de fièvre et de rage. ❞
avec akari
Blanc.
Du blanc à l'infini – immaculé en impression brûlante sur les rétines. De l'étendue lisse à mes pieds jusqu'aux amoncellements de nuages gris au dessus de nos têtes, j'avais la sensation de ne plus avancer depuis des heures. C'était comme marcher sans but, mettre un pied devant l'autre mais sans savoir au nom de quel objectif.
Le jour était à son zénith, mon souffle court et mes mollets brûlants. Les épaules tiraillées par les bretelles d'un sac paré à toutes éventualités, je sentais la lassitude me gagner. J'avais grimpé dans le premier train presque sur un coup de tête, à peine laissé un post-it sur le coin de l'évier, sous prétexte d'une ambition plus grande que celle qui m'animait réellement. La première nuit avait été paisible et la seconde un peu plus rude – je m'étais enfoncé entre les reliefs de la mâchoire de fer avec une appréhension qui s'était tarie au fil des heures.
Je me sentais… dépossédé. Dépossédé de fièvre et de rage ; j'avançais à l'aveugle, sifflant entre mes dents que je refusais d'être de nouveau impuissant, mais ne répondaient à mes prières mauvaises que les bruits silencieux étouffés par la neige. Si les dieux de ce monde existaient, alors ils m'avaient abandonné – je n'étais pourtant pas le plus agnostique des fous parmi les sages ; j'attendais la preuve, j'attendais l'étincelle. J'attendais qu'on me prouve qu'on n'est pas tout seul sur cette putain de terre sainte ou souillée, ou bien qu'on me donne la force de continuer. J'attendais le grand plongeon ou l'intense vertige ; j'attendais qu'on redessine des étoiles dans le ciel de mes nuits indociles…
Mais rien ; pas l'ombre des astres qui m'avaient tant veillé.
Qu'espérais-je trouver, au milieu de cette étendue de rien ; qu'espérais-je brûler, dans ces neiges éternelles et ces glaces ineffables ?
Loin devant moi, Eden avançait d'un pas sûr. Il était ici chez lui – c'était dans ces montagnes hostiles que je l'avais trouvé. Qu'il avait croisé ma route et ne s'en était plus écarté. Le territoire lui était familier – c'était lui, plus que moi, qui guidait nos pas à présent que nous nous étions éloignés des sentiers battus qui m'étaient familiers puisque je les avais fréquentés avec mon père. J'évoluais désormais par instinct, emboîté dans la progression sereine de l'Absol. Rhapsodie, à mes côtés, régulièrement forcé de bondir pour dépasser les monticules de neige qui lui barraient la route, s'épuisait visiblement presque aussi vite que moi. Ombrage et Athéna, elles, attendaient paisiblement leur heure, enfermées dans leurs Pokéballs, bien que je les aurais préférées libres d'aller et venir à leur guise. L'endroit n'était pas à l'avantage de mon jeune dragon, et je craignais encore un peu l'animosité tamisée de ma Magirêve indocile.
J'attendais un signe, qui me dirait qu'on était arrivés – j'ignorais pourtant où j'allais… J'avais simplement décidé que je n'étais pas perdu. Qu'un objectif se trouvait bien là, quelque part, au bout du chemin. Peu importait combien de temps il durait.
Le soleil entamait sa descente précipitée par l'hiver dans le ciel, plongeant doucement les plaines dans une pénombre exacerbée par la couverture de nuages qui soustrayait notre progression à ses rayons, lorsqu'Eden s'était immobilisé. Les muscles bandés, le cou tendu et la gueule ouverte, il semblait humer quelque chose qui, alors, m'échappait encore. Rhapsodie, peu après, avait à son tour ralenti, les oreilles agitées et le même air perplexe dans l'attitude.
Et puis, le ventre à terre et les oreilles couchées, il s'était élancé en direction d'un amas sombre, inerte, sur le prochain flanc que nous étions supposés longer (aval battu par un vent froid qui s'élevait doucement ; bourrasques de plus en plus puissantes à mesure que les heures s'écoulaient), et que je n'avais tout d'abord pris que pour un rocher dénudé.
Les sourcils froncés et brusquement inquiet, j'avais à mon tour pressé le pas, forçant ma progression en dépit de la neige durcie par l'air humide et les températures en chute libre. À mesure que les mètres étaient avalés, la forme immobile se précisait – et, si Eden s'était déjà approché presque au plus près, Rhapsodie, lui, conservait avec notre objectif une distance précautionneuse. J'avais manqué trébucher, perturbé dans ma course maladroite par la réalisation soudaine de ce qui gisait là, à quelques foulées de moi…
Un corps humain, entouré de neige tassée qui semblait entremêler des pas indistincts. Pas l'ombre d'une gerbe de sang, mais les froissements des tissus et l'inertie de l'homme étaient inquiétants, et…
J'avais jeté un œil alentours, inquiet qu'il puisse s'agir d'une embuscade quelconque. Mais pas l'ombre d'un mouvement à l'horizon, sur les plaines et les rocailles infinies… Et puis, mes pas m'avaient enfin portés suffisamment près pour que mes prunelles tombent sur le visage du rescapé, et il m'avait semblait que, sous le choc, mon souffle s'en était trouvé un instant coupé. «AKARI ! » J'avais laissé tomber mon sac dans la neige, m'accroupissant au terme de mes dernières foulées empressées au chevet de celui que je venais finalement de reconnaître.
(J'en rirai plus tard ; ironisant comme le destin était drôlement fait…)
«Akari ! » Toujours pas l'ombre d'une plaie béante – et j'ignorais si ce constat me rassurait tout à fait. Était-il tombé ? S'était-il brisé quelque chose ? On m'avait appris qu'il n'était que rarement bon de déplacer un blessé… Mais je savais, sans l'ombre d'un doute, qu'aucun secours ne viendrait nous trouver à temps, et que rester ici sans le moindre mouvement n'aurait d'autre effet que de nous condamner tous les deux… C'était un pari risqué, mais le seul qui valait la peine d'être tenté.
J'avais retiré un gant, grimaçant malgré moi à la morsure soudaine de l'hiver, et avais glissé mes doigts quelque part à la base de l'un de ses poignets. Sa peau n'était pas si froide que je l'avais craint, et son pouls pulsait avec une régularité rassurante. Son inconscience n'était, finalement, peut-être pas due à l'hypothermie qui m'inquiétait… Bien qu'elle ne tarderait pas à se faire sentir si nous nous attardions dans cette étendue blanche et sans fin.
Rhapsodie s'était approché, reniflant de plus près l'effluve qui ne lui était pas non plus inconnue, et moi j'avais osé un regard alentour. Pas l'ombre d'un Yukan, non plus… «Akari. » Ma voix s'était raffermie, sans que je sache bien si elle l'atteignait, tandis qu'avec le plus grand soin dont j'étais capable à l'égard de sa nuque, je le redressais pour l'écarter de cette neige avide qui, qu'importaient les couches de vêtements chauds, aurait tôt fait dérober toute chaleur à un corps immobile. « Eden... » L'Absol s'était approché, s'offrant, tandis que je me redressais aussi, en soutien solide à ce poids mort que j'osais espérer bientôt revenu à lui. J'ignorais combien de temps je serais capable d'avancer, le poids de mon sac ajouté à celui du rescapé, à destination de la prochaine faille dans la roche qui nous servirait d'abri au confort tout à fait discutable…
L'après-midi et son obscurité croissante, eux, continuaient d'avancer ; le mistral, de plus en plus froid, de souffler.
Insouciants quant à nos détresses humaines – insensibles à mon cœur battant d'une inquiétude asphyxiée.
Du blanc à l'infini – immaculé en impression brûlante sur les rétines. De l'étendue lisse à mes pieds jusqu'aux amoncellements de nuages gris au dessus de nos têtes, j'avais la sensation de ne plus avancer depuis des heures. C'était comme marcher sans but, mettre un pied devant l'autre mais sans savoir au nom de quel objectif.
Le jour était à son zénith, mon souffle court et mes mollets brûlants. Les épaules tiraillées par les bretelles d'un sac paré à toutes éventualités, je sentais la lassitude me gagner. J'avais grimpé dans le premier train presque sur un coup de tête, à peine laissé un post-it sur le coin de l'évier, sous prétexte d'une ambition plus grande que celle qui m'animait réellement. La première nuit avait été paisible et la seconde un peu plus rude – je m'étais enfoncé entre les reliefs de la mâchoire de fer avec une appréhension qui s'était tarie au fil des heures.
Je me sentais… dépossédé. Dépossédé de fièvre et de rage ; j'avançais à l'aveugle, sifflant entre mes dents que je refusais d'être de nouveau impuissant, mais ne répondaient à mes prières mauvaises que les bruits silencieux étouffés par la neige. Si les dieux de ce monde existaient, alors ils m'avaient abandonné – je n'étais pourtant pas le plus agnostique des fous parmi les sages ; j'attendais la preuve, j'attendais l'étincelle. J'attendais qu'on me prouve qu'on n'est pas tout seul sur cette putain de terre sainte ou souillée, ou bien qu'on me donne la force de continuer. J'attendais le grand plongeon ou l'intense vertige ; j'attendais qu'on redessine des étoiles dans le ciel de mes nuits indociles…
Mais rien ; pas l'ombre des astres qui m'avaient tant veillé.
Qu'espérais-je trouver, au milieu de cette étendue de rien ; qu'espérais-je brûler, dans ces neiges éternelles et ces glaces ineffables ?
Loin devant moi, Eden avançait d'un pas sûr. Il était ici chez lui – c'était dans ces montagnes hostiles que je l'avais trouvé. Qu'il avait croisé ma route et ne s'en était plus écarté. Le territoire lui était familier – c'était lui, plus que moi, qui guidait nos pas à présent que nous nous étions éloignés des sentiers battus qui m'étaient familiers puisque je les avais fréquentés avec mon père. J'évoluais désormais par instinct, emboîté dans la progression sereine de l'Absol. Rhapsodie, à mes côtés, régulièrement forcé de bondir pour dépasser les monticules de neige qui lui barraient la route, s'épuisait visiblement presque aussi vite que moi. Ombrage et Athéna, elles, attendaient paisiblement leur heure, enfermées dans leurs Pokéballs, bien que je les aurais préférées libres d'aller et venir à leur guise. L'endroit n'était pas à l'avantage de mon jeune dragon, et je craignais encore un peu l'animosité tamisée de ma Magirêve indocile.
J'attendais un signe, qui me dirait qu'on était arrivés – j'ignorais pourtant où j'allais… J'avais simplement décidé que je n'étais pas perdu. Qu'un objectif se trouvait bien là, quelque part, au bout du chemin. Peu importait combien de temps il durait.
Le soleil entamait sa descente précipitée par l'hiver dans le ciel, plongeant doucement les plaines dans une pénombre exacerbée par la couverture de nuages qui soustrayait notre progression à ses rayons, lorsqu'Eden s'était immobilisé. Les muscles bandés, le cou tendu et la gueule ouverte, il semblait humer quelque chose qui, alors, m'échappait encore. Rhapsodie, peu après, avait à son tour ralenti, les oreilles agitées et le même air perplexe dans l'attitude.
Et puis, le ventre à terre et les oreilles couchées, il s'était élancé en direction d'un amas sombre, inerte, sur le prochain flanc que nous étions supposés longer (aval battu par un vent froid qui s'élevait doucement ; bourrasques de plus en plus puissantes à mesure que les heures s'écoulaient), et que je n'avais tout d'abord pris que pour un rocher dénudé.
Les sourcils froncés et brusquement inquiet, j'avais à mon tour pressé le pas, forçant ma progression en dépit de la neige durcie par l'air humide et les températures en chute libre. À mesure que les mètres étaient avalés, la forme immobile se précisait – et, si Eden s'était déjà approché presque au plus près, Rhapsodie, lui, conservait avec notre objectif une distance précautionneuse. J'avais manqué trébucher, perturbé dans ma course maladroite par la réalisation soudaine de ce qui gisait là, à quelques foulées de moi…
Un corps humain, entouré de neige tassée qui semblait entremêler des pas indistincts. Pas l'ombre d'une gerbe de sang, mais les froissements des tissus et l'inertie de l'homme étaient inquiétants, et…
J'avais jeté un œil alentours, inquiet qu'il puisse s'agir d'une embuscade quelconque. Mais pas l'ombre d'un mouvement à l'horizon, sur les plaines et les rocailles infinies… Et puis, mes pas m'avaient enfin portés suffisamment près pour que mes prunelles tombent sur le visage du rescapé, et il m'avait semblait que, sous le choc, mon souffle s'en était trouvé un instant coupé. «
(J'en rirai plus tard ; ironisant comme le destin était drôlement fait…)
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J'avais retiré un gant, grimaçant malgré moi à la morsure soudaine de l'hiver, et avais glissé mes doigts quelque part à la base de l'un de ses poignets. Sa peau n'était pas si froide que je l'avais craint, et son pouls pulsait avec une régularité rassurante. Son inconscience n'était, finalement, peut-être pas due à l'hypothermie qui m'inquiétait… Bien qu'elle ne tarderait pas à se faire sentir si nous nous attardions dans cette étendue blanche et sans fin.
Rhapsodie s'était approché, reniflant de plus près l'effluve qui ne lui était pas non plus inconnue, et moi j'avais osé un regard alentour. Pas l'ombre d'un Yukan, non plus… «
L'après-midi et son obscurité croissante, eux, continuaient d'avancer ; le mistral, de plus en plus froid, de souffler.
Insouciants quant à nos détresses humaines – insensibles à mon cœur battant d'une inquiétude asphyxiée.
▬ enjoy ♥