« Tu peux toujours t'en aller, Stan. » Mimiques lasses  – tu lui avais répondu d'un ton froid ; restant de glace et soupirant alors que tu n'étais pas plus enchantée que ton ami de descendre dans ces égouts putrides. L'odeur ne te plaisait pas, mais tu t'y étais presque habituée, avec le temps.
Les bouches d'égouts étaient un échappatoire efficace. Un moyen de te faufiler. Un moyen de sauver ta peau, encore et encore.
Ce n'était pas glorieux. C'était même répugnant ; le fait que tu aies décidé de t'y aventurer de ton plein gré, et non sous l'effet de pression, résultait sans doute du miracle. Ça t'emmerdait et l'idée te causait un ennui mortel, une répulsion. Tu savais qu'il ne pouvait pas dire non et tu en avais profité, oui.
Tu n'essayais même pas de le cacher. « Mais tu vas rester, pas vrai ? Je sais que tu vas rester. » Tu ne savais pas pourquoi, ni comment.
Il avait les mots. Les mots pour te donner un semblant de sourire, il avait cette personnalité qui te donnait envie d'espérer. Tu espérais qu'il soit quelqu'un sur qui tu pouvais compter, un minimum. Au moins un peu. Juste assez pour pouvoir dormir la nuit. Tu n'y croyais pas vraiment mais au fond de toi, tu t'accrochais. Tu t'accrochais à cette corde raide qui te faisait mal aux mains. Tu en avais des échardes, mais tu t'accrochais.

« Attends d'être en bas pour dégueuler, au moins ça se mêlera au décor. »

Tu avais entamé ta descente.
Descente aux enfers ? Sans doute. L'odeur devait être à peu près similaire dans les deux endroits. Tu ne bouchais pas ton nez parce que tu voulais vite t'habituer à ce parfum de déchets humains. Tu espérais que ton... aventure, avec le masqué, ne s'éternise pas. Tu avais beau préférer les endroits isolés, tu pouvais trouver mieux dans le domaine. Tu soupirais. L'idée du masque était intelligente. Tu ne le diras pas, mais tu le pensais. Tu allais devoir te contenter de réguler ta respiration pour ne pas tomber dans les vapes, et surtout, essayer de ne pas tomber malade.
Mais tu devais aller jusqu'au bout.
Certains spécialistes disaient que les Pokémons félins avaient un effet bénéfique sur certaines personnes. Ils appelaient ça de la pokéthérapie... quelque chose dans le genre, tu n'avais rien retenu. Tu savais simplement que ce vide sombre et incessant qui sommeillait en toi commençait à te rendre folle. Tu avais besoin de faire quelque chose et si tu ne voulais pas trouver d'aide professionnelle, de l'aide humaine, tu allais t'aventurer chez le règne animal.

« C'est ta dernière chance de faire demi-tour. »

Les pieds dans la merde – littéralement ou presque – tu étais parée à entamer les recherches. Tu ne savais absolument pas par où commencer – en général, lorsque tu t'aventurais dans le coin, tu faisais en sorte d'en sortir rapidement.
Mais là, c'était une autre paire de manches. Tu devais trouver le seul chat qui possédait un tempérament semblable au tiens, selon le pokédex mondial. Des dresseurs disaient en avoir vu dans les égouts, sans trop comprendre pourquoi ils se réfugiaient ici – tu savais que tes chances d'en trouver un étaient... existantes. Ça te suffisait pour essayer.
Et franchement ? Pour une fois dans ta vie, tu étais ravie de ne pas être seule.
Cet endroit était glauque à souhait.

Ceci dit, si Stanislas désirait partir, tu ne le retiendras pas.
Mais tu ne l'oublieras pas.

Je pRéFèRE qUaNd Tu PrONoNcEs MoN pRéNoM eN eNtiEr, qu'il disait. Il avait un prénom en trois syllabes et il croyait que tu allais te faire chier à le prononcer entièrement à chaque fois ? Il allait prendre son mal en patience. Et puis, Stan était aussi un prénom existant. Ce n'était pas comme si tu avais commencé à le surnommer Stanou ou une connerie du genre. Tu le trouvais bien râleur, le type. Mais malgré son caractère, sa présence douce-amère te semblait plus agréable que ton habituelle solitude. Pour je ne sais quelle raison. C'était ainsi.

« Tu sais ce qu'elle te dit, ma langue ? » Tu le lui avais tiré. C'était sans doute l'acte le plus enfantin que tu avais commis depuis des années. Mais ce n'était pas comme si tu pouvais faire bien des choses menaçantes avec une langue... Les moyens du bord, comme on dit.
Tu ignorais ses complaintes tout en continuant ta descente aux enfers et, comme tu l'avais deviné, le jeune homme ne se résignait pas. Il était comme ça, Stanislas. Il te suivait jusqu'au bout, peu importe dans quelle merde tu pouvais bien le trimballer.
Et franchement ? Il avait su gagner ton respect, petit à petit. Peut-être y avait-il un soupçon de reconnaissance ? Tu ne l'avoueras sans doute jamais – il fallait dire que tu n'appréciais pas beaucoup la race humaine en général. Croire qu'il y avait des exceptions te paraissait difficile à expliquer.

Le pays des merveilles devant vos yeux, il avait fallu à peine quelques minutes avant que vous tombiez nez à nez avec le fameux Pokémon que tu désirais rencontrer. Un Flamiaou. Tu ne t'attendais pas à ce que votre escapade soit si courte, mais honnêtement, ça t'arrangeait. L'odeur nauséabonde te piquait le nez et elle menaçait de se rendre jusqu'aux cellules de ton cerveau. Tu n'avais pas pour objectif de tomber dans les pommes aujourd'hui, alors tu allais devoir faire vite...
Mais ce chat là, il semblait pas du tout dans son état normal. Tu ne l'avais jamais vu et pourtant ce n'était pas bien difficile à deviner.

« Stan... pas de mouvements brusques. Il ne faut pas qu'il prenne peur. On dit que ces Pokémons sont plutôt agressifs. »

Si tu t'inquiétais du sort de ton partenaire ? Un peu...
Il faut dire qu'il n'avait pas hérité de la meilleure des santé. Tu connaissais une autre personne, pour qui sa santé lui aura été fatale. Non. Tu n'avais pas forcément envie que Stan se prenne des égratignures à la pelle et qu'il choppe une connerie comme le pokétanos. Mais surtout, tu ne voulais pas que ton futur Pokémon ne prenne la fuite.

Mais comment devais-tu t'y prendre pour gagner la confiance de ce félin ?

Toi-même tu ne faisais confiance à personne, alors tu ne savais pas comment t'y prendre. Sans doute n'y arriverais-tu pas. Mais balancer une pokéball en pleine tête de la créature te paraissait un poil bourrin. Tu pouvais l'être avec les humains, mais les Pokémons ne t'avaient rien fait... pour le moment.
C'était le moment d'envoyer ta botte secrète ; Seam.
Charmeur et ayant plus d'un tour dans son sac, il savait user de ses grognements pour se faire entendre. Peut-être parviendra-t-il à intéragir avec la bestiole. Tu avais plus confiance en ton renard blanc qu'en toi-même, pour cette mission.

« Putain, l'odeur est pire que dans mes souvenirs... J'espère que Seam saura le convaincre de nous suivre... rapidement. »

Tu allais devoir prendre trois douches, minimum.
Mais tu allais peut-être avoir un nouvel ami. C'était... bizarre de voir les choses sous cet angle. Vraiment Holly, tu étais en train de te ramollir avec ces histoires de Pokémons. Peut-être que c'était pour le mieux.

Stanislas n'était certes pas le plus brillant, mais tu ne t'attendais pas à ce qu'il ignore complètement ton avertissement pour tenter d'effrayer le Pokémon devant lui. Il était sérieux, là ?
Non seulement il provoquait un Flamiaou - ce qui n'était en aucun cas conseillé par n'importe quel expert en dressage Pokémon, mais en plus, il se mettait à risque d'une attaque, tout en menaçant de faire foirer ta tentative de capture. Ce mec avait été bercé trop près du mur lorsqu'il était mioche, il n'y avait pas d'autres explications.

« T'es vraiment con Stan... »

Tu commençais à regretter de l'avoir trimballé avec toi. Tu savais qu'il était pas enthousiaste à l'idée de faire trempette dans les égouts - tu ne l'étais pas non plus - mais bordel, il pouvait pas faire un effort ?

« Attends, t'envoies vraiment ton glaçon sur pattes contre un Pokémon de type feu, là ? C'est quoi, t'as soif et t'as envie d'un verre d'eau ? »

Tu aimais bien Stella. Elle ne méritait pas de se faire envoyer à l'abattoir ainsi. Tu soupirais... Tout se passait bien et il fallait que ton ami foire tout. Vous étiez sur le point de quitter les égouts rapidement mais au lieu de ça, tu allais devoir gérer une bagarre entre Stanislas et un Pokémon enragé. Et franchement... t'aimais bien Stan - parfois -, mais il avait pas la carrure pour affronter l'agressivité d'un Flamiaou. Ils avaient pas cette réputation pour rien. Et puis, c'était ton futur Pokémon, t'avais pas envie qu'il se fasse amocher sans raison. Non mais vraiment, déjà que vous aviez les pieds dans la merde, tu ne pensais pas que c'était possible de tremper dedans encore plus.

« Seam... essaye d'empêcher Flamiaou de tuer Stan, je vais aller chercher Stella avant qu'elle se noie. Parce que son dresseur est d'une débilité sans nom. »

Tu espérais que monsieur Rolsen avait bien entendu ta dernière phrase. Bordel que cet endroit puait. Mais t'allais pas laisser Stella mourir asphyxiée dans les égouts, ce serait inhumain - et même si tu ne te considérais pas tellement humaine, tu avais des principes, surtout en ce qui concernait les Pokémons. Tu allais avoir besoin d'une douche. Peut-être même de deux, ou trois. Tu allais devoir laver ton âme. Mais tu tenais Stella dans tes bras et alors que tu revenais vers le trio un peu plus loin, tu pouvais apercevoir que Stan avait reçu un coup de griffure, mais que Seam avait réussi à calmer le chat. Tu ne savais pas comment, et tu t'en fichais un peu. Pour empêcher que ça ne dérape encore plus, tu avais lancé une pokéball sur le Flamiaou pendant que ton Goupilou attirait son attention ailleurs.

« ... Alors, tu vas m'écouter la prochaine fois ? »

Oui. Ton ami était en train de saigner et au lieu de compatir, tu enfonçais le couteau dans la plaie. C'était bien toi, Holly. Mais en même temps, il l'avait bien cherché. Il avait fait à sa tête et il avait ce qu'il méritait. Et maintenant, vous alliez devoir vous rendre au centre Pokémon pour chercher de quoi désinfecter sa blessure. Quelle plaie... c'était le cas de le dire.
La bonne nouvelle, c'était que ta capture avait fonctionné. Tu étais désormais l'heureuse propriétaire d'un Flamiaou enragé. Tu étais ravie, mais tu n'avais pas le temps de te réjouir davantage pour le moment. Tu avais violemment attrapé la main de Stan afin qu'il se lève et qu'il te suive.

« Allez, faut s'occuper de ta putain de jambe. »

On avait connu plus attendrissant comme phrase... mais la vérité, c'était que tu t'inquiétais réellement pour sa blessure. Tu ne le diras jamais. Tu ne le démontreras pas non plus. Mais le simple fait que tu lui apportes ton aide était significatif. En ce moment, tu n'aurais qu'une envie ; laissez Stan ici et aller prendre une douche. Mais tu le feras après.
Mine de rien, tu allais ressentir de la culpabilité si tu laissais Stan seul avec le risque que sa plaie ne s'infecte. Les regrets... tu n'en voulais pas. Tu avais fait de nombreux mauvais choix dans ta vie, mais aucun que tu ne remettais vraiment en question. Pour le moment, du moins...

Bref. Maintenant, il fallait tenter de retrouver la sortie des égouts. Ce n'était pas la tâche la plus difficile, mais avec l'odeur qui devenait insupportable depuis que tu avais réquisitionné Stella, tu sentais tes sens se brouiller. Et merde...