montrer une partie de ton univers; le rêve que tu avais accomplis, le rêve que tu avais abandonné.

Le vent frais dehors te permettait soudainement de respirer un peu mieux, un peu plus doucement, un plus plus certainement. Une nouvelle gorgée de café et le calme de Mirawen pour t'apaiser un peu - loin de la verdure de Sunyra, loin de Voltapolis envolée en fumée, aux quartiers désormais peu fréquentés, peu fréquentables - et les souvenirs de merveilleux lieux qui n'existent plus.

Tu avais hoché la tête en regardant Helia. Elle était adorable - et il ne t'était pas venu un seul instant en tête de la juger. Tu serais là pour répondre à toutes les questions qui lui passaient par son esprit. Tu l'avais déjà fait, pour Izaiah, et tu le referais encore. « Eh bien, le type eau n'est pas ma spécialité, mais je suis persuadée que si Namaka se sentirait pas à l'aise, elle chercherait à retourner dans sa pokéball. Il me semble aussi qu'ils peuvent se promener sans problème sur la surface ! Elle ne risque rien. »

Tu avais sorti Mimosa et Rhéa de leur pokéball, la Rubombelle voletait autour de vous bien heureuse de pouvoir se dégourdir les ailes, dans ses couleurs pastelles et bien à elle. Et Rhéa, elle marchait pas trop loin de vous, calme, paisible. « Tu viens souvent à Mirawen ? » Laisser la curiosité s'imposer, essayer de la connaître.

« Qu'est-ce qui te plait le plus dans ce que tu fais ? »

Tu t'étais approchée un peu d'un parc pour enfants où les enfants jouaient, et tu avais laissé ton oeil fatigué se poser sur leur joie de vivre. Avais-tu seulement déjà été aussi insouciante ?

((cicatrices au poignet, cicatrices au coeur - blessures qui n’avaient jamais eu l’occasion de se refermer et coeur battant malgré toutes les tentatives vaines faire en sorte que ce soit différent; merci, Helia, d’aujourd’hui encore exister; merci Helia d’aujourd’hui encore respirer - que l’on puisse se parler, que l’on puisse se rencontrer - qu’aurais-je fait aujourd’hui, sans ta douceur, dis-moi ? Qu’est-ce qui aurait apaisé, dérangé, les ombres pour essayer de faire croire au possible lointain soleil, si ce n’était toi qui te demandais quel était le meilleur café ?
Merci, Helia, d’avoir survécu - merci de faire partie des survivantes et de t’être approchée, de m’avoir abordé))
- les remerciements emplissaient ton coeur alors que tu la regardais, alors que tu lui souriais.

Le soleil était doux, vous entourant, vous englobant, et la température était agréable. C’était une belle journée pour sortir dehors; pour espérer peut-être écarter quelques démons l’espace d’une rencontre - oublier que ton esprit s’enfonçait dans un océan dans lequel tu te noyais en permanence - que les souvenirs s’effacent, que les souvenirs s’étiolent. C’était une belle journée pour parler avec Helia, pour vous promener et apprendre à vous connaître - pour profiter encore un peu plus de la douceur qu’elle dégageait, essayer de l’apaiser également ((parce que dans son regard muet et d’une cicatrice discrète sur une photo; tu savais qu’elle luttait avec ses propres démons)).

« Son nom est magnifique et la provenance de celui-ci est très intéressante. Tu n’aurais pas pu choisir mieux. » Tu n’allais souvent pas aussi loin dans le choix des prénoms de tes pokémons; définitivement pas. Mais tu appréciais ceux qui puisaient dans des significations comme le faisait Helia. C’était beau, c’était respectable, c’était admirable. « Il est adorable, je suis entièrement d’accord. » Cosmog se tenait bien caché dans tes cheveux bleus, te rappelant cruellement Casper que tu ne possédais plus désormais. Mais Casper était sans doute mieux avec le dresseur qui l’avait recueilli - ce dresseur qui ne savait pas s’arrêter de parler et qui t’avait tant étourdi lorsque tu l’avais rencontré.

Ton oeil s’était posé sur le Lapras qui semblait bien s’en sortir en dehors de l’eau, tout comme tu t’en étais doutée, essayant de ne pas te prendre les panneaux se trouvant dans la zone sombre de ton champ de vision. Tu sentais le vent des ailes de Mimosa dans cet endroit que tu ne pouvais pas voir - qui te rendait même tendu; mais tu faisais confiance au pokémon de ton amie, Kisara, qui s’était sans doute mis là justement pour te prévenir et t’empêcher de prendre des coups. Disons simplement que ce n’était pas aisé de s’habituer à ne plus pouvoir voir. Et que c’était un rappel constant de ce que tu avais vécu en juin.

Nouvelle gorgée de café pour chasser les sombres pensées qui revenaient, que tu ne pouvais jamais éternellement chasser. Ces pensées qui hantaient tes songes et t’empêchaient toujours de respirer. Tu te devais de te concentrer sur la jeune femme qui se trouvait à tes côtés, faire fi de ce qui te torturait - quelques instants, le pouvais-tu ? Parfois, tu en doutais. Le froid semblait éternel - toujours prêt à te détruire, toujours prêt à te glacer le sang. Te pourchasser jusqu’au bout du monde pour t’assurer que tu n’aies jamais l’occasion de te reposer. Izaiah et toi étiez des survivants - et vous étiez tous deux aujourd’hui plongés dans les flammes d’un enfer résidant sur terre. Mais aux côtés d’Izaiah, tu parvenais à mettre de côté tes propres blessures pour essayer de guérir les siennes.
Alors ici, maintenant, ne devais-tu pas faire pareil ? Tu savais, tu en étais persuadée, Helia aussi se débattait contre des ombres dont tu ne savais rien. Tes problèmes ne signifiaient rien aux côtés des siens - et tu devais t’assurer seulement de l’apaiser, de lui offrir encore une raison de sourire, encore une raison de vivre.

((je t’offrirais autant de raison de sourire et de vivre que nécessaire; parce que parfois, tout ce dont on a de besoin, c’est d’un sourire - je pense que j’ai besoin du tien)) ;
Tu aurais pu fermer les yeux et te laisser bercer par cette aura de douceur qu’elle dégageait; mais tu ne souhaitais pas la lui voler. Elle te semblait si fragile - et sous tes doigts, elle se briserait. Tu allais devoir être prudente Lys; elle te semblait trop parfaite - et tu ne saurais jamais ne pas briser quelque chose de parfait.

« Je suis convaincue que tu trouveras rapidement une amie pour ta Lapras. Sinon, je me spécialise dans le type insecte. Je n’ai pas encore beaucoup de pokémons de ce type, mais je les ai toujours adoré. » Peter le Chenipan, Lancer et Mimosa étaient tes pokémons insectes possédés pour le moment, mais peut-être qu’un jour, tu aurais tous les insectes qui existent. Bon, peut-être pas tous, parce que tu n’avais sans doute pas la place pour tous les pokémons insectes, mais une bonne quantité. « Et les spectres, aussi… » Tu pensais à Ignis et Ifrit avec un sourire tendre - Ifrit avait retrouvé son dresseur il y a quelques semaines de ça, mais pouvait toujours voir son frère qui était toujours avec toi. Tu pensais à Wisp, à Cosmog et Casper; à Nivy.
Tu étais hantée par des fantômes; alors t’entourer de spectres ne semblait pas si étrange.

« J’aimais Voltapolis avant.. » Avant la Centrale, avant que Voltapolis ne soit plus l’ombre d’elle-même; avant que ce ne soit plus que le repère des renégats, des criminels, des gangs - avant que ce ne soit plus un quartier fréquentable. Voltapolis te manquait et un pincement au coeur se faisait ressentir. « Sunyra est un très bel endroit, je te conseille le parc du saule ou le parc safari, même si l’entrée est payante pour le deuxième. Il y a beaucoup de verdure, alors c’est agréable. » Sunyra était également là où se trouvait ton refuge et les traces d’un passé que tu essayais de fuir, que tu ne pouvais pas fuir. Peu importe à quel point tu essayais - jamais tu n’y arrivais. Sunyra était le repère de tellement de moments, de rires, de larmes, de douceur et d’amertume et c’était aussi là où Ellende et Lilith restaient.

« Ce doit être merveilleux, pouvoir t’occuper des pensionnaires de l’aquarium. Et ça doit demander beaucoup d’énergie parfois ! Certains sont capricieux ?» Tu voulais savoir comment ça se passait à son travail, tout savoir sur elle, ce qu’elle faisait et appréciait. La connaître et t’enivrer de la douceur qu’elle dégageait (sans lui voler, seulement la préserver).

Tu avais fait légèrement halte pour pouvoir mieux la dévisager quand elle laissa entendre qu’elle pouvait potentiellement déranger. Tu le connaissais, ce sentiment - tu le connaissais, ce doute; cette impression constante d’être de trop; de ne jamais être à ta place. Cette impression constante que ta présence venait déranger - qu’elle ne devrait pas être là; qu’elle n’était pas la bienvenue. « Bien au contraire, Helia, tu illumines ma journée. » Tu avais souri doucement en reprenant la route. Tu t’étais avancée dans le parc pour enfant qu’Izaiah t’avait montré lors de vos retrouvailles en te dirigeant vers la balançoire. Tu pris place sur une balançoire. « Mirawen est un beau coin. Il est doux. L’odeur de l’océan est agréable. Est-ce que ça sent similaire, à l’aquarium ? Tu as un pensionnaire préféré, dis ? Oh. Tu vis où toi ? Pardon, je suis curieuse !»  

((je te rattraperais autant de fois que nécessaire pour que plus jamais tu ne heurtes le sol; ton coeur se doit de continuer de battre))

Le monde;
sous vos pieds
(s’effondrait) - mais vous étiez inaccessibles. Ou peut-être étais-tu trop accessible. De sa douceur, de sa compassion - de sa présence et du baume sur le coeur s’instauraient la crainte des souvenirs effacés. Le soleil qui brillait au loin blessait les yeux, effrayait le coeur enfermé, et étouffait les échos de vos cris. De vos promesses. Tu ne pouvais pas. Tu ne pouvais pas abandonner la voix suppliante qui résonnait dans tes souvenirs, tu ne pouvais pas laisser de côté les promesses murmurées sur l’oreiller; sous les étoiles confiantes qui vous observaient. Les étoiles allaient le savoir - et quelque part, elle allait le savoir.
((Vous aviez juré au monde;
votre perte)) et jamais tu ne pourrais accepter de devenir le cliché dont vous vous moquiez éperdument ensemble.
Avancer, c’était pour les personnes fortes - avancer, c’était pour les autres. Ça n’avait jamais été pour vous deux.

Sous les portes closes, entre les démons que vous partagiez, ton colocataire et toi, tu laissais s’envoler les craintes - et sur tes lèvres asséchées mourraient tes propres promesses d’un avenir lointain, d’un avenir inexistant.
Ici, dans ce parc, c’était l’espoir qui cherchait à reprendre place, reprendre la course - briller trop fort pour tes yeux adaptés à la noirceur de ton existence et aux chaînes qui tenaient éloignées les autres personnes. Helia était là, Helia semblait presque essayer de les forcer et soudainement, tu ne voulais plus la protéger elle, mais toi. Toi et les souvenirs, toi et Eloise, toi et vos promesses. Comment pourrais-tu laisser entrer la vie dans une existence où la mort prédominait ?
Treize
Les deux pieds sur le pont, sur le rebord, au moindre coup de vent, tout s’envole et tout s’écrase. Mais tu étais aux côtés d’Helia, à te promener sagement. À discuter. À sourire. Et à t’assurer qu’elle souriait. Parce que les autres avaient toujours été plus importants que toi. “Je te conseille le Parc du Saule du coup ! Tu feras un tour à mon refuge.” Ou peut-être serait-ce mieux qu’elle s’en tienne éloignée; qu’elle se tienne éloigner.
Tu ne pouvais que détruire la beauté de ce monde, et tout ce qui possédait une once de perfection, entre tes mains, se fânait.

Doux rire qui s’échappa d’entre tes lèvres; témoin de cette envie violente de simplement profiter de l’instant présent - mais il te fallait toujours tout second guess sans jamais la moindre pause, le moindre instant de recul. La moindre véritable respiration. “Les pokémons peuvent définitivement être mesquins ! Mais moi aussi je suis convaincue qu’ils t’apprécient. Simplement… ils apprécient encore plus la nourriture !” Clin d’oeil si discret. Parfois, il t’était naturel de taquiner les autres et tu espérais soudainement qu’elle ne le prenne pas mal. Qu’elle ne se renferme pas, à son tour. Qu’elle ne creuse pas le fossé que tu avais toi-même commencé à imposer, qu’elle ne construise pas aussi le mur.
((Tu avais peur de perdre la douceur
qu’elle t’offrait))

your heart for takeaway

Ta tête qui s’incline légèrement quand elle te parle de ce pensionnaire qui lui manque, de ce pensionnaire qu’elle aimait tout particulièrement. Il avait donc été confié à un refuge dans une autre ville. Tu te promis de faire quelques recherches, pour pouvoir lui apporter des réponses. Ne pas savoir était horrible et tu ne le savais que trop bien. “Je suis sûre qu’il va très bien.” Enfin, tu ne pouvais que l’espérer.
Toi aussi, tu n’habitais pas si loin, auparavant, de ton refuge. Quand tu étais encore chez Ellende et Lilith, ce n’était pas trop loin. Bien entendu, maintenant, à Mirawen, c’était une autre histoire, mais le trajet ne te dérangeait pas. Les écouteurs dans les oreilles, tes pokémons avec toi - le trajet était paisible. Un moment de paix volé au chaos de ta vie. “Non ! Mais j’aimerais beaucoup en avoir un.” Comme sans doute tous les autres pokémons insectes, parce que tu aimais tellement les insectes. Mais ça viendrait. En temps et en heure.
Et le soleil qui vous accompagnait - la discussion qui se prolongeait. Fluide. Quelques moments de silence inévitables. Tu respirais. C’était un autre moment de paix arraché. Une paix précaire et incertaine, assombrie par les ombres de tes pensées et de tes craintes; par le manque qui t’étouffait et les souvenirs qui entouraient ta gorge.
((Les promesses
d’une autre vie - d’une autre mort;
les promesses de dégradation))
que tu ne pouvais pas oublier.
Tu lui avais posé des questions, elle avait répondu; elle en avait posé d’autres - tu avais répondu tout en enchaînant. Pour la connaître toujours un peu plus, pour t’enfoncer dans la douceur de sa présence et de ses paroles, de ce qu’elle dégageait et de la fragilité que tu ressentais, que tu voulais protéger (tout en sachant que t’allais devoir la protéger de toi et de ta propre violence). Tu serais son phare, comme tu étais le phare pour tous les âmes égarées que tu avais croisé - tu les attirais. Tu les avais toujours attiré et tu ne pouvais pas t’empêcher de vouloir les sauver. Tu voulais la sauver et que les cicatrices à ses poignets ne soient pour toujours rien d’autres que des cicatrices.

Le mouvement de la balançoire et le soleil qui descendait; le temps passait et tu ne t’en souciais pas. Le moment était agréable et tu voulais le prolonger. Tu aimais lui parler.

j’attraperais ta main;
je te guiderais dans la lumière;
pour toujours tu pourras y rester
et te reposer sur moi quand
l’obscurité cherche à revenir