Il ne savait pas trop ce qu’il faisait. Il avait trouvé cette feuille de papier, l’avait passé sous divers traitements pour essayer d’en récupérer quelque chose… en vain. Il n’avait rien trouvé. La feuille de papier était inutilisable en dehors des noms écrits : Cayden et Callum. Comment… comment pouvait-il seulement accepter si peu d’informations ? Mais peu était toujours mieux que pas du tout. C’était très clairement une avancée dont il ne pouvait se plaindre.
Il avait pu en déchiffrer une date, aussi… le papier datait d’il y a environ deux ans. Ainsi, soit elle était encore vivante il y a deux ans, soit quelqu’un avait une feuille lui appartenant et l’avait échappé. Dans les deux cas, c’était une piste pour la retrouver… vivante, ou morte.

D’une main malhabile, il avait attrapé son téléphone pour composer le numéro d’un “collègue”. C’était un officier de police qui lui avait demandé quelques analyses sur un cas autrefois, des analyses qu’ils n’auraient pas du faire pour des raisons obscures que Cayden n’avait pas demandé. Ainsi, cette personne lui devait depuis toujours un service que le scientifique allait aujourd’hui réclamer. Il avait besoin de voir si les empreintes qu’il avait eu la chance de trouver sur la feuille de papier étaient dans le système.
Mais il ne savait pas si ça allait donner quelque chose. Vraiment, il ne savait pas du tout, il ne pouvait que se tenir aux fragments d’espoirs qui lui restaient. Très peu, en soi.

Il avait distraitement flatté Vénus qui se tenait sur son épaule alors qu’il se tourna vers son ordinateur, décida de tout éteindre et de retourner à cette fameuse grotte.
Seul - parce que c’était toujours ainsi qu’il était. En fait, non, pas exactement. Depuis quelques temps, il se sentait un peu plus proche de Ketty, et elle était vraiment une présence douce et apaisante à ses côtés, si bien qu’il allait la voir bientôt pour qu’elle lui apprenne à cuisiner. Clairement, Cayden était l’archétype de l’homme célibataire quand venait la notion de cuisine. C’était soit des plats cuisinés, soit les commandes de restaurant (mais pas du fastfood, Cayden en avait horreur). Le fast-food lui rappelait un peu trop son frère.

Il avait pris son auto pour conduire jusqu’à la grotte en soupirant légèrement. Parfois, il se demandait à quoi tout ça rimait - jusqu’à où ça allait lui mener.
C’était douloureux - c’était épuisant. Mais il ne pouvait juste pas lâcher l’affaire tant que le cas ne serait pas résolu. Parce que ne pas savoir était pire que tout. L’absence de réponse était pire que tout et il n’avait jamais pu le supporter.
Alors le voici qui avançait dans cette grotte avec Vénus sur son épaule, le voici qui se demandait si ses recherches aboutiraient un jour.

Quand les sirènes de police avaient brisé la tranquillité de Windoria, cette soirée-là, leur vie avait été complètement effacée et sa parole s’était envolée. Il n’avait plus su pourquoi parler, comment parler - s’enfermant dans un silence inquiétant ses parents. Mais tout ça, ça n’avait pas eu d’importance parce que Célica n’était plus là. Et Callum et lui n’étaient plus rien. Ils n’avaient pas su être deux - ils avaient toujours été trois, leur retirer une maille avait tout détruit la pièce qu’ensemble, ils formaient.
Cayden avait tout simplement besoin de savoir. Savoir si elle était encore là quelque part, savoir ce qui était arrivé - savoir pourquoi elle n’était plus là et pourquoi son fantôme le poursuivait un peu partout. Parce qu’il ne pouvait s’empêcher de la voir à chaque coin de rues.
Mais il savait, tout au fond de lui, que les chances de survie d’un kidnapping se résumaient à 48h après les événements.

48h de survie - mais il était évident que Célica avait dépassé les 48h de survie avec la feuille qu'il avait retrouvé. Est-ce qu'il y avait une chance qu'elle soit encore en vie ? Non. Il ne pouvait pas se faire de faux espoirs. Il n'avait pas le droit de se faire de faux espoirs - il ne pouvait même pas y croire quand l'affaire avait été classée en non-résolue par la police.
Il avait cherché, dépoussiéré des documents, il avait été dans des zones sombres, parlé à des personnes peu recommandables pour obtenir quelques services - quelques moyens d'avancer dans ses propres recherches, sans jamais rien trouver. Alors il ne pouvait pas croire que sa soeur respirait toujours aujourd'hui.

Mais il voulait savoir ce qui s'était passé.

Il voulait savoir pourquoi il ne pouvait plus la tenir dans ses bras, pourquoi il ne pouvait pas essuyer ses larmes, pourquoi il ne pouvait plus rire avec elle. Cayden n'avait plus ri depuis tellement de temps - il n'avait plus ri depuis qu'elle n'était plus là. Il ne connaissait plus le rire, la joie, il ne connaissait plus que le silence dans lequel il vivait, dans la froideur d'un quotidien.
Cayden avait laissé un soupir s'échapper de ses lèvres en jetant un regard à Vénus qui était toujours sur son épaule. Il ne savait pas pourquoi il s'acharnait, il savait seulement qu'il ne pouvait pas abandonner tant qu'il n'avait pas trouvé une réponse.

Un bruit le tira de ses pensées alors que son regard se posa sur un pokémon qui était dans les parages. Il avait légèrement haussé les épaules sans lui prêter davantage d'attention. Il n'était pas venu pour les pokémons - il était venu pour explorer un peu plus l'endroit où il avait trouvé la feuille pour voir s'il n'y avait pas quelque chose de plus.
Cayden s'était accroupi un peu plus loin et avait dégagé la neige sur le sol. Bien entendu, le scientifique avait des gants - non seulement pour éviter de mettre ses empreintes que pour ne pas se glacer les mains.

Il se demandait s'il allait trouver quelque chose.
Il se demandait s'il allait un jour savoir.

De quelques services rendus; en obtenir des faveurs - parce que Cayden n'hésitait pas à s'abaisser à quelques appels clandestins pour avancer dans une recherche qui pourrait tout faire déraper.
Qui pouvait décider de son sourire - ou de sa colère, et dans tout le sang froid dont il avait toujours fait preuve, ses mains qui tremblaient alors que ses mains prenaient son sac, et qu'il en sortait des pelles, et des gants. Alors qu'il se mettait à fouiller la neige, à creuser, à faire attention, et que Vénus, sur son épaule, demeurait à sa place - sans jamais prendre plus de place que ce qui lui était autorisée - que ce qu'elle devait prendre.

Il y avait longtemps que son regard n'avait plus brillé de la même force que les étoiles d'un ciel qu'il ne contemplait désormais plus qu'au moyen d'une fenêtre close, barricadée.
Il y avait longtemps que ses lèvre ne s'étaient plus étirés dans un sourire sincère, un sourire radieux - que ce sourire avait fané, désormais uniquement faible, affaibli et fatigué - d'une douceur, d'une absence - qu'il ne rayonnait plus.
Si longtemps que son rire n'avait plus résonné dans les environs - si bien que Cayden ne savait plus s'il était encore en mesure de rire.

Mais pour l'heure ; son ancien rire n'était même pas dans ses pensées et tout ce qui importait était de se concentrer. Tout ce qui était important, c'était de trouver peut-être des empreintes (mais sans doute qu'il était bien trop tard pour une telle chance) ou n'importe quoi qui lui permettrait de remonter sur les traces de sa soeur.
N'importe quoi qui lui donnait une perche pour aller trouver une nouvelle information, pour doucement, remettre les morceaux d'un puzzle possédant trop de pièces - en place. Il n'avait jamais laissé le désespoir s'emparer de lui - il n'avait jamais accepté de plonger dans le découragement; il n'avait pas eu la passivité de Callum et refusait de s'avouer vaincu.
Que Celica soit en vie ou que son esprit les surveille (si seulement c'était possible) - peu importe le sort qu'Arceus lui avait résonné - si seulement telles étaient les capacités d'Arceus - Cayden avait besoin de savoir ce qui s'était produit. Et de savoir qui leur avait arraché la soeur qui composait un trio - qui lui avait arraché sa famille; et détruit son existence entière.
Parce que de trois ils étaient devenus un -
et Cayden avait besoin de savoir qui blâmer pour ce déroulement - pour ce dénouement. Il lui fallait la conclusion, les explications ; à défaut d'avoir une solution.

Alors d'une main un peu plus assurée alors qu'uniquement le souffle du vent l'accompagnait, Cayden continuait de tasser la neige, de chercher quelque chose.
Parce que la nature était les seuls bruits qui accompagnaient son quotidien qui s'était plongé dans un silence si lourd depuis qu'elle n'était plus là. Pas de musique, pas de bruits de fond - seulement un silence qui l'aidait à se concentrer sur ce qu'il faisait.